LA GUERRE A SPRIMONT PAR YVETTE SEPULCHRE ET ALBERT ETIENNE

Yvette Sépulchre et Albert Etienne sont d’inlassables et d’infatigables chercheurs, collectionneurs et sauveteurs de témoignages qui, sans leur travail, seraient voués à sombrer dans les profondeurs de l’oubli. Ils se sont déjà penchés sur bien des pans de la vie sprimontoise au travers des siècles et, toujours, ils l’ont fait avec une stricte rigueur reposant sur une riche bibliographie mais également en mettant en exergue la dimension humaine de leurs recherches largement illustrées de très nombreux témoignages et d’une iconographie inédite.

Ce qu’ils viennent de dévoiler au public en ce weekend du 8 mai, jour commémorant la fin de la Seconde Guerre Mondiale, confirme tout à fait le sérieux avec lequel ils racontent le passé de leur commune. Leur projet est immense puisqu’il consiste à raconter comment le conflit mondial de 39-45 a été vécu à Sprimont. Ils y consacrent ce qu’ils appellent cinq « brochures », dont les deux premiers tomes viennent de sortir des presses des éditions de la province de Liège. En fait de brochures, il s’agit de deux forts volumes, au format A4, de 216 et 254 pages, très richement illustrées.

Le tome premier évoque la période s’étendant de la mobilisation à l’occupation allemande et présente le quotidien des Sprimontois en l’installant judicieusement dans le contexte historique général. Chaque chapitre abordé dans ce premier volume permet de se plonger littéralement, grâce à la force des témoignages présentés, dans l’ambiance si lourde des premières années de cette guerre : la mobilisation, les premiers jours de guerre, l’exode de la population civile, les forts de la ceinture de Liège, la campagne des 8 jours, la capitulation, les camps, le travail obligatoire et tous les aspects du quotidien sous l’occupation allemande, les réquisitions, les restrictions, le rationnement et tous les aspects de la débrouille pour survivre.

Le deuxième tome est chargé d’émotions diverses : celles nées de la Libération de septembre 44 puis anéanties pour le retour de l’ennemi lors de l’Offensive de Noël de la même année et la peur au quotidien lors du passage des V1 et même des V2 dont l’un tomba à Lincé. Toujours encore, les auteurs s’appuient sur de nombreux témoignages qu’ils replacent toujours dans leur contexte historique.

Ces ouvrages offrent des heures de lecture passionnante et constituent une impressionnante documentation pour aborder ces années tragiques de notre histoire locale. Ils se doivent de trouver place dans votre bibliothèque pour l’intérêt qu’ils ne manqueront pas de susciter.

Vous pouvez vous les procurer, ou seulement l’un d’eux, au prix de 15€ le volume, à l’administration communale de Sprimont ou les recevoir par courrier au prix de 15€ + 10€ de port (vu le poids !) par tome en effectuant votre versement de 25€ sur le compte BE57 – 0016 6753 0535 de l’Office du Tourisme de Sprimont, en précisant en communication :  Tome 1 ou Tome 2. 

UN TEMOIGNAGE DE LA BATAILLE DES ARDENNES EN DIRECT DES U.S.A.

La Petite Gazette du 13 février 2008

UN TEMOIGNAGE DE LA BATAILLE DES ARDENNES EN DIRECT DES U.S.A.

Monsieur André Dethier, de Méan, me fait parvenir, à votre intention, un témoignage qu’il reçoit directement des Etats-Unis. Ce témoignage que je publierai en deux épisodes nous conduira, la semaine prochaine, fort loin des lieux habituellement évoqués dans cette chronique ; si j’ai néanmoins choisi  de vous faire découvrir cet historique c’est en raison de la demande de recherche qui suit cette évocation… Vous comprendrez mieux en la lisant…

« Un de mes correspondants aux U.S.A., ancien combattant de la Bataille des Ardennes, soldat dans la 75e Division d’Infanterie, m’a envoyé une page du journal des anciens combattants le « Bulgebuster », je l’ai traduite pour les lecteurs de La Petite Gazette.

La 75e Division d’Infanterie,

La 75e Division d’Infanterie finit son entraînement au camp Breckinridge au Kentucky, le 15 octobre 1944, et après avoir quitté le camp Shanks, dans l’état de New York, le 22, quitta le port de New York et arriva en Angleterre le 13 novembre 1944. Elle débarqua au Havre et à Rouen, en France, le 13 décembre 1944, elle bivouaqua à Yvelot le 14. La 75e était supposée rejoindre la 9e Armée, mais, quand la contre-offensive commença dans les Ardennes, le 16 décembre 1944, la division fut envoyée en hâte au front et prit position le long de l’Ourthe, vers l’Est de la Belgique, le 23 décembre 1944.

L’initiation au combat de la 75e fut, à la fois, une sanglante et cruelle expérience. Elle prit Grand-Menil le 26 décembre 1944 contre une dure résistance ; les tempêtes de neige aveuglante et les amoncellements de neige augmentaient les difficultés du terrain. Souvent les congères emplissaient les ravins et les rendaient invisibles, jusqu’à ce que les hommes et l’équipement disparaissent de la vue ! La nuit, le mouvement était spécialement rude et, sous la neige, les champs de mines étaient particulièrement difficiles à détecter.

Entre le 27 décembre 1944 et le 1er janvier 1945, le 289e et le 290e régiments d’Infanterie furent rattachés à la 3e Division blindée. Une partie de la 12e Panzer Division SS s’infiltra entre les unités de la 3e Division blindée et pénétra dans Sadzot avant d’être stoppée par une forte contre-attaque : les pertes furent considérables des deux côtés. Alors, le 3 janvier 1945, la ère Armée américaine commença une dure offensive sur le flanc nord du « Bulge » pour rejeter les Allemands et la 75e avança vers l’Aisne, le 5 janvier. Elle atteignit la Salm où elle releva l’héroïque 82e division aéroportée, le 8 janvier 1945. Sous un froid cruel, la 75e renforça ses positions défensives jusqu’au 15 janvier ; quand elle repartit à l’offensive, le premier jour de cette attaque, le 15 janvier, fut un jour extrêmement sanglant. En fait, il fut le jour le plus coûteux de la guerre pour la 75e Division. Les unités ennemies opposées étaient la 62e et la 326e Volksgrenadier Division. La 75e nettoya Salmchâteau et Bechet aida à prendre l’important bastion de Vielsalm après de sévères combats. Le 22 janvier, elle avait nettoyé les « Grands Bois » et prit Aldringen. Le 24 janvier, après avoir atteint Saint-Vith, la 75e fut retirée des lignes pour un court repos.

