LES SOLDATS D’AYWAILLE SOUS LA PERIODE FRANCAISE, une nouvelle publication d’ETIENNE COMPERE

La Petite Gazette du 27 décembre 2017

DES AQUALIENS ONT COMBATTU PARTOUT EN EUROPE DANS LES ARMEES FRANCAISES…

Dès septembre 1798, durant la période française, à Aywaille -comme dans toute la région- tous les hommes âgés de 20 à 25 ans sont soumis au « service militaire obligatoire permanent« . Ce service militaire a une durée de 5 ans et s’effectue soit par enrôlement volontaire soit par conscription, c’est-à-dire par tirage au sort.

Etienne Compère, sans doute le plus parfait connaisseur de la population aqualienne à travers les siècles, s’est intéressé à ces hommes dont le destin fut bouleversé par la loi Jourdan dont l’article 1 précise que « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la Patrie. » or les Aqualiens sont français depuis le 1er octobre 1795!

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Etienne Compère, chercheur rigoureux, minutieux et, surtout, passionné, s’est plongé dans les liasses d’archives communales, paroissiales et les registres de contrôle des troupes à la recherche de ces jeunes hommes d’Aywaille, de Remouchamps, de Harzé, d’Ernonheid et de Deigné dont il découvrit la trace sur tous les champs de bataille d’Europe. Au gré des pages de sa toute récente publication, l’auteur vous entraîne à Breslau, à Coblence, à Augsbourg, à Brême, en Saxe, en France, en Hollande, au Portugal, en Espagne, en Autriche et en Russie; dans les pas des fusiliers, des voltigeurs, des tirailleurs, des grenadiers, des canonniers, des sapeurs ou des gendarmes, près d’une centaine de jeunes hommes ayant abandonné nos vertes campagnes pour des contrées qu’ils n’avaient jamais imaginé fouler! Fidèle à son souci d’humanisme, Etienne Compère nous invite à partager des moments d’intimité familiale en nous donnant à connaître diverses lettres adressées par ces soldats à leurs parents, il nous plonge également dans les difficiles réalités provoquées par la conscription et qui poussèrent bien de ces jeunes gens à devenir des réfractaires ou des déserteurs, d’autres connurent le sort peu enviable des prisonniers de guerre ou des condamnés aux travaux forcés pour cause de désertion. D’intéressantes anecdotes viennent émailler ces petits récits de vie militaire : l’un de ces soldats aurait dialogué avec l’Empereur, un autre s’est vu étonnamment impliqué dans une affaire criminelle, nombre d’entre eux se verront décorer…

Ne négligeant aucun aspect du régime de la conscription, Etienne Compère s’est également intéressé à ceux qui ont échappé à ce long et dangereux service militaire parce qu’ils ont fourni un remplaçant, parce qu’ils étaient soit le fils aîné ou le fils unique d’une veuve, parce qu’ils étaient de trop faible constitution ou trop petits (15% d’entre eux) ou qu’ils présentaient une invalidité (28% !). Dans cette nouvelle publication (92 pages A4, très bien présentées), l’auteur pense bien entendu à vous fournir toutes les indications nécessaires à la juste perception de l’état d’esprit de cette période qui bouleverse toutes les ancestrales habitudes : prêtres de nos paroisses refusent de prêter le serment « de haine » constitutionnel, les règles régissant la conscription et le tirage au sort mais aussi les faits du quotidien qui font alors l’actualité (les réquisitions de chevaux, de charrettes, de voitures, de fourrage, de viande…), la chasse aux réfractaires et aux déserteurs et bien d’autres faits divers du temps.

Cette étonnante « photographie » de cette époque si particulière qui sanctionne la brutale transition entre l’ancien et le nouveau régime se doit de trouver place dans la bibliothèque de tout amateur de l’histoire de notre région. Pour l’acquérir, rien de plus simple : un versement de 25€ (port compris) sur le compte BE60 06187698 6070 d’Etienne Compère à 4920 Aywaille avec la communication « Conscrits d’Aywaille » et le livre vous sera très vite livré.

LA GREVE DE L’HIVER 1960-1961

La Petite Gazette du 23 février 2011

C’ETAIT IL Y A CINQUANTE ANS … LA GREVE DE L’HIVER 1960-1961

Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, s’il n’y est pas pris garde à temps, il ne sera plus possible de récolter les souvenirs de celles et de ceux qui furent témoins ou acteurs de ce grand mouvement social dont les répercussions sont toujours bel et bien d’actualité.

J’ai le projet, avec le P.A.C. Aywaille, de présenter, durant le printemps prochain, une exposition destinée à montrer et à expliquer cette grande grève et ses conséquences. Le tout semble bien connu car se développant dans une Belgique à l’infrastructure vieillie, même si l’Expo 58 et l’Atomium se voulaient des symboles de modernisation élevés pourtant à la veille d’une importante récession qui, en 58-59, verra une hausse rapide du chômage dans les secteurs du charbon, véritable étincelle qui mit le feu aux poudres. En plus, 1960 sera l’année durant laquelle la Belgique perd le Congo et, avec lui, bien des rêves… Pour tenter de sortir de la crise, le gouvernement propose la loi unique qui devait permettre de rassembler les fonds nécessaires à la modernisation du pays dans le cadre des lois d’expansion économique. Elle aura surtout pour effet d’unifier la protestation ouvrière. La grève commença le 20 décembre 60 et dura cinq semaines. Son expansion fut très rapide au cours des deux premières semaines.

Si je vous rappelle cela, c’est dans le seul souhait de pouvoir compter sur vous pour rassembler des souvenirs et des renseignements sur la façon dont cette grève a été vécue, au quotidien,  dans nos régions.  Quelle était la situation dans les carrières, dans la construction, dans les transports, dans les écoles ? Quelles ont été ses conséquences dans l’approvisionnement des petits magasins de nos villages ?

En effet, si nous possédons de multiples témoignages sur le quotidien de la grève dans les bassins industriels, les témoignages sont rares pour le milieu rural. Vous qui avez des souvenirs de cet hiver si particulier, aurez-vous l’amabilité de les confier à La Petite Gazette ? Avez-vous des photos, ou d’autres documents, illustrant cette longue période d’agitation sociale dont les conséquences se firent évidemment ressentir dans nos campagnes également ?

Certain de pouvoir compter, sur ce sujet également, sur votre précieuse collaboration, je me réjouis déjà de prendre connaissance de tous ces souvenirs que vous voudrez bien me confier et vous en remercie.

La Petite Gazette du 9 mars 2011

DURANT LA GREVE DE 60 : UN SABOTAGE A REMOUCHAMPS !

Monsieur Alain Charlier, de Remouchamps, a réagi promptement à l’appel que je vous lançais à propos de vos souvenirs locaux de l’époque de la grande grève de 1960 et je lui en suis très reconnaissant. Voici ce qu’il me raconte :

« Concernant les grèves de 1960, malgré mon très jeune âge à l’époque (je suis né en 1955), je me souviens d’un « double attentat » qui eu lieu en pleine campagne. Il s’agit du dynamitage de poteaux électriques ; d’une part, un  » haute tension » métallique à proximité du  » promontoire » à Remouchamps et, d’autre part, un poteau en béton sis Thier de Nonceveux à Remouchamps. Celui-ci resta suspendu sur ses quatre fers à béton et fut réparé plus tard grâce à un coffrage.

Je n’ai hélas pas de documents photos pour illustrer ces évènements, conclut mon correspondant. »

Je vous rappelle que je suis en train de rassembler des informations, des souvenirs et des documents sur cette grande grève de 1960 et, plus particulièrement, sur la façon dont elle a été vécue en dehors des villes. J’aimerais, dans le cadre de ce projet, que vous m’aidiez à rassembler des documents, des souvenirs, des photos peut-être permettant de comprendre comment cette grève fut vécue hors des centres industriels urbains. Comment l’a-t-on vécue, ressentie ou subie dans nos campagnes ? Dans les carrières de l’Ourthe-Amblève ou du Condroz ? Au quotidien, comment a-t-elle affecté les transports, le ravitaillement de nos petits magasins de nos villages ? Tout ce que vous pourrez nous apprendre sur ces aspects méconnus de la plus grande grève de l’histoire de notre pays nous intéresse et devrait permettre de donner un éclairage original à cette période, peut-être la plus troublée de notre histoire sociale, et dont les conséquences font toujours l’actualité aujourd’hui.

Monsieur Hubert Goffinet, de Kin-Aywaille, m’a transmis une farde dans laquelle il avait soigneusement conservé et collé de nombreuses coupures e presse de cette grande grève à laquelle il participa. Il travaillait alors comme mécanicien dans un garage bien connu du quai des Grosses Battes à Liège, emploi qu’il ne retrouva d’ailleurs pas au lendemain de la grève ! Parmi les documents consultés, je relève qu’une manifestation des travailleurs de la pierre a eu lieu à Aywaille (sans doute à la fin du mois de décembre 1960), un articulet (sans doute extrait de Le Monde du travail) en parle en ces termes :

« A Aywaille, vers 10h., Robert Gilon a harangué plusieurs centaines de grévistes de la localité et de Comblain-au-Pont. Tous de rudes gars travailleurs de la pierre, entraînés à de telles manifestations de rue, puisque naguère encore en grève pour leurs conditions de travail.

Gilon a fait le procès de la loi unique et encouragé les commerçants dans leur solidarité envers les grévistes. La fin de l’exposé fut interrompue par l’arrivée de l’autobus de la ligne d’Athus. Celui-ci avait de particulier qu’il était flanqué de jeeps de la gendarmerie ! Les participants se rendirent alors en cortège à Remouchamps où une autre surprise les attendait ; en effet, le bourgmestre ceint de son écharpe, dans une attitude matamoresque, rappelant fort celle d’un chasseur de casquettes rendu célèbre par Alphonse Daudet, attendait les grévistes d’un pied ferme.

Ne s’était-il pas mis en tête d’empêcher le passage des grévistes ?

Il était prudent…Il s’était fait accompagner de gendarmes !

Les grévistes furent pris d’un rire homérique mais, ayant retrouvé leur sérieux, en rangs par quatre franchirent aux accents de « l’Internationale » la ligne frontière et se joignant à leurs camarades de l’endroit qui les attendaient, ils purent se grouper à hauteur du pont où l’autoradio diffusa un discours de Renard, sans autre incident. »

Avez-vous des souvenirs de cette manifestation ? Y participiez-vous ? En existe-t-il des photographies ? Me confierez-vous tout ce que vous savez sur ce sujet ? Merci beaucoup pour votre intérêt à ce sujet également.

La Petite Gazette du 16 mars 2011

LA GREVE DE 60 – LA PETITE GAZETTE  A BESOIN DE VOUS…

J’aimerais que vous m’aidiez à rassembler des documents, des souvenirs, des photos peut-être permettant de comprendre comment cette grève fut vécue hors des centres industriels urbains. Comment l’a-t-on vécue, ressentie ou subie dans nos campagnes ? Dans les carrières de l’Ourthe-Amblève ou du Condroz ? Au quotidien, comment a-t-elle affecté les transports, le ravitaillement de nos petits magasins de nos villages ? Tout ce que vous pourrez nous apprendre sur ces aspects méconnus de la plus grande grève de l’histoire de notre pays nous intéresse et devrait permettre de donner un éclairage original à cette période, peut-être la plus troublée de notre histoire sociale, et dont les conséquences font toujours l’actualité aujourd’hui.

Monsieur Yves Dechamps, de Sprimont, se souvient :

« Le 1er août 1960, j’étais, comme le dit l’expression, appelé sous les drapeaux. Trois mois d’instruction à Bourg-Léopold avant d’être incorporé au 1er Lancier à Düren.

A cette époque, les miliciens obtenaient leur première permission après deux mois. Nous allions donc pouvoir passer les fêtes de Noël au pays.

Mais…un ordre nous consigna, avec la promesse cependant de bénéficier de la semaine de congé pour le Nouvel-An. Chacun prit donc son mal en patience !

Mais…encore un mais, on vint nous annoncer que nous allions devoir rejoindre la Belgique, non pas avec le TPJ mais en camions GMC, afin de monter la garde dans des endroits dits stratégiques (terme employé par les autorités militaires !).

Et c’est ainsi que l’escadron débarqua à Charleroi avec pour objectif de surveiller les lignes de chemin de fer qui risquaient, selon certains, d’être sabotées. Outre cette mission, nous fûmes aussi emmenés à la centrale électrique de Gouy-les-Piétons. J’ai encore frais à la mémoire le souvenir de personnes qui, le dimanche matin, venaient à la grille fermant l’enceinte, nous apporter quelques gâteries.

Mais de cette agressivité dont certains nous rabâchaient, jamais nous ne l’avons ressentie. Au contraire, nous avons perçu tout au long de ces jours, un courant de sympathie de la part de la population. Nous obtînmes enfin notre congé à…la mi-mars.

