La Petite Gazette du 3 mars 1999
Artiste, inventeur excentrique…, qui était vraiment Henri Chevron?
Si La Petite Gazette veut continuer à se targuer d’être la Gazette . de l’insolite régional, elle se devait de répondre favorablement à l’appel lancé par Les Hèyeûs d’sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille au sujet de ce personnage tout à fait extraordinaire qui défia la chronique locale dans l’Entre-Deux-Guerres; nous voulons parler de Henri Chevron. Voici ce que nous en disent nos jeunes enquêteurs : «Henri Chevron était un personnage particulièrement pittoresque 1—dont tous les anciens Remoucastriens parlent encore avec amusement, -tendresse et admiration. Il fut artiste, ses sculptures en béton, parfois naïves, parfois effrayantes,; hantent toujours son village natal, Playe».
Cet agriculteur fut aussi inventeur, on lui doit un mystérieux «rayon de la mort» et toutes sortes de bizarreries qui ont stupéfié ses contemporains. Autodidacte, il construisit, de ses mains, la première T.S.F. de son village; de son observatoire, il contemplait les astres et les étoiles»…
Les Hèyeûs d’sov’nis ont recueilli bien des informations de deux personnes qui l’ont bien connu: MM. Joseph Delbouille et Etienne Dechamp. Voici ce que leur a confié ce dernier:
«Au fond des bois, il (Henri Chevron) avait créé un «jardin zoologique». Un ruisseau traversait une prairie voisine si bien que la boue ne manquait pas. A cette époque, nous voyions Chevron partir souvent dans cette direction et tout le monde se demandait ce qu’il allait y faire. Un beau jour, quand il a eu fini, je suis allé avec lui. C’était beau, c’était un jardin zoologique. On pouvait y reconnaître toutes les «bièsses» faites magnifiquement avec de la terre. Il y avait un éléphant, un lion, etc. Après, tout le monde venait voir l’oeuvre de Chevron. On venait d’Awan, de Sprimont. Il y avait un tigre et des gens qui étaient venus par curiosité s’en étaient retournés en quatrième vitesse, car ils avaient cru que, dans le pré, ils avaient rencontré un tigre vivant. Malheureusement, avec le temps, tout s’est désagrégé».
Vous avez peut-être visité ce jardin zoologique, ou l’observatoire de Henri Chevron, ou encore écouté cette première T.S.F.1? Tous vos souvenirs intéressent les enquêteurs de l’Athénée d’Aywaille, mais ce qu’ils recherchent en vain depuis des mois c’est une photographie de ce «génie méconnu» afin de pouvoir mettre un visage sur une personnalité originale. Pouvez-vous les aider à compléter leurs informations et : leur documentation?
Ecrivez-moi pour me parler de ces personnages hors du commun que nos régions ont connus.
La Petite Gazette du 17 mars 1999
Il y a quinze jours, La Petite Gazette vous présentait, à la demandé des Hèyeûs d’sov’nls de l’Athénée Royal d’Aywallle, une photographie d’une des œuvres d’un étonnant personnage qui vécut à Playe, sur les hauteurs de Sougné-Remouchamps. Cet homme, Henri Chevron,
a tout autant goûté aux techniques qu’aux arts et il a fait le ravissement de quelques générations d’enfants avant la Seconde Guerre Mondiale. Que sont ses œuvres devenues? Certaines, celles évoquées dans la Petite Gazette, n’ont eu qu’une existence éphémère en raison du matériau dans lequel elles avaient été érigées, nous avons vu cependant que la pérennité leur avait été accordée dans le souvenir de quelques-uns. D’autres, peu nombreuses, existent toujours, mais elles ont aujourd’hui un rôle bien peu respectueux de leur grâce naïve…
Faut-il s’en plaindre? Existeraient-elles encore si elles n’avaient pas accepté ce rôle utilitaire dans la campagne de Playe? J’imagine que ce n’est pas seulement La proximité de l’autoroute qui fit perdre la tête à l’une de ces Vénus du cru… Ce génie a-t-il été à ce point incompris qu’il ne se trouva personne pour préserver ses réalisations? Où sont passées ses autres créations? Quels souvenirs a-t-il laissés?
