LES CHANTIERS DE DECOUPE DE BOIS

La Petite Gazette du 12 juin 2013

QUI NOUS PARLERA DES CHANTIERS SUR LESQUELS LES BOIS ETAIENT DECOUPES A MESURE ? 

Monsieur Josy Depierreux, de Vielsam, évoque des souvenirs professionnels et vous interroge sur des réalités disparues :

« Mon métier de conducteur de trains m’a permis de circuler dans bien des gares où les espaces libres étaient souvent occupés par des chantiers de découpe de petits bois alors pourrait-on aborder ce sujet dans La Petite Gazette ?

Il n’y a pas si longtemps, on pouvait encore admirer dans bien des gares desservies par la ligne 42 Rivage-Gouvy des endroits réservé à la découpe de bois. Depuis la forêt, les camions ou jadis des chariots acheminaient des bois en long qui étaient découpés en longueurs différentes suivant les sections et leurs futures utilisations. Après, il fallait semble-t-il charger les wagons à la main.

train-dans-les-bois« Photo prise par mes soins le 29 avril 1988, près de l’entrée côté gare du tunnel de Trois-Ponts, car j’avais ce jour là l’honneur de conduire ce petit train »

Quel travail, car la rentabilité devait être assurée, les commandes honorées et les salaires mérités. Toutes ces petites découpes de bois ont disparu du paysage ferroviaire, mais pourrait-on laisser la parole à tous ceux qui y ont travaillé parfois sous un soleil généreux, mais aussi lors du mauvais temps très souvent présent dans notre région ?

Depuis combien de temps ces chantiers existent-ils ?

Quels étaient les outils ou les machines utilisées ainsi que la force motrice disponible ?

Quel était le rendement demandé à un homme ?

Comment étaient chargés les wagons et quelle était leur destination ?

Les ouvriers avaient-il un abri pour manger ou se réfugier en cas d’orage par exemple ?

Les salaires étaient-ils payés en fonction du travail effectué ou à l’heure ?

Et cerise sur le gâteau existent-ils des photos disponibles ?

J’adresse déjà un grand merci à tous ceux qui voudront bien satisfaire ma curiosité d’en connaître plus sur ce passionnant et exigeant métier.

La Petite Gazette du 17 juillet 2013

QUI NOUS PARLERA DES CHANTIERS SUR LESQUELS LES BOIS ETAIENT DECOUPES A MESURE ?

Monsieur Josy Depierreux, de Vielsam, souhaitait il y a quelque temps que vous évoquiez ces réalités disparues, Madame Denise David-Lacasse, de Harre, répond à son souhait :

« En lisant cet article sur les métiers du bois, il me revient un fait que feu mon époux Marcel m’a raconté, une difficulté qu’il a rencontrée dans l’exercice de son métier.

La guerre terminée, dès 1945, mon mari, 22 ans alors, a travaillé en exploitation forestière comme découpeur : les troncs d’arbres arrivaient sur son lieu de travail après avoir été ébranchés et pelés. Son travail consistait à scier à la longueur demandée, à trier les bois selon leur grosseur et à les charger sur des wagons pour les envoyer, par le vicinal, en région liégeoise pour le besoin des charbonnages.

Je précise que le vicinal s’arrêtait dans les villages pour charger et décharger les diverses marchandises et les personnes dans le sens Comblain – Manhay. On y rechargeait ensuite les divers bois préparés pour livrer dans les charbonnages liégeois. Les chantiers où les hommes travaillaient s’appelaient « gares ».

Scier les bois était très délicat car ils avaient été mitraillés pendant la guerre et étaient assez abîmés. Il fallait donc beaucoup d’attention pour ne pas casser la scie. Quand la scie ne coupait plus, il fallait intervenir avec la pince présentée, notamment, par M. Serge Ghyse, de Nandrin. Cette pince à avoyer servait au découpeur à redresser les pointes de la lame, en wallon on disait : rimète dèl voye ; ensuite, il fallait relimer la scie. »

Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, évoque également ses souvenirs sur ce sujet :

« Dans ma région et depuis la création, en 1904, du vicinal Lierneux- Vielsalm, des quais étaient réservés à cette manutention. J’ai bien connu, dans mon jeune temps, pareille entreprise à l’arrêt de Regné-Hébronval. Il y a bien des années déjà qu’on a fait table rase de ce quai pour y installer un lotissement.

Comme le dit si bien Monsieur Depierreux, les bois en long y étaient acheminés en provenance des grandes forêts voisines. Il s’agissait d’épicéas dont le bois était très apprécié pour servir à l’étançonnage dans les galeries des mines de charbon.

Une équipe de 4 à 5 hommes était occupée à scier ces bois suivant les longueurs souhaitées. Il s’agissait en l’occurrence de la famille Frérès, le père, les deux fils plus un ouvrier. Pour leur protection, en cas d’intempéries, les braves disposaient d’un petit abri de fortune et, pour se chauffer, ils se servaient des déchets de bois, ce qui ne manquait pas. Je crois qu’ils étaient payés suivant le volume débité. Ces quatre scieurs ne sont plus de ce monde aujourd’hui !

Le travail en lui-même se faisait en continu, tous les jours ouvrables de la semaine. Les scies ordinaires subissaient régulièrement un affûtage exécuté de main de maître par un des types de l’équipe, spécialiste dans cette tâche. Au préalable, des chèvres en bois avaient été fabriquées afin de supporter les pièces à débiter. Les chèvres étaient marquées des longueurs à respecter lors de la découpe. Le sciage terminé, la marchandise était entreposée par lots respectifs le long du quai de chargement ; des wagons adéquats étaient acheminés sur des voies de garage et cela suivant les besoins. Les scieurs y déposaient les bois avec un certain art car il y allait de la sécurité lors du transport par rail jusqu’à la gare S.N.C.B. de Vielsalm où le tout était centralisé. Un transbordement avait lieu sur des wagons S.N.C.B. dont l’empattement était différent.

Des petits chantiers étaient prévus le long des voies ferrés, beaucoup disparaîtront lors de la fermeture des charbonnages et aussi lors du démantèlement des lignes du vicinal. »

La Petite Gazette du 28 août 2013

LES CHANTIERS DE BOIS DECOUPES A MESURE

Monsieur André Hubert, de Gouvy, nous confie ses précieux souvenirs à ce sujet :

« Ces chantiers existaient dans les gares mais aussi le long des routes et des chemins forestiers. A partir de l’été 1940, j’ai fait partie d’une équipe de trois personnes qui découpaient des bois en long sur la route de Dinez à Montleban. J’avais 14 ans et j’habitais Les Tailles, je marchais 7 Km pour aller de mon domicile au chantier, par des petits chemins, et faisais le même chemin au retour, le soir. On travaillait aussi le samedi et je me reposais le dimanche après-midi pour être dispos le lundi matin.

Les bois posés en long sur trois chevalets étaient découpés suivant des données fournies par le marchand. Les bois étaient tracés par un homme expérimenté qui devait bien réfléchir pour tirer le meilleur volume de la somme des bois découpés. Les bois découpés à la petite scie étaient classés par espèce. Je me souviens de trois appellations :

– sclimbes = bois minces et de faible longueur (1,50 m. environ) qui servaient sans doute à confectionner des claies de protection latérale ou verticale.

– rallonges = pièces plus grosses d’environ 3 m. de long.

– bois plus gros et de différentes longueurs pour les charbonnages et les chantiers, pour le soutènement.

Nous étions payés au volume des bois découpés et réceptionnés. Après ce chantier de 1940, le résultat financier pour chacun des participants donnait un salaire d’environ 35 francs par personne et par jour. Je n’ai pas gardé le souvenir du mode de transport utilisé vers les gares ou les entreprises utilisatrices . » Un tout grand merci pour ces renseignememts.

La Petite Gazette du 8 octobre 2013

LES CHANTIERS DE DECOUPE DE BOIS

Monsieur José Cornet, de Juzaine, évoque ses souvenirs de ce temps révolu :

« Mon frère Victor a travaillé de nombreuses années sur le chantier de la gare de Bomal comme découpeur de bois avec, entre autres, Aimé Gaspard, dit le Boubou, de Champ de Harre (que vous découvrirez sur la photo ci-dessous), Floribert Close, de Barvaux, Marcel Maqua, de Rouge Minière, Ariste Devahive, de Fays, Raymond Lambert, d’Erezée… et d’autres qui, comme lui, découpaient les bois qui avaient été découpés à la cognée et étaient amenés par camion, des Ford Canada.

001

Une vieille baraque en bois, adossée au talus, servait pour les repas, déposer les vêtements et ranger le petit outillage ; il y sentait bon la résine et le café.

Nous, gamins avec mon frère, descendions à vélo sur le chantier le mercredi et nous allions souvent chercher de l’eau fraîche pour les hommes à la havée de Herbet. Ce métier était très dur car, après la découpe, il fallait charger les bois sur des wagons et, évidemment, cela se faisait à la main. Parfois, ils déchargeaient aussi des wagons pour le compte des entreprises Detrooz qui étaient toutes proches.

Après la scie à main est venue la tronçonneuse, ils en ont également découpé à la scie circulaire. Les employeurs étaient les entreprises Huet, de Grand-Menil, et Charles Rigo. Occasionnellement, mon frère Victor a également travaillé à la découpe de bois, sur l’ancienne gare de Chêne al Pierre et du côté de Martinrive. »

La Petite Gazette du 16 octobre 2013

LES GARES SNCV DE JADIS, AVEC LES  « QUAIS DE DECOUPAGE ».

Monsieur Raymond Gillet a poursuivi l’enquête, il nous livre ses souvenirs :

« La ligne SNCV PussemangeBouillon–  Paliseul comportait plusieurs quais de découpage, notamment dans les gares de : SugnyCorbionNoirefontaineMogimont (Bellevaux) et à Paliseul c’était le « quai de transbordement » où la ligne SNCV côtoyait une voie SNCB.

A l’aube des années cinquante, en gare de Noirefontaine,  il y avait en permanence plusieurs découpeurs de bois de mines ; notamment mon oncle Alfred Rosillon (né en 1928), il œuvrait avec plusieurs frères de la famille Adam. Les épicéas arrivaient déjà par camions, ces bois avaient été triés pour les « bois de mine ».

Le quai de découpage était très proche et parallèle à une voie, un emplacement était réservé aux chevalets. Au nombre de trois, ils étaient  alignés et constituaient la « gade ». Une volige reliait les chevalets, elle comportait des traits de scie tous les 10cms ; pour les mètres les traits étaient plus importants.

Après le sciage des « bois de mines », les différentes « chutes » ou pointes d’épicéas étaient triées, sciées en 1,50/1.60 m et répertoriées par grosseur (longueur de la circonférence au fin bout). Le classement était le suivant : 12/14cm – 14/16cm – 16/18cm – 18/20cm, l’oncle Alfred n’utilisait pas le mètre ruban pour ce classement,  il formait un cercle tout simplement en rapprochant les pointes du pouce et de l’index de la main.

Ces différents bois étaient fagotés en bottes et ces dernières s’appelaient les « sclimbes ». Par grosseur le nombre de bois était le suivant : 12/14 = 12 bois – 14/16 = 10 bois – 16/18 = 8 bois – 18/20 = 6 bois. Mon oncle se rappelle avoir fagoté jusqu’à 40 sclimbes à l’heure (le classement par grosseur étant déjà réalisé). Son record personnel fut la réalisation de 300 fagots de sclimbes sur une journée ; le fagot était payé 1,50fr à l’époque (1948-1950).

Je vous invite à regarder la photo d’un autorail tracteur Art. 104 qui amène des wagons vides pour chargement des bois de mine à Dochamps ; remarquez, derrière le tas des bois de mine, il y a un tas de « sclimbes » arrangés par grosseur, les rangées supérieures comportent 8 bois, les autres 6 bois.

autorail-dochamps

En ces temps-là il n’y avait pas de pointeuse sur le quai et  l’horaire était parfois irrégulier, le lundi généralement moins de 8 heures, les autres jours de 9 à 10 heures voire plus même, suivant le temps et les nécessités des  délais  de fourniture, chômage des wagons et acheminement vers Paliseul. La voie du vicinal longeant le quai de découpage permettait l’alignement de 6 à 7 wagons SNCV type à « haussette ».

Le casse-croute était vite réglé, excepté quand il y avait la « gamelle » un feu était nécessaire ce n’était pas courant parce que qui dit feu dit alimentation et surveillance, mais vu l’accumulation des pointes d’épicéas  cela devenait une nécessité.  Le coin repas était protégé des vents par un « hayon » ; rectangle réalisé avec des perches d’épicéas et de la toile de jute ou à défaut de la paille de seigle, ce hayon était incliné dos au vent et à la pluie. A cette époque la scie utilisée était toujours la scie à cadre; oncle Alfred en possédait deux, grand-père Ovide « rafraîchissait » régulièrement les lames.

Avant de conclure je souhaiterais vivement vous rappeler quelques chiffres édifiant de cette époque ; ce sont des chiffres extraits du « Rapport 1959 – 75eme exercice social SNCV ». En 1938 la dite SNCV a transporté 153.668 tonnes de bois de mines, en 1959 seulement  36.113 tonnes. Elle a possédé jusque 5.524 wagons de marchandises ouverts. Dans notre pays il y eu 158 gares de transbordement partagées avec la SNCB.

