ATTERRISSAGE FORCE D’UN THUNDERBOLT P-47D A OUFFET

La Petite Gazette du 28 septembre 2011

A OUFFET DURANT LE DERNIER CONFLIT MONDIAL

Le sympathique lecteur qui m’a confié cette photographie m’explique qu’il est natif d’Ouffet, où il vit le jour en 1936.

« Je ne sais plus si cette photo a été prise en 1943 ou en 1944, je crois que c’était en hiver (d’ailleurs les arbres sont dépourvus de feuilles, cependant il ne doit pas faire très froid vu la tenue des personnes photographiées). Un chasseur américain s’était abîmé dans un petit bois face à la ferme Baudoin d’Ouffet. J’étais gamin à l’époque et ravi d’aller, avec les amis, la famille et les voisins, voir la carcasse de cet appareil. Nous sommes montés dessus et nous avons été photographiés tous ensemble. Quel souvenir… »

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Reconnaîtrez-vous quelqu’un sur ce cliché ? Vous souvenez-vous de cet atterrissage forcé de cet appareil ? Pourrez-vous nous en préciser les circonstances ? En avez-vous d’autres photos ? Bref, tout ce que vous pourrez nous apprendre en marge de ce document nous intéresse.

La Petite Gazette du 12 octobre 2011

CET AVION A OUFFET

Monsieur Jacques Bastin, de Heyd, est allé voir les décombres de cet avion dont je vous avais proposé cette photo. Il se souvient de ce qu’il y a vu :

« A l’époque de l’incident, j’étais un réfugié liégeois vivant chez ses grands-parents paternels à Ouffet et ai encore relativement bien en mémoire cet incident que l’on peut, certes, qualifier de fort marquant. Toutefois, considérant que tout cela s‘est passé, il y a  maintenant plus de soixante ans, certaines petites imprécisions ou erreurs de ma part restent toutefois fort possibles. Voici :

Disons d’emblée que l’avion reproduit dans « La Petite Gazette » est un chasseur Thunderbolt (monoplace américain d’une puissance de 2000 CV, d’une envergure de 12,50 mètres et armé de 8 mitrailleuses). Etant en difficulté au-dessus d’Ouffet, il a donc tenté et réussi un atterrissage de fortune  dans la partie SUD de cette localité. Selon mes souvenirs, les faits doivent s’être produits dans le courant d’octobre ou au tout début de novembre 1944. Il faisait alors très beau et doux et nul ne s’attendait à la terrible vague froid qui allait bientôt s’abattre sur nos contrées en décembre et janvier suivants, lors de la fameuse Offensive von Rundstedt.

M’étant rendu, en compagnie d’amis, sur les lieux de cet atterrissage forcé situés à un petit kilomètre de la Grand-Place d’Ouffet ; soit à la cote 260 d’un petit bosquet de feuillus garnissant le sommet d’une petite colline située entre la route (N638) reliant Ouffet à Hamoir via Néblon-le-Pierreux et le chemin reliant Ouffet au Château d’Himbe, j’ai donc pu voir et grimper tout à mon aise sur ledit chasseur lequel ne semblait pas, comme le montre bien la photo de  «La Petite Gazette», avoir tellement souffert lors de son passage ultime à travers le réseau des nombreux arbustes environnants.

Selon les dires de certains, le pilote aurait directement sauté, indemne, hors de son cockpit, le colt au poing, car ne sachant nullement s’il était en territoire ami ou ennemi.

La chose dont je me souviens particulièrement bien, c’est que le réservoir d’essence, situé juste après l’hélice (ici complètement tordue), était béant. On pouvait donc aisément voir qu’il contenait encore une assez grande quantité de carburant qui suintait lentement de l’épave. Vu le nombre appréciable de curieux sur les lieux, c’est, pour moi, un véritable  miracle qu’aucun incendie (aux conséquences humaines incalculables !), ne se soit alors produit. »

Monsieur Rik Verhelle s’est, bien entendu, intéressé au sujet :

« L’avion sur la photo est un chasseur-bombardier du type Republic « Thunderbolt » P-47D. Le codage « A6-B » nous dévoile qu’il dépendait du 389th Squadron du 366 Fighter Group (9 USAF). Venant de Laon en France, cette unité avait sa base à Asse (Limbourg en Flandre) depuis le 19 novembre 1944.