Si Henri Chevron, ses œuvres ou ses inventions évoquent l’un ou l’autre souvenir chez vous, je vous invite à le partager avec lès nombreux lecteurs de La Petite Gazette. Puis-je également vous rappeler que les jeunes chercheurs de l’Athénée d’Aywaille seraient très heureux de voir Henri Chevron? Alors si vous aviez une photographie, ce serait réellement merveilleux de nous permettre de la reproduire dans La Petite Gazette. Ecrivez-moi nombreux.
La Petite Gazette du 31 mars 1999
Répondant à l’appel lancé, la première semaine de mars, par les Hèyeûs d’sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille, Monsieur Norbert Lagasse, de Liège, m’a transmis un courrier vraiment très intéressant car il contient les souvenirs de quelqu’un qui côtoya réellement Henri Chevron et ce «quelqu’un»,, c’est Monsieur Lagasse lui-même! Je vous propose de découvrir tout de suite la première partie de ce témoignage.
« J’ai très bien connu os personnage extraordinaire qu’était Henri Chevron, le phénomène de Playe écrit M. Norbert Lagasse, il était alors le plus proche voisin de Henri Salve, le bourgmestre de Remouchamps.» (N.D.LR. Henri Salve est échevin depuis le,9 janvier 1939, Il fera fonction de Bourgmestre de Sougné-Remouchamps dès le 1* janvier 1940, en remplacement d’Alphonse Decelle, malade; Il exercera cette fonction jusqu’au 26 mai 1945)
« A quelques semaines de mon quatre-vingtième anniversaire, mes souvenirs se sont évidemment quelque peu estompés. Il n’empêche», semble s’excuser mon aimable correspondant, mais il n’y a pas de quoi; jugez plutôt de l’intérêt de ses écrits :
« J’ai souvent entendu mon père, Nicolas Lagasse, raconter l’odyssée de la motocyclette que Henri avait fabriquée pour se déplacer sur l’eau. Les premiers essais de l’engin, programmes pour un dimanche après-midi, au pied de la tour du château de Montjardin, là où l’Amblève est la plus profonde, faillirent tourner à la catastrophe. Projeté à l’eau et au milieu des débris de son invention, Henri ne dut qu à la solidarité de quelques amis de pouvoir échapper à la noyade.
Bien plus tard, en 1939, uns véritable amitié s’était liée entre Henri et moi. Habitant Remouchamps, je me rendais chez lui au moins deux fois par semaine pour aller chercher du lait. A plusieurs reprises, j’ai visite son observatoire installé dans les dépendances de sa fermette…»
La semaine prochaine, nous suivrons Monsieur Lagasse à Playe, à la rencontre de Henri Chevron et de son rayon de la mort. Il serait vraiment étonnant que personne d’autre n’aurait gardé le souvenir d’un aussi étonnant personnage. Permettez-moi d’insister également sur mon souhait de recevoir des photographies soit de Henri Chevron, soit de ses œuvres et inventions. Je compte sur vous.
La Petite Gazette du 7 avril 1999
Comme promis, nous poursuivrons cette semaine la lecture du passionnant courrier que nous a transmis M. Norbert Lagasse, de Liège, qui a très bien connu Henri Chevron.
«Soucieux d’étendre ses activités; Henri avait même imaginé de transférer son observatoire dans l’un de ses prés sis à mi-chemin entre son domicile et la chapelle de la Fidélité. (N.D.LR. là, où aujourd’hui, passe la bretelle de l’autoroute desservant la vallée de l’Amblève). Ce projet fut abandonné alors que les murs de l’édifice avaient déjà atteints une certaine hauteur.
Beaucoup plus sérieux furent ses contacts avec le Ministère de la Guerre Britannique auquel il avait fait part de sa découverte du «Rayon de la Mort». Grâce à mes, connaissances de la langue anglaise, j’étais même devenu son secrétaire particulier. Des croquis, des schémas, des lettres furent envoyés à Londres qui s’intéressait de plus en plus aux travaux de notre Belge.
A l’approche de l’ouverture des hostilités, les contacts prirent fin, car Henri appréhendait qu’il allait être invité à s’expatrier, ce qu’il ne voulait à aucun prix, car il aurait dû abandonner sa sœur avec laquelle il vivait.
