UN SAINT PARTICULIER : SAINT LOUP

Se plonger dans l’évocation de nos saints populaires, c’est immanquablement rappeler la christianisation de nos régions à l’époque mérovingienne,  étudier les efforts réalisés par les premiers moines évangélisateurs pour lutter contre les antiques pratiques de la religion celtique, culte rendu aux sources, aux rochers… toujours en usage chez nous et, enfin, constater la christianisation de ces lieux. Pour en savoir davantage sur cette période, je vous renvoie à l’introduction de mon dernier ouvrage en date : « Les Vertiges du Passé – Nos Chapelles », mais ce qui suit, paru il y a bien des années déjà dans La Petite Gazette, devrait également vous passionner.

La Petite Gazette du 1er septembre 1999

LES SAINTS DU CONDROZ ET D’AILLEURS, UN SAINT BIEN PARTICULIER, SAINT LOUP

Max-Léon Jadoul, m’écrit d’Arlon mais aime à rappeler qu’il est originaire du Condroz. Il souhaite évoquer un saint que G. Pire dans « Tihange, racines et identités » qualifie de « bien particulier » : saint Loup.

« La légende remonte à 1704, les hivers étaient particulièrement longs et rigoureux, plus que le froid, les habitants de Strée craignaient les loups en raison des grands ravages causés dans les bergeries mais aussi parmi les voyageurs égarés. L’un d’eux, perdu à proximité de la ferme Collard, se vit refuser l’hospitalité. Une croix rappellera sa mort.

Ici mourut tragiquement

Leloup-Dubois

le 22 janvier 1704.

Priez pour lui.

   Il avait décliné son nom patronymique bien difficle à porter !

Les loups continuaient à tuer les moutons de Strée. Le curé de la paroisse décida de rétablir le culte de saint Loup. Il replaça une statue dans l’église et invita ses fidèles à prier pour éloigner les tueurs de brebis. On vit même implorer le saint pour soigner les enfants boulimiques atteints « d’une faim de loup ». On apportait des petits pains au pied de la statue. Au fil des années, ceux de Strée affirmèrent que, à l’origine, saint Loup était un vrai loup revêtu d’un habit d’évêque et qu’il était mort au bord d’une route de Strée !

A un jet de pierre du hameau des Communes de Strée, en bordure du bois de Tihange, dans le parc du château de Gée, une petite chapelle abrite une statue de saint Loup ayant fait l’objet d’une vénération toute particulière et ancienne. On l’invoquait non seulement contre la boulimie, comme à Strée, mais aussi contre l’horrible « lupus » (affection cutanée de nature tuberculeuse attaquant surtout le visage). Le tout se terminait, paraît-il, par des ablutions avec l’eau de la célèbre source située jadis dans le fond du parc. L’édicule abritant cette source aurait été détruit. »

Passionnant, étonnant et extraordianire récit. Qui le prolongera ? Qui nous procurera une représentation de ce saint ? A suivre donc…

 La Petite Gazette du 13 octobre 1999

LES SAINTS DU CONDROZ ET D’AILLEURS

   La présence de saint Loup dans La Petite Gazette, il y a quelques semaines, n’est pas passée inaperçue. Monsieur Jean-Pierre Dumont, de Clavier, s’étonne néanmoins que les lecteurs ne furent pas plus nombreux à réagir :

« Je pensais, m’écrit-il, que la question que vous posiez concernant saint Loup allait susciter une réponse rapide et un courrier abondant. Après plusieurs semaines sans réponse, je me permets de vous communiquer mon avis, car la réponse me semble évidente : saint Loup n’a jamais existé. Après la conquête romaine, l’ancienne religion celtique (donc gauloise et condruze) a subsisté pendant des siècles. Lors de la christianisation de nos régions, les missionnaires ont « récupéré » l’ancienne religion celtique : récupération des fêtes (voir par exemple les « orientations » de la basilique de Saint-Hubert), des lieux sacrés de pèlerinages (sources, pierres…) et aussi des dieux. Un des plus grands dieux celtiques est le dieu Lug, vénéré alors dans toute l’Europe et dont on retrouve la trace dans de nombreux toponymes dont le nom de la ville de Lyon (Lug-Dunum). Saint Loup n’est donc, à mon avis, que la récupération chrétienne du grand dieu Lug. »

Passionnant et enrichissant sont certainement les qualificatifs qui s’accordent le mieux à cet avis communiqué par M. Dumont.