Et lorsque je revins au sein de ma famille, j’appris par mon père qui travaillait à l’entreprise «  Les Conduites d’Eau » (site de Belle Ile) qu’il avait pris une part active à cette grande grève de l’hiver 60-61. Comme quoi, il est des circonstances ! »

Dans les documents confiés par Monsieur Hubert Goffinet, de Kin, je découvre, bien à propos, un articulet découpé dans Le Monde du Travail et qui se fait l’écho des propos de M. Yves Dechamps :

« Fraternisation « quelque part » à Liège

Nos p’tits soldats ne sont peut-être pas tout à fait conscients du rôle que le gouvernement et leurs chefs leur font jouer. Ce dont cependant ils se rendent parfaitement compte, c’est que M. Eyskens les nourrit moins que bien ; En effet, la soupe, les tartines voire les cigarettes que les épouses des grévistes leur offrent en différents endroits sont acceptées avec empressement. Geste touchant que celui de ces femmes, dont le porte-monnaie se porte pourtant plus mal que la caisse du ministre de la Défense nationale, mais qui laissent simplement parler leur cœur de femme. Après tout, n’ont-elles pas un fils, un frère contraint de « veiller » dans un coin de wallonie ? »

Monsieur Maurice Lardin, Président de Fraternelle Royale de l’Armée secrète du CT9, me permet de puiser dans un remarquable article qu’il vient de rédiger pour une prochaine publication dans le périodique de la fraternelle et je l’en remercie chaleureusement :

« Le 24 décembre, le journal « La Wallonie » était, fait exceptionnel dans l’histoire de la presse de l’après-guerre, saisi pour avoir diffusé un appel aux soldats les appelant à se croiser les bras et à fraterniser avec les grévistes plutôt que de les contrer comme l’avait demandé le gouvernement : « Vous êtes mobilisés pour défendre le pays et non pour l’étrangler. Ne craignez rien, tout le mouvement socialiste est là pour vous défendre. Soldats, ne soyez pas traîtres à votre classe. Nous comptons sur vous ! »

Le quotidien syndical liégeois réagit le surlendemain en annonçant qu’il ne paraîtrait plus désormais que sur quatre pages, exclusivement consacrées à la grève Selon Jean-Louis Debatty, André Renard, le vrai « patron » du journal voulait de la sorte permettre à un maximum de travailleurs du quotidien de participer eux-mêmes à la grève. Mais ce « service minimum » pouvait aussi être dicté par la perspective d’un très long conflit. Comme le souligne toujours Debatty « d’informateur et mobilisateur, le journal devenait militant. Du relais des événements, il en devenait acteur ». »

La Petite Gazette du 23 mars 2011

IL Y A CINQUANTE ANS LA GRANDE GREVE DE L’HIVER 60-61

Monsieur Camille Gaspard, de Hotton, se souvient :

« Je voudrais apporter un petit témoignage concernant ces événements, que j’ai connus de près, mais de façon un peu particulière.

Chaque année, j’allais, avec d’autres jeunes des deux familles, en vacances chez ma marraine et son mari, qui n’avaient pas d’enfants, et qui habitaient à…Seraing. C’est presque le monde à l’envers, vu que j’habitais à la campagne, plus précisément à Chêne-al’Pierre, actuellement commune de Manhay.

En décembre 1960, alors que j’avais 14 ans, je me suis trouvé comme d’habitude à Seraing. Pour ceux qui connaissent la région – si nous vivons depuis peu à Hotton, nous avons vécu de nombreuses année à Jemeppe s/Meuse, commune de Seraing  – je signale que ma marraine habitait alors à Seraing, dans le fond de la rue de l’Hôpital. De l’arrière de l’appartement, on voyait le passage à niveau  » des Béguines ». Il est maintenant supprimé, mais les anciens de la région sauront de quoi je parle. Nous y avons vu un jour un meeting, suivi d’un cortège  montant la rue d’ l’Hôpital.

Nous sommes aussi allés avec ma marraine à la messe de minuit à l’église du Pont de Seraing, église que nous avons d’ailleurs fréquentée souvent lorsque nous habitions à Jemeppe. Je ne me souviens évidemment pas de l’homélie du célébrant, mais j’ai appris par la suite qu’il avait été « crossé » parce qu’il avait plus ou moins pris le parti des grévistes.

Je me souviens aussi d’avoir vu des militaires qui patrouillaient.

Pour la nourriture, nous allions au Grand Bazar de la rue Molinay, qui n’existe plus depuis la faillite du Grand Bazar de la Place St-Lambert. Là, des cordes obligeaient les clients à n’aller que vers les rayons d’alimentation.

Pour rejoindre le témoignage de M. Hubert Goffinet, je signale que lorsque mon oncle nous a reconduits à Chêne-al’Pierre, nous avons rencontré à Chênée, Quai de Ardennes si mes souvenirs sont bons, le bus de la ligne bien connue Liège-Athus, effectivement escorté par la gendarmerie. Mais je pense, sans en être sûr, qu’il n’allait pas plus loin. »

Monsieur Joseph Lardot, de Heyd,  a également des souvenirs précis de cette période :

« Je suis né à Bomal en 1929 et y ai résidé pendant 55 ans en tenant un commerce en aliments pour bétail, grains et charbon, après avoir décroché un diplôme de gradué en sciences commerciales en 1950.

Après deux années de sursis, j’ai effectué mon service militaire dès février 1951, à une mauvaise période car le gouvernement a alors décidé de porter la durée de service de 12 à 24 mois ! Heureusement, nous avons bénéficié d’un petit rabiot de 3 mois.

Je garde un souvenir désagréable de la Noël 1960. En effet, à 6 heures du matin, le Bourgmestre, M. Petitpas se présente à mon habitation et me prévient que je dois me rendre à la gendarmerie de Marche en tant que « gendarme supplétif ». Me voilà donc dans l’obligation d’abandonner ma famille, nous avions alors trois enfants, et mon commerce.

A cette période, Bomal compte environ 1500 habitants et je suis malheureusement le seul de la population à remplir ce devoir ! Ces « vacances » forcées ont duré cinq semaines et comme occupations quelques tournées, un peu de bureau… pas grand-chose !

Il restait dans la brigade cinq gendarmes assermentés, les autres étant réquisitionnés aux endroits chauds. Le train-train auquel j’étais soumis fut néanmoins marqué par un événement tragique. En réglant la circulation à Marloie, accompagné du garde-champêtre de la commune, une voiture roulant vite a accroché mon accompagnateur qui a été tué sur le coup. Il y avait donc de quoi être profondément marqué !

Il me semble également utile de préciser que pour ce service rendu, j’ai été « largement » rémunéré avec une somme de 10.000 francs… La Belgique sera toujours la Belgique ! »

Un grand merci à mes deux correspondants qui nous ont éclairé sur deux aspects du quotidien de cette période si troublée.

La Petite Gazette du 30 mars 2011

DURANT LA GREVE DE 60

Monsieur Max-Léon Jadoul a mené une importante enquête auprès de ses amis et connaissances pour rassembler leurs souvenirs de cette grande grève. Il a la gentillesse de nous communiquer les résultats de ses démarches :

« Dans mon petit village de Scry, les carrières étaient fermées bien avant cette grève et les carriers décédés. Il y avait des ouvriers métallurgistes du bassin liégeois et c’est à eux que je me suis adressé. En général, me confie M. Jadoul, la population ne participait guère. Son information venait de la radio et, pour quelques-uns, des journaux, mais, dans le village, beaucoup considéraient ces problèmes comme vraiment éloignés de leurs préoccupations. Ils n’avaient même aucune idée de ce qui pourrait améliorer leur mode de vie. On entendait « Cela ne va pas si mal que cela… ce que dit la radio est sans doute exagéré ! »

Monsieur Guy Badoux était jeune marié et travaillait comme électricien à Ougrée-Marihaye. Il prenait l’autobus aux Quatre-Bras puis les trams. Il était syndiqué et est parti en grève dès les premiers jours, il n’a donc pas travaillé pendant plus d’un mois. Ses parents ont dû l’aider financièrement. Il est resté chez lui et est allé faire du bois de chauffage dans les bois. Ses parents tenaient une épicerie qui aurait été peu touchée par la grève. Les autobus fonctionnaient de façon irrégulière mais ils roulaient, mais il n’y avait plus de trams allant vers le Val-Saint-Lambert. On parlait des manifestations mais pas des problèmes politiques qui les avaient générées ! »

Je vous rappelle que je suis à la recherche de témoignages sur le vécu de cette longue période de grève dans nos campagnes. Vos témoignages et documents devraient également m’être précieux pour donner un ancrage vraiment local à la conférence que je donnerai sur ce sujet. Aussi, vais-je encore me permettre d’insister auprès de vous pour que vous me communiquiez sur cette période, hiver 60 – 61, dans nos régions. D’avance un immense merci.

La Petite Gazette du 6 avril 2011

IL Y A CINQUANTE ANS LA GRANDE GREVE DE L’HIVER 60-61

Monsieur Pierre Petitjean, de Grand-Sart, Lierneux, a lui aussi eu la gentillesse de nous confier ses souvenirs de ces événements. Son récit nous donne bien l’état d’esprit et l’ambiance qui régnait alors en ville…

« Evoquer mes années 60-61, jeune homme à ce moment-là, j’avais 16 ans, écrit mon correspondant, et j’étais commis de cuisine à l’hôtel de la Couronne (propriété de la famille Piedboeuf) au grand moment de la révolte des ouvriers métallos du bassin liégeois, au moment où ils canardaient la gare des Guillemins à l’aide de gros boulons d’acier.

On nous avait bien recommandé de ne pas sortir, mais la curiosité est affaire de jeunesse et je devais aller au centre-ville (Liège) donc, sortant par l’entrée de service qui donnait dans la rue Sohet, je suis descendu par la rue de Serbie pour prendre le tram jaune au bout de la rue des Guillemins. En passant le parc d’Avroy, je pus voir un nombre conséquent de chevaux et de gendarmes armés et, comme j’arrivais à la place du théâtre, un homme s’adressant aux passants en anglais (que je baragouinais) demandait comment se rendre aux Guillemins, je lui fis comprendre que j’en venais et il me demanda des détails sur ce qu’il s’y passait, puis il me demanda si je pouvais l’y conduire, car c’était un journaliste américain et, me dit-il alors, grâce à sa carte de presse on pourrait passer partout.

Flatté de l’intérêt qu’il me portait, nous reprîmes le tram remontant sur la gare, mais nous dûmes descendre bien avant, car le trafic était bloqué, nous remontâmes assez rapidement la rue des Guillemins et, comme il l’avait dit, sa carte de presse nous a ouvert le chemin que les gendarmes bloquaient, je dois dire qu’ils étaient pour la plupart armés de mitraillette vigneron Nous sommes arrivés juste après la première charge de la gendarmerie à cheval, il y eut un flottement dans les manifestations, ce qui nous a permis de pénétrer dans la gare où des bruits couraient que l’on avait déboulonné les rails…

C’était la cohue générale et le journaliste avait voulu voir de plus près, les soi-disant dégâts provoqués par le déboulonnage susmentionné. Apparemment c’était une rumeur, car nous ne vîmes rien d’abîmé ; mais, par contre, c’était rempli de gendarmes qui, cette fois, étaient moins complaisants (on parlait de Renard arrivant sur la batte)…

Si l’Américain put traverser les mailles et s’en aller, en me disant « Sorry and good luck« , moi, par contre, je fus arrêté manu-militari et placé sur un quai entouré de gendarmes, pour contrôle approfondi d’identité. J’ai dû justifier ma présence en ces lieux, ils sont même allés contrôler la fiche du personnel du restaurant de la Couronne pour voir si je ne mentais pas. Puis, je pus rejoindre ma brigade de cuisine en me faisant « engueuler » par les gendarmes et par mon chef qui m’avait bien dit de ne pas sortir !

C’est ainsi que j’ai pu voir, mais de la fenêtre du restaurant, la deuxième charge de la police montée sabre au clair, nous avons vu la grande fenêtre de la brasserie tomber en miettes et les manifestants enragés qui prenaient les chaises et les tables des terrasses pour attaquer la gendarmerie. Tout c’est terminé comme cela avait commencé, dans une cohue indescriptible avec la manifestation qui s’éloignait vers le centre, qui, si mes souvenirs sont bons, n’a pas été touché. Je peux vous dire aussi que mon contrôle d’identité m’a valu beaucoup de soucis, car j’ai été affiché comme activiste (comme quoi…) et il a fallu les relations de mon père avec la gendarmerie de Saint-Léonard pour qu’ils m’oublient. »

Monsieur Michel Hiffe, de Waha, a des souvenirs bien différents. Cependant, comme dans ceux que M. Petitjean vient de nous confier, nous y trouverons des éléments nous permettant de mieux comprendre l’état d’esprit général du moment, bien différent dans les campagnes… Monsieur Hiffe nous en explique la raison :

« En décembre 1960, j’étais interne à l’ISMA à Arlon et j’habitais à Melreux.