Pour ma collaboration et en guise de remerciements, il m’avait offert un minuscule poste à galène conçu de son imagination.
On ne saura jamais si Henri n’avait pas autant de talents que les nazis de Peenemunde! conclut M. Lagasse,
Un grand merci pour cet intéressant témoignage de quelqu’un qui côtoya de très près Henri Chevron. Il est certainement d’autres personnes qui pourraient aussi nous en parler, nous décrire les prodigieuses inventions de ce «self-made-man» de notre région. J’attends avec curiosité et intérêt vos prochains courriers à ce sujet. Je vous rappelle que les Hèyeûs d’sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille sont, depuis longtemps, à la recherche d’une photographie de Henri Chevron, qui les aidera?
La Petite Gazette du 14 avril 1999
Les articles consacrés à cet étonnant personnage de Playe (Remouchamps) ont suscité une nouvelle réaction, celle de Mme M. Cornet, dé Hotchamps. Voici ce qu’elle nous écrit:
«Henri Chevron est né en 1882 et est décédé, à Playe, le 19 mai 1953, à l’âge de 71 ans.
Célibataire, il exploitait une petite fermé avec ses deux soeurs, Marie et Féllcle, célibataires elles aussi. Les deux terrains de leur exploitation se trouvaient dans les environs de la Redoute .
C’était un original, mais doté d’un sens de l’invention extraordinaire. Personnellement, je l’ai très peu connu, par contre, mon père, qui était né en 1900, était un grand ami de la famille, il a été très souvent le témoin de ses exploits et il me les racontait.
Pour le centenaire dé la Belgique, en 1930, il avait fait un char représentant une grotte confectionnée avec des sacs de jute trempés dans du ciment, cette grotte était percée de nombreux trous d’où sortaient des petits sotais. Elle était aussi agrémentée d’une jolie cascade qui dévalait le rocher; une pompe en actionnait le circuit d’eau. Ce très beau char était tiré par trois gros chevaux, un noir, un jaune paille .et un rouge, pour symboliser le drapeau belge. Les chevaux appartenaient à Eugène Leclercq, de Delgné; à Paul Thonon, de Hptchamps et, le troisième, à mon père, Armand. Cornet.
Parmi ses nombreuses inventions, notons un avion qui, très vite, allait piquer du nez dans la prairie, un vélo pour aller sur l’eau, en quelque sorte l’ancêtre du pédalo. Lors de son essai pour la traversée de l’Amblève, un malencontreux câble, qui traînait par là, le fit basculer dans la rivière. Il y avait aussi une lunette pour observer la lune et les étoiles».
Merci beaucoup, Mme Cornet, de nous permettre de mieux connaître ce personnage extraordinaire. La semaine prochaine, nous poursuivrons la lecture de votre courrier à la découverte d’autres informations, d’autres inventions, d’autres extravagances. Si, vous aussi, comme notre lectrice de Hotchamps, vous avez connu ou entendu parler de Henri Chevron, n’hésitez pas, écrivez-moi.
La Petite Gazette du 21 avril 1999
C’était réellement un personnage d’exception ce Henri Chevron. Son évocation réveille les souvenirs et, aujourd’hui encore, il m’en a été promis d’autres que je me réjouis de vous faire découvrir. Vous verrez qu’il était loin d’être farfelu!
En les attendant, poursuivons le lecture du courrier de Mme Marcelle Cornet, de Hotchamps.
«Une chose dont je me souviens très bien, c’est son poste de radio, complètement fabriqué par ses soins. La carcasse du poste représentait le buste d’un gros officier, avec képi et moustaches. Moi, qui étais une gamine de cinq ou six ans, j’étais très impressionnée, je croyais réellement que cet homme parlait. Henri Chevron prévoyait déjà la télévision, à cette époque, il disait, qu’avec le temps, on pourrait voir son interlocuteur!
Pour accéder à sa maison, dont la façade était couverte de lierre, il y avait une volée d’escaliers et, de chaque côté, sur des colonnes, trônaient deux gros lions ; la rampe de l’escalier était faite de serpents entrelacés.
Par les chemins, poursuit Mme Cornet, il n’était pas rare de trouver, de-ci de-là dans les haies, de bien jolies roses; elles avaient été greffées par ses soins sur des rosiers sauvages.
