Les soirées d’hiver dans nos villages donnaient, jadis, lieu à de sympathiques rassemblements que justifiaient diverses réalités d’alors. Tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, des voisins se réunissaient pour sîzer, pour passer la soirée ensemble. Cela permettait d’économiser du bois de chauffage, un peu de pétrole lampant ou quelques bouts de chandelle mais, surtout, cela encourageait les échanges et la transmission d’un savoir ancestral. Aller al sîse c’était aussi aller hoûter lès novèles, partager quelques potins du village ou des environs. Très souvent également, lors de ces soirées passées au coin du feu, les légendes locales, les contes traditionnels étaient racontés et donc transmis.
La Petite Gazette, au fil de ces très nombreux épisodes, a permis d’en sauver quelques exemplaires représentatifs. En voici un premier échantillon.
La Petite Gazette du 5 janvier 2000
MA GRAND-MERE ME RACONTAIT DES HISTOIRES EXTRAORDINAIRES
Monsieur Max-Léon Jadoul a fait l’effort, agréable me semble-t-il, de se souvenir des histoires que lui racontait Célina , sa grand-mère et marraine.
« Le vert-bok : un pauvre petit cultivateur se lamentait dans sa clairière sur les difficultés de subsister. Son épouse ne manquait pas de lui reprocher qu’il devait vivre sous une hutte de branchages et qu’il n’était pas capable de leur construire une petite maison. A bout de larmes, il soupira un jour : « il n’y a plus que le diable qui puisse m’aider ! »
A cet instant, dans un nuage de fumée, lui apparut un être fantastique : pieds fourchus, corps d’homme, tête et cornes de bouc, avec une grande barbiche. Il reconnut immédiatement le vert-bok ricanant. C’était le diable en personne. « Que puis-je faire pour toi ? » Se souvenant des reproches de sa femme, il exposa ses difficultés. « Je fais un pacte avec toi : je te place dans ta clairière, les matériaux nécessaires ; tu construiras une maison de deux pièces et, quand tu auras terminé, je viendrai prendre livraison de ton âme et de tes os. »
Forcé d’accepter le marché, le pauvre se résigne et, sur-le-champ, se met à l’œuvre. Sa femme s’inquiète pour savoir d’où viennent ces matériaux providentiels. Le pauvre homme finit par avouer : il a vendu corps et âme et, dès le travail terminé, il quittera la vie.
Ce n’est rien, lui dit-elle : « quand le diable viendra, je l’embobinerai ». Effectivement, un jour, le vert-bok vint pour réceptionner les travaux. Il s’en dit très satisfait. « Maintenant, dit-il, je t’emporte aux enfers. »
« Monseigneur, dit la femme, ne croyez-vous pas qu’une annexe plus grande et plus belle pourrait vous servir de salle du trône, mieux digne de vous ? »
« Tout à fait d’accord, dit le diable, la main-d’œuvre ne me coûte rien. Je reviendrai quand la salle du trône sera construite. »
Les matériaux ne tardèrent guère à affluer et la salle du trône se construisit. Un beau jour, il fallut bien se rendre à l’évidence et recevoir Belzébuth. « Ce n’est rien, dit la femme, fais comme moi, j’en fais mon affaire. Monseigneur, prenez possession de votre palais ; installez-vous dans ce coin . »
A ce moment, mari et femme se jettent sur le Malin, le ligotent et l’attachent à un solide crampon fixé dans le trône. Le vert-bok a beau se débattre, jeter tous ses feux, hurler ses pires imprécations ; il n’y a rien à faire, il reste rivé à la muraille dont il a fourni lui-même les pierres. Les heures passent… mais que voulez-vous faire d’un bouc stérile ? Tous trois conviennent d’un pacte et les époux le laissent s’enfuir pour ne jamais revenir. Le Malin dut conclure que plus rusé que le vert-bok, c’est toujours une femme ! »
Que pensez-vous de ces histoires racontées à la veillée, il y a plus de 70 ans ? Si, comme M. Jadoul, vous avez des souvenirs de ces personnages et êtres merveilleux qui hantèrent votre enfance, faites-les revivre dans La Petite Gazette. Je suis certain que vous ferez des tas d’heureux. D’avance merci.
