La Petite Gazette du 28 décembre 2011
ILS ONT ÉTÉ TUES ENTRE MELREUX ET GRAND-HAN
Monsieur François Soyeur évoque un fait tragique de la seconde guerre Mondiale et se demande si vous en savez davantage sur ce fait de guerre.
Ce fait divers, dont je suis sûr plus personne ne parle, fut tragique. Un jour fin de l’hiver 1944, deux jeunes gens entrèrent dans le café pour boire un verre, tout en discutant entre eux, l’un deux me demande si j’ai déjà entendu la nouvelle…
Quelle nouvelle? Il y a un homme et sa petite fille qui remontaient le bois de Melreux-Grandhan et qui ont été tués.
Non je ne sais pas! Ensuite ils me racontent qu’ils rentrent de Tcherkassy (Ukraine) et qu’ils avaient envie de tuer, J’ai fait semblant que cela ne m’intéressait pas tout en souhaitant qu’ils partent le plus vite possible.
Quand ils sortirent ; par curiosité, je les ai suivis pour voir où ils allaient et ils ont pris la route d’Eneille. Quelques minutes plus tard, les membres de la gestapo, venant de Marche, arrivèrent comme des fous, l’officier parlait très bien le français,
« N’avez vous pas vu deux hommes ? Par où sont-ils partis? »
« Ils ont pris la route à droite ! »
Ces jeunes ont été rattrapés alors qu’ils montaient le Stoqueu de Noiseux.
Était-ce une simple coïncidence avec l’assassinat des deux personnes tuées entre Melreux et Grand-Han ? Madeleine Dujardin, âgée de 13 ans et Walter Dony 40 ans.
Madeleine Dujardin reconduisait Monsieur Dony à la gare de Melreux… D’après certaines personnes Madeleine fut tuée en dernier lieu!
Auriez vous peut être plus de renseignements à ce sujet ? Merci.
La Petite Gazette du 10 janvier 2012
ILS ONT ÉTÉ TUES ENTRE MELREUX ET GRAND-HAN
Monsieur Jean-Michel Bodelet revient sur cet épisode dramatique évoqué par M. Francois Soyeur paru il y a peu. Mon correspondant connaît très bien les faits car il les a étudiés en profondeur durant ses études universitaires en histoire.
« Ayant pour mon mémoire de licence travaillé sur le sujet, D. Walthère, réfractaire liégeois et M. Dujardin ont été abattus, en avril 44, par quatre SS wallons. Ces derniers étaient tous des déserteurs. Leurs identités sont connues. Je ne peux cependant vous les donner. Sachez qu’aucun n’est issu de la province de Luxembourg. Cette affaire sera évoquée au Conseil de Guerre d’Arlon en mars 1948.
Ce ne sont pas des faits uniques. En août 44, à Herbeumont, des membres de la légion Wallonie ont surpris un certain Lanoy, maquisard originaire de Forest. Ce dernier a été abattu.
On retrouve également des membres -deux frères d’origine liégeoise- de la légion Wallonie à Marcourt. Non dans le massacre des civils mais dans le martyre de Jules Daco « Cyprien » dans le MNB, torturé et exécuté après la prise du maquis de Mierchamps (La Roche-en-Ardenne). »
Un grand merci pour ces précisions.
La Petite Gazette du 18 janvier 2012
ILS ONT ÉTÉ TUES ENTRE MELREUX ET GRAND-HAN
Le sujet a été initié par M. Francois Soyeur puis développé par Monsieur Jean-Michel Bodelet et il a suscité l’émotion…
Madame Mireille Dujardin, de Melreux, m’écrit avoir été « toute remuée » par la lecture de ces souvenirs tragiques et elle nous explique pourquoi :
« Pensez que j’ai vécu ces événements familiaux de très près. Madeleine Dujardin est ma cousine germaine ; nous sommes filles de deux frères : Maurice pour Madeleine et René Dujardin pour moi.