Vous remarquerez la seconde photo avec la scie, le bidon « FB » (Ferronnerie Bouillonaise) et la typique gamelle.

outils-du-scieur

La Petite Gazette du 23 octobre 2013

LES SCIEURS DE BOIS A LA GARE DE MARENNE

Voici les souvenirs qu’un lecteur a gardés de cette époque :

« A la lecture de La Petite Gazette évoquant ces chantiers de découpe de bois, je me rappelle ma jeunesse à la gare de Marenne. Une voie de chargement se trouvait sur le territoire de la gare, un heurtoir était placé près de l’ex-passage à niveau et un autre en bordure de la prairie de chez Bechoux. Deux aiguillages étaient en service ainsi qu’un gabarit afin de surveiller le chargement des wagons.

Durant de nombreuses années, on a découpé une grande quantité de bois de toutes les mesures. Beaucoup de ces bois étaient destinés principalement aux charbonnages de la région liégeoise. Ces bois servaient aux galeries souterraines, où circulaient les wagonnets poussés par les mineurs ou tirés par les chevaux. L’avantage du bois dans la construction des galeries est le grincement du bois occasionné par les mouvements de la terre. Lorsque le bruit du bois se faisait plus fort, les mineurs avaient le temps de se mettre à l’abri dans un endroit plus sécurisé ; les dégâts provoquiés par l’éboulement n’auront pas fait de victimes…

Revenons au sciage du bois sur l’étendue de la gare ; actuellement, la route permettant la suppression du passage à niveau a fait disparaître cet endroit. Je me rappelle deux personnes ayant passé plusieurs années à découper les bois de notre région : M. Emile Gaillard et M. Joseph Dupont ont travaillé durant de nombreuses années, parfois d’autres ouvriers venaient en renfort.

Il y avait plusieurs mesures de découpe des bois. Le mètre-ruban ainsi qu’une toise, dont je ne me rappelle plus la longueur, étaient utilisés. La toise consistait en une longueur de bois sur laquelle se trouvaient deux grosses pointes en acier à une distance des scieurs. Après avoir découpé la base de l’arbre, l’ouvrier le mesurait avec cette toise. Rappelons que le bucheron, à cette époque, avait abattu l’arbre à la cognée, la coupe n’était dès lors pas aussi nette que quand elle fut faite à la tronçonneuse.

Les bois ainsi découpés étaient assemblés en tas d’une hauteur de deux mètres. Chaque tas contenait des longueurs et des diamètres différents. Lorsque les troncs avaient un grand diamètre, les ouvriers utilisaient la scie « passe-partout » ; pour les bois normaux, la scie ordinaire était utilisée. Ce n’était pas des armatures métalliques comme aujourd’hui, les deux montants, sur lesquels était fixée la lame, étaient reliés par un toron de corde avace, au milieu, un morceau de bois, qui permettait en tordant plus ou moins fort cette corde, de tendre la lame ; le morceau de bois se bloquait alors sur le bois reliant les deux montants.

Pour se reposer, pour manger et se mettre à l’abri, une petite cahute était installée entre deux tas de bois ; une tôle pour le toit et, à l’arrière, une toile de jute pour protéger les deux compagno,ns de travail. Lorsque la lame ne donnait plus de bons résultats, il était nécessaire de remettre l’outil en ordre de marche. Dans l’abri de fortune, il fallait aiguiser la lame avec une lime triangulaire et parfois utiliser la pince à avoyer, dont la Petite gazette nous a plusieur fois entretenus. » A suivre…

La Petite Gazette du 30 octobre 2013

LES SCIEURS DE BOIS A LA GARE DE MARENNE

Retrouvons la suite de ces souvenirs publiés dès la semaine dernière :

« Durant  la bataille des Ardennes, beaucoup de bois ont été abîmés : déracinés par les chars, abattus en partie par des obus ou remplis de shrapnells (du nom de l’inventeur anglais (1761 – 1842) de ces obus remplis de balles, en allemand, schrapnell. Actuellement, morceaux d’obus, de grenades…). Le territoire de la gare de chargement ne fut plus suffisant pour déposer les bois que les bûcherons abattaient dans la région. Plusieurs espèces d’arbres furent amenées devant la gare ou sur le terre-plein au-delà du passage à niveau. Seul le bois de sapin était utilisé pour les mines. Un grand nombre de wagons chargés de bois quittèrent la gare de Marenne, la bascule utilisée pour la vérification du poids des wagons n’a jamais autant fonctionné.

La bascule était située dans les environs du pont actuel, le gabarit se trouvait également en cet endroit. L’entretien de la bascule se faisait tous les trois ou quatre ans. En amenant d’autres wagons ouverts pour le chargement des bois, deux wagons fermés étaient étaient mis à stationner au butoir se trouvant près du passage à niveau. Un de ces wagons servait de bureau, cuisine et dortoir, l’autre était un petit atelier contenant même une petite forge. Deux ouvriers spécialisés devaient remettre les bascules en ordre de fonctionnement (peinture, remplacement des pièces défectueuses et étalonnage). En soirée, mon père allait quelquefois rendre visite à ces hommes, parfois je l’accompagnais. Je me souviens qu’un de ces ouvriers était originaire de Vielsalm.

Le transport par camion et la modernisation des scieries ont supprimé tout ce travail du bois qui se faisait sur le territoire de la gare de chargement. La fin de ces lieux de travail venait de commencer, la suite, vous la constater actuellement ! »

Madame Denise David-Lacasse, de Harre, se souvient également que « dans les villages le long de la ligne vicinale ManhayComblain-la-Tour, il y avait de ces terrains appelés « chantiers », c’était là que les ouvriers préparaient les bois à la demande pour alimenter les charbonnages liégeois. Les ouvriers chargeaient les wagons du vicinal qui s’en retournaient vers Comblain-la-Tour et là, de nouveau, il fallait du personnel pour décharger et recharger sur des wagons de la S.N.C.B. car l’empâtement était différent d’une société à l’autre. Ici, en Ardenne, ces chantiers s’appelaient « gares » tout simplement. On disait : lès ovrîs d’b’wès alî-st-ovrer so l’gåre. »

 La Petite Gazette du 13 novembre 2013

ENCORE A PROPOS DES CHANTIERS DE DECOUPE DES BOIS

Messieurs Raymond Gillet et René Gabriel ont beaucoup œuvré pour La Petite Gazette cette semaine. Il est vrai qu’il s’agit là de passionnés… Le premier nous raconte cette plaisante anecdote :

« La gare vicinale de Noirefontaine possédait deux  » quais de découpage ». Celui représenté sur cette photo est celui des « feuillus ». Le quai des « résineux » se situe à l’extrême gauche de la photo. (Nous en avons parlé dernièrement)

gare-noirefontaine

Les personnes occupées sur ce quai étaient originaires de la région anversoise , il s’agissait de la famille Faes . Le papa, Louis, était né en 1886 à Turnhout,il parlait un français impeccable, ses enfants fille et garçons travaillaient avec lui. Louis avait des moustaches à la « hongroise ».
La route nationale parallèle au quai reliait Paliseul à Bouillon et, déjà à  cette époque, des touristes hollandais venaient visiter notre Ardenne, juchés  sur leurs typiques vélos.
Un jour Louis vis apparaître deux cyclistes hollandaises, il les laissa s’approcher et, de sa voix style Louis Jouvet, il leur « décrocha » la tirade suivante :

Abaissez le capot on voit le moteur, ce n’est pas pour le moteur, mais c’est pour l’odeur !
La plus âgée des dames lui répondit du tac au tac  » Viens-y frotter tes moustaches !  »

Louis était à cent lieues d’avoir une réponse en français, il en resta bouche bée. On ne l’entendit plus de la journée… »

Monsieur Gabriel nous fait part de l’état actuel de ses recherches, nous explique pourquoi le sujet l’intéresse et nous promet une suite à ses propos :

« J’ai rencontré, tout récemment, monsieur Pierre Colin, de Burnontige, dont les parentsz tenaient l’Hôtel du Vicinal. Il se souvient très bien de la gare de Burnontige où un chantier de découpe de bois de mine existait. Les wagons arrivaient avec le tram, étaient décrochés et placés sur une voie particulière. Il n’y avait pas de bâtiment de gare, seulement un quai et un bâtiments où les découpeurs pouvaient remiser leur matériel. M. Colin se rappelle les noms de deux de ces découpeurs, les frères Stelet, Fernand et Arthur.

Quand M. Josy Depierreux a lancé cette recherche dans La Petite Gazette, j’étais content car cet ancien métier de découpeur allait être, comme beaucoup d’autres petits métiers, oublié… J’avais décidé d’attendre quelque peu les premières réponses et elles sont venues. Très prochainement, je reviendrai vers vous avec nombre de renseignements SNCB. En effet, j’ai toujours habité des maisonnettes ou gares et, de ce fait, ai parcouru de nombreuses cours à marchandises. Par la suite, ma profession à la SNCB fut, pendant près de 40 ans, dans le domaine du factage, il s’agit d’un service s’occupant plus particulièrement, suivant les gares, des wagons, des commandes, de la distribution, du triage, de l’acheminement… »

La Petite Gazette du 27 novembre 2013

ENCORE UN CHANTIER DE DECOUPE DE BOIS

Monsieur Robert Nizet, de Vielsalm, nous confie à son tour sa contribution à la documentation sur les quais de découpe des bois longeant les lignes de chemin de fer. Il nous en présente un qu’il a bien connu.

« Celui-ci était situé à Vielsalm, en amont de la gare et sous le pont de la route de Rencheux. On y a découpé, des années durant, des quantités incroyables de bois destinés aux mines. C’était pour nous les gamins habitant au quartier de la gare un terrain de jeu idéal et pour nos parents une source inépuisable de « petit bois » pour allumer le feu. S’y sont succédé au travail les équipes (notamment) de Jean Bontemps de Ville-du-Bois, d’Armand Frères d’Hébronval et des Martiny des Tailles.

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La photo date de 1948 et j’y figure avec mon papa. »

La Petite Gazette du 18 décembre 2013

LES TRAVAUX FORESTIERS QUI OCCUPAIENT MON MARI

Madame Françoise Schröder-Closjans, de Louveigné, évoque le travail de son mari :

«Les premières années de notre mariage se passèrent à Francorchamps. Après la fenaison et la tonte des haies, mon mari, son voisin, L. Goffin, et les frères de celui-ci ont effectué divers travaux forestiers dans des bois appartenant à la famille Stersteven aux alentours de Stavelot, Francorchamps et Malmédy.

Tous les travaux s’effectuaient à la main, abattage, découpage, sciage…

Avant la plantation de sapins dans des endroits fangeux, il fallait faire des mottes pour éviter le pourrissement des jeunes racines. Ce travail consistait à faire des rigoles autour d’un carré de terrain pour permettre au surplus d’eau de s’évacuer.

En 1960, quelques mois après notre arrivée à la ferme de la Fagne de Deigné, mon mari effectuait son premier débardage avec son cheval. Le travail en forêt était un travail d’équipe. Après l’abattage, l’ébranchage et, parfois, le pelage à l’aide d’une rasette, mon mari amenait les bois le long des chemins forestiers. Certains bois étaient chargés entiers et conduits dans les scieries de la région par camion. C’est en lisant une récente Petite Gazette, précise mon aimable correspondante, que je me suis souvenue de cet outil que mon mari possédait pour enlever les écorces ou peler les bois comme il disait. Il s’agissait d’une rasette que provenait, je pense, de la maison Joseph Leloup à Aywaille. N’en ayant plus l’usage, il l’avait donné à un de ses amis. Dans un ouvrage consacré aux vieux outils, j’ai retrouvé un modèle identique à celui que possédait mon mari et présenté comme étant : « un pèle-tronc, outil servant à l’écorçage des bois ».

Les bois de mine étaient sciés à la longueur voulue par deux découpeurs. Ces bois, chargés sur des camions, étaient acheminés directement vers les charbonnages ou à la gare de Remouchamps pour être expédiés par wagons. Tous ces travaux du début des années 60 étaient effectué à la main.

Quelques années plus tard, ce fut l’apparition des tronçonneuses et des engins mécaniques mais, pour le débardage, le cheval est resté prioritaire. Lorsque le débardage de gros arbres nécessitait un attelage à deux chevaux, Pol Rixhon, de Paradis-Harzé, venait seconder mon mari.

Par mauvais temps, mon mari ramenait certains ouvriers forestiers à la maison pour manger leurs tartines. Cette période a été très enrichissante, elle nous a permis la rencontre de divers métiers du bois et de la forêt ainsi qu’un nouveau vocabulaire français et wallon. »

La Petite Gazette du 29 janvier 2014

AVANT DE COUPER TOUS CES BOIS, IL A FALLU LES PLANTER…

Monsieur René Gabriel, de Roanne Coo, dévore avec passion archives et vieux documents et, surtout, aime à partager avec les lecteurs de La Petite Gazette les intéressantes qu’il fait :   « Voici  quelques  renseignements  retrouvés  lors  de  mes  recherches  dans  les  différents  bans  locaux.