Sur la photo, l’enfant debout sur la dérive verticale cache le numéro de série de cet avion, mais j’ai malgré tout réussi à le retrouver dans les archives. C’est en fait le 42-27216. »

La semaine prochaine, il nous en dira davantage sur cet avion et le pourquoi de son atterrissage forcé à Ouffet.

La Petite Gazette du 19 octobre 2011

ATTERRISSAGE FORCE D’UN P-47D A OUFFET
Rik Verhelle complète notre information sur la présence de cet appareil dans le ciel puis sur le sol d’Ouffet :

« Ce chasseur a été endommagé par des tirs anti-aériens, et il a dû effectuer un atterrissage en catastrophe, le 27 décembre 1944 à 11.15 hr. L’avion s’est posé près de « Bois Canard » qui se situe à environ 1 Km au sud d’Ouffet. Son pilote, le Lieutenant George W Pinkerton Jr,  matricule 0-767358, est resté indemne et il a rejoint son unité.
Ce 27 décembre 1944, la Bataille des Ardennes faisait rage. L’anticyclone avait rendu toute opération aérienne quasi impossible car un brouillard épais les clouait au sol. Mais le 23 décembre, cet anticyclone avait glissé vers l’Ouest, offrant quelques jours de meilleur temps permettant aux forces aériennes de déchainer les enfers. Ainsi, la 366th était une des unités qui assuraient l’appui tactique des troupes au sol. Leurs missions furent surtout le « armed recce » (reconnaissance armée) pendant lesquelles des locomotives, ponts, dépôts, positions de transmission et d’artillerie, convois, chars, concentrations de troupes, … étaient systématiquement pris pour cibles. L’opposition de la Luftwaffe était devenue relativement faible et sporadique, mais surtout les mitrailleurs anti-aériens allemands étaient des obstacles redoutables et souvent des pièges mortels pour les chasseurs-bombardiers opérant à basse altitude. Ainsi, le pilote d’un avion touché à basse altitude n’avait pas la possibilité de se sauver en parachute, et s’il n’arrivait pas à se poser en catastrophe il s’écrasait avec son avion.
Aussi, ce 27 décembre 1944, la 366th Fighter Group perdra deux de ses pilotes lors de la même mission : le Lieutenant Elmer Peterson fut touché par une batterie anti-aérienne et s’écrasa avec son avion, et le Lieutenant Bernard Steinfeld fut abattu lors d’un combat aérien.

Et mon correspondant de nous soumettre cette autre photographie du même appareil.

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Attention : ce P-47D 42-27216 ne devrait pas être confondu avec un autre P-47D immatriculé 44-20473 (du 354 Fighter Group) qui a également effectué un atterrissage forcé à Ouffet, le 17 ou 18 décembre, et qui se serait posé au lieu-dit « Sur Pierreuse » près de la ferme du Bout (et que je situe à 2 Km au sud-ouest d’Ouffet, près de la route N 638 vers Durbuy, non ?)

Appel aux témoins pour en apprendre plus sur ces deux P-47D. A vos plumes ! »

Martin Huwart, de ville-au-Bois, s’est aussi intéressé à cet appareil et il confirme :

« L’avion sur la photo prise à Ouffet est sans conteste un P-47 « Thunderbolt ».

Ce cliché à été pris en 1944, car ce modèle était visiblement équipé de la verrière « bulle », copiée du Hawker « Tempest « anglais.