Un jour, il était parti semer de l’engrais dans son champ, sur les hauteurs de La Redoute et l’Idée lui vint d’écrire son nom avec l’engrais. En cours de travail, I’engrais vint à lui manquer et, quand la prairie reverdit et que l’herbe repoussa, on a pu lire: «HENRI CHEVRON A REMOU».
Pendant la guerre, il avait creusé une cachette, une espèce de citerne. Quand on en soulevait la trappe, la citerne était remplie d’eau; par un malin stratagème, ce n’était qu’un petit bac qui bouchait l’entrée et un système, coulissant sur des roulettes et se poussant facilement sur le côté, dégageait l’entrée. Dans cette cachette, il fabriquait des espèces
de briquettes en bois, bourrées de dynamite. Du haut du chemin de fer,
il les laissait tomber sur les convois et, ainsi, sabotait les trains de l’armée allemande..
Une de ses dernières trouvailles fut la construction d’un abri antiatomique; quelques vestiges subsistent encore dans la campagne de Playe».
Mme Cornet conclut ensuite son courrier ainsi : «Voilà M. Henry les quelques anecdotes dont je me souviens; j’espère que vous en recevrez beaucoup d’autres et que vous pourrez ainsi satisfaire la curiosité de chacun».
Merci beaucoup Mme Cornet, c’est vrai que tout le monde a envie d’en savoir davantage sur ce si passionnant personnage plein d’étonnantes ressources. Que tous ceux qui l’ont connu aident à sauvegarder sa mémoire. D’avance merci.
La Petite gazette du 11 mai 1999
Elle me l’avait promis et elle a tenu sa promesse. Mme Annie Thonon, de Hotchamps, m’a transmis, récemment, un très intéressant courrier relatif à cet étonnant personnage qu’était Henri Chevron, son grand-oncle.
Les documents transmis prouvent, indubitablement, que cet habitant de Playe n’avait rien d’un farfelu. Mme Thonon m’a notamment envoyé deux copies de Brevets d’invention, déposés par son grand-oncle en 1913 et en 1914. Le premier concerne, sans autre précision, un appareil de locomotion, le second, quant à lui, est relatif à une hélice à pas variable. Dans les deux cas, les documents officiels signés du directeur général du Ministère de l’Industrie et du Travail précisent que l’invention doit être mise en exploitation un an après l’exploitation à l’étranger».
Ses inventions connurent-elles le succès? Nous ne le savons. Par contre, nous pouvons affirmer que ces deux brevets ne sont que des exemples parmi d’autres et que longtemps encore Henri Chevron fit partie de la Fédération Belge des Inventeurs, ainsi qu’en atteste l’Invitation à assister à l’assemblée générale statutaire du 13 décembre 1932 de cette Fédération.
Il était donc inventeur, et non farfelu, ce qui ne l’empêcha nullement de faire preuve d’originalité dans de nombreux domaines et donc d’intriguer à une époque où l’originalité n’était guère de mise en nos campagnes. Sa maison annonçait le personnage. Ce n’était pas la maison de Monsieur tout le monde, mais Henri Chevron n’était justement pas Monsieur tout le monde.
Ses œuvres sculpturales, en béton [veillaient sur le pas de sa porte. Elles dénotent, outre une bonne maîtrise des techniques, une réelle connaissance de la symbolique et des grandes époques de la statuaire.
Henri Chevron est Ici photographié, devant sa maison, entouré de deux messieurs, habillés comme à la ville et portant chapeau. Mme Thonon me dit ne pas les connaître. Il est vraisemblable que ces deux messieurs soient des visiteurs occasionnels; peut-être même des personnalités… ce qui justifierait cette prise de vue au caractère solennel!
La semaine prochaine, je vous promets encore des informations étonnantes sur ce personnage.
Si vous avez conservé, dans la tradition orale de votre famille, des souvenirs de Henri Chevron; ce serait merveilleux de les partager avec nous afin de sauver ce pittoresque personnage de l’oubli. Les informations glanées par «Les Hèyeûs d’Sov’nls de l’Athénée Royal d’Aywallle et celles que vous ne manquerez pas d’encore m’envoyer nous permettront de mener ce projet a bonne fin. D’avance merci pour votre précieuse collaboration.