Le 15 décembre, toutes les classes s’étaient retrouvées à la salle des fêtes pour assister à la diffusion télévisée du mariage de sa Majesté le Roi Baudouin et de la Reine Fabiola. Nous, les étudiants, étions loin d’être au courant d’événements qui se préparaient à propos des grèves. Il faut rappeler qu’à l’époque, les nouvelles n’atteignaient pas les collèges et encore moins les internes. Nous n’écoutions pas la radio, ne regardions pas la télévision (encore fort rare) et les quotidiens ne faisaient pas partie de notre vécu en internat.

Quelques jours plus tard, ce fut le retour dans nos foyers pour les vacances de Noël. Le trajet avec d’autres étudiants de l’ISMA jusqu’à Marloie ne posa aucun problème.

Mais, à partir de cette gare, il ne nous fut pas possible de continuer en train. Mes parents ainsi que ceux des autres condisciples ne possédaient pas de voiture. Ce fut presque tout naturellement que nous fîmes le dernier tronçon du voyage dans le camion de remise à domicile du chemin de fer, le chauffeur effectuant sa tournée vers Hotton et Melreux.

Pour le retour à l’internat en janvier, les transports en commun avaient été rétablis complètement. »

La Petite Gazette du 20 avril 2011

LA GREVE DE 60

Monsieur Raymond Hebrant, de Poulseur, se souvient de cette grève :

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« Cette photo nous montre les manifestants brandissant un panneau portant le slogan « Déplumons le coucou de Malines ». Il s’agit de la réaction du monde ouvrier suite à la déclaration du cardinal Van Roey à la télévision. Cette allocution a été mal perçue du côté de la C.S.C. et encore plus mal du côté de la F.G.T.B.

Originaire de Marche-en-Famenne, j’ai fait mes humanités techniques à l’école des Aumôniers du Travail à Seraing. La Passerelle, bien connue du mouvement syndical, pendant la grève de 60 et jusqu’à sa destruction, a connu bien des rassemblements de travailleurs… Déjà syndiqué au moment de mes études et ayant été membre durant plusieurs années de la J.O.C., je connais très bien les difficultés du monde ouvrier. Je suis entré au travail au mois d’août 1958, à l’usine Ferblatil à Tilleur. Electricien d’entretien, je travaillais au régime « feu continu » (trois semaines de travail, une semaine de repos, dimanches et jours fériés compris). Je faisais le déplacement en car pour les pauses 6-14 et 14-22 et au train pour la pause de nuit. Pour me rendre à Marche, départ du car à 4 heures du matin, je me levais à 3h15.

En 1960, fin novembre déjà, certains arrêts de travail avaient lieu ; en cause le dépôt d’un projet de loi appelé « Loi unique ». Ce projet proposé par le premier ministre Eyskens prévoyait diverses mesures dont le rabotage de la sécurité sociale. Cette sécurité sociale à la belge, créée par le monde ouvrier à la sortie de la guerre 1940 – 1945, dérange bien le monde de la droite. Le gouvernement de l’époque était PSC-CVP-Libéral.

Début décembre, le mécontentement était palpable, les délégués syndicaux expliquaient les aboutissements de la Loi unique, mais, à cette époque, ne parlaient pas de grève ! Je me rappelle qu’au terme d’une assemblée certains ouvriers réclamant le départ en grève s’entendirent répondre par le délégué principal : « Je vous comprends, mais dans moins d’un mois, vous viendrez demander à reprendre le travail ! » Lors des réunions, certains ouvriers, les « durs » allaient faire arrêter le travail dans les entreprises voisines : Maréchal Ketin, Les ateliers de la Meuse, la lainière Good Night…

Dans la seconde moitié du mois de décembre, en arrivant à l’arrêt du Pont de Seraing, nous sentions que la situation était explosive. Les ouvriers limbourgeois, arrivés en grand nombre à cet arrêt, pensaient déjà au retour. A cette époque, il venait un car de la région de Marche et, pour le Limbourg, il y avait en moyenne huit à dix cars par jour, c’était alors le plein emploi à Cockerill. Avec le car de service, je suis allé jusqu’à l’arrêt de Ferblatil afin de prévenir mon brigadier. Les trains étaient incertains et mon bus quittait l’usine à 14h20, je demandai un congé pour cette journée. Cela n’a pas été nécessaire, les ouvriers des laminoirs avaient débrayé et faisaient arrêter les diverses lignes de production, la grève avait commencé.

De retour à Bourdon, j’ai suivi les événements à la radio et à la télévision. De jour en jour, la situation se dégradait. On parlait de sabotage même sur les locomotives ; l’attaque de la gare des Guillemins a marqué tous les esprits.

Les trains venant de Liège ne circulaient plus, seuls quelques trains venant de Jemelle allaient jusqu’à Melreux, puis faisaient demi-tour. C’était toujours le temps de la vapeur, la gare de Jemelle avait toujours un atelier et une remise à locomotives. Dans notre région, la grève n’était pas suivie comme dans les grands centres ; mais je me souviens d’un délégué qui, accompagné de quelques personnes, faisaient fermer les magasins ; seule était ouverte la Coop.

Etant syndiqué à Liège, la centrale de Marche ne pouvait pas me payer. D’autres ouvriers de la région étaient dans la même situation. Le permanent de la centrale C.S.C. de Marche organisa, avec d’autres personnes possédant une voiture, un déplacement à Liège. A l’arrivée à la place Delcour, non loin de la rue des Pitteurs, nous discutions d’une chose ou l’autre, en attendant notre rendez-vous. Deux véhicules e police sont arrivés… nous avions oublié que les rassemblements de plus de trois personnes étaient interdits en ville ! Les policiers ont été sympathiques, ils ont bien compris que nous n’étions pas là pour manifester, mais nous avons dû nous séparer.

Le mouvement de grève s’essoufflait, le samedi 21 janvier la fin de la grève était décrétée. Le soir, je recevais un télégramme pour me prévenir de la reprise de mon travail le dimanche soir (…) Le Loi unique bien que votée n’était pas appliquée, le gouvernement avait démissionné. Après de nouvelles élections, le gouvernement Lefèvre-Spaak appliqua une bonne partie de la Loi unique. La Grande grève était terminée et je n’ai jamais plus vu depuis lors une mobilisation de tous les travailleurs tant du Nord que du Sud. »

La Petite Gazette du 27 avril 2011

GREVE DE 60

Monsieur René Brialmont, de Barvaux, a très bien compris quel genre de souvenirs je souhaitais recevoir afin de pouvoir illustrer ce qu’était le quotidien dans nos campagnes en ces temps de grève. Il me fait parvenir ce souvenir anecdotique, toujours bien présent dans sa mémoire :

« J’étais à cette époque en classe de Poésie au Petit Séminaire de Bastogne. En vacances de Noël depuis le 22 ou 23 décembre, nous n’avons guère souffert à Barvaux, jeunes que nous étions, de ces mouvements sociaux pourtant très graves. Vint pourtant la fin des vacances, et plus aucun moyen de communication ferroviaire pour rentrer à Bastogne. J’avais eu vent que l’autobus Liège-Athus, pourtant, circulait encore tant bien que mal, et je résolus d’aller le prendre à Manhay, le dimanche 8 janvier en fin d’après-midi. Un brave voisin, M. Armand Meyers, de Barvaux, me conduisit à Manhay vers les 19 heures. Je le remerciai et le renvoyai à Barvaux…pour m’entendre dire par une personne de la localité, qu’il n’y avait plus aucun bus pour Bastogne en soirée…Et moi j’étais à la rue, avec mon loden et ma valise, et cent francs d’argent de poche pour les trois semaines à venir.

La chose ne me terrorisa pas, pourtant. Je trouvais même que l’aventure prenait la couleur « bourlingueur ». Plutôt que d’aller chercher gîte payant à l’auberge  » Le Relais », je m’enfonçai un peu dans le paysage, avisai une ferme, frappai à la porte éclairée de l’étable, et demandai au propriétaire un peu surpris s’il ne m’accorderait pas deux mètres carrés de foin gratuit sur le « bérôdî » , au-dessus des vaches,  pour la nuit… Avec les scouts de la 8e Famenne de Barvaux, cette pratique était courante, voire même encouragée par la hiérarchie dans le but d’apprendre à  » tirer son plan ».

Mais le brave fermier ne fut pas de cet avis. Après tout, avec mon béret noir et ma valise en carton, je n’étais pour lui qu’un rôdeur très comme un autre. Il me répondit sans brusquerie : « awè, mins mi dji n’lodje nolu« , et me conseilla tout de même d’être raisonnable, et de m’adresser au logeur de l’endroit, en l’occurrence le « Relais ». Ce que je fis, en bien m’en trouvai. J’y passai la soirée au billard avec… le chauffeur du dernier bus, qui y logeait aussi avant de repartir sur Liège le lendemain. Excellente nuit. Le cafetier dut même
tambouriner le lendemain à sept heures sur ma porte: « L’autobus est là, sais-tu ! » Trajet prudent sur la route gelée jusqu’à Bastogne, où j’arrivai à huit heures vingt, juste pour la première heure de cours. Il ne me restait pas grand chose de mes cent balles, évidemment, mais j’étais à bon port, et en ce temps-là, personne n’avait honte de  » briber » une cigarette aux copains. J’ai oublié le nom du fermier, du cafetier, et du chauffeur, mais ils sont toujours là, dans ma mémoire, comme des anges gardiens. »

La Petite Gazette du 4 mai 2011

LA GREVE DE 60 

Monsieur André Delbouille, de Nonceveux, a, lui aussi, eu la gentillesse de coucher quelques souvenirs sur le papier :

« Caserné à Propsteirwald à quelques kilomètres d’Aix-la-Chapelle, je fus renvoyé dans mes foyers, au plein cœur de la grève de 60, afin d’aller travailler à la poste d’Aywaille, car j’étais facteur et j’habitais Nonceveux.

Dès le lendemain de ma rentrée au pays, je pris la direction d’Aywaille, à vélo.

Au pont de Sougné, Stop ! Quatre binamés camarades de la C.G.S.P. Liège me demandèrent où j’allais. Je leur raconte alors ma petite histoire et ils me conseillent vivement de rentrer chez moi ; ce que je fis avec plaisir. Je dus contacter M. Gallet, percepteur d’Aywaille, à qui je fis part de ma mésaventure. Il me conseilla de ne plus rien tenter pour rallier Aywaille. Quelque huit jours plus tard je regagnais mon casernement en Allemagne. Bien entendu, les courriers que j’envoyais étaient bloqués à la caserne.

Quelques jours plus tard, je fus à nouveau renvoyé en Belgique avec ma compagnie, la 260e Cie ordonnance, direction une ferme à Aubel.

Nous sommes restés là deux jours et deux nuits avant notre retour à la caserne.

Avant notre départ pour Aubel, le commandant de la compagnie, le Capitaine-Commandant Ocelet, avait réuni tous les gradés. Il nous dit qu’il ne serait pas de bon ton d’intervenir trop rudement contre les grévistes…

Je crois bien que la plupart d’entre nous n’avaient pas l’intention d’intervenir du tout ! »

Son témoignage répond particulièrement bien à un articulet extrait de « Le Monde du Travail de la fin décembre 1960 qui titrait alors :

« De nouvelles troupes ramenées d’Allemagne pour permettre à la gendarmerie de mieux s’ « occuper des grévistes »

Nous apprenons que de nouvelles troupes seront rappelées d’Allemagne pour garder les installations vitales du pays et permettre à la gendarmerie « de se consacrer davantage au maintien de l’ordre dans le pays ».

Jusqu’à présent, il n’a pas été possible d’obtenir la confirmation officielle de cette information, mais les effectifs ramenés seraient d’une certaine importance.

Les troupes seraient destinées à des missions à caractère statique, c’est-à-dire la protection des ouvrages d’art et de points vitaux, missions actuellement assurées par la gendarmerie. Celle-ci pourrait être ainsi rendue à ses tâches traditionnelles, en l’occurrence, à brutaliser, intimider, provoquer et injurier les grévistes. »

On le voit, la presse de gauche n’est pas tendre avec le bras armé du Gouvernement… cela dénote très bien de l’état d’esprit explosif que connaît alors le pays. En effet, dans les deux camps, les termes les plus forts sont utilisés : « terroristes, gestapistes… »

La Petite Gazette du 3 mai 2017

J’AVAIS 10 ANS EN 1960… UNE EXPO A DECOUVRIR BIENTÔT AU MUSEE DE WANNE ET DEUX CONFERENCIERS : L’Abbé J-P PIRE et René HENRY

Le Musée de Wanne – maison vivante du temps qui passe – vous propose, dès ce mois de mai, une exposition consacrée aux années ’60, période abordée avec les yeux d’un enfant de 10 ans d’où le titre choisi : Expo 10/60

Dans le cadre de cette manifestation, deux causeries sont d’ores et déjà programmées.