Cette modification de production n’est intervenue qu’en fin 1943, afin d’offrir une meilleure visibilité arrière en cas d’attaque ennemie,  suite aux mauvaises expériences sur  « l’angle mort » arrière que les  P-47 avaient  expérimenté en 1943 dans leurs missions  d’escorte des forteresses volantes sur l’Allemagne.

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Pour le P-47 d’Ouffet, je vous envoie ci-joint la silhouette des deux modèles :

En haut, le P-47 première version opérationnelle en 1943,

En bas, la version 1944 avec cockpit « bulle », qui est celui d’Ouffet. »

Un grand merci pour ces précisions, mais je suis tout de même assez surpris que seuls les « spécialistes » de l’aviation aient réagi… Personne ne m’a parlé des personnes présentes sur la photo présentée…

La Petite Gazette du 26 octobre 2011

JE SUIS ALLEE VOIR CET AVION A OUFFET

Madame Georgette Guffens, d’Ouffet, a, elle aussi, vu cette carcasse d’avion de très près. Elle nous raconte en quelle circonstance.

« J’étais jeune à l’époque, mais je me souviens que tout le monde parlait de cet avion. Nous ne savions pas si le pilote était un militaire ni s’il était toujours vivant, ce qui nous intéressait, c’était l’avion. Je faisais alors partie du Patro et, en ce temps-là, les jeunes filles se réunissaient le dimanche après-midi pour des occupations, jeux, promenades… avec un responsable. C’est avec ce groupe que nous sommes allées voir les débris de l’avion. C’était à la sortie du village vers Jeneret. C’est ce jour-là qu’a été prise cette photographie et, quand je la compare à la photographie parue dans La Petite Gazette, je me rends compte qu’elle a été prise non sur l’aile de l’appareil mais sur l’empennage. Je l’ai toujours conservée en souvenir.

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Je puis même vous donner les noms des filles dont je me souviens :

En haut, les responsables du Patro :  ?  , Lucie Reginster et le curé Dehalleux.

Un peu plus bas : Marcelle Perilleux, Jeanne Ribourdouille, Yvonne Gerday

Le rang plus bas : Mady Terwagne, Lisette Ligot, Maggy Dome, Juliette Mathieu, ma sœur Nelly et   ?

Assisses sur l’empennage : Jenny Vilenne, Marie-Claire Salmon, Maggy Vilenne, Irène Hercot, Milou Harzimont, Josette Badoux et ?

Moi-même, suis la seule jeune fille, debout devant les autres.

Peut-être que certaines de mes amies se souviendront de cette excursion et auront des souvenirs à partager. » J’espère de tout cœur que l’une ou l’autre répondra à l’invitation de Madame Georgette Guffens.

La Petite Gazette du 2 novembre 2011

LES PERSONNES PHOTOGRAPHIEES PRES DU THUNDERBOLD D’OUFFET SONT RECONNUES…

Monsieur Jacques Bastin habite Heyd mais a vécu de douces années à Ouffet d’où est originaire une partie de sa famille. Il a dès lors pu identifier certaine personnes présentes sur cette photo :

002« Les personnes photographiées proviennent toutes de deux familles, extrêmement connues, voisines et habitant en plein centre d’Ouffet, soit les Villers et les Reginster. Disons encore que deux des enfants présents sur la photo en question, soit les nommés Fernand Villers et Michel Reginster, seront ordonnés prêtres à la fin des années 1950 ou au début des années 1960. Ils rejoindront ainsi, tous deux ensemble, Aywaille à la fin des années 1970, en vue de succéder ainsi au Doyen Aimont appelé alors à rejoindre, en tant que chanoine, le Chapitre de la Cathédrale de  Liège, sous l’épiscopat de Monseigneur Van Zuylen.

Michel Reginster arrivait donc ainsi à Aywaille, en venant de Tavier, lieu où il avait servi près de (sinon plus de) vingt ans. Fernand Villers allait donc alors s’occuper, en tant que doyen, des églises d’Aywaille (Dieupart et St-Pierre) en étant secondé par Michel Reginster qui, lui, allait également être en charge de l’église d’Awan. Ces deux prêtres résidaient toutefois, pratiquement en permanence, en l’énorme presbytère s’élevant à Dieupart.