En un mois de sévères combats dans la Bataille des Ardennes, la 75e déplora la perte de 465 hommes tués en action et comptait 1707 blessés. Le froid intense avait été un aussi sérieux antagoniste que les Allemands : pieds, mains et doigts gelés et toute sorte de dommages corporels causés par le froid ont fait que les pertes comptaient 2633 hommes en plus. En dépit de tout cela, la 75e était maintenant devenue une division de combattants endurcis qui avaient saigné dans la neige, les collines, les villages et les forêts des Ardennes. (…) A suivre.

 

La Petite Gazette du 20 février 2008

UN TEMOIGNAGE DE LA BATAILLE DES ARDENNES EN DIRECT DES U.S.A.

Monsieur André Dethier, de Méan, m’a fait parvenir, à votre intention, un témoignage qu’il reçoit directement des Etats-Unis. Nous en avons découvert le début la semaine dernière quand la 75e Division d’infanterie U.S. faisait le compte de ses pertes après la bataille des Ardennes.

« Après la 75e fut envoyée, par chemin de fer, prendre part à la bataille de la poche de Colmar, dans le centre est de l’Alsace. Plusieurs divisions américaines furent retirées d’autres fronts et envoyées là-bas pour aider la 1ère armée française à éliminer cette fâcheuse aire que les allemands tenaient encore à l’ouest du Rhin, la 75e en était ! La bataille fut dure et sanglante. La 19e armée allemande avait eu beaucoup de temps pour mettre en place une très forte défense. La neige épaisse allait jusqu’aux genoux avec des congères considérables ; de plus, les Allemands avaient disposé de nombreuses mines.

La principale mission de la 75e était de couvrir le flanc droit de la 3e Division d’infanterie et ses attaques sud-est vers le Rhin. Après l’assaut initial commencé le 22 janvier 1945, la 75e rejoint la bataille le 1er février et prend Horbourg et Andolsheim lors de féroces combats de maison en maison. A Horbourg, des snipers (tireurs d’élite) installés dans le clocher de l’église furent éliminés par la destruction du clocher au bazooka. Les allemands contre-attaquèrent, mais furent repoussés.

Le 2 février 1945, la 75e surmonta l’opiniâtre opposition dans la forêt de Colmar et, le 5, prenait Wolfgantzen et Appenwihr. Poussant sud-est, la 75e traversa le canal Rhône-Rhin sans résistance, le 7 février. Le 10, la bataille était finie, excepté quelques actions de nettoyage. Les allemands avaient perdu la dernière forteresse est sur le Rhin en Alsace et souffraient d’une perte d’environ 30 000 hommes lors de cette bataille. Parmi les autres pertes, cette bataille de la poche de Colmar coûta la vie à 150 hommes de la 75e.

Après un court repos à Luneville, en Lorraine, la 75e Division d’infanterie fut envoyée loin vers le nord et retourna au combat. La division relevait la 6e Division aéroportée anglaise, sur un front s’étendant le long de la Meuse, près de Roermond, au sud est de la Hollande.

Le 21 février, des reconnaissances et de nombreuses actions de patrouille furent conduites. La 75e fut l’objet de lourds feux d’artillerie. Le 291e régiment d’infanterie combattit à Assenberg du 7 au 9 mars. Alors, comme les Américains se frayaient un chemin vers le Rhin, la 75e patrouillait dans le secteur de Wesel à Homburg et releva la 35e division d’infanterie entre le 13 et le 23 mars 1945. La nuit, les hommes de la 75e sondaient les défenses allemandes. A ce moment-là, la 75e relevait de la 9e Armée.

Le 24 mars, la 290e division d’infanterie traversa le Rhin dans le sillage des 30e et 79e Divisions d’infanterie, suivies par le reste de la 75e. Le 30 mars, les 289e et 290e Divisions d’infanterie attaquaient, sous la protection de la 8e division blindée, et atteignaient le canal Dortmund-Ems, près de Datteln, le 1er avril.

Pendant les deux semaines suivantes, la 75e combattit dans la poche de la Ruhr contre une forte résistance de la part de quatre divisions allemandes : les 180e et 190e d’infanterie, la 116e Panzer et la 2e Parachutiste reconstituée. Ces formations, quoique affaiblies, étaient encore parmi les meilleures que les Allemands avaient laissées. La 75e nettoya la forêt de Haard, le 1er avril et traversa le canal Dortmund-Ems à Waltrop le 4 avril, renforcée par la 320e Regiment de la 35e Division d’infanterie. Deux camps de « travail forcé » furent libérés, ils contenaient 3000 prisonniers. La 75e entra alors dans de furieux et longs combats dans la portion nord de l’immense poche du Rhin, combattant sur des terrains difficiles dans le voisinage de la ville de Dortmund. Ce fut là l’une des plus rudes résistances rencontrées par les combattants U.S. durant la grande bataille. Maintenant, la 75e contrôlait Dortmund et combattait encore pour prendre la petite ville de Witten, juste au sud. La 75e était fort occupée avec, le 6 avril, un jour particulièrement difficile. Après plusieurs jours de combats sévères, une très grande « task force » combattait à l’est pour se connecter avec la division en difficulté et la  soutenir. Cette puissante force incluait un régiment de la 17e Division aéroportée et la 8e Division blindée, les 79e et 95e Divisions et le 15e groupe de cavalerie. Un état-major de la gestapo fut détruit par la 75e à Annen et, le 12 avril, les Allemands tombèrent au sud de la rivière Ruhr.

Maintenant la 95e Division d’infanterie était sur le flanc gauche de la 75e et la 79e était sur la droite. L’attaque continua sur un terrain difficile et vallonné, plusieurs petits villages furent pris par la 75e et, finalement, la 95e division d’infanterie surgit et prit Dortmund ; après avoir pris Herdecke,  la 75e fut envoyée à Brambauer pour réhabilitation et repos.

Le 22 avril, la 75e releva la 5e Division d’infanterie au sud de la Rhur. Alors la 75e fut assignée à la sécurité en Wesphalie. Le jour V, le 8 mai 1945, la 75e était à Lütgen et, peu après, établit les quartiers généraux d’occupation à Werdohl. La division quitta l’Allemagne pour l’Amérique en novembre 1945. Submitted by Harold Charles H.Q.291 »

LA 106Th U.S. DIVISION A NEUPRE ET AILLEURS…

La Petite Gazette du 24 août 2011

QUELLES ETAIENT LES UNITES AMERICAINES QUI STATIONNAIENT A NEUPRE EN 1944 ?

Il y a quelque temps je vous soumettais la question de Monsieur Philippe Dejasse de Herstal qui aurait souhaité savoir avec précision quelles étaient les troupes américaines qui stationnaient à  l’école catholique à Neupré ainsi qu’au château Englebermont en 1944. Pour vous aider dans votre recherche, Monsieur Dejasse précise que ces troupes étaient là à la mi-décembre.