Il n’a pas été le seul à se manifester… Monsieur René Gabriel, de Roanne-Coo, a lui aussi réuni les informations qu’il possédait sur saint Loup. Les renseignements hagiographiques et folkloriques qu’il nous propose sont respectivement extraits de « Vies des saints pour tous les jours de l’année », ouvrage en 4 volumes de l’abbé E. Daras et du « Calendrier populaire wallon » de Rodolphe de Warsage.

A propos de saint Loup, Monsieur Gabriel signale que l’abbé Daras mentionne deux saints dénommés Loup ou Leu, l’un fêté le 29 juillet et l’autre le 1er septembre. Rodolphe de Warsage fixe la fête de saint Loup ou Leu au 25 septembre.

Daras précise que le saint honoré le 29 juillet est issu d’une noble famille de Toul. Marié durant 7 ans, il se sépara de son épouse et distribua tous ses biens aux pauvres avant d’entrer au monastère de Lérins. Devenu évêque de Troyes, il aurait délivré sa région du joug des armées d’Attila. Il mourut en 478, après 52 ans d’épiscopat et après avoir mérité le titre de « Père des pères » ou « Evêque des évêques ».

Quant au saint fêté le 1er septembre, l’abbé Daras nous apprend que, lui aussi, était issu d’une famille illustre du diocèse d’Orléans, alliée aux rois mérovingiens. Il devint archevêque de Sens et mourut le 1er septembre 603.

Rodolphe de Warsage enfin évoque un saint Loup, évêque de Lyon et mort en 642. Invoqué pour les enfants souffrant de boulimie (la faim de loup), on le prie également à Strée-en-Condroz contre certains maux rongeurs qui détruisent la chair et la dévorent, comme le ferait un loup, jusqu’à l’os. En offrande, on déposait des « tortès », petits gâteaux de forme triangulaire. »

Merci M. Gabriel pour ces informations qui, malgré qu’elles aient une tout autre origine et une tout autre teneur que celles transmises par M. Dumont, ne les contredisent pas nécessairement. En effet, les lecteurs attentifs auront remarqué l’origine lointaine et peu précise des différents saints mentionnés, la présence de la ville de Lyon au rang des villes ayant accueilli le siège de son évêché présumé…

Quoi qu’il en soit, ce sujet, comme de nombreux autres, ne vous laisse pas indifférents et il m’étonnerait vraiment que ce qui précède ne fasse pas réagir d’autres lecteurs. Evoquant des époques aussi lointaines, qu’il est rarissime de pouvoir citer des documents attestant des affirmations présentes dans les vies des saints, mais il est passionnant de constater combien les interactions sont nombreuses entre hagiographie, traditions populaires et, certainement, réalité historique.

La Petite Gazette du 10 novembre 1999

LES SAINTS DU CONDROZ ET D’AILLEURS : SAINT LOUP

   Quand M. Jean-Pierre Dumont, de Clavier, nous écrivait qu’à son avis saint Loup n’avait jamais existé, joignant à son propos une intéressante argumentation relative au dieu Lug de la religion celtique ; je m’attendais à recevoir d’autres courriers. Mon attente ne fut pas très longue. Découvrons ce que M. Scheer, de Marche-en-Famenne, me transmet :

« Je possède le dernier dictionnaire hagiographique « Dix mille noms de saints » rédigé par les bénédictions de Ramsgate. Voici ce que je relève au sujet de saint Loup : saint Loup de Chalon (évêque vers 610), il reste une lettre lui adressée par saint Grégoire le Grand. Saint Loup de Troyes, évêque 384 – 478 ( ?), il réussit à sauver Troyes d’une mise à sac par Attila en 453. Saint Loup, martyr, il était esclave. Saint Loup de Sens (évêque en 623), saint Loup de Lyon, archevêque en 542, saint Loup de Soissons (évêque en 540) neveu de saint Remi de Reims, il assiste au concile d’Orléans en 511, saint Loup de Bayeux (évêque vers 465), saint Loup de Verone (évêque).