Michel Reginster est né en 1933, tandis que Fernand Villers, un rien plus jeune, doit être né en 1936. »

Monsieur Jacques Bastin, au terme d’une minutieuse enquête, se livre maintenant à l’identification des personnes présentes sur ce cliché.

Nous partons de l’extrême droite où nous voyons un garçon, debout, appuyé contre la gouverne de direction (autrement dit : la queue de l’appareil). Il s’agit de Jacques Reginster. A sa droite immédiate, deux autres garçons, également en position debout. En costume foncé : Arthur Villers, l’aîné des enfants Villers et, à son côté, en veston plus clair : Michel Reginster qui deviendra prêtre à Tavier puis à Aywaille. Maintenant, assis à la droite dudit Michel, son frère Léon et, également assis à la droite de Léon, on trouve Paul Villers qui, plus tard, dirigera la fort renommée institution régionale d’enseignement moyen baptisée St- Roch. Assis à la droite de son frère Paul, voici Fernand Villers, lequel officiera, un jour, en qualité de doyen à Aywaille où il servira ainsi, assisté de Michel Reginster. A droite, tout contre Fernand Villers, on trouve également assis Albert (ou Jean ?) Reginster. Directement après, apparaissent deux petites filles ; la première, en vêtements foncés, est Bernadette Reginster et la seconde, en vêtements clairs, est Marie-Thérèse Villers. Progressant vers le nez de l’appareil, on trouve ensuite, debout, appuyée tout contre le fuselage, la maman Reginster (née Henkinbrant, à Seny en 1906, cette bien brave dame, toute faite de discrétion, a quitté ce bas monde, en 1996, à l’âge de nonante ans, après avoir tout de même donné le jour à douze enfants : générosité et prouesse physique hautement  remarquables !) ; de l’autre côté du fuselage, apparaît, en buste,  André Reginster. A la droite de Madame Reginster, on peut voir sa fille Anne-Marie tenant en ses bras sa petite sœur Marie-Antoinette (dite Marinette).

Enfin, debout sur l’aile gauche, se tenant par le bras, l’oncle Jules Reginster, de passage à Ouffet, et sa nièce Lucie Reginster. »

Monsieur Bastin a d’abord cru que cette photo avait été prise le papa de Fernand Villers qui était un instituteur fort prisé de l’Ecole catholique d’Ouffet, mais sa recherche lui a appris qu’il n’aurait jamais pris la moindre photographie de toute sa vie… Parce qu’il pensait, à juste titre d’ailleurs, que le  « sympathique lecteur, né un jour de 1936 à Ouffet », qui avait transmis la fameuse photo à La Petite Gazette était plus que vraisemblablement Fernand Villers,  lui-même, Monsieur Bastin l’a contacté pour tenté de savoir qui avait fixé ce moment sur la pellicule. Selon Fernand Villers, bien que n’étant point du tout formel, ladite photo doit avoir été prise par Monsieur Léon Reginster,  père de la plupart des enfants fixés sur celle-ci. »

Un tout grand merci à Monsieur Bastin pour cette recherche, précise et minutieuse.

LES CARRIERS FIRENT NOS VILLAGES EN CREUSANT LES CARRIERES

La Petite Gazette du 17 décembre 2003

QUAND LES CARRIERS FETAIENT LA SAINTE-BARBE…

   C’est M. Pierre Willems, d’Outrelouxhe, qui me permet de parler des carriers et j’en suis tout à fait ravi… Mon correspondant sait bien de quoi il parle puisqu’il se présente lui-même comme un vieux carrier avec « cinquante ans de carrière en carrières ». Suivons-le parmi ses souvenirs :