La Petite Gazette du 19 janvier 2000
A LA VEILLEE AVEC GRAND-MERE
Grâce à Monsieur Max-Léon Jadoul, d’Arlon, nous avons le plaisir de renouer avec les sizes du temps jadis.
« Ma grand-mère s’appelait Célina Lejeune, épouse de Maximilien Deward. Elle a habité longtemps à Nandrin, parmi les hameaux aux noms si pittoresques Croix André (Criandrie), Croix claire (Cayèt-Bwès)… Jeune veuve, elle dirigeait fermement sa nichée de garçons complétée par deux filles. Dans les années 1925 – 1930, j’eus le plaisir de vivre en sa compagnie ; quels jours heureux et que de petites joies ! Cette femme exceptionnelle, bourrée d’expérience et de joie, possédait de plus un don de conteuse hors du commun. C’était une fameuse comédienne et, pour le concours de grimaces, sans rire, elle était imbattable. Voici un des personnages qu’elle aimait mettre en scène : Li Neûre Poye.
Un pauvre paysan avait une très jolie jeune femme, trop jolie disaient les mauvaises langues ! Ils s’aimaient d’amour… et, cependant, le pauvre mari éprouvait quelques doutes. En effet, chaque vendredi soir, après les effusions légitimes, mais bien avant minuit, la belle disparaissait sans bruit. La confiance régnait certes, mais tout de même !
Il avait surpris des éclairs de malice dans les yeux des charitables voisines. Un vendredi soir, il se résolut à tirer l’affaire au clair. A minuit, il se mit en route vers le bois de Rognac, en direction du vieux Chêne-Madame, endroit réputé pour les manifestations du Malin. Venant de Rotheux, il aperçut une lueur verdâtre ; se rapprochant encore, il put voir un énorme bouc noir assis sur une souche et, tout autour de lui, une profusion d’animaux de basse-cour : poules, canes, oies, dindons qui tournaient en procession autour du chêne, en se dandinant et en barbotant dans leur langage respectif C’était vraiment très étrange. Ce qui le surprit le plus, c’est la très forte odeur de soufre et d’urine que dégageait le monstre et cela sans que la chose ne semble impressionner ses fidèles.
Le brave garçon en avait vu assez et il rentra au plus vite au logis. Il y parvint juste avant le chant du coq ; à temps pour apercevoir, toutes plumes dehors, une poule noire qui plongeait dans la trappe du poulailler. Vivement, le brave homme referma la trappe et retourna se coucher.
Le jour bien levé, il entre dans le poulailler et voit une belle poule noire qu’il ne connaît pas et qui le regarde avec effronterie.
« Ah ! la belle poulette qui va me pondre de beaux œufs ! »
Mais point d’œuf, ni ce jour, ni le lendemain.
« Oh ! dit le fermier, une petite poule qui ne pond pas des œufs… Je vais lui tordre le cou. »
C’est à cet instant qu’il entendit une sorte de râle où il crut comprendre « Pardon ! ». La lumière était faite : il savait que sa femme était allée au sabbat du Bois de Rognac. Il se rappela que la meilleure façon de désenvouter quelqu’un, c’est de lui flanquer sur le croupion un très grand coup de « banette », cette grande pelle en bois servant à défourner les pains. Ce qu’il fit avec la vigueur du mari outragé. Une grande fumée… et voilà que réapparaît sa petite femme tout en pleurs, qui avoue n’être qu’une macrale débutante, qu’elle regrettait en promettant de ne plus pratiquer toutes ces choses.
Elle tint parole, mais le mari vit quelquefois de singuliers éclairs moqueurs dans le regard de quelques voisines, ce qui ne l’impressionnait nullement. Ils furent heureux, ils eurent beaucoup d’enfants, mais elle ne révéla jamais les formules magiques à ses filles.
Li neûre poye, c’est bien fini… Encore que : ma grand-mère affirmait qu’il faut se méfier d’une poule noire qui traverse la route. Ce sont peut-être des bêtises… mais on ne sait jamais. »
Voici un bien beau conte populaire qui nous replonge directement dans l’ambiance de ces veillées de nombre d’entre vous n’ont pas oubliées et qui étaient faites de témoignages d’une tradition orale souvent multi-séculaire.