La Petite Gazette du 19 mai 1999
Lors de notre précédente édition, j’ai pu vous présenter une partie dès documents que Madame Thonon, de Hotchamps, m’a transmis afin de vous les soumettre. J’espère que ses photographies et souvenirs en réveilleront d’autres parmi les lectrices et les lecteurs de La Petite Gazette et, qu’à leur tour, ils auront à coeur de me les communiquer.
Déjà durant la première semaine du mois d’avril, nous avions, grâce à M. Norbert Lagasse de Liège, évoqué les échanges de lettres entre Henri Chevron et le Ministère de la Guerre Britannique. Souvenez-vous, il était alors question d’un mystérieux «rayon de la mort» !
Madame Thonon m’a également remis la copie de l’étonnante lettre que vous lirez ci-après:
Le Lieutenant-Colonel Robert L. Schulz, aide de camp du Général Eisenhower, répond à Henri Chevron au nom du Commandant en Chef des Forces Alliées en Europe. Le Général Eisennower fait savoir à notre inventeur de Playe qu’il ne dispose pas du pouvoir administratif de juger de I intérêt des inventions proposées, mais qu’il lui suggère de s’adresser au Ministère Belge de la Défense Nationale qui devrait pouvoir lui fournir toutes les informations qu’il sollicite.
Ce qui m’étonne le plus dans ce courrier, c’est la date à laquelle il aurait été rédigé : le 14 mars 1952. A cette date Henri Chevron avait70 ans ; qu’en pensez-vous ? N’y a-t-il pas une faute de frappe sur cette lettre ? Peut-être que Monsieur Lagasse ou quelqu’un d’autre pourra nous renseigner à ce sujet. Pour ceci aussi, je compte énormément sur vous.
La Petite Gazette 26 mai 1999
Comme je l’espérais dans La Petite Gazette du 11 mai dernier, les documents transmis par madame Thonon, de Hotchamps, m’ont déjà valu de nouveaux témoignages, de nouvelles révélations.
C’est avec énormément de plaisir que j’ai découvert le courrier de Monsieur Norbert Fanali, de Sedoz (Sougné-Remouchamps) qui évoque d’étonnants souvenirs:
«Je me souviens qu’étant enfant mon père. Jules Fanali, qui serait âgé actuellement de 107 ans, m’a raconté l’anecdote suivante qui se passe avant la guerre de 1914, cela correspond donc, a judicieusement remarqué M. Fanali, aux dates des brevets qui vous ont été fournis par Mme Thonon.
A cette époque, mon père et sa famille habitaient au hameau de Presseuru à Remouchamps. Il pouvait être âgé de 16 à 18 ans, quand lui comme d’autres personnes des environs furent Invités par Henri Chevron à se rendre au lieu dit « Pierset». Un appareil conçu bar Chevron fut amené par chariot et placé sur le terrain en pente, l’appareil était monté par Chevron…. Celui-ci espérait atteindre Playe par les airs ! ‘
Les jeunes gens, à l’aide d’une corde et en courant, tirèrent l’appareil en descendant la pente du pré. L’appareil quitta le sol, mais après quelques mètres, s’écrasa.
Je ne puis vous dire si cet appareil était équipé d’une hélice ou si c’était un planeur, mais je crois que l’essai ne fut pas renouvelé».
Un tout grand merci pour cette extraordinaire anecdote. Ainsi donc, et monsieur Fanali en perpétue le souvenir, le Val de t’Amblève a connu un pionnier de l’air! C’est fantastique, qui a entendu parler de cette étonnante aventure? Qui, parmi les descendants de ces privilégiés qui ont assisté à cet envol, pourra témoigner et compléter encore le récit de monsieur Norbert Fanait? Je suis intimement persuadé que nous avons encore, beaucoup à apprendre sur cet homme hors du commun qu’était Henri Chevron.
Souvenez-vous, dans la même Petite Gazette du 11 mai, grâce à Mme Thonon, je vous présentais une photographie sur laquelle Henri Chevron apparaissait entouré de deux messieurs endimanchés et coiffés d’un chapeau. Je vous disais alors que je ne pouvais les identifier.