« Autrefois, la Sainte-Barbe se fêtait autrement qu’aujourd’hui. Le 3 décembre, veille de la fête, avant midi, le maître artificier faisait forer des trous de pétard dans les gros blocs de pierre.  On les bourrait à la poudre noire et de la poussière, puis on les reliait à un cordon de mèche. Vers 14h30, on arrêtait le travail et l’artificier allumait la mèche du cordeau détonant pour faire sauter les blocs dans un bruit assourdissant. Heureusement, les villageois étaient prévenus.  010

 

 

 

 

Pierre Willems, épinceur-appareilleur

    Ensuite, les ouvriers, le contremaître et, souvent, le patron se réunissaient au réfectoire pour boire les bouteilles de pékèt, surtout, mais aussi de la bière. On racontait des blagues et certains poussaient la chansonnette. Le soir tombait vers 17 heures et chacun rentrait alors chez soi, comme il le pouvait ! Ainsi, je suis déjà revenu, à vélo, de Limont-Tavier à Ouffet, même par temps de pluie ou de neige.

Aux carrières Depauw d’Ouffet, les patrons offraient un souper aux ouvriers accompagnés de leur épouse, du moins ceux qui étaient mariés.

Le lendemain, 4 décembre, une messe était célébrée en l’église. Les croyants, ou ceux qui faisaient semblant pour être bien vus des patrons catholiques, ou du moins les épouses y assistaient. Les autres ouvriers étaient déjà dans les cafés en train de boire, en attendant que les autres sortent de l’église pour venir les retrouver. C’étaient alors des beuveries jusque tard dans l’après-midi…

On ne mangeait guère, vu que, suivant le dicton de chez nous, « Où le brasseur passe, le boulanger n’a que faire ! »

Aujourd’hui, à cause des voitures et des contrôles d’alcool-test, il devient impossible de s’amuser comme autrefois. Ce jour de congé est payé comme un jour férié et les ouvriers boivent un coup chez eux en regardant la télé ! On appelle cela le progrès… à chacun son jugement. »

La Petite Gazette du 30 décembre 2003

LES CARRIERS FIRENT NOS VILLAGES EN CREUSANT NOS CARRIÈRES…

   Bien des villages de l’Ourthe-Amblève et du Condroz n’existeraient pas si, dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, l’exploitation de la pierre n’avait pas connu un essor extraordinaire. Ils sont nombreux nos grands-pères qui ont travaillé péniblement pour arracher ces pierres qui donnent tant de charme à nos villages. Et si nous profitions de 2004 pour leur rendre un hommage. Envoyez-moi vos photos de carriers au travail et parlez-moi de leur dextérité, mais aussi de leurs conditions de travail, de leurs coutumes… Comme Mme Biet, d’Awan-Aywaille, permettez à toutes et à tous de découvrir les réalités de ce métier.

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La Petite Gazette du 7 janvier 2004

LES CARRIERS D’OURTHE-AMBLÈVE ET LA SAINTE-BARBE

   Madame Renée Louise Califice, de Sprimont, se fait l’écho de l’amertume de M. Willems.

   « Il y a quelques années, les carriers ont offert à l’église de Sprimont, une très belle statue à l’effigie de sainte Barbe. Cette statue a été placée devant l’entrée de l’église entourée de pierres du pays.

Chaque année, la chorale Sainte-Cécile s’évertue, le 4 décembre, à chanter durant la messe célébrant la fête en l’honneur de cette sainte patronne des carriers. Il est triste de constater que seule une dizaine de personnes assistent à l’office. Où sont passés les carriers de Sprimont ? Les chanteurs de cette chorale se posent la question… »

J’imagine qu’ils auront à cœur de vous répondre car, par les temps qui courent et il faut le regretter amèrement, les carriers font plus souvent l’objet de récriminations que de regrets…

La Petite Gazette du 4 février 2004

LES CARRIERS FIRENT NOS VILLAGES EN CREUSANT NOS CARRIERES…

Monsieur Jacques Stoquart me transmet cette intéressante carte postale, postée à Andenne, le 26 janvier 1909, et arrivée – sans timbre Prior – le lendemain à Melreux.