« D’après mon papa, précise mon correspondant, il y avait alors un hôpital de campagne et l’écusson des soldats aurait été un rond jaune orange cerclé de bleu et présentant, en son centre, une tête de tigre. » Rappelons que si mon correspondant s’intéresse de près à ces troupes c’est parce que, à l’époque, douze de ces hommes ont logé chez ses grands-parents.

Pourrez-vous lui apporter les précisions souhaitées ?

La Petite Gazette du 7 septembre 2011

QUELLES ETAIENT LES UNITES AMERICAINES QUI STATIONNAIENT A NEUPRE EN 1944 ?

Monsieur Philippe Dejasse, de Herstal, qui recherche ces informations, vous indiquait le souvenir de son papa au sujet de l’écusson que portaient ces soldats. Cette indication a suffi à M. Armand F. Collin pour lui apporter bien des renseignements :

« Le badge dont question est celui de la 106th Infantry Division US. Cette division ‘verte’ (n’ayant pas encore connu le feu) venait de se faire étriller dans la Schnee Eifel (près de St-Vith)

Le 17 décembre 44, la région Anthisnes, Hody et alentours fut utilisée comme zone de regroupement et de refonte de cette unité. Les diverses composantes furent réparties dans la région (dans le sens large). Le château de Hody hébergea une unité médicale. Un camp avait été dressé dans les prés le long de la route qui monte vers les Stepennes. Après avoir reçu des renforts, la 106th repartit au front vers le 15 janvier 1945. Des habitants possèdent encore des badges de la 106th. D’autres unités stationnèrent aussi dans la région, notamment le 148th Eng.Bat. »

La Petite Gazette du 14 septembre 2011

LES UNITES AMERICAINES A NEUPRE EN 1944

La question posée par Monsieur Dejasse, de Herstal, vous a conduits à mener quelques recherches :

Monsieur Jean Collin, de Hamoir, tout d’abord précise :

« Si je ne me trompe l’insigne dont parle  M. Dejasse était celui de la  106 ME division d’infanterie   » Golden Lion », il ne s’agissait donc pas d’un tigre mais bien d’une tête de lion sur fond jaune or.

Cette unité  récemment débarquée des USA avait été envoyée vers St-Vith où elle fut réellement décimée par des troupes allemandes aguerries avant d’être envoyée en repos à Plainevaux – Rotheux. »

Monsieur G. Lorquet, d’Abée, est un ancien sous-officier de la police militaire belge et, comme nombre d’entre vous, passionné par l’histoire militaire de nos régions. Il partage l’avis de M. Collin :

« J’ai fouillé ma documentation et me suis référé à l’historien américain des armées Charles B. Mac Donald qui dans son ouvrage « Noël 44, la bataille d’Ardenne » (page 118), ce badge appartenait à la 106e division d’Infanterie que commandait le général de brigade Edward Walter Jones. Cette unité, en raison justement de son badge, était appelée « Golden Lion » ; venant de St-Vith, elle a été engagée, en décembre 1944, au front entre Manderfeld et la trouée de Loshein. »

Un grand merci pour vos recherches.

La Petite Gazette du 5 octobre 2011

A PROPOS DE LA 106TH DIVISION U.S. PRESENTE A NEUPRE EN 1944

Monsieur Michel Pirotton, de Sougné-Remouchamps, apporte de précieux renseignements sur cette unité américaine qui intéresse tant Monsieur Dejasse, de Herstal. Il précise utilement que ces informations ont été puisées dans le livre de Robin Cross Chantecler, Le dernier espoir d’Hitler :

« Il s’agit bien de la 106th Infanterie Division dont voici le badge.

Badge de la 106th division dite « golden lions’ »

Cette division, dont le général major était Alan W. Jones n’avait aucune expérience du combat quand elle monta en ligne le 2 décembre dans la région Schnee Eifel ; elle y subit une lourde perte en hommes. Elle fut ensuite envoyée en renfort à Saint-Vith où le 18 septembre elle dut subir une terrible épreuve contre la 18e Div. de volksgrenadiers qui l’attaqua en quatre endroits, en forme de fer à cheval. Le 19 décembre, ces défenseurs furent soulagés par l’arrivée du 112e régiment d’Infanterie. Le soir du 20 décembre, des groupes d’Allemands avaient enfoncé les lignes américaines et attaqué des postes de commandement. Les américains tentèrent alors d’échapper au pire. La 106e division sortit quasiment décimée par ces combats (elle ne comptait plus alors que 106 hommes) et se retrouva au carrefour de la Baraque de Fraiture où, avec le soutien du 589e Bataillon d’artillerie, elle occupa ce nœud routier. Après plusieurs attaques menées par la 2e Division blindée SS Das Reich, le soir du 22 décembre, les troupes américaines reçurent le renfort de la 87e compagnie blindée ainsi que de deux canons d’assaut motorisés de la Task Force Karre 3e Division blindée. C’est ensuite que la 106th Division fut relevée et mise au repos à Neupré jusqu’aux environs du 15 janvier 1945. »

La Petite Gazette du 26 octobre 2011

DES PRECISIONS UTILES AU SUJET DE LA 106Tth US INFANTERY DIVISION

Monsieur Guy Blockmans lit la Petite Gazette à Bruxelles, il connaît bien notre région car, sa carrière professionnelle à « Wallonie-Bruxelles Tourisme » l’a conduit progressivement à devenir un spécialiste de la Bataille des Ardennes. Il est l’auteur d’une intéressante publication sur le sujet qui conduit le lecteur attentif de villes en villages, de stèles en monuments, de musées en sites ou cimetières militaires rappelant cet épisode essentiel du dernier conflit mondial. Aussi tenait-il à vous faire part de ses commentaires au sujet de cette unité américaine évoquée dans nos colonnes à propos de son passage à Neupré, en 1944 :

« Je me permets de rectifier quelque peu ce qui a été publié ; cette unité n’a pas été décimée, mais ses 422nd et 423rd Infantry Regiments ont été encerclés et faits prisonniers, soit environ 7000 hommes.

En effet, la 106th ID, avec ses 422nd, 423rd et 424th Inf. Reg., ainsi que ses 589, 590, 591 et 592 Field Artillery Battalions, deux Tank Battalions et trois Anti Aircraft Artillery Battalions, plus quelques autres unités telles que Engineer, Reconnaissance, medical… faisant partie du VIIIe Corps avaient reçu l’ordre de relever la 2nd US Infantry Division dans le Schnee Eifel.