Le vendredi 2 juin, à 20h., l’Abbé Jean-Pierre Pire, Doyen de Liège et ancien professeur au collège St-Roch de ferrières, traitera d’un sujet passionnant : « Le Concile Vatican II : un avant et un après »

Ce concile, qui mobilisa les Evêques du monde entier entre 1962 et 1965, est remarquable par le nombre considérable et l’importance des propositions qui en sont ressorties et qui modifièrent, bouleversèrent même, l’Eglise catholique romaine.

 

Avant cela, le Musée me fait l’honneur de m’inviter une nouvelle fois, ce sera le jeudi 11 mai prochain à 20h., pour évoquer la « grève du siècle », celle qui paralysa la Wallonie durant l’hiver 1960-1961.

Pour vous, je reviendrai sur cet important mouvement social, la grève générale, développé contre le programme d’austérité, la fameuse Loi unique, du Gouvernement Eyskens. Je vous tracerai alors un aperçu de la façon dont cette grève a été vécue en dehors des centres industriels. Les ouvriers du bassin industriel liégeois originaires de l’Ourthe-Amblève, du Condroz ou de l’Ardenne, ont eux aussi vécu ou subi ces cinq semaines de grève. Pour leur venir en aide de nombreuses initiatives se sont développées, nous irons à la rencontre de certaines d’entre elles. Je vous inviterai à suivre les prémices de la grève, ses développements, ses errements et, bien entendu ses conséquences sur les mutations idéologiques et structurelles dont la nécessité se révéla alors.

Deux dates à bloquer d’ores et déjà dans votre agenda.

Ce sera une occasion agréable de nous rencontrer et d’évoquer ce sujet, vos nombreux témoignages en font foi, qui vous intéresse.

Au plaisir de vous y rencontrer.

LES CHANTIERS DE DECOUPE DE BOIS

La Petite Gazette du 12 juin 2013

QUI NOUS PARLERA DES CHANTIERS SUR LESQUELS LES BOIS ETAIENT DECOUPES A MESURE ? 

Monsieur Josy Depierreux, de Vielsam, évoque des souvenirs professionnels et vous interroge sur des réalités disparues :

« Mon métier de conducteur de trains m’a permis de circuler dans bien des gares où les espaces libres étaient souvent occupés par des chantiers de découpe de petits bois alors pourrait-on aborder ce sujet dans La Petite Gazette ?

Il n’y a pas si longtemps, on pouvait encore admirer dans bien des gares desservies par la ligne 42 Rivage-Gouvy des endroits réservé à la découpe de bois. Depuis la forêt, les camions ou jadis des chariots acheminaient des bois en long qui étaient découpés en longueurs différentes suivant les sections et leurs futures utilisations. Après, il fallait semble-t-il charger les wagons à la main.

train-dans-les-bois« Photo prise par mes soins le 29 avril 1988, près de l’entrée côté gare du tunnel de Trois-Ponts, car j’avais ce jour là l’honneur de conduire ce petit train »

Quel travail, car la rentabilité devait être assurée, les commandes honorées et les salaires mérités. Toutes ces petites découpes de bois ont disparu du paysage ferroviaire, mais pourrait-on laisser la parole à tous ceux qui y ont travaillé parfois sous un soleil généreux, mais aussi lors du mauvais temps très souvent présent dans notre région ?

Depuis combien de temps ces chantiers existent-ils ?

Quels étaient les outils ou les machines utilisées ainsi que la force motrice disponible ?

Quel était le rendement demandé à un homme ?

Comment étaient chargés les wagons et quelle était leur destination ?

Les ouvriers avaient-il un abri pour manger ou se réfugier en cas d’orage par exemple ?

Les salaires étaient-ils payés en fonction du travail effectué ou à l’heure ?

Et cerise sur le gâteau existent-ils des photos disponibles ?

J’adresse déjà un grand merci à tous ceux qui voudront bien satisfaire ma curiosité d’en connaître plus sur ce passionnant et exigeant métier.

La Petite Gazette du 17 juillet 2013

QUI NOUS PARLERA DES CHANTIERS SUR LESQUELS LES BOIS ETAIENT DECOUPES A MESURE ?

Monsieur Josy Depierreux, de Vielsam, souhaitait il y a quelque temps que vous évoquiez ces réalités disparues, Madame Denise David-Lacasse, de Harre, répond à son souhait :

« En lisant cet article sur les métiers du bois, il me revient un fait que feu mon époux Marcel m’a raconté, une difficulté qu’il a rencontrée dans l’exercice de son métier.

La guerre terminée, dès 1945, mon mari, 22 ans alors, a travaillé en exploitation forestière comme découpeur : les troncs d’arbres arrivaient sur son lieu de travail après avoir été ébranchés et pelés. Son travail consistait à scier à la longueur demandée, à trier les bois selon leur grosseur et à les charger sur des wagons pour les envoyer, par le vicinal, en région liégeoise pour le besoin des charbonnages.

Je précise que le vicinal s’arrêtait dans les villages pour charger et décharger les diverses marchandises et les personnes dans le sens Comblain – Manhay. On y rechargeait ensuite les divers bois préparés pour livrer dans les charbonnages liégeois. Les chantiers où les hommes travaillaient s’appelaient « gares ».

Scier les bois était très délicat car ils avaient été mitraillés pendant la guerre et étaient assez abîmés. Il fallait donc beaucoup d’attention pour ne pas casser la scie. Quand la scie ne coupait plus, il fallait intervenir avec la pince présentée, notamment, par M. Serge Ghyse, de Nandrin. Cette pince à avoyer servait au découpeur à redresser les pointes de la lame, en wallon on disait : rimète dèl voye ; ensuite, il fallait relimer la scie. »

Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, évoque également ses souvenirs sur ce sujet :

« Dans ma région et depuis la création, en 1904, du vicinal Lierneux- Vielsalm, des quais étaient réservés à cette manutention. J’ai bien connu, dans mon jeune temps, pareille entreprise à l’arrêt de Regné-Hébronval. Il y a bien des années déjà qu’on a fait table rase de ce quai pour y installer un lotissement.

Comme le dit si bien Monsieur Depierreux, les bois en long y étaient acheminés en provenance des grandes forêts voisines. Il s’agissait d’épicéas dont le bois était très apprécié pour servir à l’étançonnage dans les galeries des mines de charbon.

Une équipe de 4 à 5 hommes était occupée à scier ces bois suivant les longueurs souhaitées. Il s’agissait en l’occurrence de la famille Frérès, le père, les deux fils plus un ouvrier. Pour leur protection, en cas d’intempéries, les braves disposaient d’un petit abri de fortune et, pour se chauffer, ils se servaient des déchets de bois, ce qui ne manquait pas. Je crois qu’ils étaient payés suivant le volume débité. Ces quatre scieurs ne sont plus de ce monde aujourd’hui !

Le travail en lui-même se faisait en continu, tous les jours ouvrables de la semaine. Les scies ordinaires subissaient régulièrement un affûtage exécuté de main de maître par un des types de l’équipe, spécialiste dans cette tâche. Au préalable, des chèvres en bois avaient été fabriquées afin de supporter les pièces à débiter. Les chèvres étaient marquées des longueurs à respecter lors de la découpe. Le sciage terminé, la marchandise était entreposée par lots respectifs le long du quai de chargement ; des wagons adéquats étaient acheminés sur des voies de garage et cela suivant les besoins. Les scieurs y déposaient les bois avec un certain art car il y allait de la sécurité lors du transport par rail jusqu’à la gare S.N.C.B. de Vielsalm où le tout était centralisé. Un transbordement avait lieu sur des wagons S.N.C.B. dont l’empattement était différent.

Des petits chantiers étaient prévus le long des voies ferrés, beaucoup disparaîtront lors de la fermeture des charbonnages et aussi lors du démantèlement des lignes du vicinal. »

La Petite Gazette du 28 août 2013

LES CHANTIERS DE BOIS DECOUPES A MESURE

Monsieur André Hubert, de Gouvy, nous confie ses précieux souvenirs à ce sujet :

« Ces chantiers existaient dans les gares mais aussi le long des routes et des chemins forestiers. A partir de l’été 1940, j’ai fait partie d’une équipe de trois personnes qui découpaient des bois en long sur la route de Dinez à Montleban. J’avais 14 ans et j’habitais Les Tailles, je marchais 7 Km pour aller de mon domicile au chantier, par des petits chemins, et faisais le même chemin au retour, le soir. On travaillait aussi le samedi et je me reposais le dimanche après-midi pour être dispos le lundi matin.

Les bois posés en long sur trois chevalets étaient découpés suivant des données fournies par le marchand. Les bois étaient tracés par un homme expérimenté qui devait bien réfléchir pour tirer le meilleur volume de la somme des bois découpés. Les bois découpés à la petite scie étaient classés par espèce. Je me souviens de trois appellations :

– sclimbes = bois minces et de faible longueur (1,50 m. environ) qui servaient sans doute à confectionner des claies de protection latérale ou verticale.

– rallonges = pièces plus grosses d’environ 3 m. de long.

– bois plus gros et de différentes longueurs pour les charbonnages et les chantiers, pour le soutènement.

Nous étions payés au volume des bois découpés et réceptionnés. Après ce chantier de 1940, le résultat financier pour chacun des participants donnait un salaire d’environ 35 francs par personne et par jour. Je n’ai pas gardé le souvenir du mode de transport utilisé vers les gares ou les entreprises utilisatrices . » Un tout grand merci pour ces renseignememts.

La Petite Gazette du 8 octobre 2013

LES CHANTIERS DE DECOUPE DE BOIS

Monsieur José Cornet, de Juzaine, évoque ses souvenirs de ce temps révolu :

« Mon frère Victor a travaillé de nombreuses années sur le chantier de la gare de Bomal comme découpeur de bois avec, entre autres, Aimé Gaspard, dit le Boubou, de Champ de Harre (que vous découvrirez sur la photo ci-dessous), Floribert Close, de Barvaux, Marcel Maqua, de Rouge Minière, Ariste Devahive, de Fays, Raymond Lambert, d’Erezée… et d’autres qui, comme lui, découpaient les bois qui avaient été découpés à la cognée et étaient amenés par camion, des Ford Canada.

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Une vieille baraque en bois, adossée au talus, servait pour les repas, déposer les vêtements et ranger le petit outillage ; il y sentait bon la résine et le café.

Nous, gamins avec mon frère, descendions à vélo sur le chantier le mercredi et nous allions souvent chercher de l’eau fraîche pour les hommes à la havée de Herbet. Ce métier était très dur car, après la découpe, il fallait charger les bois sur des wagons et, évidemment, cela se faisait à la main. Parfois, ils déchargeaient aussi des wagons pour le compte des entreprises Detrooz qui étaient toutes proches.

Après la scie à main est venue la tronçonneuse, ils en ont également découpé à la scie circulaire. Les employeurs étaient les entreprises Huet, de Grand-Menil, et Charles Rigo. Occasionnellement, mon frère Victor a également travaillé à la découpe de bois, sur l’ancienne gare de Chêne al Pierre et du côté de Martinrive. »

La Petite Gazette du 16 octobre 2013

LES GARES SNCV DE JADIS, AVEC LES  « QUAIS DE DECOUPAGE ».

Monsieur Raymond Gillet a poursuivi l’enquête, il nous livre ses souvenirs :

« La ligne SNCV PussemangeBouillon–  Paliseul comportait plusieurs quais de découpage, notamment dans les gares de : SugnyCorbionNoirefontaineMogimont (Bellevaux) et à Paliseul c’était le « quai de transbordement » où la ligne SNCV côtoyait une voie SNCB.

A l’aube des années cinquante, en gare de Noirefontaine,  il y avait en permanence plusieurs découpeurs de bois de mines ; notamment mon oncle Alfred Rosillon (né en 1928), il œuvrait avec plusieurs frères de la famille Adam. Les épicéas arrivaient déjà par camions, ces bois avaient été triés pour les « bois de mine ».

Le quai de découpage était très proche et parallèle à une voie, un emplacement était réservé aux chevalets. Au nombre de trois, ils étaient  alignés et constituaient la « gade ». Une volige reliait les chevalets, elle comportait des traits de scie tous les 10cms ; pour les mètres les traits étaient plus importants.

Après le sciage des « bois de mines », les différentes « chutes » ou pointes d’épicéas étaient triées, sciées en 1,50/1.60 m et répertoriées par grosseur (longueur de la circonférence au fin bout). Le classement était le suivant : 12/14cm – 14/16cm – 16/18cm – 18/20cm, l’oncle Alfred n’utilisait pas le mètre ruban pour ce classement,  il formait un cercle tout simplement en rapprochant les pointes du pouce et de l’index de la main.