D’après mon oncle Maurice et son fils Jean, il semblerait que ces fameux SS venaient d’Eneille et se dirigeaient vers Grandhan qu’ils traversèrent. Arrivés au croisement, ils se dirigèrent vers Petithan ; ils bifurquèrent soudain et revinrent vers le bois de Grandhan Melreux.
Il faut dire qu’il y avait eu une alerte pour signaler ces soldats, toujours d’après mon oncle et mon cousin, ces SS étaient quatre. D’après les constatations d’usage, il y avait deux soldats de chaque côté de la route (analyse des impacts). Quand l’alerte fut passée, les hommes et les réfractaires revinrent à Granhan et environs. Seul l’un d’entre eux, Walter Dony, fit un crochet vers la gare de Melreux¸ pour dire au revoir à sa sœur ; malheureusement le train venait de partir. Il rattrapa Madeleine dans le bois… Vous connaissez une partie de l’assassinat…
Le premier arrivé sur les lieux fut le Docteur Cravatte qui, voyant le tableau et reconnaissant les personnes gisant à terre, s’en vint chercher mon cousin Jean Dujardin, le frère de Madeleine, en lui disant : « Viens un peu et prends deux couvertures, il y a un drame dans le bois. »
Après avoir averti les Allemands, ils purent ramener les corps à Granhan ; ces Allemands ont dit à mon oncle et à la famille qu’ils allaient rattraper ces voyous et les envoyer sur le front russe. Je ne vous dis pas ce que vécurent les parents de Madeleine et les familles, ce fut une véritable tragédie.
Les Allemands avaient mis deux soldats de faction de chaque côté de la porte d’entrée de Maurice Dujardin qui faisaient peur aux personnes venues rendre visite à la mortuaire. Pour rappel, c’est mon oncle Maurice qui a fait le cercueil de sa fille.
A la fin de la guerre, le procès a eu lieu et il y a eu du grabuge. »
Monsieur François Soyeur a, quant à lui, recueilli le témoignage de Madame Marie-Thérèse Lizen, épouse de Georges Dawance, de Melreux.
« Voici ce dont je me souviens de ce jour tragique qui a arraché la vie de ma copine, nous étions de la classe de Monsieur Jacquemard, de Grandhan. Madeleine et moi, nous avions toutes deux le même âge. J’étais domiciliée à la ferme du chène-a-han. Le vingt-deux avril 1944, vers 19 heures, avec ma maman, Fanny Laboulle (épouse Lizen) nous étions occupées à divers travaux de laiterie, lorsque quatre hommes descendirent le bois du tilleul vers la ferme, ils entrèrent dans la cour. Trois étaient âgés entre vingt et vingt-quatre ans, le quatrième, plus âgé, était le chef du quatuor. Ils étaient complètement habillés en uniforme allemand et bien armés.
L’ainé demanda à maman pour dormir dans le foin du fenil de l’étable. Pendant la soirée, notre ouvrier feu Monsieur Robert Laffut rendit visite à ses parents à Somme-leuze. En rentrant à la maison, il dit à maman avec un air très étonné que les gars du fenil dialoguaient en wallon. Ils se dirent que c’étaient des rexistes.
Le 23, à leur lever vers 10 heures, ils obligèrent ma chère maman à leur faire une fameuse fricassée, après s’être régalés ils partirent a travers les prairies vers le lieu dit le ry bouillon, J’ignore comment ils ont traversé l’Ourthe, ont-ils changé de chemin ou emprunté la barque de Monsieur Léon Magis.
De là, ils se dirigèrent par les bois, vers la route reliant Grandhan à Melreux, à gauche et à trois cent mètres de la Reine Pédauque. C’est à cet endroit qu’ils croisèrent leurs deux victimes. Ils tuèrent d’abord Monsieur Dony, puis notre jeune Madeleine, afin que le silence soit complet sur cette tragédie. A 12h30, maman fut prévenue par un appel téléphonique de Madame Jeanne Quétin, employée au bureau des téléphones de Somme-Leuze.