La 106th, sur un front de plus ou moins 27 Km, allait occuper une position avancée de défense de Saint-Vith, à partir du 13 décembre 1944. Mais, suite à la progression rapide des troupes allemandes, par le nord et par le sud, la ville de Saint-Vith allait devenir un « saillant américain » dans l’avance allemande. Malgré une résistance acharnée, les 422 et 423 Inf. Reg. Allaient se retrouver coupés de tout ravitaillement et, finalement, encerclés. Les deux régiments se rendirent dans l’après-midi du 19 décembre et furent ainsi faits prisonniers. Quant au 424th Inf. Reg., il continuera à participer à la défense de Saint-Vith. Toutefois, craignant l’encerclement des 20 000 défenseurs du « saillant de Saint-Vith », le 22 décembre, la maréchal Montgomery, commandant le 21 st british Army Group sur le flanc nord, ordonna le repli des troupes sur de nouvelles positions défensives, derrière la rivière Salm.

Les 24, 25 et 26 décembre, les bombardements alliés réduisaient Saint-Vith à l’état de ruines.

 

saint-vith

Une stèle dédiée à la 106th US Infantry Division « Golden Lions » située Kloosterstrasse à Saint-Vith rappelle la bravoure des GI’s »

La Petite Gazette du 30 novembre 2011

A NOUVEAU LA 106TH U.S. DIVISION

Ce n’est pas une surprise pour moi, vous êtes réellement passionnés par l’histoire de l’Offensive des Ardennes et, dans ce domaine également, votre souci de précision est tout simplement remarquable…

Monsieur Fernand Albert, de La Gleize, souhaite revenir sur de récents articles parus à propos de cette division et, notamment, sur une phrase de M. Guy Blockmans qui écrivait qu’après la capture de deux régiments de la division, le troisième, à savoir le 424tt « continuera à participer à la défense de Saint-Vith. » M. Albert pense qu’il serait plus indiqué de dire « participa à la reprise du nœud routier de Saint-Vith » et il explique pourquoi :

« Après la perte de deux de ses régiments dans l’Eifel, la 106e Division d’Infanterie U.S. fut recomposée et sa formation de combat se composa d’éléments disparates, à savoir :

Le 424e Régiment d’Infanterie (le seul appartenant encore à la 106e) renforcé par la compagnie A du 81e génie.

Les 1er et 3e bataillons du 517e Régiment de parachutistes plus la compagnie C du 596e Génie aéroporté, (Le 517e remplace le 112e Régiment d’Infanterie initialement prévu mais déjà en action) commandé par le colonel Graves.

Le 460e bataillon d’artillerie en soutien du 517e P.I.R. (Lieutenant Colonel Cato)

Le 591e bataillon d’artillerie en soutien du 424e R.I. et soutien général.

Deux pelotons des compagnies C et D du 740e bataillon de tanks.

Une compagnie du 643e bataillon de tanks-destroyers ;

Elle est commandée par le général Perrin. Le rôle qu’elle devra jouer dans le secteur de Stavelot est assez limité dans le temps car elle se retirera des combats aussitôt ses objectifs atteints.

Ceux-ci sont les suivants :

Pour le 517e P.I.R. : Franchir l’Amblève à Stavelot et établir une tête de pont.

Le Stockeu et la route du Vieux Château

Bûtai, Vaux-Renard et Lodomez.

Pour le 424e R.I     : Somagne et Hénumont

La vaux, Crête du Faix du Diable, La Coulée, Logbiermé.

Les opérations de ces unités dans le secteur de Stavelot étant trop nombreuses pour être détaillées dans cet article, nous nous contenterons de les résumer très succinctement.

Le 11 janvier, le 517 PIR franchit l’Amblève à Stavelot, établit une tête de pont.

Le 13, la route du Vieux Château et le Stockeu sont nettoyés et l’attaque se poursuit vers La Bergerie, la maison de la Belle Femme, Bûtay, et les lisières sud de Lodomez. La Vaux-renard est dégagée et l’entrée du hameau de Lodomez est atteinte.

Le 15, Refat est atteint, de même que Francheville, puis le château de Houvegné est occupé.

Le 17, les parachutistes atteignent la route de Poteau-Petit-Thier.

Le 424e R.I., qui a relevé le 112e à Wanne, Spineux et Aisomont, attaque vers La Vaux et en direction de Somagne et d’Hénumont. Il reçoit la mission d’investir la colline de Coquaimont pour poursuivre ensuite vers Ennal et R’méster.

L’attaque d’Ennal débute à l’aube du 15 et se poursuit toute la journée. Ce régiment ayant échoué devant Hénumont et à La Coulée, l’Etat-Major de la 106e fait intervenir le 517 P.I.R.

Son 1er bataillon investit Hénumont puis prend la direction de Logbiermé via La Bouhaye et Hoppont. Le village de Logniermé est le théâtre de violents combats. Après la conquête du village, la progression se poursuit le 16 janvier vers la région de Poteau et de Recht.

Lodomez tombe également aux mains des parachutistes qui poursuivent leur progression vers Beaumont.

Le 18 janvier, la 106e Division, qui a atteint ses objectifs est retirée des opérations.

Le 424e régiment part en repos à Trois-Ponts et Stavelot tandis que le 517e R.I.P., rattaché à la 30e Division d’Infanterie, reste sur ses positions et supporte l’offensive de la 75e D.I. pour, finalement, rattachée à la 82e division aéroportée, revenir au bivouac à Stavelot. »

Mon correspondant précise qu’il puise ces renseignements dans l’ouvrage de Serge Fontaine (+), La contre-attaque américaine dans la région de Stavelot, Trois-Ponts et Wanne en janvier 1945.

MANHAY, DECEMBRE 44 – JANVIER 45, DES SENTIERS DU DESESPOIR AUX CHEMINS DE L’ESPERANCE

La Petite Gazette du 19 juillet 2006

MANHAY, DECEMBRE 44 – JANVIER 45, DES SENTIERS DU DESESPOIR AUX CHEMINS DE L’ESPERANCE

Monsieur Victor Collignon, de Manhay, a raconté les événements qui marquèrent la commune de Manhay durant l’Offensive. Ses écrits ont donné lieu à une publication grâce à l’administration communale à l’occasion du 60e anniversaire de cette terrible bataille. Il donne à La Petite Gazette l’autorisation d’en publier des extraits. Je sais que cette époque passionne nombre d’entre vous ; aussi, en votre nom, je remercie vivement M. Colligon.

« Nous sommes en décembre 44, le samedi 16, vers midi. De l’Est nous parvient une rumeur ; un bruit court, vole de bouche en bouche : « Ils ont percé les lignes ! » ‘Ils’, ce sont les Allemands, les nazis, les SS, les boches !

Le 17, la rumeur s’amplifie, le tonnerre des canons gronde, de rougeâtres lueurs flashent les nuages, à l’Est toujours.