Ces différents bois étaient fagotés en bottes et ces dernières s’appelaient les « sclimbes ». Par grosseur le nombre de bois était le suivant : 12/14 = 12 bois – 14/16 = 10 bois – 16/18 = 8 bois – 18/20 = 6 bois. Mon oncle se rappelle avoir fagoté jusqu’à 40 sclimbes à l’heure (le classement par grosseur étant déjà réalisé). Son record personnel fut la réalisation de 300 fagots de sclimbes sur une journée ; le fagot était payé 1,50fr à l’époque (1948-1950).

Je vous invite à regarder la photo d’un autorail tracteur Art. 104 qui amène des wagons vides pour chargement des bois de mine à Dochamps ; remarquez, derrière le tas des bois de mine, il y a un tas de « sclimbes » arrangés par grosseur, les rangées supérieures comportent 8 bois, les autres 6 bois.

autorail-dochamps

En ces temps-là il n’y avait pas de pointeuse sur le quai et  l’horaire était parfois irrégulier, le lundi généralement moins de 8 heures, les autres jours de 9 à 10 heures voire plus même, suivant le temps et les nécessités des  délais  de fourniture, chômage des wagons et acheminement vers Paliseul. La voie du vicinal longeant le quai de découpage permettait l’alignement de 6 à 7 wagons SNCV type à « haussette ».

Le casse-croute était vite réglé, excepté quand il y avait la « gamelle » un feu était nécessaire ce n’était pas courant parce que qui dit feu dit alimentation et surveillance, mais vu l’accumulation des pointes d’épicéas  cela devenait une nécessité.  Le coin repas était protégé des vents par un « hayon » ; rectangle réalisé avec des perches d’épicéas et de la toile de jute ou à défaut de la paille de seigle, ce hayon était incliné dos au vent et à la pluie. A cette époque la scie utilisée était toujours la scie à cadre; oncle Alfred en possédait deux, grand-père Ovide « rafraîchissait » régulièrement les lames.

Avant de conclure je souhaiterais vivement vous rappeler quelques chiffres édifiant de cette époque ; ce sont des chiffres extraits du « Rapport 1959 – 75eme exercice social SNCV ». En 1938 la dite SNCV a transporté 153.668 tonnes de bois de mines, en 1959 seulement  36.113 tonnes. Elle a possédé jusque 5.524 wagons de marchandises ouverts. Dans notre pays il y eu 158 gares de transbordement partagées avec la SNCB.

Vous remarquerez la seconde photo avec la scie, le bidon « FB » (Ferronnerie Bouillonaise) et la typique gamelle.

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La Petite Gazette du 23 octobre 2013

LES SCIEURS DE BOIS A LA GARE DE MARENNE

Voici les souvenirs qu’un lecteur a gardés de cette époque :

« A la lecture de La Petite Gazette évoquant ces chantiers de découpe de bois, je me rappelle ma jeunesse à la gare de Marenne. Une voie de chargement se trouvait sur le territoire de la gare, un heurtoir était placé près de l’ex-passage à niveau et un autre en bordure de la prairie de chez Bechoux. Deux aiguillages étaient en service ainsi qu’un gabarit afin de surveiller le chargement des wagons.

Durant de nombreuses années, on a découpé une grande quantité de bois de toutes les mesures. Beaucoup de ces bois étaient destinés principalement aux charbonnages de la région liégeoise. Ces bois servaient aux galeries souterraines, où circulaient les wagonnets poussés par les mineurs ou tirés par les chevaux. L’avantage du bois dans la construction des galeries est le grincement du bois occasionné par les mouvements de la terre. Lorsque le bruit du bois se faisait plus fort, les mineurs avaient le temps de se mettre à l’abri dans un endroit plus sécurisé ; les dégâts provoquiés par l’éboulement n’auront pas fait de victimes…

Revenons au sciage du bois sur l’étendue de la gare ; actuellement, la route permettant la suppression du passage à niveau a fait disparaître cet endroit. Je me rappelle deux personnes ayant passé plusieurs années à découper les bois de notre région : M. Emile Gaillard et M. Joseph Dupont ont travaillé durant de nombreuses années, parfois d’autres ouvriers venaient en renfort.

Il y avait plusieurs mesures de découpe des bois. Le mètre-ruban ainsi qu’une toise, dont je ne me rappelle plus la longueur, étaient utilisés. La toise consistait en une longueur de bois sur laquelle se trouvaient deux grosses pointes en acier à une distance des scieurs. Après avoir découpé la base de l’arbre, l’ouvrier le mesurait avec cette toise. Rappelons que le bucheron, à cette époque, avait abattu l’arbre à la cognée, la coupe n’était dès lors pas aussi nette que quand elle fut faite à la tronçonneuse.

Les bois ainsi découpés étaient assemblés en tas d’une hauteur de deux mètres. Chaque tas contenait des longueurs et des diamètres différents. Lorsque les troncs avaient un grand diamètre, les ouvriers utilisaient la scie « passe-partout » ; pour les bois normaux, la scie ordinaire était utilisée. Ce n’était pas des armatures métalliques comme aujourd’hui, les deux montants, sur lesquels était fixée la lame, étaient reliés par un toron de corde avace, au milieu, un morceau de bois, qui permettait en tordant plus ou moins fort cette corde, de tendre la lame ; le morceau de bois se bloquait alors sur le bois reliant les deux montants.

Pour se reposer, pour manger et se mettre à l’abri, une petite cahute était installée entre deux tas de bois ; une tôle pour le toit et, à l’arrière, une toile de jute pour protéger les deux compagno,ns de travail. Lorsque la lame ne donnait plus de bons résultats, il était nécessaire de remettre l’outil en ordre de marche. Dans l’abri de fortune, il fallait aiguiser la lame avec une lime triangulaire et parfois utiliser la pince à avoyer, dont la Petite gazette nous a plusieur fois entretenus. » A suivre…

La Petite Gazette du 30 octobre 2013

LES SCIEURS DE BOIS A LA GARE DE MARENNE

Retrouvons la suite de ces souvenirs publiés dès la semaine dernière :

« Durant  la bataille des Ardennes, beaucoup de bois ont été abîmés : déracinés par les chars, abattus en partie par des obus ou remplis de shrapnells (du nom de l’inventeur anglais (1761 – 1842) de ces obus remplis de balles, en allemand, schrapnell. Actuellement, morceaux d’obus, de grenades…). Le territoire de la gare de chargement ne fut plus suffisant pour déposer les bois que les bûcherons abattaient dans la région. Plusieurs espèces d’arbres furent amenées devant la gare ou sur le terre-plein au-delà du passage à niveau. Seul le bois de sapin était utilisé pour les mines. Un grand nombre de wagons chargés de bois quittèrent la gare de Marenne, la bascule utilisée pour la vérification du poids des wagons n’a jamais autant fonctionné.

La bascule était située dans les environs du pont actuel, le gabarit se trouvait également en cet endroit. L’entretien de la bascule se faisait tous les trois ou quatre ans. En amenant d’autres wagons ouverts pour le chargement des bois, deux wagons fermés étaient étaient mis à stationner au butoir se trouvant près du passage à niveau. Un de ces wagons servait de bureau, cuisine et dortoir, l’autre était un petit atelier contenant même une petite forge. Deux ouvriers spécialisés devaient remettre les bascules en ordre de fonctionnement (peinture, remplacement des pièces défectueuses et étalonnage). En soirée, mon père allait quelquefois rendre visite à ces hommes, parfois je l’accompagnais. Je me souviens qu’un de ces ouvriers était originaire de Vielsalm.

Le transport par camion et la modernisation des scieries ont supprimé tout ce travail du bois qui se faisait sur le territoire de la gare de chargement. La fin de ces lieux de travail venait de commencer, la suite, vous la constater actuellement ! »

Madame Denise David-Lacasse, de Harre, se souvient également que « dans les villages le long de la ligne vicinale ManhayComblain-la-Tour, il y avait de ces terrains appelés « chantiers », c’était là que les ouvriers préparaient les bois à la demande pour alimenter les charbonnages liégeois. Les ouvriers chargeaient les wagons du vicinal qui s’en retournaient vers Comblain-la-Tour et là, de nouveau, il fallait du personnel pour décharger et recharger sur des wagons de la S.N.C.B. car l’empâtement était différent d’une société à l’autre. Ici, en Ardenne, ces chantiers s’appelaient « gares » tout simplement. On disait : lès ovrîs d’b’wès alî-st-ovrer so l’gåre. »

 La Petite Gazette du 13 novembre 2013

ENCORE A PROPOS DES CHANTIERS DE DECOUPE DES BOIS

Messieurs Raymond Gillet et René Gabriel ont beaucoup œuvré pour La Petite Gazette cette semaine. Il est vrai qu’il s’agit là de passionnés… Le premier nous raconte cette plaisante anecdote :

« La gare vicinale de Noirefontaine possédait deux  » quais de découpage ». Celui représenté sur cette photo est celui des « feuillus ». Le quai des « résineux » se situe à l’extrême gauche de la photo. (Nous en avons parlé dernièrement)

gare-noirefontaine

Les personnes occupées sur ce quai étaient originaires de la région anversoise , il s’agissait de la famille Faes . Le papa, Louis, était né en 1886 à Turnhout,il parlait un français impeccable, ses enfants fille et garçons travaillaient avec lui. Louis avait des moustaches à la « hongroise ».
La route nationale parallèle au quai reliait Paliseul à Bouillon et, déjà à  cette époque, des touristes hollandais venaient visiter notre Ardenne, juchés  sur leurs typiques vélos.
Un jour Louis vis apparaître deux cyclistes hollandaises, il les laissa s’approcher et, de sa voix style Louis Jouvet, il leur « décrocha » la tirade suivante :

Abaissez le capot on voit le moteur, ce n’est pas pour le moteur, mais c’est pour l’odeur !
La plus âgée des dames lui répondit du tac au tac  » Viens-y frotter tes moustaches !  »

Louis était à cent lieues d’avoir une réponse en français, il en resta bouche bée. On ne l’entendit plus de la journée… »

Monsieur Gabriel nous fait part de l’état actuel de ses recherches, nous explique pourquoi le sujet l’intéresse et nous promet une suite à ses propos :

« J’ai rencontré, tout récemment, monsieur Pierre Colin, de Burnontige, dont les parentsz tenaient l’Hôtel du Vicinal. Il se souvient très bien de la gare de Burnontige où un chantier de découpe de bois de mine existait. Les wagons arrivaient avec le tram, étaient décrochés et placés sur une voie particulière. Il n’y avait pas de bâtiment de gare, seulement un quai et un bâtiments où les découpeurs pouvaient remiser leur matériel. M. Colin se rappelle les noms de deux de ces découpeurs, les frères Stelet, Fernand et Arthur.

Quand M. Josy Depierreux a lancé cette recherche dans La Petite Gazette, j’étais content car cet ancien métier de découpeur allait être, comme beaucoup d’autres petits métiers, oublié… J’avais décidé d’attendre quelque peu les premières réponses et elles sont venues. Très prochainement, je reviendrai vers vous avec nombre de renseignements SNCB. En effet, j’ai toujours habité des maisonnettes ou gares et, de ce fait, ai parcouru de nombreuses cours à marchandises. Par la suite, ma profession à la SNCB fut, pendant près de 40 ans, dans le domaine du factage, il s’agit d’un service s’occupant plus particulièrement, suivant les gares, des wagons, des commandes, de la distribution, du triage, de l’acheminement… »

La Petite Gazette du 27 novembre 2013

ENCORE UN CHANTIER DE DECOUPE DE BOIS

Monsieur Robert Nizet, de Vielsalm, nous confie à son tour sa contribution à la documentation sur les quais de découpe des bois longeant les lignes de chemin de fer. Il nous en présente un qu’il a bien connu.

« Celui-ci était situé à Vielsalm, en amont de la gare et sous le pont de la route de Rencheux. On y a découpé, des années durant, des quantités incroyables de bois destinés aux mines. C’était pour nous les gamins habitant au quartier de la gare un terrain de jeu idéal et pour nos parents une source inépuisable de « petit bois » pour allumer le feu. S’y sont succédé au travail les équipes (notamment) de Jean Bontemps de Ville-du-Bois, d’Armand Frères d’Hébronval et des Martiny des Tailles.

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La photo date de 1948 et j’y figure avec mon papa. »

La Petite Gazette du 18 décembre 2013

LES TRAVAUX FORESTIERS QUI OCCUPAIENT MON MARI

Madame Françoise Schröder-Closjans, de Louveigné, évoque le travail de son mari :

«Les premières années de notre mariage se passèrent à Francorchamps. Après la fenaison et la tonte des haies, mon mari, son voisin, L. Goffin, et les frères de celui-ci ont effectué divers travaux forestiers dans des bois appartenant à la famille Stersteven aux alentours de Stavelot, Francorchamps et Malmédy.

Tous les travaux s’effectuaient à la main, abattage, découpage, sciage…

Avant la plantation de sapins dans des endroits fangeux, il fallait faire des mottes pour éviter le pourrissement des jeunes racines. Ce travail consistait à faire des rigoles autour d’un carré de terrain pour permettre au surplus d’eau de s’évacuer.