Grâce à Monsieur Jadoul donc, nous avons réveillé quelques êtres étranges et merveilleux qui sommeillaient au plus profond de nombreuses lectrices et de nombreux lecteurs. Madame Peeters, de Louveigné, fait partie de ces personnes dont l’enfance fut jalonnée des manifestations des croque-mitaines de nos régions.
« Jamais, m’écrit-elle, je n’aurais imaginé un jour écrire au sujet des frayeurs de mon enfance… Comme vous avez réclamé des anecdotes relatives au « Babô », voici un petit épisode qui a marqué ma prime enfance :
Nous étions trois enfants, de 9 ans, 7 ans et demi et 4 ans. J’étais la plus jeune. Nous habitions une maison bourgeoise, un long couloir s’ouvrait sur la cage d’escalier avec une première volée de marches, puis un entre-palier et une deuxième volée de marches qui menait au premier étage.
Mon frère et ma sœur s’arrangeaient pour me faire monter la première, la lumière était allumée au rez-de-chaussée et au premier, sur le palier. Ils me suivaient très lentement. Dès que j’arrivais à la deuxième rangée d’escaliers, ils descendaient à toute vitesse, éteignaient les lumières, sauf celle du premier couloir, qui était plus éloigné.
Une fois en bas, ils commençaient à agiter les mains entre les fuseaux, ce qui faisaient des ombres. Ils criaient « Voilà Babô ! » et émettaient des sons sinistres. Je vous assure que j’en ai gardé une image indélébile.
Aujourd’hui, septante ans plus tard, j’en rie, mais la peur a duré des années. Comme quoi les enfants sont loin de réaliser les conséquences de leurs farces. En vous envoyant ce courrier, je réussirai, peut-être, à me libérer à jamais du sort de Babô ! »
Je vous le souhaite Mme Peeters, mais je tiens à vous rappeler que si, bien sûr, les enfants ne peuvent mesurer les conséquences de tous leurs actes et que si vos frère et sœur vous taquinaient avec le Babô, ce sont bien les parents qui faisaient intervenir ces êtres inquiétants pour protéger leur progéniture des endroits dangereux. Sans vous l’avouer, votre frère et votre sœur devaient, sans doute et de cette façon, exorciser leur propre peur ; ils n’avaient pas encore La Petite Gazette, eux ! Un tout grand merci pour votre collaboration à cette rubrique.
La Petite Gazette du 26 janvier 2000
A LA VEILLEE AVEC GRAND-MERE CELINA
C’est avec beaucoup de plaisir que, une nouvelle fois, nous retrouvons Monsieur Max-Léon Jadoul, d’Arlon, qui, avec émotion, se souvient des sizes animées par les contes et les histoires de sa grand-mère et marraine.
Aujourd’hui, c’est de sorcières qu’il sera question.
« Ce n’était pas un sujet permanent de conversation, mais, de temps en temps, dans les circonstances les plus anodines, se glissait une allusion à peine effleurée, mais toujours avec un air très entendu.
Je demandais : « Marraine, as-tu connu des macrales ? où vivent-elles ? » Les réponses étaient très évasives, mais elle en avait tout de même connu une ou deux !
Et moi-même, en ai-je connu ? En réfléchissant bien, peut-être l’une ou l’autre. C’est oui ou c’est non ? « Ptêt-bin qu’oui, ptêt-bin qu’non. »
Une pauvre vieille femme solitaire, un peu simplette, faisait quelquefois l’affaire. D’autre part, certaines de ces créatures s’arrangeaient pour donner l’impression d’être de commerce avec le diable. Vivant modestement dans une petite maisonnette, voire même une hutte de bûcheron, elles s’entouraient d’animaux « emblématiques » : le gros rouquin marcou (qui venait toujours faire des jeunes à notre petite minette), un vieux chien borgne, hargneux et sans race, une chouette familière (elle s’apprivoise très bien) et, surtout, un affreux bouc puant (le vert bouc) qui assurait à la macrale un revenu régulier, car il revenait à l’animal de présenter ses hommages à toutes les biquettes du canton ! C’est qu’il mettait du cœur à la besogne le gaillard ! et, surtout, il n’y en avait guère dans les villages, car un bouc cela sent et cela ne donne pas de lait…
Ces pseudo-sorcières détenaient de lourds secrets et des remèdes familiers que l’on venait solliciter de loin. J’entendis souvent parler d’un de ceux-ci mis en œuvre pour soulager de graves maladies infantiles. Il consistait en l’application, sur la poitrine de l’enfant, d’un pigeon ouvert en deux vivant !