Au carrefour de Manhay affluent les premiers réfugiés de la direction de Villettes, Trois-Ponts, Stavelot… : vélos surchargés, véhicules hippomobiles de toutes sortes, voitures d’enfants, brouettes, femmes, enfants, vieillards…

Le 18, la panique s’installe : par bribes et morceaux, on capte des nouvelles terri­fiantes : « Ils fusillent les prisonniers ! Ils massacrent les civils ! Ils incendient tout sur leur passage ! » On discute, on évalue les risques, on décide de la meilleure attitude à adopter. On prépare vêtements et provende.

La plupart des hommes valides et les jeunes gens, en particulier ceux ayant eu un contact avec la Résistance ou ayant refusé le Service au Travail Obligatoire en Allemagne sont les premiers invités à quitter nos villages.

Le 19, enfin, c’est la débâcle : Peiper et la lère SS sont à Trois-Ponts, à La Gleize, à Stoumont, à Neumoulin.

Le 20, la 116ème Panzer entre à Houffalize, à Nadrin, à Samrée. Des éléments de la 560ème Volksgrenadiere ont été repérés dans les bois de la Cedrogne, puis à Les Tailles, aux lisières de la Baraque de Fraiture et en fin de journée, à Dochamps. L’horreur, l’enfer s’annon­cent tout proches. Alors, contraints et forcés, la grande majorité des habitants de Manhay et Grandmenil recommencent leur exode vers l’Ouest, le Nord, l’inconnu, la misère.

Les Américains se doivent de réagir fort et vite. Vont-ils le pouvoir ? Oui, mais très pro­gressivement et avec peu de moyens.

La nationale 15, Bastogne-Liège, était alors placée sous la protection de la 3rd Armored Division américaine (3èmc Division Blindée) du général Rose; celle-ci déjà écartelée à l’extrême : ses Combat-Commands A et B étant engagés sur l’Amblève contre Peiper, le 3ème Combat-Command (plus ou moins 2000 hommes), le CCR, se voyait attribuer la défense de la ligne Hotton-Manhay sur environ 22 kilomètres. La défense de ce dernier village ne pouvait plus être assurée que le long du tracé Sud de la route N.15.

A l’aube du 20 décembre, on relevait d’abord, à la Baraque de Fraiture, une défense « en hérisson » orchestrée par le major d’artillerie Parker, rescapé de l’encerclement du Schnee Eifel avec trois obusiers et divers éléments blindés dont quelques Sherman et half-tracks anti­aériens.

Par la suite et plus au Nord, une petite Task-Force (barrage routier) commandée par le major Brewster ira se fixer dans la clairière de Belle-Haie. Elle comprenait un peloton de chars moyens (plus ou moins sept) et un autre d’infanterie blindée, complétés plus tard par d’autres petits groupes disparates, dont quelques paras.

Cette force allait jouer un rôle essentiel dans la suite des opérations. En effet, l’étroitesse de la nationale – environ six mètres – enchâssée dans la forêt ne permettait le passage que d’un seul Panzer à la fois. Dès la destruction du premier char, les autres ne pouvaient ni continuer, ni se déployer.

A Manhay même, une garnison assistée de quelques chars et half-tracks comprenant une compagnie de fantassins (environ 200 hommes) et commandée par le colonel Richardson (3ème D.B.) devait assurer la défense du village. Ce faible groupement tactique allait  cependant recevoir peu à peu le renfort du CCA de la 7ème D.B. retiré de la poche de Saint-Vith ainsi que, à l’Est de la N., celui de la 82ème Aéroportée, progressivement dégagée des combats contre Peiper. »

001

 Après la retraite de St-Vith, la 7ème D.B. du général Hasbrouck est venue s’installer dans les villages de Fays – La Fange – Chêne-al-Pierre et Harre. Ph. US Army

La Petite Gazette du 9 aoüt 2006

MANHAY, DECEMBRE 44 – JANVIER 45, DES SENTIERS DU DESESPOIR AUX CHEMINS DE L’ESPERANCE

Retrouvons maintenant M. Victor Collignon, de Manhay,  racontant les événements qui marquèrent la commune de Manhay durant l’Offensive.

« Le 23 décembre, la défense de la Baraque de Fraiture, déjà harcelée depuis deux jours par divers éléments ennemis, fit tout à coup l’objet d’une attaque violente de la 2ème SS Panzer Division. En quelques heures, le carrefour fut investi au prix d’un carnage inouï. Cette terrible division SS «Das Reich», forte de 18000 SS, en panne sèche depuis vingt-quatre heures dans la région de Houffalize, réapprovisionnée au matin du 23, constituait pour Manhay la véritable menace. Son objectif, totalement ignoré des Américains, était de s’y emparer du carrefour, le sécuriser, ensuite de tourner vers Grandmenil, Erezée pour aller franchir l’Ourthe aux alen­tours de Barvaux-Durbuy. Comme le transit par Belle-Haie lui était devenu impossible (Road-Block de Brewster), la division se scinda en deux colonnes; l’une se dirigeant vers Malempré, l’autre vers Odeigne afin de contourner le barrage.

002 A Odeigne. Les troupes de la 2ème Pz. SS « Das Reich » ont occupé le village au soir du 23 décembre 44 jusqu’au 6 janvier 45 soit durant 14 jours ! Elles en seront chassées le 6/1/45 par les troupes américaines de la 2ème D.B. et 84ème D.I. Au carrefour « Sur le Ri », c’est le deuil et la désolation !   Ph. LUMA F. Lemaire

Le 24 décembre, veille de Noël, après avoir défait la petite force d’Odeigne, un bataillon de reconnaissance de cette 2ème Panzer SS se prépara à faire route vers Manhay.

Entre-temps, deux nouveaux éléments intervinrent dans la défense du village : averti de la présence de l’ennemi à Malempré et à Odeigne, le colonel Rosebaum envoya deux pelotons de chars moyens accompagnés d’infanterie, l’un au Fond de la justice (carrefour d’Odeigne à Malempré), l’autre au-delà de la ferme de Bellaire où les chars et les fantassins s’enterrèrent. Le second élément comportait un ordre du généralissime Montgomery imposant, à 23 heures précises, un repli total des armées américaines afin de raccourcir un front Nord exagérément étendu. Les troupes allaient désormais s’installer défensivement sur la ligne Nord de la route Trois-Ponts – Manhay – Hotton. Pour Manhay, la ligne fut fixée à la crête de Mon Bihin, Mon Derieux, des bois de Hazale et de So Plinmont.

A présent, le décor est planté. C’est la nuit de Noël 44, une nuit noire, profonde, humide. Au Fond de la Justice, les Gl’s, dans leurs foxholes (trous de renards) sont aux aguets. Durement éprouvés par les combats acharnés qu’ils viennent de livrer durant six jours et six nuits dans la poche de Saint-Vith, retirés du front, transbahutés dans des camions non bâchés, réengagés aussitôt dans un affrontement inégal, ces malheureux soldats en ont assez !

