UN AVION SUR LE MONUMENT AUX MORTS DE LOMPREZ-WELLIN…

LE MONUMENT AUX MORTS DE LOMPREZ –WELLIN

Monsieur Philippe Hamoir, d’Esneux, a été interpellé par ce qu’il a découvert sur ce monument rencontré au gré de ses pérégrinations. Naturellement, il vous interroge à ce sujet.P1170141[2]

« Taillé dans la pierre, ce monument aux morts de Lomprez (Wellin) représente un avion vraisemblablement en difficulté. Aucune inscription ne donne de précision à ce propos, pas plus que les noms des victimes et combattants inscrits sur le monument. Peut-être les lecteurs de La Petite Gazette pourront-ils éclairer ma lanterne?

Dès la réception de cette demande, j’ai interrogé un des grands spécialistes de l’aviation militaire de la seconde Guerre Mondiale, monsieur Rik Verhelle, de Bomal s/O, qui, immédiatement, a entamé une recherche dont il nous livre les résultats :

« Le monument de Lomprez-Wellin, avec dans en centre le bas-relief d’un avion en difficulté, nous rappelle en effet un événement dramatique qui s’est produit dans la nuit du 16 au 17 avril 1943. Non seulement quatre aviateurs y ont perdu la vie, mais aussi quelques villageois ont payé de leur vie le fait d’avoir hébergé clandestinement le seul aviateur survivant de cet équipage de cinq hommes.

Dans le centre de Lomprez (commune de Wellin) on trouvera un monument patriotique avec dans son centre un avion monomoteur en piqué. Ce bas-relief commémore le souvenir des quatre aviateurs, victimes de la chasse allemande, tombés en avril 1943 à Froid-Lieu/Sohier.

420 RCAF Sqn badge

Dans la nuit du vendredi 16 au samedi 17 avril 1943, le Bomber Command la Royal Air Force avait une double mission à accomplir. D’une part 327 bombardiers étaient expédiés vers les usines de Skoda armements à Pilzen enTchécoslovaquie. En parallèle, Mannheim, une grande agglomération industrielle au bord du Rhin, était l’objectif de 271 autres bombardiers. En même temps, 11 bombardiers larguaient des tracts au-dessus de la France. L’effort britannique se soldait par la perte de 54 bombardiers sur les 609 engagés, soit 8.9 % des forces engagés, un niveau de pertes dramatiquement élevé et jamais atteint jusqu’à ce jour.

Un de ces bombardiers s’est écrasé entre Froid-Lieu et Sohier (communes de Wellin). Il s’agit du bombardier bimoteur Vickers Wellington, immatriculé HE682 (PT-T), appartenant au 420 « Snowy Owl » Squadron canadien de la Royal Air Force. Le seul survivant a été fait prisonnier de guerre, tandis que les quatre autres membres d’équipage y ont trouvé la mort. Trois de ces hommes reposent à Heverlee, tandis que le 4e repose au petit cimetière communal de Froid-Lieu.

Bombardier Vickers Wellington

A 21hr14, (heure locale britannique, donc 22hr15 chez nous), ce bombardier avait décollé de sa base aérienne à Middleton-St-Georges en Angleterre. Il était un des appareils de l’armada de 271 bombardiers qui avait Mannheim en Allemagne nazie comme objectif, mais ce bombardier n’a jamais atteint son objectif. En effet, à peine 45 minutes après son envol, et environ au-dessus de la frontière franco-belge, le bombardier a été intercepté par l’ennemi. Un Messerschmitt Bf-110 piloté par Oberfeldwebel Erich Rahner du 3./NJG4 (Staffel 3 du Nachtjagdgeschwader 4, basé à Florennes) a attaqué le Wellington de front à 4500 mètres d’altitude. En quelques secondes, le nez de l’avion se transformait en un fourneau incandescent. Les flammes se propageaient le long du fuselage et les ailes. Soudainement, une aile se détachait et l’avion se retournait, descendant en spirale vers le sol. Dans sa chute, le bombardier a aussi perdu son deuxième moteur. Le bombardier s’est écrasé au lieu-dit « Fagne », entre Sohier et Froid-Lieu, mettant en feu un petit bois de résineux. Il était à ce moment 23 hr, heure locale.
Rapidement, une centaine de villageois se sont précipités vers le lieu du drame, mais une légère explosion et la chaleur du feu les empêchait de s’approcher plus encore de l’épave et ils durent se mettre à l’abri. Heureusement par eux, car une deuxième déflagration, beaucoup plus importante, projetait des débris dans un périmètre de 200 mètres autour de l’épave, tout en laissant un important cratère. Ces explosions s’expliquent par le fait que l’avion n’avait pas atteint sa cible et que tous les explosifs se trouvaient encore dans sa soute à bombes.
Le lendemain, tôt au matin, les Allemands sont arrivés et, très vite, ils ont hermétiquement bouclé tout le secteur du crash. Le pilote allemand est lui aussi descendu sur place pour confirmer et revendiquer son « kill ». Les villageois ont reçu la mission de rechercher les dépouilles des aviateurs, mais ils n’en ont découvert que trois. Le corps de la 4e victime a été projeté bien loin de l’épave lors de la 2e grosse déflagration de bombes et sa dépouille n’a été découverte par des villageois que plusieurs jours après les faits.Un menuisier de Wellin lui a fabriqué un cercueil et le corps a par la suite été enseveli au cimetière communal, contrairement aux trois autres qui avaient déjà été enterrés à Saint-Trond.
Les Allemands ont enlevé les bombes et les munitions qui n’avaient pas encore explosé. Ensuite, ils scrupuleusement rassemblé tout ce qui restait du bombardier britannique. Les débris ont été chargés sur un wagon de chemin de fer à Rochefort et, par la suite, évacués vers une décharge (« Beutekamp ») à Nanterre où les métaux étaient triés, fondus et recyclés. Le cratère a été rebouché et nivelé, mais une légère dépression est longtemps restée perceptible.
Sgt Kenneth T.P. Allan, un Canadien, mitrailleur de la tourelle de queue, a réussi à s’extraire de l’avion en parachute et il futle seul à survivre. Il doit sa survie au fait qu’il se trouvait dans la queue de l’avion au moment de l’attaque frontale du chasseur de nuit de la Luftwaffe. Il a réussi à s’évader et il a été hébergé, pendant 7 semaines, dans une famille à Baronville (Beauraing). Lors de sa prise en charge par des agents de la résistance pour préparer son extradition vers l’Angleterre, il a été dupé par un agent double (un espion allemand infiltré dans les réseaux clandestins) et la Gestapo l’a arrêté à Charleroi. Il a passé le reste de la guerre comme prisonnier de guerre au Stalag 357. Il a survécu à sa captivité et il est retourné en Ontario après la guerre.