La version masculine était le macraî et, pour ceux ayant acquis un grade supérieur « li macraî r’créyou » . Il ne passait pas son temps dans de folles broutilles de femmes, mais pouvait devenir redoutable, car il se déplaçait beaucoup. Les macraîs exerçaient de petits métiers solitaires et, dans mes recherches généalogiques, j’ai relevé notamment : faiseur de manches, faiseurs de trappes-souris (pièges à rats et à souris), faiseur de dents de râteaux, faiseur de haies.
Tout ceci pour vous dire que sorcière ou sorcier, à force d’y croire, on peut en avoir l’aspect ou le comportement. Mais il ne faut pas en rire… on ne sait jamais, comme disait ma grand-mère, qui en connaissait un bout sur la question ! »
Vous aussi, vous avez des souvenirs de ces histoires de sorcières ou d’êtres et d’animaux merveilleux dont on parlait lors des veillées de jadis ; m’en parlerez-vous ? Déjà quelques très jolis récits me sont parvenus, au fil des chroniques à paraître, nous retrouverons les contes dont s’est souvenus Mary Bertosi.
Voici encore une rubrique qui nous promet de bien agréables surprises ; merci pour votre précieuse collaboration.
La Petite Gazette du 2 février 2000
A LA VEILLEE AVEC GRAND-MERE
Comme annoncé, voici le premier des contes que m’a adressés Mary Bertosi. Il s’agit de la retranscription de récits entendus durant son enfance. Elle tient à préciser que certains ont été remis sur papier au départ de quelques souvenirs seulement.
« La grande Fifine.
Notre Ardenne d’autrefois comprenait des tas de choses et de personnes incroyables de nos jours : des nutons, des loups-garous, des rebouteux, des sorciers, des fées, etc. Tous ces personnages ont disparu maintenant, il paraît que c’est depuis qu’on récite l’Evangile de St-Jean.
Je vais vous conter, aujourd’hui, une histoire réelle de sorcière.
La grande Fifine était, comme son surnom l’indique, plus grande que la moyenne des Ardennais qui ne dépassaient guère, en ce temps-là, plus de 1 m. 60. Maigre, les cheveux grisonnants, personne ne savait son âge. Elle vivait dans une petite ville, au bord d’une rue en pente qui menait dans les forêts et au cimetière. Dans sa pauvre chaumière, elle vivait de peu, faisant des ménages ou des lessives, fabriquant des fagots, louant ses bras, comme on disait à l’époque.
Elle avait la réputation d’être sorcière, car elle était bien différente des autres femmes du bourg (il est à remarquer ici que les femmes étaient, plus souvent que les hommes, accusées de sorcellerie). Fifine connaissait les plantes et, l’été, on la voyait herboriser à droite ou à gauche, cueillant les simples et toutes les plantes utiles à ses remèdes, qu’elle faisait sécher sous sa toiture. Les gens la consultaient pour toutes sortes de maux et de maladies, aussi bien que pour les animaux.
Fifine avait un voisin, l’Emile, qu’elle n’aimait pas beaucoup et qui le lui rendait bien. Les discussions étaient fréquentes, pour toutes sortes de raison : les poules de l’un avaient gratté un carré du jardin de l’autre, l’un avait ramassé les pommes tombées du côté de son pré alors que le pommier appartenait à l’autre et toutes sortes de petites querelles pareilles.
C’était lui, l’Emile, qui contribuait à entretenir la réputation de sorcière de la grande Fifine, en la traitant sans arrêt de « Vî macrale » . Elle lui répondait toujours : « Attin, dji t’aurai ». A la longue, on se méfia de Fifine, qui était pourtant brave femme, et, lorsque quelqu’un allait chez elle pour quelque remède, il ne manquait jamais de se signer avant d’entrer.