012      Mon correspondant revient sur la parution, le 2 janvier dernier, de la photo prêtée par Mme Biet : « un des ouvriers carriers figurant sur cette photo a été identifié comme étant Alphonse Simon. Or la carte que je vous présente a été signée d’un certain Aug(uste) Simon et adressée au maître de carrières Emile Oger, de Hotton-Melreux.

013   Le salut qui termine la brève missive est, pense mon correspondant, révélateur de l’appartenance maçonnique du signataire : « Salut et fraternité ».

Auguste était-il parent d’Alphonse ? Quelqu’un se souvient-il avoir entendu parler d’Aug(uste) Simon  ou/et d’Emile Oger ? Les lecteurs répondront peut-être. » Oui, certainement s’ils peuvent vous éclairer.

Mme Léona Biet, d’Awan-Aywaille, m’a précisément apporté des précisions sur son beau-père, Alphonse Simon :

« Il fallait alors être très courageux pour exercer le métier de carrier. Il était, je crois ne pas me tromper, « rocteur ». Il partait d’Awan le matin, pour rejoindre Hagonheid,  et le soir, bien sûr, il faisait le chemin inverse, toujours à pied. Il accomplissait un travail très périlleux ; on le laissait descendre, retenu par une corde qui lui entourait la taille et qui le maintenait contre le rocher. Il cherchait alors une légère aspérité dans la roche pour y appuyer les pieds et se maintenir debout. Puis, à l’aide d’un fer à mine et d’un marteau, il creusait un trous très profond dans la roche. Là, on introduisait la poudre explosive pour faire sauter le rocher. Cette poudre était reliée à une longue mèche qu’on allumait en temps utile. Celui qui y mettait le feu devait courir vite pour se mettre à l’abri. A l’aide d’un cor très puissant, tous les alentours étaient prévenus du danger. Quelques minutes plus tard, c’était la déflagration et les blocs de pierre volaient en l’air, accompagnés d’un énorme nuage de poussière. C’était alors du travail pour un bon bout de temps pour les carriers. »

Merci pour ce témoignage. Vous aussi, venez rendre hommage à ces travailleurs de la pierre, confiez-moi vos photos et vos souvenirs. D’avance, un immense merci.

DE NOMBREUX CARRIERS ONT PERDU LA VIE AU TRAVAIL…

Monsieur Albert Etienne, de Sprimont, aime à se souvenir que, le 26 mai 1954, à Florzé, la carrière tua neuf ouvriers. Cette année, il y aura donc cinquante ans déjà que se drame endeuilla les familles ouvrières de chez nous.

014   Mon correspondant s’est engagé dans un projet d’érection d’un élément commémoratif sur les lieux même du drame et, pour cela, il a besoin de votre aide : pourrez-vous l’aider à établir la liste des rescapés de l’accident et toujours en vie aujourd’hui, ainsi que la liste des veuves et enfants des neuf victimes directes de l’accident.
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Merci de penser que tout document d’époque serait très intéressant et de nous permettre de le consulter. Je compte sur vous pour permettre l’aboutissement de ce projet  et vous remercie, d’ores et déjà, de votre précieuse collaboration.

La Petite Gazette du 18 février 2004

LES CARRIERS FIRENT NOS VILLAGES EN CREUSANT NOS CARRIERES…

Monsieur Jacques Bastin, de Heyd, évoque pour nous la vie des carriers d’Ouffet.

« Mon grand-père paternel, prénommé Victor, est né à Ouffet en 1866, il y est décédé en 1950. Il exerça le métier de tailleur de pierre et son habileté fit qu’il fut très apprécié. Ouffet vit nombre de ses habitants montrer un réel talent dans l’art de sculpter la pierre. Rappelons les Jeannette, Sprumont, Baulieu… il en est d’autres, mais ils ont quitté ma mémoire.