En 1837, le  roi  Léopold I, rentrant  vers  Spa  après  une  visite  à  la  cascade  de  Coo, se  trouve  désolé  devant  les  landes  arides  qu’il  traverse, nos  fagnes  où  paissent  alors  des milliers  de  moutons.  A  partir  de  cette  époque  de  nombreux  “experts”  vont  se  pencher  sur  ce  problème et  bien  des  années  plus  tard  un  plan  de  boisement  de  ces  vastes  étendues  sera  d’actualité. Vers  1875-1880  on  plante  donc  de  nombreux  feuillus  et  résineux  en  Ardenne. Les  résineux  sont  principalement  des  pins  sylvestres  et des mélèzes.

Ex: 1879. En  commune  de  Ferrières  le  bourgmestre  reçoit  l’information  d’envoyer  le  messager  enlever  25  kilos  de graines  de  pins  sylvestres  au  dépôt, les  graines  de mélèzes  seront  fournies  plus  tard. Ces  graines  seront  semées  en  pépinière  par  le  forestier  local. Il  n’est  alors  pas  encore  question  d’épicéa. Petite anecdote amusante à propos  de l’enlèvement  des  graines  pour  Ferrières en  1879, le  responsable  précise  au  bourgmestre d’envoyer  le  messager  « avec  un  sac  sans  trou … » I  vâ  mî … ! précise mon sympathique correspondant.

Plus  tard, en  commune  de  Basse-Bodeux  cette  fois, en 1914, les  autorités  notent  que  des  milliers  de  pins  sylvestres  ont  été  plantés  mais  qu’une  invasion    très  importante  d’écureuils  menace  ces  peuplements car  ils  rongent  les  écorces  et  les  arbres  dépérissent. Il  est  donc  décidé  de  tuer  les  écureuils  et  une  prime  de  25  centimes  par  animal  tué  est  accordée  à  condition  de ramener  la  queue  du  rongeur  au … bourgmestre !

Nous  avons  là  un  premier  départ  d’enrésinement en  Ardenne, il  est  probable  que  la  plantation  de  l’épicéa va  bientôt  apparaitre  également  peu  après.

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Il  faudra  attendre, bien  évidemment,  l’arrivée  du  rail  en  Ardenne (1890 pour  Rivage-Trois-Ponts) pour  remarquer  un  trafic  de  bois  de mines. Certaines cartes  postales, vers 1920  ou  peu  avant, montrent  des  wagons  chargés  de  longues  perches (poteaux  télégraphiques  probablement) et  bois de  mine  en  gares  de  Remouchamps  et  Trois-Ponts. »

Monsieur Jacques Bourdouxhe (voir les commentaires) s’est intéressé à cette série d’articles dans lesquels il a puisé des informations pour l’aider dans sa passion, le modélisme. Répondant à ma demande, il nous adresse ces deux photographies montrant la qualité et la précision de ses réalisations.

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Voici des photos de mon diorama représentant une bicabine  ( type 18  ) remorquant un wagon à haussettes chargé de grumes destinées aux charbonnages.

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Cette seconde photo a été prise au Brésil   ( mon épouse est brésilienne ) ou  j’ai amené le diorama pour une exposition de modélisme ferroviaire à Curitiba  (Etat du Parana )
Le matériel roulant est à l’échelle TT  ( 1/120 ) populaire en Allemagne et en Europe de l’est. L’écartement de voie est de 9mm pour représenter une voie métrique (ce qui est le cas pour la majorité des lignes vicinales qui ont existé sur le réseau SNCV/NMVB  ).
Comme il n’existe rien de disponible dans le commerce, à part les chassis tout le reste est de construction maison. Les carrosseries  ont été réalisées par la technique de l’impression 3D.
Ma famille maternelle  (famille Guillaume) a gravité pendant de longues années autour d’Esneux : Poulseur, Ham , Esneux (où je suis né), Fontin  et Montfort. »

Un grand merci à Monsieur Bourdouxhe et toutes les félicitations de la Petite Gazette

QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE LE 15 JANVIER 1940, PENDANT LA DRÔLE DE GUERRE?

La Petite Gazette du 7 juin 2000

QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE PENDANT LA MOBILISATION ?

Une lectrice d’Andenne, mais originaire de La Barrière, à quatre kilomètres de Basse-Bodeux et à cinq de Neufmoulin, m’écrit à propos d’un dramatique épisode de la mobilisation, car elle voudrait savoir si quelqu’un pourrait l’aider à comprendre ce qui s’est passé ce jour-là.

« A la mobilisation, il y a eu un malheureux incendie dans les baraquements aménagés en dortoirs pour les soldats mobilisés. Il y a eu beaucoup de soldats atteints de graves brûlures, d’autres ont été brûlés vifs, d’autres encore sont morts plus tard des suite de leurs blessures.

Pendant la mobilisation, les soldats étaient soumis à des exercices d’alerte. J’habitais alors avec mes parents le long de la route provinciale n°23, celle-ci était minée de part et d’autre. En cas d’alerte, quatre soldats gardaient la route, prêts à déclencher les mines.

La nuit de l’incendie, vers deux heures du matin, mes parents ont été réveillés par un soldat, celui qui gardait le deuxième point miné et qui leur demandait à téléphoner puisque la ligne militaire était coupée !

Je me souviens que les ambulances transportant les brûlés vers Liège ont eu des accidents en tombant dans les trous ouverts dans la route. Quelle catastrophe !

On connaissait beaucoup de ces mobilisés, le baraquement abritait beaucoup d’infirmiers, mais aussi des Chasseurs ardennais.

Je crois bien qu’il y a eu trois morts dans l’incendie et 30 ou 40 blessés, que sont-ils devenus ? J’aimerais le savoir »

Quelqu’un pourra-t-il nous apporter des précisions sur ce drame survenu peu de temps avant le 10 mai 40 ? Tous les renseignements ou souvenirs en votre possession nous intéressent au plus haut point. D’avance, je vous remercie chaleureusement de bien vouloir nous les communiquer.

La Petite Gazette du 28 juin 2000

QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE PENDANT LA MOBILISATION ?

En réponse à la lectrice d’Andenne qui vous questionnait à ce propos il y a trois semaines, Monsieur Henri Jacquemin, de La Gleize, qui possède une documentation manifestement fort bien classée, m’a transmis quelques renseignements intéressants :

« Les Annonces d’Ourthe-Amblève du 9 septembre 1998 ont évoqué ce dramatique événement survenu à Basse-Bodeux, dans la nuit du 15 janvier 1940, et au cours duquel quatre soldats belges périrent carbonisés, dans l’incendie de leurs baraquements militaires, installés, à l’époque, à l’entrée du village, entre les maisons Hourand et Vauchel, brasier provoqué par du charbon incandescent tombé d’un poêle. Une quinzaine d’autres soldats furent gravement brûlés.

Ce douloureux épisode de la phase D de la mobilisation (qui avait débuté le 14 janvier, pour se terminer le 10 mai 1940, par la phase E, c’est-à-dire la mobilisation générale) fut rappelé naguère, poursuit mon correspondant, par « Le Jour/ le Courrier » du 22 mai 1999. Ce quotidien précisait que des braises échappées d’un poêle mirent le feu à de la paille qui servait de matelas à certains soldats et que, en quelques instants, une centaine d’hommes se ruèrent vers l’unique sortie du baraquement, une porte qui ne s’ouvrait que vers l’intérieur ! Encore heureux, ajoute le journal verviétois, que d’autres soldats aient eu la présence d’esprit d’écarter du lieu du sinistre un camion chargé d’explosifs ».

Grâce aux archives de M. Jacquemin, nous avons déjà quelques indications sur la version « officielle » de la tragédie, mais, insistant sur la demande de ma lectrice d’Andenne, mais originaire de La barrière, entre Basse-Bodeux et Neufmoulin, j’aimerais beaucoup, si c’est possible, recueillir le témoignage de ceux qui ont vécu cet événement tragique. Mon vœu sera-t-il exaucé ?

La Petite Gazette du 23 août 2000

QUE S’EST – IL PASSE A LA BARRIERE ?

   De très intéressantes communications me sont parvenues suite à la parution de la version officielle de ce drame de la mobilisation.

Monsieur Roger Hourand, de Basse-Bodeux, fait tout d’abord la précision suivante : « Il ne s’est rien passé à « La Barrière » qui est un lieu-dit à environ 4 km de l’endroit (Basse-Bodeux, grand-route) où se sont déroulés les tristes événements relatés.

Habitant à une quinzaine de mètres des portes d’entrée des baraquements militaires en question, j’ai eu le triste privilège d’assister au déroulement complet de toute cette tragédie. Vers 4H30, ce 15 janvier 1940, nous avons été, mes parents et moi-même, éveillés en sursaut par de nombreux cris. Plusieurs soldats se trouvaient déjà près de la maison, certains en pyjama, d’autres pieds nus ; or, il faisait très froid. Les plus démunis sont entrés dans la maison. Très vite, les flammes ont embrasé toute la toiture, le feu s’étant propagé à une vitesse incroyable, bien alimenté par la paille qui couvrait le sol et attisé par l’ouverture des lucarnes tenant lieu de fenêtres. Comble de paradoxe, les portes du sas de sortie s’ouvraient vers l’intérieur. Venant du brasier, on entendait des cris de terreur, accompagnés par une fusillade ininterrompue ; les cartouches qui éclataient ajoutaient encore au côté sinistre du drame.

Entretemps, les premiers blessés étaient sortis et étendus ; pour les plus graves, dans notre hall d’entrée ; ils ont été transportés ensuite à la clinique de Trois-Ponts et à l’hôpital militaire de Liège. Pendant que se déroulaient ces péripéties dans un affolement indescriptible, un soldat blessé sérieusement a réussi à éloigner un camion d’explosifs stationné près du premier baraquement en feu. Il fut d’ailleurs décoré pour son acte de bravoure. Malheureusement, quatre hommes étaient restés dans les flammes et on eut à déplorer une quinzaine de blessés sérieux. »

Monsieur Valère Pintiaux, d’Esneux, vient compléter ce récit :

« Mon père qui était militaire de carrière au 3e Chasseurs Ardennais était ce jour-là dans le baraquement. Il avait son logement chez M. et Mme Dahmen, près du magasin Vauchel. Il était chauffeur et faisait des missions qui, parfois, l’amenait à rentrer tard et, pour ne pas déranger ses hôtes, il dormait alors dans le baraquement. Le jour du drame, il était rentré vers minuit et tout était calme. Je sais qu’il disait qu’il était sorti dans les premiers, parce que tout habillé, pas bien endormi et près de la porte. Le camion, un G.M.C., bâché et chargé de munitions, était le sien, il l’a aussitôt éloigné sachant le danger qu’il représentait. »

Lors d’une prochaine édition, nous suivrons ces correspondants et Monsieur Gaston Lafalize, de Dochamps, dans l’analyse des causes de ce drame qui, selon eux, n’a absolument rien à voir avec la version officielle. A suivre donc…

La Petite Gazette du 30 août 2000

QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE PENDANT LA MOBILISATION ?

   Après avoir suivi mes correspondants dans la relation des faits survenus ce 15 janvier 1940, nous parcourons, aujourd’hui, leur analyse des causes qui, vous allez vous en rendre compte est bien différente de l’analyse officielle des autorités.

Monsieur Roger Hourand, de Basse-Bodeux, voisin des baraquements abritant les soldats en 1940, nous dit que : « selon la version officielle, le feu a été provoqué par un charbon ardent tombé d’un poêle ; à partir de maintenant, j’emploierai le conditionnel, car il m’est impossible d’apporter la moindre preuve à ce qui va suivre. Les faits que je citerai nous ont été rapportés par des soldats que nous avons hébergés pendant les mois qui ont suivi. Il s’agirait d’un incendie criminel ; le feu aurait été mis par un soldat originaire des cantons de l’Est, qui occupait un nid de mitrailleuse se trouvant sur la butte de la route du moulin. A l’inventaire du stock de matériel de ce poste, on aurait découvert qu’il manquait cinq mètres de « mèche lente ». Ce soldat aurait été arrêté au mois de mars, incarcéré à Anvers, probablement à Breendonk, et traduit en Conseil de Guerre. Les versions sur la suite divergent, car n’oublions pas que nous vivions à ce moment une « drôle de guerre ». Nous étions neutres et on évitait de heurter l’ennemi qui était à nos portes. »

Monsieur Valère Pintiaux, d’Esneux, fils d’un des soldats présents dans le baraquement, nous rapporte ce qu’en disait son papa :

« Pour mon père, l’incendie était d’origine criminelle. Ce point reste cependant très vague dans ma mémoire, mais je me souviens des grandes lignes. Il y aurait déjà eu un incident quelques jours avant ; déjà une histoire de feu… Il y avait des coïncidences, des comportements étranges où il était question d’un ou deux soldats de Saint-Vith ou des environs. »

Monsieur Gaston Lafalize, de Dochamps, est , lui aussi, le fils d’un soldat qui fut hébergé dans la maison juste en face du baraquement (non loin donc de chez M. Hourand). Il se souvient que, bien après le retour de captivité de son papa, peut-être en 1955 ou 1956, il l’accompagna en visite chez ses hôtes.