A 21 heures, un ronflement de puissants moteurs monta de la route d’Odeigne. Amis ou ennemis ? Lorsque la colonne de chars approcha, celui de tête était manifestement un Sherman : même silhouette, même fumée d’échappement bleutée. Les Gl’s rassurés, crurent à cet instant qu’il s’agissait du groupe des leurs, en poste à Odeigne et qui entamait déjà son repli. Mais, dans la pâleur lunaire, ce furent soudain des hordes de Panzergrenadiere qui déferlèrent brutalement au travers de leurs foxholes. Leurs panzerfaust mirent quatre Sherman hors de combat et en endommagèrent deux autres. Le seul resté intact s’enfuit vers Manhay, abandonnant à leur sort les fantassins blindés. Ceux-ci s’égaillèrent alors dans un désordre indescriptible, fonçant à travers tout, qui à pied, qui en jeep ou en camion, laissant sur place un matériel considérable.

Parmi les assaillants, le sergent SS Barkmann commandait le Panther n° 401. Dans la confusion générale, lui et son char furent séparés des autres et s’engagèrent sur la N.15, vers Manhay, au milieu des groupes de fuyards. Chemin faisant, il détruisit un Sherman stationné sur un bas-côté et arriva bientôt dans la perspective du village de Malempré. Sur sa droite s’ouvrait une prairie comptant neuf chars à moitiés enterrés qui orientèrent leur tourelle dans sa direction mais aucun ne tira.

Pleins gaz, Barkmann s’élança alors dans la descente de Bellaire où il vit des Gl’s se. jeter des deux côtés de celle-ci, jurant comme seuls savent le faire les fantassins quand ils se voient obligés de sauter dans des fossés remplis d’eau ! Et tout à coup, il se trouva dans Manhay, au milieu d’un charroi et d’une pagaille invraisemblables. Les Américains abandon­naient, et le carrefour, et le village, dans un désordre total, fuyant à travers tout. Au carrefour, devant un café, il estima qu’il s’agissait d’un poste de commandement en raison de l’intense activité qui y régnait. Barkmann voulut tourner à gauche, vers Grandmenil mais, voyant s’ap­procher trois Sherman, il décida de continuer seul, tout droit, en direction de Liège.

Dans l’épaisseur de la nuit, personne n’avait encore fait attention à lui ; personne ne l’avait encore remarqué quand, croisant un char américain après l’autre, quelques-uns se ren­dirent compte qu’il s’agissait d’un Allemand. Les équipages firent alors pivoter leurs tourelles mais, comme ils étaient en colonne, chaque char obstruait le champ de visée d’un autre et aucun tir ne se produisit. Barkmann lança quelques grenades fumigènes sur la route pour aveugler davantage ses éventuels poursuivants. »

La Petite Gazette du 23 août 2006

MANHAY, DECEMBRE 44 – JANVIER 45, DES SENTIERS DU DESESPOIR AUX CHEMINS DE L’ESPERANCE

Retrouvons maintenant M. Victor Collignon, de Manhay,  racontant les événements qui marquèrent la commune de Manhay durant l’Offensive.

« En face d’un bâtiment élevé, peut-être la gare, une jeep arrivait, lui enjoignant de s’arrêter. «Ecrase !» s’écria Barkmann. Le choc de l’écra­sement projeta son Panther contre un blindé, les chenilles s’emmêlèrent et le moteur se bloqua. Il était moins une. A tout instant, un obus pouvait lui fracasser l’arrière et l’im­mobiliser à jamais. Après plu­sieurs tentatives, le moteur reprit et le Panther se déga­gea.

Plusieurs Sherman arri­vaient. Faisant pivoter la tou­relle de 180°, le canon du Panther tira, incendiant le pre­mier blindé et, par ce fait, obs­trua la grand-route. Quelques centaines de mètres plus loin, après une dernière côte, Barkmann vit sur sa gauche un chemin encaissé et ordonna au chauffeur d’aller s’y camou­fler. De cette position, dissi­mulant le char derrière des branchages, Barkmann auto­risa enfin ses hommes à sortir prendre l’air pendant que sur la nationale voisine, le charroi américain fuyait vers Chêne-al-Pierre. A cet instant, sur la route de Bellaire, la 2ème Panzer SS dévalait la côte, toutes che­nilles déchaînées, ne trouvant finalement plus devant elle qu’un village quasi vide de ses défenseurs.

En cette nuit de Noël, brumeuse et terrible, le village de Manhay illumina un ciel lugubre par les incendies de ses maisons et des véhicules alliés. Dans ces lueurs d’enfer, le char de Barkmann quitta sa cachette et, prudemment, redescendit la côte pour rejoindre, au carrefour, la colonne SS qui avait viré à gauche et atteignait les premières habitations de Grandmenil. »

003

A Bellaire : D’autres Sherman et une compagnie de GI’s de la 7ème D.B. enterrés dans cette prairie furent surpris et détruits par les chars de la « Das Reich » utilisant un Sherman-leurre en tête de colonne et de puissantes fusées aveuglantes. Ph. US Army

La Petite Gazette du 30 août 2006

MANHAY, DECEMBRE 44 – JANVIER 45, DES SENTIERS DU DESESPOIR AUX CHEMINS DE L’ESPERANCE

Retrouvons maintenant M. Victor Collignon, de Manhay,  racontant les événements qui marquèrent la commune de Manhay durant l’Offensive.

« Nos GI’s stoppent définitivement l’offensive

Dans le bois du Pays, route d’Erezée, au «Trou du Loup», (dans le virage au fond de la déviation), dans la nuit du 25 décembre, un exploit du caporal R.F.Wiegandt, (Cie. K, 3ème Bn.,289ème Rgt.d’Inf., 75ème Div.d’Inf.) immobilisa d’un coup de bazooka le 1er Panther de la colonne blindée. Celle-ci comptait 23 chars lourds ainsi que des véhicules de logistique mais, par ce coup d’éclat, fut bloquée à un endroit où l’étroitesse de la route bordée d’un talus et d’un ravin empêchait tout dépassement. Le second char tenta, sans succès, de pousser le pre­mier de côté et, dans l’obscurité, les chars reculèrent puis firent demi-tour. Quelque temps plus tard, ils se remirent en route vers Grandmenil pour y rassembler leurs forces, laissant le bois du Pays aux mains des Gis (des bleus !) de la 75ème Division d’Infanterie.

004 Au  « Trou du loup ». C’est à cet endroit qu’un jeune GI de la 75ème  D.I.  stoppa, d’un coup de bazooka, la colonne blindée allemande, fonçant vers Erezée et les ponts de l’Ourthe.   Ph. LUMA F. Lemaire 

Dans le sauve-qui-peut général ayant vu les task-force Kane, Brewster, Richardson, Rosebaum… abandonner en pagaille les villages de Manhay, Grandmenil et environs, les premières forces à se ressaisir furent incontes­tablement celles de Mac George (Gr.A. 3ème D.B.) dont la majorité des élé­ments, après leurs com­bats victorieux contre Peiper, avaient fait retraite par la vallée de l’Amante, pour se reformer dans la vallée de l’Aisne.