Dans le courant de l’après-midi, ils furent arrêtés dans les bois de Noiseux vers Baillonville. Maman dû aller les reconnaitre à la Kommandatur de Marche-en-Famenne. »
La Petite Gazette du 29 février 2012
TOUJOURS A PROPOS DE L’ASSASSINAT DE MADELEINE DUJARDIN ET DE WALTER DONY.
Il n’est pas rare que des sujets vous touchent davantage que d’autres et l’évocation de ce double assassinat fait partie de cette catégorie si j’en juge par les diverses réactions enregistrées à son propos. Ainsi, Monsieur François Soyeur a encore recueilli ce souvenir.
Monsieur Martin Adolphe, de Barvaux, raconte : « Le jour de l’assassinat des deux personnes citées, j’étais chez moi a Noiseux avec mon père et ma maman. A ce moment, le docteur Cravate, de Noiseux, est venu nous dire qu’il y avait eu un assassinat de deux personnes dans le bois de Grandhan. Il nous a demandé de l’accompagner sur les lieux. Quand nous sommes arrivés, les corps n’étaient plus visibles, seule une tache de sang assez importante était visible sur la chaussée..
Nous somme rentrés chez nous, mais le docteur nous demanda de le suivre sur le Stoqueu sans doute pour aller à la recherche des assassins. Mon père lui demanda de ne pas y aller de peur des certaines représailles. »
La semaine prochaine, je reviendrai encore sur le sujet et sur ses conséquences grâce à de nouvelles communications que je viens de recevoir. Merci de confier vos souvenirs à La Petite Gazette afin d’en assurer la pérennité.
La Petite Gazette du 7 mars 2012
A PROPOS DE L’ARRESTATION DE JULES DACO APRES LA PRISE DU MAQUIS DE MIERCHAMPS
Monsieur Edgard Orban, de Gênes, revient, avec la complicité d’une plume bien connue des lecteurs des Annonces puisqu’il s’agit de Louis Vieuxtemps, sur cet épisode dramatique évoqué dernièrement dans La Petite Gazette.
«J’aurais voulu apporter quelques précisions à propos des faits qui se sont passés lors de l’arrestation de Monsieur Jules Daco étant donné que je suis certainement une des dernières personnes à l’avoir vu vivant.
Je me souviens que le jour où les Allemands avaient « ramassé » les hommes des villages de Trinal, Werpin, Melines, Wy et Soy, deux camions allemands étaient garés dans la cour de la maison de mes parents.
Jules Daco était assis à l’arrière d’un des véhicules et, à côté de lui, il y avait un homme d’origine liégeoise vêtu d’un uniforme allemand. Mon voisin, Joseph Houssa, secrétaire communal à l’époque, n’était pas concerné par les arrestations vu son âge. Il s’approcha et interrogea Jules Daco au sujet de sa détention.
Un officier allemand, qui se trouvait à proximité et qui parlait français, l’interpela pour savoir s’il le connaissait et s’il voulait l’accompagner dans le camion. Joseph Houssa, qui ignorait tout, répondit négativement et dit qu’il ne l’avait jamais vu.
Un peu plus tard, Jules Daco demanda à ma maman, qui était dans la cour, qu’elle lui donne un verre d’eau ; mais l’officier allemand intervint à nouveau en lui disant : « Non, madame, pas à cet homme ! »
Peu de temps après le départ des camions, un deuxième membre de la légion wallonne vint s’installer à côté du Liégeois et ils parlèrent ensemble en wallon.
Il est fort probable que ce sont les deux frères qui auraient torturé et exécuté Jules Daco et à qui Jean-Michel Bodelet fait allusion dans son évocation dans l’édition de la deuxième semaine de janvier dernier. »