« J’ai souvenance qu’à l’époque, le propriétaire nous parla de cette tragédie. Il nous confia que des enquêteurs vinrent chez lui pour obtenir certains renseignements car l’incendie paraissait suspect. Il les informa qu’il avait remarqué des allées et venues d’un autre régiment, le jour avant l’incendie et que cette attitude lui avait paru bizarre. Selon ce témoin, le soldat fut identifié et était déjà connu pour ses prises de position anti-belges. Il nia tout en bloc, mais les autorités militaires, soupçonneuses, le changèrent d’unité, mirent à ses côtés ce qu’il est convenu d’appeler un « mouton » qui se vanta lui aussi d’avoir fait des actions en faveur des autorités allemandes de l’époque. C’est ainsi qu’il se confia à celui qu’il croyait être son nouvel ami. Pendant que les soldats dormaient dans le baraquement, sur de la paille, il aurait jeté du pétrole ou de l’essence sur le poêle et aux alentours. Il fut condamné à mort et exécuté. Ceci est la version qui me fut donnée par le voisin le plus proche, qui nous assura avoir été marqué pour toujours par cette nuit d’épouvante. Ce brave témoin est, malheureusement, décédé. »

Encore une fois, grâce aux lecteurs de La Petite Gazette, la question posée par Madame Lydie Mathieu, d’Andenne, aura permis de rassembler bien des renseignements qui, s’ils n’apportent pas une réponse définitive sur cette tragédie, permettent néanmoins de l’appréhender sous un jour bien éloigné de ce qu’il convient d’appeler la version officielle, peut-être rendue nécessaire par les circonstances du moment.

La Petite Gazette du 25 octobre 2000

D’AUTRES PERIODIQUES VANTENT LES MERITES DE LA PETITE GAZETTE !

Les recherches que vous avez la gentillesse de mener à la demande des lectrices et des lecteurs de La Petite Gazette permettent de sauvegarder de nombreux témoignages qui, sans vous, auraient été irrémédiablement perdus. Cette démarche, mise en place par feu René Mladina, est également profitable à diverses associations ; elles le signalent et remercient…

C’est le cas de la Fraternelle Royale des Chasseurs Ardennais qui, dans les pages de sa revue trimestrielle « Le chasseur ardennais » (N° 202, 3ème trimestre 2000), fait largement l’écho des témoignages réunis dans La Petite Gazette au sujet de l’incendie du baraquement qui abritait de nombreux soldats, à Basse-Bodeux, en janvier 1940. « Nous avons reçu plusieurs réponses ainsi que l’aide inattendue de l’intéressante rubrique de l’historien René Henry dans trois éditions successives de l’hebdomadaire « Ourthe-Amblève ».

C’est bien sûr à vous toutes et à vous tous que s’adressent les remerciements de ces deux respectables associations.

LA LIBERATION DE NOS VILLAGES EN SEPTEMBRE 1944

D’ores et déjà, je vous conseille de consulter cet article régulièrement car, durant les jours à venir, j’ai ajouterai des informations relatives à d’autres villages… A ce jour, vous lirez des témoignages sur la libération de Chevron-Stoumont, Harzé, la Haute-Ardenne, Hotton, Basse-Bodeux et Ouffet.

CHEVRON-STOUMONT

La Petite Gazette du 15 février 2012

LA LIBERATION DE CHEVRON – STOUMONT

Monsieur Alain Jamar de Bolsée, de Chevron, me communique un document tout à fait inédit qu’il a retrouvé dans les papiers de sa maman, Ghislaine Jamar de Bolsée, décédée fin 2009. Il s’agit d’un carnet relatant les événements de la guerre 40-45 et notamment ceux relatifs à la libération du village de Chevron (entité de Stoumont) en septembre 1944. Comme le pense mon correspondant, je suis certain que vous serez intéressés par la lecture de ces notes :

« 2  septembre 1944

Le soir,  à 11 h. au moment où je montais pour aller me coucher, voilà que l’on frappe à la porte du perron : c’étaient 4 Allemands avec une auto qui demandaient à loger.

Dans l’après-midi, nous avons déjà eu une alerte car 2 autres étaient venus mais étaient heureusement repartis.

 

3 septembre 1944

Ce matin nouvel arrivage de troupes : nous devons, cette nuit, loger 40 hommes et dans le jardin de gros canons d’artillerie. Il y a un va-et-vient d’autos et d’autos-chenilles. Les Allemands sont grossiers, forts dépenaillés, fatigués.

Nous sommes privés de notre TSF qu’on ose plus faire aller. Pourtant on  continue à connaître les nouvelles, mais les opérations en Belgique restent secrètes où sont  exactement les Américains … Sans doute du côté de Bouillon Neufchâteau ?

 

4 septembre 1944

Ils sont toujours là et nous nous demandons quand ils repartiront.

Les alliés approchent. Clandestinement, on va avec mille précautions écouter le poste de TSF chez Alice car le nôtre est caché. La TSF annonce l’avance foudroyante des Américains.

Le 3, ils sont à Bruxelles avec des troupes belges et le 4 à Anvers qui est délivrée. C’est la joie, c’est l’attente angoissée et impatiente. Dans nos régions quand sera-ce notre tour ? Et l’attente paraît longue et les émissions sont écoutées avec plus d’attention que jamais.

Les Allemands finissent par partir après avoir volé fruits et légumes dans le jardin et des seaux et des mannes dans la buanderie. Ils laissent une crasse indescriptible et ont enlevé nos drapeaux américains et anglais qui étaient enfermés dans une armoire. J’ai retrouvé notre drapeau belge en morceaux dans une chambre.

Je rencontre le commandant William qui nous dit que l’ordre avait été donné d’attaquer à la grenade les boches installés au village donc surtout chez nous qui avions 40 hommes et 2 ou 3 officiers ! Mais devant les représailles terribles pour le village si cela se faisait, l’armée blanche ne l’a pas fait. Nous l’avons échappé miraculeusement… Pourtant est-ce tout à fait exact ? N’y a-t-il pas un peu de vantardise, de la part  du groupe de l’indépendance, ce  groupe qui opère pour le moment dans le village et en qui je n’ai pas pleinement confiance. Ils font des imprudences et sont assez inconscients. Les boches sont partis, paraît-il, parce qu’ils avaient eu vent de l’affaire. Je ne sais exactement ce qu’il faut croire. De plus j’apprends que réellement nous avons failli être attaqués dans le château par les blancs à cause des boches  qui y  étaient.

Nous apprenons ce jour l’arrestation sur la route à Neufmoulin de M. le chapelain de Trou de Bra  Franz Van Weezemael, un  courageux futur missionnaire qui avait remplacé l’œuvre de notre curé en son absence et qui s’occupait magnifiquement de l’armée blanche en tant que prêtre.

Nous le connaissions très bien, il venait donner souvent des leçons de flamand aux enfants et était des plus sympathiques et avait une  activité splendide. On ne sait pas grand-chose en ce qui concerne son arrestation. On sait qu’il a été malmené déjà au moment où on l’a arrêté. On l’a vu passer sur un camion c’est tout… En apprenant la chose  mon cœur se serre, et j’ai  de grandes craintes pour lui… Elles furent malheureusement fondées…

Le départ  des Allemands a été provoqué par mon oncle qui, ne pouvant garder le silence, dans l’intention de les faire déguerpir car ils n’avaient pas l’impression de savoir les alliés si près, leur  a dit qu’ils devaient partir  car les Américains étaient tout près. Les Allemands croyaient les alliés encore à Lille !… Les dires de  mon oncle  étaient une preuve qu’il avait une TSF. Les boches, ravis d’en avoir une, sont venus la lui chercher tout simplement et l’ont installée chez eux promettant de la laisser quand ils partiraient. Mais on connaît leurs promesses ! » A suivre…

La Petite Gazette du 22 février 2012

LA LIBERATION DE CHEVRON – STOUMONT

Nous reprenons la découverte de ce document tout à fait inédit que Monsieur Alain Jamar de Bolsée, de Chevron, nous a communiqué en précisant qu’il l’a retrouvé dans les papiers de sa maman, Ghislaine Jamar de Bolsée, décédée fin 2009. Il s’agit d’un carnet relatant les événements de la guerre 40-45 et notamment ceux relatifs à la libération du village de Chevron (entité de Stoumont) en septembre 1944.

« Mardi 5 septembre 

Journée de nettoyage car la crasse laissée par eux  est indescriptible !

Mercredi 6 septembre

Le père Gilles  vient  le matin avec le commandant William de l’armée blanche voir si on ne pouvait pas faire du château un hôpital pour les blancs. Maman leur montre la grande salle à manger et le salon vert. Ils trouvent cela parfait, mais ne semblent pas être très organisés quant aux questions pratiques telles que cuisine, infirmiers, médecins etc.

Enfin ils demandent ceci, en cas de nécessité… La matinée se passe donc à déménager tout le mobilier qu’il y a dans la grande salle à manger et ce n’est pas peu de chose ! Mais le soir tout est en ordre propre et prêt éventuellement.

Nous croyons être un peu tranquilles, mais la dure semaine commençait.

Le soir vers 9 h alors que je venais d’achever de mettre les petits au lit, on frappe au perron : c’était William avec un autre de l’armée blanche dénommé « le neveu d’Alice» car il logeait là depuis quelques jours. Il pleuvait  à verse et tous les deux  étaient dégoulinants et ruisselants d’eau. Ils demandent  de pouvoir loger  à 50 la nuit.

Ils ont eu une escarmouche assez sérieuse à Villettes et, après de  grands détours sont arrivés ici ayant pris des camions allemands qu’ils installent dans le parc. Nous leur montrons les chambres au 2e étage.

William décide que 20 hommes pourront y dormir et ils arrivent… tout ruisselants, la pluie ne cessant de tomber. C’est une vision extraordinaire, tous ces hommes sans uniforme portant des vêtements fort usagés et porteurs de grands fusils. Une femme est avec  eux et porte au dos un énorme havresac. Dans la mi-obscurité, ils montent l’escalier et s’installent mais je suis épouvantée de leur manque organisation et de leur imprudence, ils n’occultent pas leurs fenêtres et de ce fait peuvent être repérés par les Allemands qui sont à leur poursuite… Ils ne mettent pas de sentinelle aux abords du château… C’est inimaginable, ils pensent dormir jusqu’au lendemain 8 h!

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Il y en a un  qui a faim, les autres ont du beurre et du pain qui ne savent qu’en faire. Tout cela ne donne pas grande confiance dans le groupe du commandant William…

Ayant installé les blancs en haut, nous estimons, avec maman qu’il est imprudent pour nous de rester au château au cas où les Allemands repéreraient les blancs et décidons d’aller loger chez  mon oncle et, à 10 h du soir, alors qu’il pleut toujours et fait un noir à ne pas voir à 50 cm devant soi, je pars seule avertir mon oncle de notre arrivée.

De suite Marguerite arrange notre installation pour la nuit alors que je retourne à la maison chercher les petits et tous nos bagages. Jean-Pierre et Nicole sont avec moi pour aider. Il faut réveiller les petits dans leur premier sommeil, ce n’est pas facile  de les habiller à la hâte dans l’obscurité à peu près. On met tout sur deux chariots des enfants et cahin-caha nous partons pour la Vieille Maison, c’est lugubre et angoissant.

Nous arrivons, et Marguerite a arrangé un  grand matelas dans le salon où j’installe mes trois gosses tout habillés. Gisèle  a un lit, ses enfants sont installés deux avec les miens. Yves également a un lit  et se rendort vite. Pierre et sa famille sont inquiets des événements. Pierre décide de veiller toute la nuit et a  peur des représailles pour le village.

Je retourne encore au château avec la servante rechercher des affaires. Là le « neveu d’Alice » me dit que je ne devrais pas partir que lui va dormir sur ses deux oreilles etc. Non vraiment je ne l’écoute pas car la prudence avec nos six petits garçons me dit de nous éloigner du château.

Il n’est pas loin de minuit lorsque, à mon tour, je m’allonge près des petits, bien inquiète et l’esprit en éveil et à l’écoute du moindre bruit.

Il va sans dire que je n’ai pas fermé l’œil. Vers 2 h du matin, j’ai été très effrayée en entendant le pas de deux hommes qui allaient chez Beauvois. Par après j’ai appris que c’était deux sentinelles blanches qui montaient la garde.

Ce fut long, j’ai entendu Pierre qui sortait dans la cour et marchait inquiet lui aussi. Enfin le jour se levait il n’y a rien eu. Pierre et sa famille s’en vont à Xhierfomont à pied estimant qu’il y a danger à cause des représailles de rester à Chevron. » A suivre…

La Petite Gazette du 29 février 2012

LA LIBERATION DE CHEVRON – STOUMONT

Nous poursuivons, maintenant, la découverte de ce document tout à fait inédit.