Le   mardi   26  dé­cembre, dès 6.30 H, cette même T.F. Mac George, renforcée par une compagnie de chars du 32ème Régiment Blindé du CCR (3ème D.B.) remontant cette même vallée de l’Amante fut d’abord prise pour cible par un essaim de Lightnings (chasseurs US à double queue) ce qui coûta la vie à 30 GI’s, officiers et soldats. Ensuite, combinant ses efforts à ceux du 289ème  r.i. 75 D.I., cette Task-Force prit en tenailles le village de Grandmenil, y fixant les éléments avancés : panzers et infanterie de la 2ème SS. L’artillerie U.S. commença dès lors son œuvre de pilonnage, assistée durant la jour­née du 26 par des nuées de chasseurs-bombardiers, omniprésents.

Au soir du 26, le village de Grandmenil, totalement sinistré revenait progressivement aux forces alliées : au-delà des 20 incendies de septembre, 23 maisons furent à nouveau détruites à 100 %. Dans ce village martyr, criblé de cratères fumants, de murs squelettiques et de brandons incandescents, aucun civil n’assista à la reconquête amie et à l’écrasement de l’arrogance nazie : tous ses habitants avaient quitté ce chaudron d’enfer.

Sur la nationale 15, l’envahisseur fut également arrêté par deux barrages routiers réa­lisés, dans leur retraite, par des éléments de la 7ème D.B. Ces deux road-blocks se situaient après le sommet de la côte menant vers Chêne-al-Pierre. Sitôt le repli allié terminé un impor­tant abattis d’arbres fut empilé par le génie empêchant tout passage de blindés En réalité cette route de Liège ne constituait aucun objectif stratégique pour la 2ème  SS Pz mais cela les Américains l’ignoraient !

Enfin, pour être complet, le 26 décembre, une attaque allemande fut lancée à partir de la lisière des bois du Sud du village de Vaux-Chavanne. Les Panzergrenadiere SS occupèrent la partie supérieure de la localité, et ce, pour quelques instants seulement, avant d’être repous­sés par l’assaut du 325ème Régiment Plané (Glider 82ème  A.D.) »

La Petite Gazette du 6 septembre 2006

MANHAY, DECEMBRE 44 – JANVIER 45, DES SENTIERS DU DESESPOIR AUX CHEMINS DE L’ESPERANCE

Retrouvons maintenant M. Victor Collignon, de Manhay,  racontant les événements qui marquèrent la commune de Manhay durant l’Offensive.

« Le front se stabilise; nos villages sont occupés

Dès le 25 décembre, les troupes américaines furent repositionnées sur un front plus court fixé au Nord de la route Villettes – Bra – Vaux-Chavanne – Manhay – Grandmenil -Erezée. Il s’agissait principalement de la 82ème Aéroportée, la 7ème D.B., la 3ème D.B. et la 75ème D.l.

Dans l’après-midi du 25, des éléments de la 7ème D.B. (CCB) et le 424ème Régiment d’Infanterie de la 106ème D.l. reçurent l’ordre de contre-attaquer en direction du carrefour de Manhay mais ils échouèrent dans leur tentative et se retirèrent sur les hauteurs après avoir subi de lourdes pertes. L’état-major US décida alors d’impliquer le 517ème Para dans cet objec­tif considéré comme vital pour la protection de la direction de Liège. Ce régiment aguerri, sous les ordres du colonel Boyle, associé aux éléments du CCB / 7ème D.B., reprit la contre-offen­sive dans la soirée du 26. La nuit entière fut consacrée à la reprise, maison par maison, de ce carrefour stratégique : à la grenade, au corps à corps, de porte en fenêtre, de cave en grenier…

Au matin du mercredi 27, les paras étaient maîtres de la situation, mais à quel prix ! Dans l’une des compagnies, les hommes commencèrent les combats à 120 ; à l’aube, on y comptait 13 survivants !… Plus de 80 véhicules divers jonchaient, carbonisés, les rues du village, et environ 300 SS y avaient perdu la vie.

005« ICI FUT ARRETE L’ENVAHISSEUR »

En légende : Manhay, à l’entrée du quartier « En Pierreux », le long de la nationale, on remarque cette stèle portant un Panzer stylisé, le canon pointé vers le sol, humilié, défait. Ce monument est l’un des 26 du même type installés après enquête minutieuse aux points-limites de l’avance allemande.  (Ph. V. Collignon)

Dès lors, le reste des 3ème et 4ème Panzergrenadiere de la 2ème SS commencèrent à se replier vers le Sud, vers Bellaire, Malempré, Odeigne… Tandis que les Paras s’abritaient dans les ruines, les jeunes GI’s du 289ème R.I. (75ème D.l.) s’installaient dans d’autres ruines : celles de Grandmenil.

Alors se déchaîna l’artillerie US : sur les chemins, sur les forêts, sur les villages où se cantonnèrent désormais les Allemands à partir du 27. Pour les civils, nos concitoyens, restés attachés à leurs terres, à leurs racines, la véritable épreuve commençait. Le gel intense du jour de Noël se transforma le jeudi 28 en jours de neige et ces conditions climatiques deviendront progressivement plus rigoureuses : jusqu’à – 20° et plus de 40 cm de neige !

Nos villages, à l’écart du front, serviront ainsi de cantonnement pour abriter l’occupant ennemi. Comme celui-ci, dès le départ de l’offensive, avait reçu l’ordre de répandre la terreur sur son passage, de mitrailler façades, portes et fenêtres, là où apparaîtraient des civils, de se servir en tout et partout pour ses besoins propres, on assista à de véritables pillages.

D’abord, les habitants durent vider les lieux, corps de logis surtout, pour se réfugier dans les abris les plus inconfortables -. caves (voûtées de préférence), étables, granges, four­nils. Pendant ce temps, l’Allemand vidait les saloirs, car en décembre chacun ou presque avait déjà « tué le cochon », les garde-manger pleins de conserves (les wecks !) de l’été -. légumes, fruits, œufs…

Les draps de lit servirent de camouflage aux combattants et à leurs véhicules ; les meubles furent éclatés afin de servir de combustible ; les garde-robes complètement vidées… et, sans cesse, ils réclameront du schnaps ! Certaines sacristies de nos églises furent même dépouillées de leurs vêtements sacerdotaux.