Monsieur Etienne Libert, domicilié à Etterbeek mais né d’une famille originaire de Sougné-Remouchamps, a reconnu formellement l’un des deux messieurs posant avec Henri Chevron; il s’agit d’un autre personnage dont le nom évoque immédiatement la vallée de l’Amblève : Paul Lepage. Ce peintre, né à Anvers en 1869, fréquente Sougné-Remouchamps depuis la fin du siècle et s’y Installe en 1923. C’est à lui que le Docteur Louis Thiry confie les illustrations de ses ouvrages.
M. Libert connaît bien la vie et l’oeuvre de cet artiste qui, aux côtés des Terwagne, Rahir, Thiry et Gavage, lutta pour la sauvegarde des sites du val de l’Amblève. En effet, depuis de très longues années, il prépare un ouvrage sur le peintre Paul Lepage. Il me dit que sa parution est proche I Quoi qu’il en soit et ceci étant dit, monsieur Libert connaît suffisamment le personnage que pour pouvoir se montrer formel. La photographie en question présente donc, de gauche à droite, M. Paul Lepage, M. Henri Chevron et ? Tout étant possible grâce a vous, peut-être pourrons-nous bientôt effacer ce point d’interrogation et identifier les trois personnages immortalisés par ce cliché, des années trente vraisemblablement.
La Petite Gazette du 7 juillet 1999
Quand Les Hèyeûs d’Sov’nis de l’Athénée Royal d’Aywaille me proposèrent de lancer un appel pour en savoir davantage sur cet étonnant personnage, dont ils avaient entendu parler durant leurs enquêtes de folklore, j’étais assez sceptique, mais je ne connaissais pas bien encore les lectrices et les lecteurs de La Petite Gazette. Les courriers relatifs à Henri Chevron continuent à me parvenir et de nouvelles anecdotes nous sont révélées.
Mme Julie Carpentier, de Playe, m’écrit à son tour: «J’ai très bien connu Henri Chevron, car je suis née à Playe, j’y habite toujours. Enfant, j’allais souvent chez lui, voir ses inventions entre autres une boîte aux lettres verticale. Quand on l’ouvrait, un œil apparaissait et une sonnerie de réveil retentissait! Il avait également construit un observatoire sur son toit Maman, quelques voisins et moi avions été invités à l’inauguration, vers les années 1950».
Mme Julie Carpentier a joint deux photographies à sa lettre. La première nous montre «Henri et mon papa, Emile Carpentier. Il allait remplir son tonneau d’eau à la pompe qui se trouvait en face. Que la vie était belle, on ne connaissait pas de pollution!»
Et Mme Carpentier de conclure son gentil courrier par «Je pourrais encore vous en raconter, c’était un homme très gentil, inventeur et très original. Je vous remercie pour votre rubrique qui nous fait revivre pleins de bons moments». Mais, Madame, c’est moi, qui au nom des lecteurs de Là Petite Gazette, vous remercie pour votre collaboration et vous engage, si vous te désirez, à encore nous en raconter bien d’autres!
La Petite gazette du 20 juillet 1999
Tout le monde en est convaincu Henri Chevron était bien un personnage hors du commun. Il a laissé d’excellents et de plaisants souvenirs dans la mémoire de ceux qui l’ont côtoyé. Ainsi, Mme Léa Carpentier-Flohimont, de Remouchamps, se souvient à son tour:
«Henri Chevron était un type vraiment très sociable avec ses voisins et ses amis, mais quand il voulait détourner un sujet de conversation, il savait se montrer parfois blagueur, souvent pince-sans-rire, Il était doté d’un extraordinaire esprit inventif et faisait la preuve d’une rare intelligence quand il s’agissait d’élaborer des plans qu’il transmettait à je ne sais plus quel ministère. Ses brevets étaient toujours acceptés, mais je crois qu’il a dû souvent regretter de constater que ses idées, ses projets et son travail étaient surtout mis à profit par d’autres chercheurs, plus instruits que lui.
Il nous annonçait toujours : «J’ai le cinéma parfois chez moi, vous verrez, vous l’aurez chez vous!» Ce fut donc le cinéma pour lui, mais pour nous, les premières télévisions.