« Jeudi 7 septembre 

Dans la matinée, nous venons voir au château ce qui se passe. Des blancs sont partis, d’autres sont encore là. Ils ont laissé une crasse inimaginable.

Nous restons  chez Marguerite et y  dînons.  Peu avant midi, alors qu’on s’affairait autour du dîner, brusquement on entend des coups de feu assez nourris du côté de la Platte.

Un quart d’heure plus tard, nous voyons passer plusieurs personnes du village dans le jardin  en courant, ayant sous le bras un petit paquet qu’à la hâte, ils avaient pris.

Nous demandons ce qu’il en est,  et ils disent qu’on se bat  à la Platte, que 12 camions allemands se dirigent sur le village et que c’est la panique dans le village.

Nous restons calmes et très angoissés dans la cuisine chez Marguerite, nous surveillons toutes les allées et venues. Puis passent encore dans le jardin tous les blancs, fusils à la main et courant, je ne sais où. On en voit qui se postent dans la prairie entre chez  Targnion  et Beauvois, d’autres au carrefour sont même tout à découvert. Il y en a en uniforme de Chasseurs Ardennais, d’autres simplement en civil.

Cette fois nous descendons dans la cave, le danger approche, j’ai confiance dans la prière et nous la faisons de tout notre cœur.

On entend au loin la mitraillade. C’est à ce moment-là que j’ai eu le plus peur car réellement je m’attendais à tout moment à voir arriver les Allemands dans la cave  et Dieu sait ce qu’ils auraient pu faire…

À Grand Trixhe, ils ont tué  huit personnes  dont un enfant et de tous côtés des atrocités analogues se sont produites.

Encore une fois la prière pour nous fut un secours immense. Ma confiance était très grande et, malgré mes terribles appréhensions, j’étais très calme. Les petits avaient faim !

Petit à petit les coups de feu ont cessé et au bout d’une heure nous sommes remontés de la cave et l’appétit  fut quand même  bon ! Par après nous avons appris en effet qu’il y avait eu un engagement à la Platte entre l’armée blanche et les boches. Deux  sentinelles des blancs ont été tuées par les boches.

Les blancs ont riposté et ce fut la mitraillade et les boches  sont allés chercher   un tank, sur ce, les blancs se sont repliés et c’est alors que nous ne les avons vus apparaître dans le village.

Le tank allemand  a facilement balayé la route qui menait vers chez Schröder et le drame de la ferme Delhasse  se place à ce moment… Les boches ont incendié la ferme dont il ne reste rien. L’homme était caché dans la cave et heureusement n’a pas été découvert, La femme fut mise au mur  et attendait son 8e enfant et les sept petits pleuraient autour d’elle. C’est je crois que ce qui l’a sauvée. La nuit nous préférons encore loger chez Marguerite.

Suzanne et Pierre étaient partis, nous logeons cette nuit-là dans des lits mais par mesure de précaution encore habillés. Ce fut une nuit tranquille.

Vendredi 8 septembre 

On passe la matinée à la Vieille Maison et  nous dînons au château et l’après-midi nous ramenons nos bagages, espérant être un peu tranquille, quand au moment du souper arrivent les premiers SS.

Maman avance, un officier et un homme disent qu’ils veulent passer la nuit.

Maman leur montre le 2e qu’on n’a pas eu le temps de nettoyer.

Voyant la crasse, l’officier dit que c’est trop sale et part. Joie pour nous à cette idée. Pourtant plusieurs Allemands restent autour du château ayant l’air d’observer les alentours.

Je perçois dans le ciel vers chez Targnion une énorme boule de feu dans le ciel, une fusée sans doute.

Nous avions à peine quitté la salle du souper que plusieurs boches  l’envahissent disant que ça leur convenaient et qu’ils y boiraient le vin qu’ils avaient avec eux en grande quantité. Nous n’avons pas eu le temps même d’enlever la nappe, nous étions tout surpris de cet envahissement ; heureusement nous avions caché la TSF.

En un quart d’heure, le parc était de nouveau envahi par quantité d’autos qu’ils cachaient sous les arbres. Je cours chez mon oncle pour avoir quelques nouvelles mais c’est la même chose tout le village est gris de leur présence, et cette fois-ci ce sont les SS, les mauvais ; on les sent inquiets mais encore disciplinés. Cette nuit-là avons logé dans le hall installant les petits sur des fauteuils et des matelas. Dans la nuit, la lumière fut coupée nous avons dormi habillés. » A suivre…

La Petite Gazette du 7 mars 2012

LA LIBERATION DE CHEVRON – STOUMONT

Nous poursuivons, cette semaine encore, la découverte de ce document tout à fait inédit.

« Samedi 9 septembre

Alors que la veille ils étaient arrivés disant qu’ils resteraient une heure, ils étaient toujours là. Le 2e étage était encore une  fois rempli et le va-et-vient de leurs grosses bottes ne cessaient pas. Ce fut partout le pillage, le vol.

Depuis la veille, onze otages avait été pris, dont le père blanc van Donceel, M. Gilson, J Squelin . On leur avait dit que s’il y a un coup de feu, ils seraient fusillés ; s’il y en avait deux, on fusillerait 10 autres otages.

La terreur régnait partout; plusieurs ont quitté leur maison qu’ils ont retrouvée pillée. Pour nous, ce fut une journée horriblement longue. Les enfants étaient énervés, je ne voulais pas qu’ils sortent. Nous hésitions à aller trouver refuge chez Jules pour nous éloigner des Allemands. Pourtant nous sommes restés mais bien angoissés.

La cuisine était bourrée de boches qui venaient y dîner, y souper, etc. Ils fouillaient partout, beaucoup de choses ont disparu.

À midi nous dînions  dans la desserte avec quatre boches qui y tapaient à la machine (charmant !). Quand un officier vient pousser son nez, voir je-ne-sais-quoi, il était passé par le hall dont la porte du jardin était malheureusement restée ouverte. C’est alors qu’ils m’ont simplement volé une  grosse lampe électrique qui était sur la table. C’est aussi ce jour-là que Targnion  a été giflé et maintenu prisonnier chez lui car il avait un fils dans l’armée blanche et Marcel, son second fils, n’était pas rentré le soir. Cela ne plaisait pas aux boches, il devait être fusillé le lendemain.

Aussi dans la nuit, il réussit à se sauver sautant par la fenêtre, sa femme fut alors menacée d’être fusillée mais grâce à l’intervention d’un Roumain moins mauvais, elle fut sauvée également, mais ils furent pillés. Le soir vint, la journée avait été fatigante, énervante, et nous avons encore logé dans le hall sur des matelas par terre, moi tout habillée, les enfants également.

Dimanche 10 septembre 

Dans la nuit vers  1 h du matin, le vacarme du va-et-vient a recommencé. Vers 4 h, plusieurs sont enfin partis ainsi que plusieurs de leurs autos mais il reste encore des officiers avec une ordonnance qui, vers 7 h du matin, arrangeait le petit-déjeuner de ses chefs dans la cuisine.

Maman qui était descendue lui demande quand ils partent et il répond qu’il n’en sait rien. Quand une demi-heure plus tard, brusquement, c’est le branle-bas de tous, le petit-déjeuner est abandonné tel que et, en vitesse, les voilà montés dans l’auto et disparus.

Joie, joie, les Américains étaient décidément tout près ! Je vais voir au village ce qu’il en est  et s’il y a messe. Là on me dit que les otages viennent d’être délivrés et que le père dira la messe ce qui fait que je ne m’en retourne et nous déjeunons dans une presque impression de liberté. Quand sonne la messe, ce fut une messe de remerciements d’être délivrés de ces horribles boches.

La matinée se passe vite quand vers midi, nous entendons une grosse explosion. Plusieurs coups de canon. C’est inquiétant aussi, rassemblant tous les petits, nous nous mettons à l’abri et dînons dans la cuisine…

Il faisait très beau malgré le calme qui était revenu, je préfère garder les petits en bas où on leur a descendu des livres et où nous nous installons  avec quelques fauteuils et  ce  en début de dimanche après-midi. » A suivre…

La Petite Gazette du 14 mars 2012

LA LIBERATION DE CHEVRON – STOUMONT

Nous poursuivons, maintenant, la découverte de ce carnet relatant les événements de la guerre 40-45 et notamment ceux relatifs à la libération du village de Chevron (entité de Stoumont) en septembre 1944.

« Dimanche 10 septembre 

Vers 3h.  Albert Simonis, arrivant  en vélo, nous dit qu’il a appris qu’on allait faire sauter à coups de canon les ponts des Forges, de Neufmoulin et de Villettes.

Il venait voir où nous serions le mieux en sécurité et voyait en tant qu’artilleur d’où viendraient les coups. Cet avertissement que ça allait tonner fut pour moi rassurant. J’étais avertie. Nous étions tous rassemblés près du gros hêtre quand brusquement nous entendons « zuler » au-dessus de notre tête des obus ! Ce fut la course vers la cuisine mais c’était un coup isolé et sans doute pour régler le tir sur le pont de Neufmoulin. Nous restâmes dans la cuisine.

À 5h.  le père blanc est venu nous voir et a pris une tasse de café avec nous. Il nous a raconté la manière dont il avait été pris comme otage, libéré et rentré au presbytère  où il y a tout retrouvé pillé, abîmé, ses chaussettes  coupées en morceaux, enfin du vandalisme.

Vers 7 h. du soir, le canon a commencé à brutalement cracher plusieurs coups tout près de nous, nous avons été nous abriter dans la cave étançonnée et y sommes restés 1 h. Nous y avons beaucoup prié la Sainte Vierge qui nous a protégés tout le long de la terrible nuit ; par après nous avons su que le coup  entendu avait été celui qui avait frappé la maison Gilson.

Vers 8 ¼ h.  du soir, il y a eu une accalmie, aussi nous sommes sortis de la cave où vraiment les petits mais surtout les grandes personnes étaient très mal car, pliées en 2 en dessous d’une planche ! Nous  commençons à nous organiser pour la nuit que nous comptions passer dans la cuisine.

Tout à coup on sonne à la porte, c’était le père blanc qui venait avec la famille Couturier demander asile pour la nuit. Ce qui fait que nous les avons installés, Il y avait la vieille mère avec son fils Julien et sa fille, femme de prisonnier. Nous avons vite été chercher matelas, couvertures etc. Les enfants étaient assez énervés, moi j’étais fatiguée et, par le fait même, tracassée. Enfin nous avons mis Walthère, Odin, Guy, Hubert et Christian sur des matelas, installés par terre, Yves a le sien à part un peu plus loin. Gisèle est près de lui également sur un matelas. Elle est dérangée par suite de toutes ces émotions mais bien courageuse.

Maman est installée sur un fauteuil près du feu et moi sur un transatlantique près des enfants.

Les Couturier dans l’arrière-cuisine où il y a du feu qu’on gardera toute la nuit et qu’on supporte car il fait très froid. Et la nuit commence… Le bombardement a recommencé, on entend les obus « zuler »  au-dessus du château et 4 à 5 secondes après c’est le craquement sinistre et cela n’a pas arrêté de la nuit.

Vers 1h.  du matin, on frappe au volet de la cuisine et j’entends une voix qui demande s’il y a des hommes ! Gisèle dit : « les Américains » on va voir et c’est Florent Miny qui dit que la ferme Wuidar en face de chez lui a été touchée et flambe. Il commence par dire : « Le feu ! »

Aussi, de suite, je crois que c’est le feu au château, heureusement il n’en est rien mais il vient voir s’il n’y aurait pas des hommes dans la cave qui viendraient les aider à essayer de sauvegarder les fermes avoisinantes. Quand on a frappé, ma première idée était qu’on emmenait des blessés. Heureusement il n’en était rien. Les petits étaient réveillés, enfin on se réinstalle, le cœur plus serré et angoissé que jamais. Le sifflement des obus se fait sans s’arrêter maintenant. C’était une batterie de Basse Bodeux qui tirait et une autre installée à Chauveheid. Sur cette dernière, les Américains, qui étaient à Werbomont, tiraient également un tir plus court et on  reconnaissait bien les deux sons.

Chevron était visé nettement alors qu’il n’y avait encore aucun Américain. C’était un  dernier coup de griffes que ces salles boches ont voulu nous donner, n’ayant pas eu le temps d’incendier le village, ce dont ils avaient reçu l’ordre. Cela a été su par un officier allemand qui l’a dit lui-même à des gens de Werbomont qui voulaient venir se réfugier à  Chevron.

Et la nuit s’est poursuivie dans l’angoisse, la fatigue, l’appréhension d’apprendre le malheur survenu autour de nous et l’éventuelle perspective de voir tomber un obus sur notre propre maison. Le jour s’est enfin levé et avec un  nouveau courage, quand, vers ou 8 h30, Alice accourt disant : « venez, venez vite voici les Américains ! » A suivre…

La Petite Gazette du 21 mars 2012

LA LIBERATION DE CHEVRON – STOUMONT

Nous terminerons, aujourd’hui, la découverte de ce document tout à fait inédit que Monsieur Alain Jamar de Bolsée, de Chevron, nous a communiqué.

« Ce fut une parole magique, splendide, les Américains étaient là tant attendus, c’était vrai cette fois.