Dans les caves les plus solides, les familles tentaient de se regrouper afin de mieux se réconforter : à Odeigne, chez Toussaint, on compta jusqu’à 92 personnes. On y dormait sur les provisions de pommes de terre, on s’éclairait à la bougie… quand on en avait ! Pas d’eau cou­rante : il fallait, au risque de sa vie, courir jusqu’à la «pompe»; pas de chauffage, sinon quel­quefois au moyen d’un poêle-colonne dont l’évacuation s’avérait hasardeuse; plus de méde­cin, de soins, d’hygiène, de toilettes… Et cette odeur nauséabonde ! Et les pneumonies ! Et la gale ! Et la dysenterie… On y naissait ! On y mourait aussi… !

Les portes devaient rester closes sans quoi on risquait de voir dégringoler une grenade; par crainte des scrapnels, les soupiraux avaient été bouchés au moyen de tas de bois ou de fumier… L’air y devenait irrespirable.

Pour tenir le coup, on récitait le chapelet ou plutôt des dizaines de chapelets, que l’on criait au ciel dans un appel tragique. Et les vœux d’aller en pèlerinage si… A l’extérieur pleuvaient les obus US; les incendies se déclaraient.- il fallait alors évacuer en toute hâte les caves menacées et surtout retrouver ailleurs une place de plus en plus problématique : le nombre d’abris diminuant au fil du temps.

Ainsi vécurent nos populations dans le plus misérable des dénuements, sans aucune nouvelle du front, ni des membres de leurs familles dispersées, ni du nombre des disparus, des civils tués ou blessés, amis et voisins.

De leurs tombeaux, elles écoutaient le bruit de la guerre : les explosions, le sifflement des bombes et des obus, le piqué des avions, le crépitement des incendies, le hurlement des blessés, l’agonie des animaux enchaînés… Et par-dessus tout, la peur, l’angoisse, le déses­poir, l’inconnu. »

La Petite Gazette du 13 septembre 2006

MANHAY, DECEMBRE 44 – JANVIER 45, DES SENTIERS DU DESESPOIR AUX CHEMINS DE L’ESPERANCE

Retrouvons, pour la dernière fois dans le cadre de ce feuilleton d’été, M. Victor Collignon, de Manhay,  qui nous a raconté les événements qui marquèrent la commune de Manhay durant l’Offensive.

« Et se leva l’aube du 3 janvier 45 : la reconquête

Depuis le jour de Noël, les alliés avaient regroupé leurs forces, méthodiquement, mas­sivement. La date du 3 janvier avait été choisie comme celle de la contre-offensive sur toute la largeur du front Nord.

La nationale 15 délimitait deux forces de l’armée US qui allaient se déployer ; à gauche de cette route devaient progresser les 3ème D.B. et 83ème D.I., à droite les 2ème D.B. et 84ème D.l., chaque division étant elle-même scindée en « Combat Command » En face de ce Vllème Corps se trouvait le gros de la 2ème SS ainsi que la 12ème Volksgrenadiere Div. devant Malempré et le 560ème V.G.Div. devant Odeigne.

Et le 3 janvier, précédée par un déluge de feu, l’armée US s’ébranla à partir des lisières Nord du front. Dès cet instant, l’ennemi se fit menaçant envers les civils, les invitant à évacuer les villages, en dépit de la neige et du froid, du trafic intense, des balles, des mines, des obus. On vit ainsi, le long des chemins, se traîner vers le Sud des dizaines de nos vieillards, de nos femmes et de nos enfants, par­fois déchaussés ou à peine vêtus, pataugeant dans trente ou quarante centimètres de neige par un froid glacial de -20°, à bout de forces, à bout de tout.

En ces journées de com­bats, au plus profond du déses­poir de  nos concitoyens,  une étincelle, pourtant, va jaillir, une petite étoile naissante va s’élever timidement d’abord, pour aller rejoindre celles des bannières alliées se profilant sur les versants de nos collines.

La marche en avant était déclenchée : une vague déferlante de jeunes héros, les GI’s, allait bousculer impitoyablement la « glorieuse », l’arrogante « Das Reich » et ses divisions d’assistance. Au mépris de tout danger, ces soldats vont faire de leurs corps des instruments de victoire à force de courage, de volonté et d’abnégation.

Cependant, ces combats seront très violents. Les Allemands, en particulier les SS, humiliés dans leur impuissance appréhendant déjà pour eux la fin du rêve, vont mener une lutte sans merci, retardatrice de leur défaite, de maisons en hameaux, de forêts en villages, de collines en vallées. Gare aux civils qui croiseront leur retraite, leur hallali ! Beaucoup d’entre eux y laisseront la vie.

Ce fut le bataillon Kraag (Reconnaissance) de la 2ème SS qui se replia le dernier des envi­rons du Fond de la justice, pressés par les T.F. de Hogan, Lovelady et Mac George, vers les hau­teurs de Fraiture le samedi 5 janvier alors que Malempré avait été libéré le 3. Lamormenil sera libre le 6, tout comme Odeigne d’ailleurs où l’on découvrira toute l’horreur d’une tragédie qui enlevait à la tendresse des leurs, 32 victimes civiles et dont le mémorial révèle à jamais le sta­tut de village martyr. Enfin, le 7, Dochamps verra poindre l’aurore de sa délivrance.

Le bilan s’avérait, pour la plupart de nos villages, littéralement catastrophique : outre les morts, les blessés, les disparus, les prisonniers, la plupart des maisons étaient inhabi­tables et souvent, on y aménageait une seule pièce de séjour à grand renfort de planches, de cartons ou de tôles ondulées; des chemins impraticables criblés de cratères d’obus ou de bombes, remblayés grossièrement au moyen de carcasses de jeeps, douilles, bovins et même… de corps de soldats allemands !

Des mines sournoises dissimulées tous azimuts : sur les cadavres, dans les champs et les chemins, contre des arbres, dans des véhicules abandonnés.

Et toujours l’artillerie, allemande maintenant, continuait de pilonner les dernières mai­sons restées debout.

007Sur cette plaque commémorative, on peut lire : « En hommage aux soldats du 3e bataillon du 517e Régiment d’infanterie parachutiste qui, sous les tirs de l’artillerie et dans un combat héroïque, ont repris Manhay dans la nuit du 26 au 27 décembre 1944. »

Heureusement, des communes amies, tant flamandes que wallonnes, firent la preuve de leur solidarité en nous envoyant du mobilier, des vêtements ou des vivres.

Finalement, la vie reprit son cours timidement, progressivement. Obstinément, l’Ardennais se mit à reconstruire. L’arc-en-ciel s’était levé ; désormais, il rayonnait sur nos villages. Nos sentiers de désespoir, sous les couleurs des « Stars and Stripes » s’étaient mués en force d’Espérance. Et de notre Liberté ! »

Un immense merci à M. Victor Collignon et  à l’Administration communale de Manhay.