Il avait installé de très longues lunettes d’approche sur un de ses bâtiments. Il observait et étudiait les astres et la lune. Sur le toit de sa ferme, il avait construit une tour d’observation. Au travers de ses grandes jumelles, il passait de longues heures, seul, à observer le ciel la nuit et, la journée, tout ce qui se passait dans les environs et aussi dans le vaste horizon.
Parfois, Henri Chevron apportait ses lunettes d’approche et, le soir, les montait sur leur pied, soit au milieu de notre cour, soit même à l’intérieur de la maison. Nous prenions beaucoup de plaisir à nous en servir et plus encore à écouter la «leçon» qu’Henri nous donnait alors». » Dans les semaines à venir, nous suivrons notre petit bonhomme de chemin parmi les souvenirs et les anecdotes de Mme Carpentier.
A suivre donc
La Petite Gazette du 1er septembre 1999
Toujours du nouveau à propos de cet étonnant personnage de Playe, sur les hauteurs de Sougné-Remouchamps.
Mme Léa Carpentler-Flohimont, de Remouchamps, partage avec nous ses souvenirs.
« La guerre 14-18 n’était pas effacée de ses souvenirs. Henri Chevron décida de construire un bâtiment antigaz et anti-atomique (?) sur son terrain de Playe-Hodister. Il réalisa une très grande place souterraine (actuellement remblayée) pour tous les habitants, tout contre le bâtiment externe pour sauver les animaux de la ferme.
Il construisit ce bâtiment avec l’aide d’un de nos ouvriers, M. Joseph Berleur, de Kin. Il est important de préciser que les blocs dé béton utilisés par Henri Chevron avaient été fabriqués par M. Oscar Hausman, pas comme les blocs « ordinaires » qu’il fabriquait habituellement, mais bien selon les indications de produits et de quantités que réclamait l’inventeur pour cette production spéciale.
Pendant la guerre, affirme Mme Carpentier, le sieur Chevron aida aussi certains groupes de la résistance et cachait parfois des réfractaires ou partisans de l’armée blanche. Une cachette était aménagée dans sa maison, dans la première ou la deuxième place à gauche, dans une armoire encastrée. Derrière celle-ci, un semblant de mur faisant office d’entrée dans une cache assez grande et aménagée. Une petite échelle permettait d’y avoir accès. Pour M. Chevron, ce faux mur, invisible, était encore un petit « truc ». Par un mécanisme de son invention, il retirait l’armoire avec confitures et victuailles, la fausse porte s’ouvrant derrière. Cette petite cachette était particulièrement bien camouflée. »
Petit à petit le portrait de cet étonnant personnage se précise, cependant si des anecdotes vous reviennent en mémoire, n’hésitez pas à nous les confier.
La Petite Gazette du 8 septembre 1999
Artiste, inventeur excentrique… qui était vraiment Henri Chevron?
Mme Léa Carpentier-Flohimont, de Remouchamps, a rassemblé, pour les lecteurs de La Petite Gazette, ses souvenirs à propos de cet étonnant personnage qu’était Henri Chevron.
«Lorsqu’il fut question d’ériger le «Monument des Autrichiens», à Playe, M- le Bourgmestre, M. le Secrétaire communal, M. le Président de la CAP et le garde champêtre étaient réunis au bureau quand arriva Henri Chevron. Ils se consultèrent, mais Henri Chevron eut très vite tranché la question: «Qu’on mètt’ li coq wallon so ine grosse pîre! Comme il est todi à pisze qui vasse al copète des Edzâhes»! (point culminant de la Redoute où eut lieu la célèbre bataille).
La cérémonie de l’inauguration officielle du monument fut filmée par M. Marcel Thonon, jeune cinéaste. Souvent, ce dernier venait chez nous à l’auberge. Presque chaque week-end, il passait les soirées auprès de son ami Henri Chevron. Il aimait converser avec lui, intéressé qu’il était par les incessants projets de l’inventeur et surpris par l’étendue de ses connaissances techniques».
La Petite Gazette du 15 septembre 1999
Mme Annie Thonon, de Hotchamps, grâce à sa maman, nous permet aujourd’hui de lever un nouveau pan du voile masquant encore la personnalité de Henri Chevron, de Playe (Remouchamps).