En réalité, Emile était jaloux car Fifine, malgré tout, avait des amis, en particulier Joseph. Celui-ci passait tous les jours devant chez elle avec son cheval Bijou, pour aller travailler dans les bois. Joseph entrait et buvait sa petite goutte, parfois plusieurs et sortait, quelquefois, assez éméché. Il remontait sur sa charrette et Fifine sortait toujours pour caresser Bijou et lui flatter la crinière. Emile enrageait, il alla même jusqu’à asperger le seuil de sa porte avec de l’eau bénite pour se prémunir du mauvais sort.
Joseph possédait un autre cheval qui ne servait qu’à tirer le corbillard lors des enterrements. L’Emile vint à mourir, après les veillées bien arrosées, comme il était d’usage à l’époque, les prières et les galettes, vint le jour de l’enterrement. Le cheval qui tirait d’habitude le corbillard étant malade, Joseph attela Bijou pour le remplacer ; Tout se passa bien jusqu’à ce qu’ils arrivent à la hauteur de la maison de Fifine, où le cheval s’arrêta net. On dut caler le corbillard avec des pierres, pour l’empêcher de reculer. Ni les paroles, ni les « hue » et les « ho », ni les poussées des gens, rien ne fit redémarrer le cheval, qui avait l’air cloué sur place. Rien à faire !
Au bout d’une heure, il était toujours là, sous un soleil de plomb. Dans la foule, on commençait à jaser ; c’est sûrement à cause de Fifine. Ils étaient tellement ennemis avec l’Emile, qu’elle a mis à exécution sa promesse et, jusqu’après la mort, elle le fait enrager en ensorcelant le cheval. Voilà ce qu’on entendait. Quelqu’un vint même asperger Bijou avec de l’eau bénite, rien n’y fit ; on récita une dizaine de chapelets, toujours rien ! Que faire ? On ne pouvait pas rester là ad vitam eternam !
Joseph eut alors une idée, il entra chez Fifine et lui demanda de venir ; celle-ci s’approcha de Bijou, le flatta, lui parla tout bas, le caressa et, d’un seul coup, le cheval reprit son élan et monta jusqu’au cimetière, d’une seule traite. Voilà la réputation de sorcière de Fifine bien assise à des lieux à la ronde… et pourtant !
Chaque fois que Joseph s’arrêtait chez Fifine pour boire sa petite goutte, celle-ci sortait pour caresser le cheval et lui donner un morceau de sucre. Habitué à cette pratique, Bijou s’était arrêté le jour de l’enterrement et attendait, tout simplement, son sucre.
Voilà comment on devient sorcière ! »
Très joli récit, n’est-ce pas ! Faites-moi savoir ce que vous en pensez, il y en a d’autres, de la même veine. Un grand merci à Mary Bertosi.
La Petite Gazette du 26 juillet 2000
LE LOUP-GAROU
Mary Bertosi, de Tenneville, a gardé des souvenirs émus des contes entendus durant son enfance ; aujourd’hui, cette magie de l’histoire lue ou entendue, elle la restitue aux enfants, pour la plus grande joie de ceux-ci. Elle a couché sur papier certaines de ses histoires faites de propres souvenirs, de poésie et de féerie. Je vous propose de partir à la rencontre du loup-garou.
« Lorsque grand-mère était enfant, souvent, à la veillée, on racontait des histoires pas toujours amusantes ; des histoires qui faisaient peur aux enfants soit de l’eau, des forêts pour qu’ils ne s’y aventurent pas seuls, soit des puits et autres dangers à droite et à gauche. Les grandes personnes elles-mêmes n’étaient pas toujours rassurées car les Ardennais ont toujours été superstitieux et croyaient beaucoup aux nutons, aux sorcières jeteuses de sorts ou au laid méchant homme.
Aujourd’hui, je vais vous parler des loups-garous ; ces animaux mystérieux qui venaient on ne sait d’où et repartaient de même après avoir fait quelques dégâts dans les bêtes le plus souvent, mais, parfois, ils s’attaquaient aux gens.
Le loup-garou est une personne ensorcelée, métamorphosée en loup enragé, affamé, assoiffé de sang, par un sorcier très puissant et inconnu, dont le charme ne périt jamais. La transformation s’effectue le plus souvent les soirs de pleine lune où il est préférable de verrouiller portes et fenêtres, ainsi que les portes des étables. Parfois, la transformation pouvait durer plusieurs jours.