En 1960, quelques mois après notre arrivée à la ferme de la Fagne de Deigné, mon mari effectuait son premier débardage avec son cheval. Le travail en forêt était un travail d’équipe. Après l’abattage, l’ébranchage et, parfois, le pelage à l’aide d’une rasette, mon mari amenait les bois le long des chemins forestiers. Certains bois étaient chargés entiers et conduits dans les scieries de la région par camion. C’est en lisant une récente Petite Gazette, précise mon aimable correspondante, que je me suis souvenue de cet outil que mon mari possédait pour enlever les écorces ou peler les bois comme il disait. Il s’agissait d’une rasette que provenait, je pense, de la maison Joseph Leloup à Aywaille. N’en ayant plus l’usage, il l’avait donné à un de ses amis. Dans un ouvrage consacré aux vieux outils, j’ai retrouvé un modèle identique à celui que possédait mon mari et présenté comme étant : « un pèle-tronc, outil servant à l’écorçage des bois ».

Les bois de mine étaient sciés à la longueur voulue par deux découpeurs. Ces bois, chargés sur des camions, étaient acheminés directement vers les charbonnages ou à la gare de Remouchamps pour être expédiés par wagons. Tous ces travaux du début des années 60 étaient effectué à la main.

Quelques années plus tard, ce fut l’apparition des tronçonneuses et des engins mécaniques mais, pour le débardage, le cheval est resté prioritaire. Lorsque le débardage de gros arbres nécessitait un attelage à deux chevaux, Pol Rixhon, de Paradis-Harzé, venait seconder mon mari.

Par mauvais temps, mon mari ramenait certains ouvriers forestiers à la maison pour manger leurs tartines. Cette période a été très enrichissante, elle nous a permis la rencontre de divers métiers du bois et de la forêt ainsi qu’un nouveau vocabulaire français et wallon. »

La Petite Gazette du 29 janvier 2014

AVANT DE COUPER TOUS CES BOIS, IL A FALLU LES PLANTER…

Monsieur René Gabriel, de Roanne Coo, dévore avec passion archives et vieux documents et, surtout, aime à partager avec les lecteurs de La Petite Gazette les intéressantes qu’il fait :   « Voici  quelques  renseignements  retrouvés  lors  de  mes  recherches  dans  les  différents  bans  locaux.

En 1837, le  roi  Léopold I, rentrant  vers  Spa  après  une  visite  à  la  cascade  de  Coo, se  trouve  désolé  devant  les  landes  arides  qu’il  traverse, nos  fagnes  où  paissent  alors  des milliers  de  moutons.  A  partir  de  cette  époque  de  nombreux  “experts”  vont  se  pencher  sur  ce  problème et  bien  des  années  plus  tard  un  plan  de  boisement  de  ces  vastes  étendues  sera  d’actualité. Vers  1875-1880  on  plante  donc  de  nombreux  feuillus  et  résineux  en  Ardenne. Les  résineux  sont  principalement  des  pins  sylvestres  et des mélèzes.

Ex: 1879. En  commune  de  Ferrières  le  bourgmestre  reçoit  l’information  d’envoyer  le  messager  enlever  25  kilos  de graines  de  pins  sylvestres  au  dépôt, les  graines  de mélèzes  seront  fournies  plus  tard. Ces  graines  seront  semées  en  pépinière  par  le  forestier  local. Il  n’est  alors  pas  encore  question  d’épicéa. Petite anecdote amusante à propos  de l’enlèvement  des  graines  pour  Ferrières en  1879, le  responsable  précise  au  bourgmestre d’envoyer  le  messager  « avec  un  sac  sans  trou … » I  vâ  mî … ! précise mon sympathique correspondant.

Plus  tard, en  commune  de  Basse-Bodeux  cette  fois, en 1914, les  autorités  notent  que  des  milliers  de  pins  sylvestres  ont  été  plantés  mais  qu’une  invasion    très  importante  d’écureuils  menace  ces  peuplements car  ils  rongent  les  écorces  et  les  arbres  dépérissent. Il  est  donc  décidé  de  tuer  les  écureuils  et  une  prime  de  25  centimes  par  animal  tué  est  accordée  à  condition  de ramener  la  queue  du  rongeur  au … bourgmestre !

Nous  avons  là  un  premier  départ  d’enrésinement en  Ardenne, il  est  probable  que  la  plantation  de  l’épicéa va  bientôt  apparaitre  également  peu  après.

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Il  faudra  attendre, bien  évidemment,  l’arrivée  du  rail  en  Ardenne (1890 pour  Rivage-Trois-Ponts) pour  remarquer  un  trafic  de  bois  de mines. Certaines cartes  postales, vers 1920  ou  peu  avant, montrent  des  wagons  chargés  de  longues  perches (poteaux  télégraphiques  probablement) et  bois de  mine  en  gares  de  Remouchamps  et  Trois-Ponts. »

Monsieur Jacques Bourdouxhe (voir les commentaires) s’est intéressé à cette série d’articles dans lesquels il a puisé des informations pour l’aider dans sa passion, le modélisme. Répondant à ma demande, il nous adresse ces deux photographies montrant la qualité et la précision de ses réalisations.

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Voici des photos de mon diorama représentant une bicabine  ( type 18  ) remorquant un wagon à haussettes chargé de grumes destinées aux charbonnages.

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Cette seconde photo a été prise au Brésil   ( mon épouse est brésilienne ) ou  j’ai amené le diorama pour une exposition de modélisme ferroviaire à Curitiba  (Etat du Parana )
Le matériel roulant est à l’échelle TT  ( 1/120 ) populaire en Allemagne et en Europe de l’est. L’écartement de voie est de 9mm pour représenter une voie métrique (ce qui est le cas pour la majorité des lignes vicinales qui ont existé sur le réseau SNCV/NMVB  ).
Comme il n’existe rien de disponible dans le commerce, à part les chassis tout le reste est de construction maison. Les carrosseries  ont été réalisées par la technique de l’impression 3D.
Ma famille maternelle  (famille Guillaume) a gravité pendant de longues années autour d’Esneux : Poulseur, Ham , Esneux (où je suis né), Fontin  et Montfort. »

Un grand merci à Monsieur Bourdouxhe et toutes les félicitations de la Petite Gazette

Henri Chevron

La Petite Gazette du 3 mars 1999

Artiste, inventeur excentrique…, qui était vraiment Henri Chevron?

Si La Petite Gazette veut continuer à se targuer d’être la Gazette . de l’insolite régional, elle se devait de répondre favorablement à l’appel lancé par Les Hèyeûs d’sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille au sujet de ce personnage tout à fait extraordinaire qui défia la chronique locale dans l’Entre-Deux-Guerres; nous voulons parler de Henri Chevron. Voici ce que nous en disent nos jeunes enquêteurs : «Henri Chevron était un personnage particulièrement pittoresque 1—dont tous les anciens Remoucastriens parlent encore avec amusement, -tendresse et admiration. Il fut artiste, ses sculptures en béton, parfois naïves, parfois effrayantes,; hantent toujours son village natal, Playe».
Cet agriculteur fut aussi inventeur, on lui doit un mystérieux «rayon de la mort» et toutes sortes de bizarreries qui ont stupéfié ses contemporains. Autodidacte, il construisit, de ses mains, la première T.S.F. de son village; de son observatoire, il contemplait les astres et les étoiles»…
Les Hèyeûs d’sov’nis ont recueilli bien des informations de deux personnes qui l’ont bien connu: MM. Joseph Delbouille et Etienne Dechamp. Voici ce que leur a confié ce dernier:
«Au fond des bois, il (Henri Chevron) avait créé un «jardin zoologique». Un ruisseau traversait une prairie voisine si bien que la boue ne manquait pas. A cette époque, nous voyions Chevron partir souvent dans cette direction et tout le monde se demandait ce qu’il allait y faire. Un beau jour, quand il a eu fini, je suis allé avec lui. C’était beau, c’était un jardin zoologique. On pouvait y reconnaître toutes les «bièsses» faites magnifiquement avec de la terre. Il y avait un éléphant, un lion, etc. Après, tout le monde venait voir l’oeuvre de Chevron. On venait d’Awan, de Sprimont. Il y avait un tigre et des gens qui étaient venus par curiosité s’en étaient retournés en quatrième vitesse, car ils avaient cru que, dans le pré, ils avaient rencontré un tigre vivant. Malheureusement, avec le temps, tout s’est désagrégé».
Vous avez peut-être visité ce jardin zoologique, ou l’observatoire de Henri Chevron, ou encore écouté cette première T.S.F.1? Tous vos souvenirs intéressent les enquêteurs de l’Athénée d’Aywaille, mais ce qu’ils recherchent en vain depuis des mois c’est une photographie de ce «génie méconnu» afin de pouvoir mettre un visage sur une personnalité originale. Pouvez-vous les aider à compléter leurs informations et : leur documentation?
Ecrivez-moi pour me parler de ces personnages hors du commun que nos régions ont connus.

La Petite Gazette du 17 mars 1999

Il y a quinze jours, La Petite Gazette vous présentait, à la demandé des Hèyeûs d’sov’nls de l’Athénée Royal d’Aywallle, une photographie d’une des œuvres d’un étonnant personnage qui vécut à Playe, sur les hauteurs de Sougné-Remouchamps. Cet homme, Henri Chevron,
a tout autant goûté aux techniques qu’aux arts et il a fait le ravissement de quelques générations d’enfants avant la Seconde Guerre Mondiale. Que sont ses œuvres devenues? Certaines, celles évoquées dans la Petite Gazette, n’ont eu qu’une existence éphémère en raison du matériau dans lequel elles avaient été érigées, nous avons vu cependant que la pérennité leur avait été accordée dans le souvenir de quelques-uns. D’autres, peu nombreuses, existent toujours, mais elles ont aujourd’hui un rôle bien peu respectueux de leur grâce naïve…
Faut-il s’en plaindre? Existeraient-elles encore si elles n’avaient pas accepté ce rôle utilitaire dans la campagne de Playe? J’imagine que ce n’est pas seulement La proximité de l’autoroute qui fit perdre la tête à l’une de ces Vénus du cru… Ce génie a-t-il été à ce point incompris qu’il ne se trouva personne pour préserver ses réalisations? Où sont passées ses autres créations? Quels souvenirs a-t-il laissés?
Si Henri Chevron, ses œuvres ou ses inventions évoquent l’un ou l’autre souvenir chez vous, je vous invite à le partager avec lès nombreux lecteurs de La Petite Gazette. Puis-je également vous rappeler que les jeunes chercheurs de l’Athénée d’Aywaille seraient très heureux de voir Henri Chevron? Alors si vous aviez une photographie, ce serait réellement merveilleux de nous permettre de la reproduire dans La Petite Gazette. Ecrivez-moi nombreux.

La Petite Gazette du 31 mars 1999

Répondant à l’appel lancé, la première semaine de mars, par les Hèyeûs d’sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille, Monsieur Norbert Lagasse, de Liège, m’a transmis un courrier vraiment très intéressant car il contient les souvenirs de quelqu’un qui côtoya réellement Henri Chevron et ce «quelqu’un»,, c’est Monsieur Lagasse lui-même! Je vous propose de découvrir tout de suite la première partie de ce témoignage.
« J’ai très bien connu os personnage extraordinaire qu’était Henri Chevron, le phénomène de Playe écrit M. Norbert Lagasse, il était alors le plus proche voisin de Henri Salve, le bourgmestre de Remouchamps.» (N.D.LR. Henri Salve est échevin depuis le,9 janvier 1939, Il fera fonction de Bourgmestre de Sougné-Remouchamps dès le 1* janvier 1940, en remplacement d’Alphonse Decelle, malade; Il exercera cette fonction jusqu’au 26 mai 1945)
« A quelques semaines de mon quatre-vingtième anniversaire, mes souvenirs se sont évidemment quelque peu estompés. Il n’empêche», semble s’excuser mon aimable correspondant, mais il n’y a pas de quoi; jugez plutôt de l’intérêt de ses écrits :
« J’ai souvent entendu mon père, Nicolas Lagasse, raconter l’odyssée de la motocyclette que Henri avait fabriquée pour se déplacer sur l’eau. Les premiers essais de l’engin, programmes pour un dimanche après-midi, au pied de la tour du château de Montjardin, là où l’Amblève est la plus profonde, faillirent tourner à la catastrophe. Projeté à l’eau et au milieu des débris de son invention, Henri ne dut qu à la solidarité de quelques amis de pouvoir échapper à la noyade.
Bien plus tard, en 1939, uns véritable amitié s’était liée entre Henri et moi. Habitant Remouchamps, je me rendais chez lui au moins deux fois par semaine pour aller chercher du lait. A plusieurs reprises, j’ai visite son observatoire installé dans les dépendances de sa fermette…»
La semaine prochaine, nous suivrons Monsieur Lagasse à Playe, à la rencontre de Henri Chevron et de son rayon de la mort. Il serait vraiment étonnant que personne d’autre n’aurait gardé le souvenir d’un aussi étonnant personnage. Permettez-moi d’insister également sur mon souhait de recevoir des photographies soit de Henri Chevron, soit de ses œuvres et inventions. Je compte sur vous.