J’empoigne petit Guy par une main, Odin par l’autre, Walthère court et nous courons tous vers la barrière et à travers les branchages de La Fontaine,  je perçois le dernier des cinq tanks  magnifiques qui viennent  de descendre le village vers les Forges. Ils sont, majestueux, lents et sûrs de leurs mouvements, les hommes sont graves et attentifs au moindre mouvement.

C’est la joie de tous, on hurle notre joie, celle de notre délivrance après cette nuit d’horreur. Les drapeaux sortent. Près de chez mon oncle, au carrefour, il y a un petit rassemblement auquel je me joins avec les trois petits.

La nuit a été affreuse pour tous. Le clocher de l’église a été transpercé de part en part et bientôt par ce trou, apparaît le drapeau belge qui flotte joyeusement. « Hourra ! » crie-t-on  « Vive les Américains !»,  mais surtout «Vive la Belgique ! »

La maison Gilson  a été vilainement atteinte, la ferme Wuidar est complètement brûlée, il ne reste que les murs. Une ferme du Mont-de-là est transpercée de part en part par un gros obus, la ferme Leboutte  est tout ébranlée. Plus de cent obus sont tombés sur Chevron, trois dans la prairie devant chez nous, un à 20 m qui  par les éclats a  traversé 16 carreaux de la façade. Beaucoup de carreaux cassés, quelques bêtes tuées dans les prairies, mais  pas une personne tuée ni même blessée. C’est un vrai miracle sûrement une bénédiction du ciel et tous de le dire et de le reconnaître.

Je m’en retourne vers le village avec les trois petits et là nous entrons dans l’église et assistons à la messe. Plusieurs personnes y sont, on n’y sent encore l’angoisse de la nuit, mais un grand merci est dit dans tous les cœurs.

Mme Gilson y est avec ses petites-filles, toute défaite par le vilain coup qu’elle a subi et nous allons voir sa maison qui est bien tristement arrangée. Le toit tout enlevé, le plafond des chambres à coucher est percé. Elle est grelottante, je lui propose d’aller lui chercher du café chaud chez nous.

Je rencontre en y allant Julienne qui dit : « Rentrez les drapeaux, attention il y a encore des Allemands à Werbomont, c’est M. Simonis qui le fait dire. » Ce qui fut donc fait aussitôt dans une  nouvelle impression d’angoisse. Je reviens ensuite chez Gilson avec mon café chaud. En sortant de là j’entends un  bruit terrible de tanks  remontant La Fontaine.

J’étais seule devant la maison avec le père blanc et un moment avant de les voir apparaître, je crois que ce sont les boches et j’ai une vraie crainte. Je dis  au père : « Que faut-il faire ? » Mais, il n’y a rien à  faire et j’attends me disant à la grâce de Dieu ! J’ai encore le cœur serré mais ce sont encore des Américains qui remontent cette fois le village et alors je m’élance au-devant d’eux tout à la joie de les voir de près. Je hurle ma joie et ils me répondent par de gentils sourires.

Lundi 11 septembre 

L’arrivée des premiers tanks américains, c’est notre délivrance. Le drapeau belge flotte à l’église et sur le château.

Mardi 12 septembre 

Nous apprenons la mort horrible du père de Trou de Bra qui a été trouvé dans le bois entre Trois-Ponts et Stavelot  transpercé par des baïonnettes, et très défiguré par les coups de revolver. J’en suis navré car nous l’aimions beaucoup, il venait donner des leçons de flamand à Walthère et Baudouin. C’est un vrai martyr, il était le prêtre des maquisards et plein  d’un magnifique dévouement à toute épreuve. On fit un service pour lui quelques jours plus tard à Trou de Bra.

Le commandant Bill en personne y était avec 30 de ses hommes, trois salves furent tirées et beaucoup pleuraient, il était unanimement aimé. Il avait été arrêté Neufmoulin le 2 septembre par les boches russes et déjà malmené et emmené ensuite à Stavelot, il y fut interrogé.

Il avait sur lui deux paquets de chocolat qu’il avait eu par le parachute et qu’il rapportait aux enfants en colonie chez lui et dont il s’occupait avec tant de dévouement. C’est le chocolat qui l’a mis dedans. Cela  prouvait qu’il avait des accointances avec les Américains.

Quand le 4 septembre, il fut emmené par quelques boches avec 2 de ses compagnons dans un bois voisin, c’est là quelques jours plus tard, on  l’a retrouvé martyrisé.

C’est aussi le mardi 12 que sont arrivés ici dix réfugiés emmenés par des Américains en camion. Ces réfugiés avaient été évacués du château de Brialmont qui venait d’être occupé par  des Américains. » FIN

 

HARZE

La Petite Gazette du 2 septembre 2009

Lors d’anniversaires particuliers, la mémoire se réactive… C’est manifestement le cas avec le 65e anniversaire de la Libération. Notons par exemple que c’est le moment choisi par la RTBF pour présenter ce remarquable montage de films d’époque, admirablement restaurés et présentés sous le titre, un peu racoleur, d’Apocalypse. Les lecteurs ne se sont pas non plus montrés indifférents à l’approche de cette date anniversaire et leurs témoignages en sont autant de preuves.

LA LIBERATION DE HARZE ET LA NUIT DES OTAGES

Dans le cadre de la commémoration du 65e anniversaire de la Libération, il se prépare une manifestation quelque peu particulière à Harzé (nous en reparlerons) car il s’agira également de se souvenir d’une nuit de terreur qui laissa des traces profondes dans la mémoire collective du village. Nous y reviendrons, mais laissons à M. Frédéric Winkin le soin de rappeler les faits :

« La libération, ce n’est pas seulement des drapeaux, des chewing-gums et des embrassades. C’est la guerre !

Nous descendants des otages de Harzé, nous allons l’évoquer, avant tout, sur base des récits de Fernand Brévers et du Curé Léon Sneepers. Ce dernier, devenu otage volontaire, exerça une influence réconfortante pour les détenus et leur famille et apaisante entre l’occupant et les personnes concernées.

Le 9 septembre 1944, vers 17h30, les soldats américains du 60e régiment d’infanterie (60e  régiment de la 9e division)  s’emparent du pont d’Aywaille. Ils manquent de carburant et se contentent d’implanter une petite tête de pont.

Leur font face les Allemands de la 2e division blindée SS  » Das Reich ». De juin à août 1944, en France, elle a fusillé des centaines de civils, brûlé des centaines de maisons ou d’autre bâtiments. Depuis septembre, en Belgique, c’est par dizaines.

Harzé et son château servent de gîte d’étape aux Allemands en retraite. En cette fin d’après-midi, le plus clair de la population a fui le centre du village. Alors que la nuit va tomber, les SS pénètrent dans les maisons et s’emparent de 41 hommes qu’ils enferment comme otages à l’école des garçons. Le commandant de la place s’est installé dans la maison du notaire. Il s’y fait amener le curé et le tient pour responsable de tout Allemand abattu par le maquis: dix otages seront exécutés pour un Allemand. L’Abbé Sneepers se porte garant de ses paroissiens, mais il est consigné dans l’étude notariale.

Il est aussi tenu à aller chercher, en voiture et avec un officier, un médecin des environs, mais pas à Aywaille dont les villageois ignorent qu’elle a été libérée; ce sera le Docteur Amand de Xhoris. Avec l’infirmière Louisa Lecrompe, ils sont requis de soigner des blessés allemands, dont plusieurs le sont grièvement. Ils seront tous évacués, même deux déclarés intransportables. Le soir est tombé. Tandis que les Américains entrent dans leurs sacs de couchage sur la place Thiry, commence la nuit blanche des otages. Sévèrement gardés, ils sont parqués dans la classe des garçons. Bousculant les sentinelles, Joséphine Leroy leur apporte un confort matériel indispensable, notamment des seaux hygiéniques. Le curé s’est aperçu que la garde a disparu à la maison notariale. A son tour, il brave les SS pour apporter un réconfort moral aux otages.

Liste  des otages arrêtés par les SS et enfermés à l’école communale du 9 au 10 septembre 1944

Amand René, Bainini Aurélio, Boclinvile Camille, Bonfond Raymond, Bonfond Joseph, Brevers Fernand, Cornet Armand, Deleuze Léopold, Dessoy Léon, Farine Emile, Farine Maurice Farnir Albert, Gaspard Alphonse, Gillard Alphonse, Godet Jules, Godet Marcel, Grolet Camille, Hougardy Armand, Lecrompe Fernand, Marquet Désiré, Meurice Edouard, Meurice Jules, Meurice Emile, Mors Raymond, Polet Georges, Radelet Ovide, Renard Arsène,  Renard Joseph, Rixhon Auguste, Rixhon Robert, Saroléa Jules, Scholsem Oscar, Simon Léo, Simon Pol, Toussaint Joseph, Van Brabant Armand, Willem Alfred, Wuidar Arthur, Wuidar Maurille, Wuidar René, Wuidar Lucien.

Liste des jeunes filles arrachées à leur famille pour servir de boucliers vivants sur les véhicules allemands en retraite

Amand Andrée, Amand Ghislaine, Godet Denise, Godet Lucie, Perot Christiane, Perot Colette, Rixhon Pauline. Auxquelles il convient d’ajouter Monsieur Cuvelier  et Monsieur le Curé Léon Sneepers. » A suivre…

La Petite Gazette du 9 septembre 2009

LA LIBERATION DE HARZE ET LA NUIT DES OTAGES

«En plein milieu de la nuit, le curé Sneepers ira donner de leurs nouvelles aux familles et poussera jusqu’à Pavillonchamps pour inciter les réfugiés à se disperser. Les otages épient tous les bruits extérieurs, les claquements des mitrailleuses, les duels d’artillerie. Des canons allemands postés à Houssonloge échangent des tirs avec les Américains et les otages essaient d’interpréter ces déflagrations. Beaucoup prient avec une ferveur inhabituelle et tous se réconfortent les uns les autres. L’un deux Albert Farnir, sans enfant, se déclare volontaire pour remplacer un père de famille en cas d’exécution d’otage. L’abbé Sneepers l’apprenant, prend lui aussi le même engagement. A 4 heures du matin, le curé, rompu de fatigue, s’est enfin jeté dans son lit. A 5 heures, il en est tiré: les SS pénètrent dans les maisons à la recherche de jeunes filles, les réveillent. Certaines n’ont pas le temps de s’habiller et demeurent en robe de nuit. Sept jeunes filles sont ainsi arrachées à leur famille, de même qu’un homme: ils doivent servir de boucliers vivants sur les véhicules militaires. Ils seront supprimés en cas d’échange de coups de feu avec le maquis. Le curé calme les parents, parlemente avec le chef des Allemands, arrache la promesse qu’ils seront libérés en temps voulu et obtient l’autorisation de les accompagner. A six heures, la colonne s’ébranle, descend  jusqu’à Ville, puis remonte pour s’arrêter à Rahier. A l’aube, les Allemands quittent leurs positions autour d’Aywaille et dans la vallée de l’Ourthe pour se replier derrière la route Liège-Bastogne. Les otages entendent passer le charroi sous les fenêtres de l’école. Des fuyards excités apprennent leur existence, ils pressent les sentinelles de jeter des grenades dans la classe. Les gardiens s’y refusent; l’ordre doit émaner d’un officier. Aucun ne se présentera. Le trafic finira par s’arrêter, il ne reste plus que les traînards à pied ou en vélo. Par Pavillonchamps et Priestet, ils remontent vers Havelange et Lorcé. Par les fenêtres, les otages voient monter dans le ciel des fumées d’incendie. Sur la grand-route, à hauteur de l’école, les SS avaient dressé un barrage sommaire, ils boutent le feu à une charretée de foin et brûlent, de part et d’autre, les maisons Godet et Renard. Il est midi et demi. Enfin ravitaillés, les Américains se sont ébranlés d’Aywaille, une compagnie a pris la route de Marche, une autre celle de Harzé. Elles ont rendez-vous avec un groupe de cavalerie blindée monté de La Roche pour s’emparer du carrefour stratégique fortifié de Werbomont. Autour de l’école, les gardiens disparaissent, il ne reste plus que deux jeunes SS pour garder les otages.

Il est temps pour eux de se replier. L’un deux veut jeter ses grenades dans la classe, l’autre s’y oppose. Il s’attarde après le départ de son compagnon et lance un message aux otages: « Pas bouger, Sammies bientôt arriver« . Mais les Américains pour libérer les otages ont violé leur consigne de contourner les points de résistance? Ils déclenchent une opération éclair. Les deux jeunes SS sont tués en contrebas de la route, un incendiaire est blessé et fait prisonnier.

Les otages de l’école sont saufs.

A Rahier, le Curé Sneepers, nous sommes un dimanche, est autorisé à dire la messe, sous bonne garde, pour ses concitoyens. A midi, les otages sont libérés à Rahier. Grand marcheur, le curé connaît parfaitement la région, il conduit ses ouailles par des chemins forestiers. Tout à la joie, les jeunes filles, égratignées par les ronces, ne protestent pas. On atteint la maison de Victor Dachouffe à Chession et la troupe arrive rapidement à Havelange. Des traînards ennemis rôdent encore dans le secteur; il y a eu des coups de feu échangés avec les Américains et un habitant du hameau a été blessé ce matin par un retardataire. Harzé est-il libéré? A Havelange, on a entendu sonner la petite cloche de l’église. C’est bon signe. Le curé emprunte un vélo, descend jusqu’au Petit-Mont. La voie est libre et une jeep va récupérer la troupe de l’abbé.