Figurez-vous, qu’Henri ne se contentait pas d’être un ardent défenseur du coq wallon, il l’écrivait. Sur l’air du Chant des Wallons, il composa «Li chant dès coqs Wallons di 1930» (dont je vous propose, ce jour, les deux premières strophes).
«Nos estans firs di noss pitite Patreie,
Et tos costés on fiesteie les cint ans,
Principâlemint vochal el walloneie
Nos estans firs comrme des p’tits coqs tchantans,
C’ést dl bon cour qu’on a s’tu el trancheie
Paski c’esteut po l’disfince di nos dreuts
Et si faléf, les d’jônes d’ouïe f’ri pareie
Cet bin pokwè qu’on fiesteie lès cint ans
Comm’ nos vix pères,-nos inmans todis l’jôe,
El l’jôe n’ècziste jamôe sin l’liberté.
Si on d’jou v’néve qui noss pâe fousse t’èvôe
Po l’ritrové, on n’si freut nin holé,
Comm’lès vis coqs qu’on potchi fou d’el treie
Et qu’elz’y ont fé sinti leus spororis
Tôt comme’leus pères, les d’jônes d’ouïe f’ri pareie,
Cet bin pokwè qu’on fiesteie les cint ans,
Tôt comm’ ieus pères, les d’jônes d’ouïe f’ri pareie,
Vola pokwè, vola pokwè, qu’on fiesteie les cint ans.»
Mme Thonon m’écrit en outre que «suite aux articles publiés, j’ai eu le plaisir d’avoir des contacts avec plusieurs personnes ayant connu mon grand-oncle (Henri Chevron) à qui j’ai conseillé de vous adresser les renseignements en leur possession. J’ai pu constater qu’elles l’avaient fait». Effectivement Mme Thonon et je vous remercie, au nom de toutes les lectrices et de tous les lecteurs de La Petite Gazette, d’avoir agi de la sorte car, ainsi, tout le monde a pu profiter de ces témoignages. La Petite Gazette se veut bien sûr au service de tous, mais il est impérieux que le résultat des recherches menées dans ses colonnes soit partagé entre tous.
La Petite gazette du 22 septembre 1999
Comme promis, voici la suite de «Li chant dès coqs Wallons di 1930», paroles de Henri Chevron sur l’air du chant des Wallons.
On d’jaze qui l’gaz ravirèt noss’ bonheur,
Min c’èst paski nos s’porons sont r’crindou
Po ci d’jou là nos masques et nôs planeurs
Comme dés ouhais n’montrant d’zeu les zoulous,
Tôt’ al kopète tràkant les d’jèteus d’gâz
A kôs d’mitaille riskant d’Iès tos s’prâchi
Fis d’leus vis pères, les d’jônes dinront leus veie
Cet bin pokwè qu’on fiesteie les cint ans,
Fis dleus vis pères, les d’jônes dinront leus veie
Vola pokwë, qu’on fiesteie les cint ans.
Pitite Patreie, si bin garneie di fleurs,
Maïe nous pays mi k’vo n’el za gâgni
Ouïe vos èfans sont firs di voss honneur
Vola pokwè qu’if z’on si bin flori,
Vos lès wâdrez po les moères d’elle’patreie
Lès brav’ s’èfans, on n’Ies deut nin rouvi,
Comme leus braves pères les d’jônes d’ouïe fri pareie,
Cet, bin pokwè qu’on fiesteie les cint ans,
Comme leus braves pères les d’jônes d’ouïe fri pareie,
Cet bin pokwè, c’ét bin pokwè qu if vierez co cint ans».
Grâce à Mme Annie Thonon, de Hotchamps, et grâce à sa maman, nous avons pu dévoiler un nouvel aspect de cette personnalité très attachante qu’était Henri Chevron, sculpteur, inventeur et poète.
Après une longue interruption ,je retrouve « La petite gazette » qui est la plus merveilleuse et la plus touchante « machine à remonter le temps », et elle me passionne toujours autant! Est-ce encore possible de voir 1 photo de ce fameux Henri Chevron ? Je manque encore de savoir-faire devant l’ordi! Merci ! Gene mailleux-destexhe
J’aimeJ’aime