La Petite Gazette du 7 avril 1999

Comme promis, nous poursuivrons cette semaine la lecture du passionnant courrier que nous a transmis M. Norbert Lagasse, de Liège, qui a très bien connu Henri Chevron.
«Soucieux d’étendre ses activités; Henri avait même imaginé de transférer son observatoire dans l’un de ses prés sis à mi-chemin entre son domicile et la chapelle de la Fidélité. (N.D.LR. là, où aujourd’hui, passe la bretelle de l’autoroute desservant la vallée de l’Amblève). Ce projet fut abandonné alors que les murs de l’édifice avaient déjà atteints une certaine hauteur.
Beaucoup plus sérieux furent ses contacts avec le Ministère de la Guerre Britannique auquel il avait fait part de sa découverte du «Rayon de la Mort». Grâce à mes, connaissances de la langue anglaise, j’étais même devenu son secrétaire particulier. Des croquis, des schémas, des lettres furent envoyés à Londres qui s’intéressait de plus en plus aux travaux de notre Belge.
A l’approche de l’ouverture des hostilités, les contacts prirent fin, car Henri appréhendait qu’il allait être invité à s’expatrier, ce qu’il ne voulait à aucun prix, car il aurait dû abandonner sa sœur avec laquelle il vivait.
Pour ma collaboration et en guise de remerciements, il m’avait offert un minuscule poste à galène conçu de son imagination.
On ne saura jamais si Henri n’avait pas autant de talents que les nazis de Peenemunde! conclut M. Lagasse,
Un grand merci pour cet intéressant témoignage de quelqu’un qui côtoya de très près Henri Chevron. Il est certainement d’autres personnes qui pourraient aussi nous en parler, nous décrire les prodigieuses inventions de ce «self-made-man» de notre région. J’attends avec curiosité et intérêt vos prochains courriers à ce sujet. Je vous rappelle que les Hèyeûs d’sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille sont, depuis longtemps, à la recherche d’une photographie de Henri Chevron, qui les aidera?

La Petite Gazette du 14 avril 1999

Les articles consacrés à cet étonnant personnage de Playe (Remouchamps) ont suscité une nouvelle réaction, celle de Mme M. Cornet, dé Hotchamps. Voici ce qu’elle nous écrit:
«Henri Chevron est né en 1882 et est décédé, à Playe, le 19 mai 1953, à l’âge de 71 ans.
Célibataire, il exploitait une petite fermé avec ses deux soeurs, Marie et Féllcle, célibataires elles aussi. Les deux terrains de leur exploitation se trouvaient dans les environs de la Redoute .
C’était un original, mais doté d’un sens de l’invention extraordinaire. Personnellement, je l’ai très peu connu, par contre, mon père, qui était né en 1900, était un grand ami de la famille, il a été très souvent le témoin de ses exploits et il me les racontait.
Pour le centenaire dé la Belgique, en 1930, il avait fait un char représentant une grotte confectionnée avec des sacs de jute trempés dans du ciment, cette grotte était percée de nombreux trous d’où sortaient des petits sotais. Elle était aussi agrémentée d’une jolie cascade qui dévalait le rocher; une pompe en actionnait le circuit d’eau. Ce très beau char était tiré par trois gros chevaux, un noir, un jaune paille .et un rouge, pour symboliser le drapeau belge. Les chevaux appartenaient à Eugène Leclercq, de Delgné; à Paul Thonon, de Hptchamps et, le troisième, à mon père, Armand. Cornet.
Parmi ses nombreuses inventions, notons un avion qui, très vite, allait piquer du nez dans la prairie, un vélo pour aller sur l’eau, en quelque sorte l’ancêtre du pédalo. Lors de son essai pour la traversée de l’Amblève, un malencontreux câble, qui traînait par là, le fit basculer dans la rivière. Il y avait aussi une lunette pour observer la lune et les étoiles».
Merci beaucoup, Mme Cornet, de nous permettre de mieux connaître ce personnage extraordinaire. La semaine prochaine, nous poursuivrons la lecture de votre courrier à la découverte d’autres informations, d’autres inventions, d’autres extravagances. Si, vous aussi, comme notre lectrice de Hotchamps, vous avez connu ou entendu parler de Henri Chevron, n’hésitez pas, écrivez-moi.

La Petite Gazette du 21 avril 1999

C’était réellement un personnage d’exception ce Henri Chevron. Son évocation réveille les souvenirs et, aujourd’hui encore, il m’en a été promis d’autres que je me réjouis de vous faire découvrir. Vous verrez qu’il était loin d’être farfelu!
En les attendant, poursuivons le lecture du courrier de Mme Marcelle Cornet, de Hotchamps.
«Une chose dont je me souviens très bien, c’est son poste de radio, complètement fabriqué par ses soins. La carcasse du poste représentait le buste d’un gros officier, avec képi et moustaches. Moi, qui étais une gamine de cinq ou six ans, j’étais très impressionnée, je croyais réellement que cet homme parlait. Henri Chevron prévoyait déjà la télévision, à cette époque, il disait, qu’avec le temps, on pourrait voir son interlocuteur!
Pour accéder à sa maison, dont la façade était couverte de lierre, il y avait une volée d’escaliers et, de chaque côté, sur des colonnes, trônaient deux gros lions ; la rampe de l’escalier était faite de serpents entrelacés.
Par les chemins, poursuit Mme Cornet, il n’était pas rare de trouver, de-ci de-là dans les haies, de bien jolies roses; elles avaient été greffées par ses soins sur des rosiers sauvages.
Un jour, il était parti semer de l’engrais dans son champ, sur les hauteurs de La Redoute et l’Idée lui vint d’écrire son nom avec l’engrais. En cours de travail, I’engrais vint à lui manquer et, quand la prairie reverdit et que l’herbe repoussa, on a pu lire: «HENRI CHEVRON A REMOU».
Pendant la guerre, il avait creusé une cachette, une espèce de citerne. Quand on en soulevait la trappe, la citerne était remplie d’eau; par un malin stratagème, ce n’était qu’un petit bac qui bouchait l’entrée et un système, coulissant sur des roulettes et se poussant facilement sur le côté, dégageait l’entrée. Dans cette cachette, il fabriquait des espèces
de briquettes en bois, bourrées de dynamite. Du haut du chemin de fer,
il les laissait tomber sur les convois et, ainsi, sabotait les trains de l’armée allemande..
Une de ses dernières trouvailles fut la construction d’un abri antiatomique; quelques vestiges subsistent encore dans la campagne de Playe».
Mme Cornet conclut ensuite son courrier ainsi : «Voilà M. Henry les quelques anecdotes dont je me souviens; j’espère que vous en recevrez beaucoup d’autres et que vous pourrez ainsi satisfaire la curiosité de chacun».
Merci beaucoup Mme Cornet, c’est vrai que tout le monde a envie d’en savoir davantage sur ce si passionnant personnage plein d’étonnantes ressources. Que tous ceux qui l’ont connu aident à sauvegarder sa mémoire. D’avance merci.

La Petite gazette du 11 mai 1999

Elle me l’avait promis et elle a tenu sa promesse. Mme Annie Thonon, de Hotchamps, m’a transmis, récemment, un très intéressant courrier relatif à cet étonnant personnage qu’était Henri Chevron, son grand-oncle.
Les documents transmis prouvent, indubitablement, que cet habitant de Playe n’avait rien d’un farfelu. Mme Thonon m’a notamment envoyé deux copies de Brevets d’invention, déposés par son grand-oncle en 1913 et en 1914. Le premier concerne, sans autre précision, un appareil de locomotion, le second, quant à lui, est relatif à une hélice à pas variable. Dans les deux cas, les documents officiels signés du directeur général du Ministère de l’Industrie et du Travail précisent que l’invention doit être mise en exploitation un an après l’exploitation à l’étranger».
Ses inventions connurent-elles le succès? Nous ne le savons. Par contre, nous pouvons affirmer que ces deux brevets ne sont que des exemples parmi d’autres et que longtemps encore Henri Chevron fit partie de la Fédération Belge des Inventeurs, ainsi qu’en atteste l’Invitation à assister à l’assemblée générale statutaire du 13 décembre 1932 de cette Fédération.
Il était donc inventeur, et non farfelu, ce qui ne l’empêcha nullement de faire preuve d’originalité dans de nombreux domaines et donc d’intriguer à une époque où l’originalité n’était guère de mise en nos campagnes. Sa maison annonçait le personnage. Ce n’était pas la maison de Monsieur tout le monde, mais Henri Chevron n’était justement pas Monsieur tout le monde.
Ses œuvres sculpturales, en béton [veillaient sur le pas de sa porte. Elles dénotent, outre une bonne maîtrise des techniques, une réelle connaissance de la symbolique et des grandes époques de la statuaire.
Henri Chevron est Ici photographié, devant sa maison, entouré de deux messieurs, habillés comme à la ville et portant chapeau. Mme Thonon me dit ne pas les connaître. Il est vraisemblable que ces deux messieurs soient des visiteurs occasionnels; peut-être même des personnalités… ce qui justifierait cette prise de vue au caractère solennel!
La semaine prochaine, je vous promets encore des informations étonnantes sur ce personnage.
Si vous avez conservé, dans la tradition orale de votre famille, des souvenirs de Henri Chevron; ce serait merveilleux de les partager avec nous afin de sauver ce pittoresque personnage de l’oubli. Les informations glanées par «Les Hèyeûs d’Sov’nls de l’Athénée Royal d’Aywallle et celles que vous ne manquerez pas d’encore m’envoyer nous permettront de mener ce projet a bonne fin. D’avance merci pour votre précieuse collaboration.

La Petite Gazette du 19 mai 1999

Lors de notre précédente édition, j’ai pu vous présenter une partie dès documents que Madame Thonon, de Hotchamps, m’a transmis afin de vous les soumettre. J’espère que ses photographies et souvenirs en réveilleront d’autres parmi les lectrices et les lecteurs de La Petite Gazette et, qu’à leur tour, ils auront à coeur de me les communiquer.
Déjà durant la première semaine du mois d’avril, nous avions, grâce à M. Norbert Lagasse de Liège, évoqué les échanges de lettres entre Henri Chevron et le Ministère de la Guerre Britannique. Souvenez-vous, il était alors question d’un mystérieux «rayon de la mort» !
Madame Thonon m’a également remis la copie de l’étonnante lettre que vous lirez ci-après:
Le Lieutenant-Colonel Robert L. Schulz, aide de camp du Général Eisenhower, répond à Henri Chevron au nom du Commandant en Chef des Forces Alliées en Europe. Le Général Eisennower fait savoir à notre inventeur de Playe qu’il ne dispose pas du pouvoir administratif de juger de I intérêt des inventions proposées, mais qu’il lui suggère de s’adresser au Ministère Belge de la Défense Nationale qui devrait pouvoir lui fournir toutes les informations qu’il sollicite.
Ce qui m’étonne le plus dans ce courrier, c’est la date à laquelle il aurait été rédigé : le 14 mars 1952. A cette date Henri Chevron avait70 ans ; qu’en pensez-vous ? N’y a-t-il pas une faute de frappe sur cette lettre ? Peut-être que Monsieur Lagasse ou quelqu’un d’autre pourra nous renseigner à ce sujet. Pour ceci aussi, je compte énormément sur vous.