Dans le village c’est la liesse: drapeaux, chewing-gums et embrassades. Le pire a été évité: un blessé léger, deux maisons incendiées, plusieurs autres pillées et saccagées, mais 50 Harzéennes et Harzéens, menacés de mort par des SS qui ne plaisantent pas, sont vivants. Un habitant sur vingt a échappé à une mort prévisible et brutale. Si l’hécatombe  avait eu lieu, plusieurs d’entre nous n’auraient pas vu le jour.

Le curé met fin aux effusions, invite ses paroissiens à un « Te Deum ». L’église est bondée d’une foule non encore remise de ses émotions. Des officiers américains prennent place dans les stalles à l’église et se diront très impressionnés. »

La Petite Gazette du 23 septembre 2009

A HARZE, ON SE SOUVIENT EGALEMENT

Nous avons suivi, en début de mois, les heures terribles vécues par les Harzéens juste avant la Libération. Grâce au récit qu’en a fait M. Frédéric Winkin au départ des nombreux témoignages qu’il a patiemment glanés auprès de ceux qui tremblèrent durant ces heures terribles, nous avons pu prendre la mesure de la terreur vécue par tout un village.

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Le prochain week-end, Harzé se souviendra de ces heures et une plaque commémorative en perpétuera le souvenir. Cette plaque sera inaugurée le samedi 26 septembre 2009 à l’ancienne école et administration communale au centre du village (actuellement la bibliothèque) à 15h30. Cette petite cérémonie sera suivie du verre de l’amitié qui sera servi au musée « 40-45 Memories »,  route des Ardennes 54 à Aywaille. A cette occasion, vous pourrez découvrir les collections de ce musée, certes petit mais riche de pièces et documents très intéressants et accessibles au public chaque dimanche après-midi, de 14h00 à 18h00, pour un modeste prix d’entrée.

LA HAUTE ARDENNE

La Petite Gazette du 11 septembre 2009

EN HAUTE ARDENNE, UNE PREMIERE LIBERATION, UNE JEEP

Monsieur Joseph Gavroye se souvient également de la Libération des hauts plateaux ardennais…

« Après avoir passé quatre longues années sous le joug allemand, du nouveau allait se passer dans un proche avenir. Jours et nuits, des formations de bombardiers alliés volaient au-dessus de nos têtes pour aller saccager l’Allemagne nazie. Ce n’était bien là que le juste retour des choses. Que n’avaient-ils pas fait avec nous en 1940 ?

A certains moments, soit de jour ou de nuit, on entendait comme un grondement dans le ciel et qui allait en s’amplifiant et cela pendant de longues minutes pour ne pas dire des heures. C’était bien le ronronnement des moteurs d’avions se déplaçant à une certaine altitude.

Parfois des avions de chasse allemands venaient à leur rencontre. Des combats aériens étaient alors engagés avec les avions de chasse alliés. C’étaient des moments dangereux car la mitraille était alors dispersée « tout azimut ». Aussi, dans certains endroits, des batteries de D.C.A. entraient en action. De loin, la nuit, on pouvait apercevoir, dans le ciel, des rayons de lumière émis par de puissants phares cherchant la présence de ces avions en déplacement. Afin de tromper le repérage, les avions alliés lançaient dans les airs des petites bandes argentées lesquelles restaient quelque temps en suspend avant d’atterrir. Finalement le bruit des moteurs s’estompait et le tout s’éloignait.

Comme à cette époque, je n’habitais pas très loin de la frontière belgo-allemande (à environ 30 Km à vol d’oiseau), on entendait le fracas des bombes lancées sur des objectifs pas trop éloignés en germanie. Au fil du temps, on s’habituait à tous ces bruits. (…)

Le 6 juin 1944, ce fut la grande aventure qui commencera en Normandie. De furieux combats auront lieu car il fallait percer ce fameux Mur de l’Atlantique installé par les Allemands. Finalement et malgré d’énormes pertes des deux côtés, les Américains prendront le dessus. Les renforts arrivaient et la tête de pont allait en s’élargissant. Il faudra encore trois mois de bataille avant d’atteindre la frontière franco-belge.

Enfin, en septembre, les Germains regagnaient au plus vite leur mère patrie. Les alliés continuaient leur avance sans trop connaître de résistance. En Haute Ardenne, des accrochages de plus en plus nombreux se passaient entre le maquis et les fuyards.

Une première libération de ce coin de Belgique aura lieu le 10 septembre 1944, c’était un dimanche. Des Panzers de l’arrière-garde prussienne défilaient vers l’Est. Leurs équipages avaient mauvaise mine. Il fallut prendre certaines dispositions d’urgence.

Un jeune voisin, âgé de 22 ans et qui s’était soustrait au travail obligatoire en Allemagne, et moi-même, alors âgé de quinze ans, irons nous cacher dans un abri construit au préalable par le papa du voisin précité, un maçon de profession. Nous étions dissimulés dans une ancienne carrière éloignée de la route nationale. Un calme relatif régnait sauf que, de temps en temps, un obus arrivait de je ne sais où et éclatait dans les parages.

Vers 15 heures, nous entendîmes un bruit continu de moteurs en provenance de l’Ouest. Nos oreilles étaient bien tendues quand nous perçûmes au loin, en provenance du village, des cris de « Vivent les Alliés ». Il devait se passer du nouveau. Tout à coup, nous fûmes hélés par deux de mes sœurs nous invitant à sortir de notre cachette. Les libérateurs étaient arrivés. Nous resterons quelques instants perplexes et hésitions à reprendre le chemin du retour. A peine avions-nous marché quelques mètres dans un chemin creux que nous aperçûmes à un carrefour deux soldats équipés d’un casque que nous ne connaissions pas. Voyant cela, nous hésitions à avancer et nous devions bien vite nous tapir dans des fourrés. Alors mes deux sœurs revinrent à la charge pour nous faire comprendre qu’il s’agissait bien de vrais Américains. Il s’agissait de deux éclaireurs observant les alentours avec de fortes jumelles.

Au fur et à mesure de notre avance, nous découvrîmes toute une armada U.S., d’où les bruits de moteurs… Une chose me surprit, c’était le déplacement tout terrain d’une Jeep. Du jamais vu ! Quel engin était-ce là ? J’étais captivé par ce mystérieux matériel.

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Dans la jeep U.S. ont pris place quatre filles Gavroye et trois volontaires de guerre français accompagnant les Américains avec des missions de liaison et de traduction. Casqué, c’est le gamin…

Pendant longtemps j’ai aspiré au jour qui me verrait tenir le volant de pareil véhicule. Il y a quatre, après soixante ans d’attente, mon rêve se réalisera grâce à une connaissance de Soumagne qui me laissera, pour quelques instants, le volant de sa Jeep de 1943. »

gavroye2        Joseph Gavroye enfin  au volant d’une Jeep

 

 

HOTTON

La Petite Gazette du 16 septembre 2009

EN MARGE DE LA LIBERATION DE HOTTON

Monsieur Jean Cambron, de Clavier, se souvient : « Les Libérateurs arrivent, ils sont à Marche et se préparent à venir vers Hotton. Tous les ponts de l’Ourthe ont sauté et les Allemands vont résister. Pour ce faire, ils installent une batterie de quatre canons dans une clairière de bois, le long de la route Oppagne-Les Mignées. Et voilà la salve de quatre obus à chaque fois en envolée contre les Américains à Hotton et aux environs.

M’enhardissant, je m’aventure dans la plaine Biron-Ny pour aller, en dessous de la ligne de tir, entendre le houlement du déplacement d’air. Après un quart d’heure j’avance encore un peu et que vois-je ? Un fil de téléphone à terre. Tout de suite, je réalise que c’est l’observateur allemand qui transmet ses données indiquant où et quand tirer sur les Libérateurs. Quelle joie formidable m’est donnée, je vais pouvoir aider les Américains… Vite deux pierres que je puisse couper leur téléphone et ils ne sauront plus régler leurs tirs. Ce n’est qu’une fois les pierres en mains et alors que je me penchais pour prendre le fil que je prends conscience de la gravité de la situation. Oui, mais la rage des Allemands pourrait s’exercer sur le village… Car si talonnés qu’ils soient, ils prenaient le temps de se venger ? La rage au cœur, je n’ai pas aidé les Alliés, malgré tout, je n’aurais su faire autrement… »

 

BASSE-BODEUX

La Petite Gazette du 23 septembre 2009

SEPTEMBRE, C’EST LE MOIS DE LA COMMEMORATION DE LA LIBERATION DE 1944…

Pour nombre de lecteurs c’est une période durant laquelle resurgissent, bien légitimement, les souvenirs de ces jours tant attendus, tant espérés depuis plus de quatre ans. En nos régions, la liesse populaire générée par l’arrivée des Libérateurs fut souvent précédée par des heures terribles, atroces, durant lesquelles l’occupant en déroute commit les pires exactions.

Ainsi, Monsieur Jacques Mathieu, de Coo, vous propose de découvrir les souvenirs d’Hubert  Wilkin qui avait sept ans en septembre 1944 et qui vivait à Basse-Bodeux :

« Je crois que c’était le 9 septembre 1944, à un jour près, la souffrance a été la même. A 5h00 du matin, une horde de SS, de vrais boches parlant très bien le français, sont venus frapper à la porte de la ferme. Papa s’est levé, a été bousculé et maltraité par ces soldats très méchants. En entendant le bruit, maman nous a réveillés mon frère et moi, les deux aînés, deux autres étaient restés au lit. Quand nous sommes arrivés dans la cuisine, ils se sont rués sur maman, la battant ; nous, nous pleurions, maman aussi et les suppliait de nous laisser la vie sauve. Pendant qu’ils maltraitaient maman, papa a réussi à aller chercher les deux plus jeunes qui dormaient toujours.

Papa ayant pris une petite couverture pour emballer notre sœur Anne-Marie, deux ans. Un Allemand mit son pied sur la couverture pour l’empêcher de la prendre ; à cause de cela, ma sœur est tombée. Alors que papa voulait la ramasser, un Allemand dit : « Laisse-la, on va la brûler comme otage… » Papa arriva quand même à l’arracher à ces brutes, mais le feu était déjà à l’étage, pour l’activer, ils cassaient les fenêtres.

Nous sommes partis en passant près de l’église puis avons pris le petit sentier qui va vers Lavaux. Vers l’étang Marenne, ma sœur a crié. A ce moment, papa a su qu’elle vivait encore, nous étions pieds nus et en pyjama : pas chaud à 5h00 du matin en septembre. Nous avons ensuite traversé le champ Léonard, puis avons continué vers la forêt entre Lavaux et le cimetière. Là, nous sommes restés assez longtemps, combien de temps exactement ? Je ne le sais plus, un jour ou plus. De là, nous voyions brûler notre ferme.

Un camarade de papa, Pol Martin, nous a-t-il trouvés ou papa est-il allé chercher du secours ? Toujours est-il que nous nous sommes retrouvés chez Martin, la dernière maison de Lavaux. Nous étions dans les caves de la maison avec des Allemands partout et des véhicules dans la cour. Je me souviens aussi avoir mis des loques humides sur le nez et la bouche pour éviter les gaz car il était dit, en ce temps-là, que les Allemands reculaient leurs véhicules aux fenêtres des caves et gazaient les gens qui s’y trouvaient.

La délivrance était arrivée, tous allaient voir les Américains qui étaient à Basse-Bodeux ; on nous a dit : « Vous n’allez pas les voir ? », nous n’avons pu que répondre : « Nous n’avons pas de souliers » et, en effet, nous étions toujours les pieds nus et en pyjama.

C’est alors qu’on a su que sept hommes, dont des pères de famille, avaient été tués à Gerarwez. Cette nuit-là, la ferme, le presbytère et les écuries de la ferme à côté ont brûlé ; plusieurs familles nous ont aidés car nous n’avions plus rien… »

 

La Petite Gazette du 30 septembre 2009

DANS LES SOUVENIRS D’UN GAMIN DE 7 ANS AU MOMENT DE LA LIBERATION

Ce gamin de 7 ans en septembre 1944, c’est Hubert Winkin et c’est Monsieur Jacques Mathieu, de Coo, qui lui sert d’intermédiaire pour vous donner connaissances de ces faits tragiques qui précédèrent la Libération de Basse-Bodeux.

« Pour mémoire, c’est maman, Marie-Louise Mathieu, épouse Winkin, qui est allée chercher le petit inconnu qui a été tué dans le champ Marenne, plus bas que le Ponsson, 300 mètres plus haut que chez Jacob (Carmen). Le corps a été transporté au travers du petit bois où se trouve un captage au bout du champ Deroanne, derrière le presbytère. Maman parlait d’Hubert Dhamen qui était cantonnier, il lui avait donné un coup de main pour le mettre dans un sac (sac de mélapaille, grand sac pour aliments des chevaux) et le charger sur une charrette à chien, laquelle servait à conduire les cruches de lait pour aller traire.