La famille qui avait discrètement hébergé l’aviateur allié a payé le prix fort : arrêtés le 7 juin par la Gestapo, les parents ont été emprisonnés, interrogés sous la torture et condamnés à mort. Le père ainsi qu’un de ses amis et un agent secret ont été fusillés au stand du Tir National de Bruxelles. La mère a péri dans le camp de concentration de Ravensbrück. Leurs deux fils adolescents ont été incarcérés dans un institut disciplinaire en Allemagne jusqu’à leur libération en 1945 par les Alliés.
Les quatre membres d’équipage morts dans le crash sont:
Flight Sgt Lawrence Melville  Horahan, R/127784, pilote, 23 ans, un Canadien de Toronto.
Flight Sgt James EarlIsaacs, R/124524, navigateur, 35 ans, un Canadien de Burin/Newfoundland.
Sgt Horace Stanley PullenRadford, 1206438, opérateur radio, 34 ans, un Anglais de Hounslow.
Initialement enterrés à Saint-Trond, ces trois hommes reposent désormais au cimetière communal de Heverlee.

Tombe Froid-Lieu (3)Sgt Lester Kenneth Plank, R/113191, navigateur, 21 ans, un Canadien de Bluffton/Alberta. Il repose au cimetière communal de Froid-Lieu (Sohier, commune de Wellin). Son corps a été retrouvé plusieurs jours après et bien loin du lieu du drame puisqu’il avait été projeté loin de l’épave par l’explosion. Un menuisier de Wellin lui a fabriqué  un cercueil et le corps du Canadien a par la suite été enseveli au cimetière communal. Voilà la raison pour laquelle le Sgt Lester Plank ne repose pas à Heverlee à côté des autres victimes du crash.

Le livret de bord du Sgt Plank montrait qu’il n’avait que trois mois de service opérationnel avant son décès, et seulement 15 heures de vol dont 8 heures de nuit. Avant sa mission fatidique du 16/17 avril 1943, il avait participé et accompli trois missions : Kiel le 4 avril, Frankfort le 10 avril, Stuttgart le 14 avril, et il trouva la mort lors de sa 4e mission.

A Froid-Lieu, dans la Rue Alphonse Detal, et non loin de l’église, on tombe sur un monument en pierre naturelle sur lequel est fixée une plaque commémorative portant l’inscription « Tombe de Guerre du Commonwealth-Commonwealth War Grave ». Ce petit mémorial renseigne les passants sur la présence de la sépulture du Sgt Plank dans le cimetière communal.

Infos complémentaires :
1. Ofw Erich Rahner a totalisé un score de six avions abattus durant la guerre. Son grade, Oberfeldwebel, était le plus haut rang du sous-officier allemand.
2. Stalag (« Stammlager ») 357 était un camp de prisonniers de guerre, situé près de Bad-Fallingbostel, une ville d’Allemagne du Basse-Saxe situé entre Hambourg et Hanovre

 

Recherche et synthèse réalisées, avec la précieuse contribution du Musée de l’Air au Cinquantenaire, Bruxelles, par Rik Verhelle, à 6941 Bomal-sur-Ourthe       

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