La Petite Gazette 26 mai 1999

Comme je l’espérais dans La Petite Gazette du 11 mai dernier, les documents transmis par madame Thonon, de Hotchamps, m’ont déjà valu de nouveaux témoignages, de nouvelles révélations.
C’est avec énormément de plaisir que j’ai découvert le courrier de Monsieur Norbert Fanali, de Sedoz (Sougné-Remouchamps) qui évoque d’étonnants souvenirs:
«Je me souviens qu’étant enfant mon père. Jules Fanali, qui serait âgé actuellement de 107 ans, m’a raconté l’anecdote suivante qui se passe avant la guerre de 1914, cela correspond donc, a judicieusement remarqué M. Fanali, aux dates des brevets qui vous ont été fournis par Mme Thonon.
A cette époque, mon père et sa famille habitaient au hameau de Presseuru à Remouchamps. Il pouvait être âgé de 16 à 18 ans, quand lui comme d’autres personnes des environs furent Invités par Henri Chevron à se rendre au lieu dit « Pierset». Un appareil conçu bar Chevron fut amené par chariot et placé sur le terrain en pente, l’appareil était monté par Chevron…. Celui-ci espérait atteindre Playe par les airs ! ‘
Les jeunes gens, à l’aide d’une corde et en courant, tirèrent l’appareil en descendant la pente du pré. L’appareil quitta le sol, mais après quelques mètres, s’écrasa.
Je ne puis vous dire si cet appareil était équipé d’une hélice ou si c’était un planeur, mais je crois que l’essai ne fut pas renouvelé».
Un tout grand merci pour cette extraordinaire anecdote. Ainsi donc, et monsieur Fanali en perpétue le souvenir, le Val de t’Amblève a connu un pionnier de l’air! C’est fantastique, qui a entendu parler de cette étonnante aventure? Qui, parmi les descendants de ces privilégiés qui ont assisté à cet envol, pourra témoigner et compléter encore le récit de monsieur Norbert Fanait? Je suis intimement persuadé que nous avons encore, beaucoup à apprendre sur cet homme hors du commun qu’était Henri Chevron.
Souvenez-vous, dans la même Petite Gazette du 11 mai, grâce à Mme Thonon, je vous présentais une photographie sur laquelle Henri Chevron apparaissait entouré de deux messieurs endimanchés et coiffés d’un chapeau. Je vous disais alors que je ne pouvais les identifier.
Monsieur Etienne Libert, domicilié à Etterbeek mais né d’une famille originaire de Sougné-Remouchamps, a reconnu formellement l’un des deux messieurs posant avec Henri Chevron; il s’agit d’un autre personnage dont le nom évoque immédiatement la vallée de l’Amblève : Paul Lepage. Ce peintre, né à Anvers en 1869, fréquente Sougné-Remouchamps depuis la fin du siècle et s’y Installe en 1923. C’est à lui que le Docteur Louis Thiry confie les illustrations de ses ouvrages.
M. Libert connaît bien la vie et l’oeuvre de cet artiste qui, aux côtés des Terwagne, Rahir, Thiry et Gavage, lutta pour la sauvegarde des sites du val de l’Amblève. En effet, depuis de très longues années, il prépare un ouvrage sur le peintre Paul Lepage. Il me dit que sa parution est proche I Quoi qu’il en soit et ceci étant dit, monsieur Libert connaît suffisamment le personnage que pour pouvoir se montrer formel. La photographie en question présente donc, de gauche à droite, M. Paul Lepage, M. Henri Chevron et ? Tout étant possible grâce a vous, peut-être pourrons-nous bientôt effacer ce point d’interrogation et identifier les trois personnages immortalisés par ce cliché, des années trente vraisemblablement.

La Petite Gazette du 7 juillet 1999

Quand Les Hèyeûs d’Sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille me proposèrent de lancer un appel pour en savoir davantage sur cet étonnant personnage, dont ils avaient entendu parler durant leurs enquêtes de folklore, j’étais assez sceptique, mais je ne connaissais pas bien encore les lectrices et les lecteurs de La Petite Gazette. Les courriers relatifs à Henri Chevron continuent à me parvenir et de nouvelles anecdotes nous sont révélées.
Mme Julie Carpentier, de Playe, m’écrit à son tour: «J’ai très bien connu Henri Chevron, car je suis née à Playe, j’y habite toujours. Enfant, j’allais souvent chez lui, voir ses inventions entre autres une boîte aux lettres verticale. Quand on l’ouvrait, un œil apparaissait et une sonnerie de réveil retentissait! Il avait également construit un observatoire sur son toit Maman, quelques voisins et moi avions été invités à l’inauguration, vers les années 1950».
Mme Julie Carpentier a joint deux photographies à sa lettre. La première nous montre «Henri et mon papa, Emile Carpentier. Il allait remplir son tonneau d’eau à la pompe qui se trouvait en face. Que la vie était belle, on ne connaissait pas de pollution!»
Et Mme Carpentier de conclure son gentil courrier par «Je pourrais encore vous en raconter, c’était un homme très gentil, inventeur et très original. Je vous remercie pour votre rubrique qui nous fait revivre pleins de bons moments». Mais, Madame, c’est moi, qui au nom des lecteurs de Là Petite Gazette, vous remercie pour votre collaboration et vous engage, si vous te désirez, à encore nous en raconter bien d’autres!

La Petite gazette du 20 juillet 1999

Tout le monde en est convaincu Henri Chevron était bien un personnage hors du commun. Il a laissé d’excellents et de plaisants souvenirs dans la mémoire de ceux qui l’ont côtoyé. Ainsi, Mme Léa Carpentier-Flohimont, de Remouchamps, se souvient à son tour:
«Henri Chevron était un type vraiment très sociable avec ses voisins et ses amis, mais quand il voulait détourner un sujet de conversation, il savait se montrer parfois blagueur, souvent pince-sans-rire, Il était doté d’un extraordinaire esprit inventif et faisait la preuve d’une rare intelligence quand il s’agissait d’élaborer des plans qu’il transmettait à je ne sais plus quel ministère. Ses brevets étaient toujours acceptés, mais je crois qu’il a dû souvent regretter de constater que ses idées, ses projets et son travail étaient surtout mis à profit par d’autres chercheurs, plus instruits que lui.
Il nous annonçait toujours : «J’ai le cinéma parfois chez moi, vous verrez, vous l’aurez chez vous!» Ce fut donc le cinéma pour lui, mais pour nous, les premières télévisions.
Il avait installé de très longues lunettes d’approche sur un de ses bâtiments. Il observait et étudiait les astres et la lune. Sur le toit de sa ferme, il avait construit une tour d’observation. Au travers de ses grandes jumelles, il passait de longues heures, seul, à observer le ciel la nuit et, la journée, tout ce qui se passait dans les environs et aussi dans le vaste horizon.
Parfois, Henri Chevron apportait ses lunettes d’approche et, le soir, les montait sur leur pied, soit au milieu de notre cour, soit même à l’intérieur de la maison. Nous prenions beaucoup de plaisir à nous en servir et plus encore à écouter la «leçon» qu’Henri nous donnait alors».  » Dans les semaines à venir, nous suivrons notre petit bonhomme de chemin parmi les souvenirs et les anecdotes de Mme Carpentier.
A suivre donc

La Petite Gazette du 1er septembre 1999

Toujours du nouveau à propos de cet étonnant personnage de Playe, sur les hauteurs de Sougné-Remouchamps.
Mme Léa Carpentler-Flohimont, de Remouchamps, partage avec nous ses souvenirs.
« La guerre 14-18 n’était pas effacée de ses souvenirs. Henri Chevron décida de construire un bâtiment antigaz et anti-atomique (?) sur son terrain de Playe-Hodister. Il réalisa une très grande place souterraine (actuellement remblayée) pour tous les habitants, tout contre le bâtiment externe pour sauver les animaux de la ferme.
Il construisit ce bâtiment avec l’aide d’un de nos ouvriers, M. Joseph Berleur, de Kin. Il est important de préciser que les blocs dé béton utilisés par Henri Chevron avaient été fabriqués par M. Oscar Hausman, pas comme les blocs « ordinaires » qu’il fabriquait habituellement, mais bien selon les indications de produits et de quantités que réclamait l’inventeur pour cette production spéciale.
Pendant la guerre, affirme Mme Carpentier, le sieur Chevron aida aussi certains groupes de la résistance et cachait parfois des réfractaires ou partisans de l’armée blanche. Une cachette était aménagée dans sa maison, dans la première ou la deuxième place à gauche, dans une armoire encastrée. Derrière celle-ci, un semblant de mur faisant office d’entrée dans une cache assez grande et aménagée. Une petite échelle permettait d’y avoir accès. Pour M. Chevron, ce faux mur, invisible, était encore un petit « truc ». Par un mécanisme de son invention, il retirait l’armoire avec confitures et victuailles, la fausse porte s’ouvrant derrière. Cette petite cachette était particulièrement bien camouflée. »
Petit à petit le portrait de cet étonnant personnage se précise, cependant si des anecdotes vous reviennent en mémoire, n’hésitez pas à nous les confier.
La Petite Gazette du 8 septembre 1999
Artiste, inventeur excentrique… qui était vraiment Henri Chevron?
Mme Léa Carpentier-Flohimont, de Remouchamps, a rassemblé, pour les lecteurs de La Petite Gazette, ses souvenirs à propos de cet étonnant personnage qu’était Henri Chevron.
«Lorsqu’il fut question d’ériger le «Monument des Autrichiens», à Playe, M- le Bourgmestre, M. le Secrétaire communal, M. le Président de la CAP et le garde champêtre étaient réunis au bureau quand arriva Henri Chevron. Ils se consultèrent, mais Henri Chevron eut très vite tranché la question: «Qu’on mètt’ li coq wallon so ine grosse pîre! Comme il est todi à pisze qui vasse al copète des Edzâhes»! (point culminant de la Redoute où eut lieu la célèbre bataille).
La cérémonie de l’inauguration officielle du monument fut filmée par M. Marcel Thonon, jeune cinéaste. Souvent, ce dernier venait chez nous à l’auberge. Presque chaque week-end, il passait les soirées auprès de son ami Henri Chevron. Il aimait converser avec lui, intéressé qu’il était par les incessants projets de l’inventeur et surpris par l’étendue de ses connaissances techniques».

La Petite Gazette du 15 septembre 1999

Mme Annie Thonon, de Hotchamps, grâce à sa maman, nous permet aujourd’hui de lever un nouveau pan du voile masquant encore la personnalité de Henri Chevron, de Playe (Remouchamps).
Figurez-vous, qu’Henri ne se contentait pas d’être un ardent défenseur du coq wallon, il l’écrivait. Sur l’air du Chant des Wallons, il composa «Li chant dès coqs Wallons di 1930» (dont je vous propose, ce jour, les deux premières strophes).
«Nos estans firs di noss pitite Patreie,
Et tos costés on fiesteie les cint ans,
Principâlemint vochal el walloneie
Nos estans firs comrme des p’tits coqs tchantans,
C’ést dl bon cour qu’on a s’tu el trancheie
Paski c’esteut po l’disfince di nos dreuts
Et si faléf, les d’jônes d’ouïe f’ri pareie
Cet bin pokwè qu’on fiesteie lès cint ans
Comm’ nos vix pères,-nos inmans todis l’jôe,
El l’jôe n’ècziste jamôe sin l’liberté.
Si on d’jou v’néve qui noss pâe fousse t’èvôe
Po l’ritrové, on n’si freut nin holé,
Comm’lès vis coqs qu’on potchi fou d’el treie
Et qu’elz’y ont fé sinti leus spororis
Tôt comme’leus pères, les d’jônes d’ouïe f’ri pareie,
Cet bin pokwè qu’on fiesteie les cint ans,
Tôt comm’ ieus pères, les d’jônes d’ouïe f’ri pareie,
Vola pokwè, vola pokwè, qu’on fiesteie les cint ans.»
Mme Thonon m’écrit en outre que «suite aux articles publiés, j’ai eu le plaisir d’avoir des contacts avec plusieurs personnes ayant connu mon grand-oncle (Henri Chevron) à qui j’ai conseillé de vous adresser les renseignements en leur possession. J’ai pu constater qu’elles l’avaient fait». Effectivement Mme Thonon et je vous remercie, au nom de toutes les lectrices et de tous les lecteurs de La Petite Gazette, d’avoir agi de la sorte car, ainsi, tout le monde a pu profiter de ces témoignages. La Petite Gazette se veut bien sûr au service de tous, mais il est impérieux que le résultat des recherches menées dans ses colonnes soit partagé entre tous.

La Petite gazette du 22 septembre 1999

Comme promis, voici la suite de «Li chant dès coqs Wallons di 1930», paroles de Henri Chevron sur l’air du chant des Wallons.
On d’jaze qui l’gaz ravirèt noss’ bonheur,
Min c’èst paski nos s’porons sont r’crindou
Po ci d’jou là nos masques et nôs planeurs
Comme dés ouhais n’montrant d’zeu les zoulous,
Tôt’ al kopète tràkant les d’jèteus d’gâz
A kôs d’mitaille riskant d’Iès tos s’prâchi
Fis d’leus vis pères, les d’jônes dinront leus veie
Cet bin pokwè qu’on fiesteie les cint ans,
Fis dleus vis pères, les d’jônes dinront leus veie
Vola pokwë, qu’on fiesteie les cint ans.

Pitite Patreie, si bin garneie di fleurs,
Maïe nous pays mi k’vo n’el za gâgni
Ouïe vos èfans sont firs di voss honneur
Vola pokwè qu’if z’on si bin flori,
Vos lès wâdrez po les moères d’elle’patreie
Lès brav’ s’èfans, on n’Ies deut nin rouvi,
Comme leus braves pères les d’jônes d’ouïe fri pareie,
Cet, bin pokwè qu’on fiesteie les cint ans,
Comme leus braves pères les d’jônes d’ouïe fri pareie,
Cet bin pokwè, c’ét bin pokwè qu if vierez co cint ans».

Grâce à Mme Annie Thonon, de Hotchamps, et grâce à sa maman, nous avons pu dévoiler un nouvel aspect de cette personnalité très attachante qu’était Henri Chevron, sculpteur, inventeur et poète.