Avec son chien Marquis, maman a conduit ce pauvre corps à la morgue du cimetière, seule, car les hommes étaient tous cachés. Maman nous a toujours dit qu’il était très jeune et qu’il avait beaucoup souffert avant de mourir. On nous a dit qu’il était déjà attaché derrière un char attelé dans la région de Neufmoulin, ses genoux étaient en sang et ils le traînaient. » Monsieur Mathieu ajoute à ce terrible récit que « le corps de ce petit inconnu repose au cimetière de Basse-Bodeux. »

A la lecture de pareils souvenirs, on imagine aisément que la Libération ne laissa pas que des souvenirs de liesse populaire dans l’esprit de ceux qui vécurent ces heures durant lesquelles les émotions les plus contradictoires se succédèrent.

La Petite Gazette du 4 novembre 2009

SEPTEMBRE 1944, A BASSE-BODEUX

Monsieur Valère Pintiaux, d’Esneux, se rappelle très bien cette période si trouble précédant la Libération de septembre 1944.

« Il y a eu trois Allemands de la wehrmacht tués et déposés près du monument aux morts. Peut-être ont-ils été tués par des SS car il a été dit qu’ils s’étaient entretués ! Après l’arrivée des Américains, il fallait les enterrer, plein de colère et de haine, on les a chargés dans un tombereau et on les a enterrés à l’extérieur et le long du mur du cimetière entre Basse et Haute-Bodeux. Après quelque temps, la colère est retombée, ils ont été exhumés et placés à l’intérieur du cimetière.

Les Allemands avaient mis trois canons dans la prairie, le long de la route près de chez Joseph Mathieu, et ils tiraient en direction du carrefour sur la Lienne. Ils tiraient trop court, on l’a constaté après en découvrant les sapins déchiquetés. Ils ont alors allongé le tir, mais, au premier coup, l’obus a explosé à cinq ou six mètres de son lieu de départ, il avait très probablement percuté le fil de la ligne électrique. Il y a eu des blessés parmi eux et le temps de rassembler leur matériel, ils sont partis. »

 

La Petite Gazette du 8 septembre 2010

A GERARDWEZ, UN DES DRAMES QUI PRECEDERENT LA LIBERATION

Monsieur Jacques Mathieu, de Coo, souhaite que l’on n’oublie pas… « Le monument de Gérardwez est situé aux confins des anciennes communes de Basse-Bodeux, de Bra sur Lienne et de Lierneux. Il commémore une tragédie qui s’y passa en septembre 1944.

Des soldats allemands en retraite, voulant venger un des leurs, abattu à cet endroit par l’armée secrète, s’en prirent à des habitants de Fosse et de Reharmont. Après avoir rassemblé les hommes de ces hameaux, ils en gardèrent sept qu’ils ont emmenés avec eux sur les lieux du drame. Là, ils les ont abattus froidement non sans leur avoir fait subir de cruels sévices.

Ces malheureuses victimes étaient Jean Sonnet, garde particulier, 35 ans, de Fosse ; Julien Lamsoul, domestique 30 ans, de Fosse ; Lucien Gustin, 31 ans, cultivateur, de Fosse ; Felix Mullen, 41 ans, cultivateur, de Fosse ; Louis Nélis, 31 ans, forgeron, de Basse-Bodeux ; Jules Thonon et Alphonse Bodeux, tous les deux cultivateurs, de Reharmont.

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Les bourreaux avaient étendu sur les jambes de leurs victimes une grande pancarte portant cette inscription : « Revanche pour notre camarade, tué par les terroristes, le 8 septembre 1944 à 20h30 » Ce sont nos Libérateurs, les soldats américains, qui, le lendemain, ont fait la macabre découverte dans leur progression dans la Libération du territoire. Ce monument est situé à l’étang de Gérardwez, un peu en retrait de la route de Bodeux à Villettes, depuis le déplacement de celle-ci. Il est cependant bien signalé.

Chaque année, le lundi de la fête à Bodeux, le 13 septembre cette année, à l’issue de l’office religieux, une commémoration a lieu, rehaussée par la présence de l’administration communale de Trois-Ponts et des enfants de l’école de Bodeux. »

OUFFET

La Petite Gazette du 16 novembre 2011

VOUS VOUS SOUVENEZ DE LA LIBERATION D’OUFFET…

« Je me souviens, m’écrit Monsieur Jacques Bastin en évoquant ce qui, pour lui, est l’événement unique qui l’a marqué pour la vie,  que c’est par la route venant de Huy, via Warzée, que sont arrivés, le jeudi 7 septembre 1944, à Ouffet, peu après 17 heures, il faisait alors un temps absolument merveilleux, nos premiers libérateurs américains. Depuis plusieurs jours déjà, nous étions en pleine effervescence. Les troupes nazies, alors en pleine retraite, attaquées sans répit par les « Lightning » P-38 (ces fort redoutables chasseurs américains à double queue), vraiment en verve, ne savaient vraiment plus où donner de la tête.

Le jour précédent cette arrivée libératrice, une voiture nazie, se déplaçant entre Ouffet et  Hody aurait, selon les bruits qui ont alors couru, essuyé les tirs de résistants en patrouille, montés de la vallée de l’Ourthe. Deux officiers nazis auraient ainsi été tués et ridiculement laissés, sans plus, sur place. Trouvés peu après par leurs troupes, celles-ci se déchaînèrent sur Hody, premier village suivant, qu’elles martyrisèrent à titre de représailles. Si ces mêmes troupes nazies s’étaient déplacées en sens inverse, c’est alors Ouffet qui aurait subi le même sort tragique.

Disons encore que le matin du 7 septembre 1944, des troupes de SS, également en retraite, mais, apparemment très résolues, avaient pris position pour combattre à Ouffet. Il s’agissait de troupes d’élite, toutes à la solde inconditionnelle d’Hitler, leur véritable Dieu. Elles semblaient terriblement déterminées à résister, à Ouffet,  à … l’irrésistible avance alliée. En début d’après-midi toutefois, au grand soulagement de la population qui, ipso facto, l’échappait ainsi réellement belle, elles se décidèrent à plier bagage sans combattre. Ouf !!!

Ce même jour, en fin d’après-midi, une véritable marée d’Ouffetois convergea vers la route de Warzée, dans la ligne droite conduisant au cimetière. En effet, depuis de très longues minutes déjà, chacun pouvait voir un petit avion de type « Piper-cub » approchant dudit village. Il s’agissait, en fait, de l’appareil survolant la pointe de l’avant-garde de nos libérateurs américains pour les renseigner sur tout éventuel danger pouvant provenir des forces nazies en pleine retraite. Ces très attendus libérateurs apparurent, enfin, au sommet de la petite côte aboutissant près du cimetière. Le soleil éclatant commençant déjà à descendre à l’horizon, nous pûmes donc ainsi les voir venir à contre-jour. Ils marchaient de chaque côté de la route, à la file indienne. Entre les deux files progressaient, l’un derrière l’autre, au milieu de la route, des tanks du type « Sherman ». Nous doutions de notre vrai bonheur ; nous n’osions trop nous hasarder car, dans le contre-jour, on ne voyait, en fait, que des silhouettes humaines sombres et il était ainsi très malaisé de pouvoir discerner, avec certitude. Nous ne savions donc pas très bien alors si nous avions affaire à des militaires américains ou allemands ; en effet, ils étaient vêtus en vert kaki et, leurs casques, vus de loin, étaient à peine différents de celui des Allemands. » A suivre.

La Petite Gazette du 23 novembre 2011

LA LIBERATION D’OUFFET

Retrouvons, comme promis, la suite des souvenirs de Monsieur Jacques Bastin au sujet  de la Libération d’Ouffet :

« Quand nous avons été vraiment certains, grâce au badge très caractéristique que chacun portait à l’épaule, que c’étaient bien des Américains (des membres de la 3ème Armée blindée du fameux Général Patton), nous avons tous alors – la foule étant à ce moment extrêmement nombreuse – explosé d’une joie tout bonnement indicible. Pour se faire une idée relativement  précise de ce que j’ai ressenti à ce moment précis – moment ineffablement sublime ! – je pense qu’il faut se reporter à l’ouverture « 1812 » de Tchaïkovski à l’endroit où, dans la partie finale, après ces mouvements de cordes descendants plutôt interminables, éclate le Tutti avec ses sons de cloches, ses coups de canon, ses accords aux grandes orgues. Ces instruments saluent alors, de façon tout bonnement extraordinaire, le fait que les Français napoléoniens sont boutés, pour toujours, hors de la Grande Russie. Nous étions ainsi soudainement comme débarrassés d’une véritable Peste, comparable à celle évoquée par Camus en sa magistrale fiction.

Enfin libérés, après tant d’années d’attente, de privations et de souffrance, nous pouvions enfin arborer, sans crainte de représailles, tous ces drapeaux alliés que chacun avait, en catimini, au cours des semaines précédentes, très  patiemment confectionné, avec tant d’amour (Quel travail pour réaliser cet étendard américain avec, à l’époque, ses 48 étoiles!) au moyen de la toile des quelques rares draps de lit qui nous restaient !

Voilà ce que je tenais vraiment à dire au sujet de l’arrivée, à Ouffet, en 1944, de ces braves libérateurs américains. Evénement,  unique dans une vie,  qui marque, à jamais, de manière totalement indélébile. »

Et on le constate, à la lecture de ces lignes, le souvenir est toujours bien présent dans le souvenir de Monsieur Bastin…

La Petite Gazette du 14 décembre 2011

LIBERATION D’OUFFET

Monsieur Jacques Bastin, de Heyd, m’écrit pour me signaler une petite erreur dans son évocation de la Libération d’Ouffet : « C’est bien erronément que j’ai donné le jeudi 7 septembre 1944 au lieu du vendredi 8 comme date de libération d’Ouffet. Il s’agit en fait, après quelque 67 années, d’une erreur de quelques heures » sans conséquences, en effet,quant au rappel de l’état de liesse dan lequel la population a vécu ces heures.

Monsieur Armand F. Collin, dont on connaît la publication « Hody, 6 septembre 44 » apporte des précisions. Il m’indique qu’il les puise dans le RAA ‘Report after action US Army » et les témoignages de plus de vingt-cinq personnes de Hody ayant personnellement vécu cette période.

« Les troupes américaines arrivent à Ouffet le vendredi 8 septembre 1944 à 16h.00 et non le jeudi 7. En fait c’est le mardi 5 vers 15h00 qu’une voiture venant d’Ouffet, occupée par quatre hommes, un chauffeur et trois officiers, dont un déjà blessé grièvement au ventre arrive à Hody. Les soi-disant résistants tirent et en blessent deux. Le blessé grave va de porte en porte et finalement est embarqué à bord d’un camion vers le poste de secours des partisans au château d’Ouhar. Les deux autres blessés et le chauffeur s’enfuient.

Ouffet est libéré le 8 vers 1600h par le 3rd Bn de la 39th Rgt d’Inf de la 9th division US, ils n’ont pas de tank M4 Sherman, mais des M5 plus petits. Des éléments de la 3rd Arm. Div venant en appui. Le 39th Rgt (Fighting Falcons) est le seul de l’US Army à arborer des lettres sur les pare-chocs de ses véhicules. « AAA-O » Anything – Anywhere – Anytime – Nothing, soit : N’importe quoi, partout, toujours, rien.

Le 7, la Task Force « Hogan » de la 3th div. Blindée venant de Marchin et se dirige vers Esneux, via St-Severin, Nandrin, Berleur et Hoûte-si-Plou. Arrivée à Esneux à 17h.20. Ces deux divisions faisaient partie du VIIth Corps de la 1st Army US et n’étaient pas sous les ordres de George S. Patton (3rd Army) mais sous ceux de Courtney H Hodges depuis le mois d’août.

Ce même 7, les SS de la 2. Pz. Div ‘Das Reich‘ étaient regroupées dans le triangle Ouffet – Fraiture – Nandrin. But, retrait vers Liège. Manœuvre empêchée par l’avance rapide de la 3rd div blindée US, d’où repli vers l’Ourthe.

Passages de véhicules allemands à Hody.

Lundi 4 septembre entre 15h.00 et 16h.00, une voiture VW Kubelwagen en direction d’Ouffet.

Idem.    18h.30-19h.00 voiture civile Ford bleue vers Ouffet. Un soldat allemand tué et un mortellement blessé. Soldats âgés de 45/50 ans. Probablement de la 347. Inf Div qui devait prendre position le long de l’Ourthe entre Comblain-au-Pont et Esneux.

Idem.   Vers  20h.00, voiture allemande vers Ouffet.

Idem.  23h.00/23h.30.Kubelwagen, probablement SS vers Ouffet.

Mardi 5 septembre, vers  15h.00, Kubelwagen venant d’Ouffet. (Cf supra)

Mercredi 6 septembre 1944. Peu après 0900h, entrée à Hody des SS venant d’Ouffet. Départ vers 14h.00. Retour des SS vers 16h.00. »