Après la Grande Guerre, mon grand-père, en compagnie d’autres ouvriers du lieu, participa activement à la réalisation du monument aux morts qui devait s’ériger sur la place du village. Il sculpta les bottines du sujet principal, un soldat casqué dressant un étendard. Chaque fois que je lui disais que j’étais passé près du monument en question, il me demandait, pour me taquiner, si les chaussures qu’ils avaient réalisées ne méritaient pas une réparation.

Mon grand-père, reconnu comme sage par ses compagnons de misère et étant un peu plus instruit qu’eux, fut pressenti pour s’occuper, en leur nom et tout à fait bénévolement, des discussions avec la direction de la carrière et de la paperasserie administrative requise. En fait, à l’heure où les premières organisations ouvrières se développaient (le Parti Ouvrier Belge avait été fondé en 1885 et les premières associations mutuelles commençaient à fonctionner), il fut un genre de syndicaliste avant l’heure. »

Nous retrouverons Victor la semaine prochaine et, avec lui et au travers des souvenirs qu’en a gardés son petit-fils, nous vivrons un peu la vie des carriers de la fin du XIXe siècle en nos régions.

016Photo extraite de : René HENRY, L’Almanach de notre Terroir, éditions Dricot, Liège, 1999

La Petite Gazette du 25 février 2004

LES CARRIERS FIRENT NOS VILLAGES EN CREUSANT NOS CARRIERES…

Monsieur Jacques Bastin, de Heyd, évoquent pour nous la vie des carriers d’Ouffet grâce aux souvenirs qu’il a conservés de son grand-père Victor, tailleur et sculpteur de pierre.

« Il n’y avait alors ni dimanche, ni congé, ni relâche dans le travail ; exception faite toutefois pour la fête du village qui était l’événement marquant de l’année. Les ouvriers se voyaient alors accorder le samedi, le dimanche et le lundi pour prendre pleinement part aux réjouissances.

Ces hommes prestaient nettement plus de douze par jour, dans des conditions de confort et de sécurité pratiquement nulles et, rappelons-le, sans loi sociale. Ils partaient au point du jour et rentraient souvent à la nuit tombée pour des salaires de famine. Notons cependant qu’on ne pointait pas et que tout se faisait bien calmement. Un moment particulier de la journée contribuait largement à resserrer les liens entre ces ouvriers solidaires, c’était, le matin, quand le travail s’interrompait une heure durant pour pouvoir se parler, fumer, boire une petite goutte ou, le cas échéant, manger un bout.

Le règlement sur la « sécurité du travail » n’existant point du tout, mon grand-père devait, été comme hiver, tailler ses pierres, par tous les temps, à l’extérieur, sous un frêle abri fait d’un cadre de bois couvert de paille tressée. En hiver, il devait se mettre plusieurs épaisseurs sur le dos pour, dans de telles inhumaines conditions travailler un rien artificiellement au chaud. 017

 Photo extraite de : René HENRY, L’Almanach de notre Terroir, éditions Dricot, Liège, 1999

Mon grand-père ayant immédiatement cotisé, dès qu’on le sollicita, pour sa pension de vieillesse, il l’obtint en 1931, soit à l’âge de 65 ans. Elle n’était certes pas terriblement élevée, mais c’était toutefois un indéniable premier pas en avant pour la classe ouvrière. La vie de pensionné l’ayant, du jour au lendemain, assez désorienté, mon grand-père s’en retourna, après quelques jours de repos seulement, travailler comme il l’avait toujours fait. Bien vite, les Autorités de l’Etat ne trouvèrent rien de mieux que de suspendre le versement de la pension due. Mon père écrivit alors une lettre pas piquée des vers au Ministre concerné et, peu de temps, après mon grand-père retrouvait sa pension et les arriérés qui lui venaient de plein droit. »

Mon correspondant conclut son récit en souhaitant que bien d’autres lecteurs confieront les souvenirs de carriers, patrimoine régional, à la Petite Gazette. J’espère, bien entendu, que cet appel sera suivi.