Dans une famille normale, il peut y avoir un loup-garou que personne ne connaît car le reste du temps, il est comme vous et moi. »
Dans notre prochaine édition, nous suivrons Mary Bertosi au cœur d’une de ces familles d’Ardenne au sein de laquelle il se passa de bien étranges choses…
La Petite Gazette du 26 juillet 2000
LE LOUP-GAROU
J’imagine que vous êtes, toutes et tous, curieux de retrouver l’atmosphère désuète de l’univers imaginaire de Mary Bertosi, de Tenneville ! Lors de notre précédente édition, après nous avoir expliqué en quelques mots ce qu’était un loup-garou, notre conteuse nous inquiétait quelque peu en affirmant qu’il était possible qu’il en existe, sans que personne ne s’en rende compte, dans des familles qu’elle qualifiait de « normales ».
« Marie-Josèphe Jeuniot avait l’habitude de porter à dîner à son mari, lorsque celui-ci travaillait aux champs, chose courante à l’époque.
Elle attendait avec lui, en faisant la causette et se reposant un peu, le temps qu’il termine son repas et elle reprenait ses récipients vides pour le retour.
Marie-Josèphe alla dons un jour, à midi, comme d’habitude, porter le dîner à son homme. Il travaillait à plus de quatre kilomètres du foyer et Marie-Josèphe allait bon train car elle était légèrement en retard.
Il y avait, sur plus de deux kilomètres, un bois à traverser, cela ne l’effrayait pas tant elle avait l’habitude d’y passer, mais se signait toujours avant d’entamer la côte ; bien lui en prit ce jour-là !
En effet, à peine avait-elle fait le signe de croix, qu’un énorme loup-garou sortit du bois avec fureur et attaqua la malheureuse. Elle se défendit tant qu’elle le put avec son gourdin, en invoquant le nom de tous les saints qui lui passaient par la tête : « Tiens sur la tête au nom de saint Joseph, vlan dans les côtes pour saint Mathieu, et voilà pour saint Antoine… »
La femme se battit plus d’une demi-heure avec cette bête enragée qui l’avait mise en lambeaux, ses jupons étaient réduits à quelques loques ; le sang lui venant sur les bras et les jambes et, même, au visage. Le loup-garou vit qu’il avait affaire à forte partie et se découragea, se sauva dans les bois tout courbaturé de coups de bâton.
Marie-Josèphe se pressa d’aller retrouver son homme ; elle le trouva en nage, assis, blessé à la tête et dans les côtes. Que s’est-il passé ? dit-elle en le voyant en sueur, oubliant du coup sa propre aventure.
« Rien qui vaille la peine, dit-il, allez, sers-moi à manger ! »
Marie-Josèphe servit la soupe, mais son mari ne voulait pas manger devant elle et se retourna. Mais qu’as-tu donc aujourd’hui ? lui dit-elle et elle s’approcha plus près ; c’est alors qu’elle vit, dans les dents de son mari, des lambeaux de tissu de sa robe, de son jupon, qui étaient restés accrochés dans sa denture.
« Ah ! mon Dieu ! dit-elle, le loup-garou c’était toi et tu m’as attaquée sur le chemin ! »
Alors le mari se tourna vers sa femme en pleurant et lui demanda « Débarrasse-moi de ce sortilège, tiens prends ce poignard bénit et perces-en mon cœur en une seule fois. C’est le seul moyen de détruire la bête qui est en moi ».
Marie-Josèphe prit le poignard, récita quelques Paters, fit un grand signe de croix et traversa la poitrine de son mari d’un seul coup, à cet instant, un hurlement de loup se fit entendre dans le lointain, mais l’homme avait retrouvé le calme sur son visage sans vie, tourmenté quelques instants auparavant.
Marie-Josèphe le déclara mort, tué par des brigands, pour qu’il puisse avoir une sépulture chrétienne, qui aurait été refusée si l’on avait connu sa métamorphose. »
Terrible et surprenant n’est-ce pas ! J’espère de tout cœur que cette histoire ne viendra pas perturber vos nuits que je vous souhaite paisibles et agréables.
This waas great to read
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