C’est difficile de dire après une liste comme celle-ci qu’il n’y a pas eu de saint Loup ! constate M. Scheer qui, dans l’ouvrage qu’il a consulté, relève encore ceci :

« Saint Jacques le Majeur, frère de saint Jean l’Evangéliste, fut le premier apôtre à subir le martyre sous Hérode Agrippa, en 44. Une légende fait de lui l’apôtre de l’Espagne, au IXe siècle, on prétendit que son corps était enchâssé à Compostelle. C’est une légende qui se répandit en Europe sous l’influence de Cluny et qui a créé le fameux pèlerinage qui dure toujours. »

Quelque chose me dit que nous entendrons encore parler de saint Loup. Nous n’essayerons pas de donner raison raison à l’une ou l’autre des thèses en présence, mais bien de rassembler un maximum d’informations historiques, hagiographiques ou folkloriques sur le sujet.

La Petite Gazette du 17 novembre 1999

LES SAINTS DU CONDROZ OU D’AILLEURS : SAINT LOUP

Je vous l’écrivais encore la semaine dernière, je savais en lançant pareil sujet, à la limite entre religion et folklore, que j’allais recevoir des courriers en sens divers, voire franchement opposés. Evidemment, ce que je pressentais est arrivé :

Quand M. H. Dumont, de Clavier, prétendait que, à son avis, saint Loup n’avait jamais existé, plusieurs lecteurs sursautaient à la lecture de ses propos. La semaine dernière, vous avez lu la réaction de M. Scheer, de Marche, et, cette semaine, c’est au tour de M. Jacques Bastin, de Heyd, de se manifester.

« Il est parfois impérieux, m’écrit-il, tout en se gardant de verser dans la polémique, de souplement rectifier certaines affirmations.

Attention à ne pas commettre de confusion terminologique entre « Dieu » et « saint ». Si, dans une religion monothéiste « Dieu » est l’ « Être suprême », un « saint » est un « élu canonisé » par l’Eglise. Dans les religions polythéistes, par contre, la notion de « saint » se confond effectivement avec celle de « dieu ». Romulus, le fondateur de Rome, a été lui vénéré après sa mort en tant que Dieu Quirinus.

Quand on affirme que saint Loup n’a jamais existé, on y va tout de même un peu fort car on trouve bel et bien dans le « Catalogue romain des Saints » (lequel renferme quelque 35 000 noms !) très exaxtement quatorze saints prénommés Loup. Parmi ceux-ci, le plus célèbre est, sans conteste, l’ancien évêque de Troyes (398 – 479) (N.D.L.R. notons au passage que ces dates diffèrent quelque peu de celles mentionnées dernièrement par M. Scheer). Ce saint Loup a connu un épiscopat de 52 années, il est fêté le 29 juillet. Viennent ensuite saint Loup (Leu), évêque de Lyon de 523 à 542, fêté le 25 septembre et saint Loup (Leu) , l’archevêque de Sens, mort non point en  603 comme erronément signalé dans La Petite Gazette, mais en 643, il est fêté le 1er septembre. »

Merci à M. Jacques Bastin pour ces précisions et pour nous avoir transmis son avis à propos de saint Loup.

Vous l’avez remarqué, La Petite Gazette s’est fait l’écho de divergences d’avis au sujet de saint Loup, mais, j’insiste, il ne s’agit nullement d’alimenter une quelconque polémique sur quelque sujet que ce soit ! Si vous pouviez nous faire parvenir des informations relavant de médecine populaire ou de folklore traditionnel au sujet de saint Loup, je crois qu’elles seraient susceptibles d’intéresser un grand nombre de lecteurs.

La Petite Gazette du 5 janvier 2000

SAINT LOUP, UN SAINT DONT IL Y A TANT A DIRE

Plusieurs courriers, à la fois passionnés et passionnants, ont déjà rappelé ou interprété le souvenir des saints dénommés Loup. Ils continuent à nous parvenir. J’aime à insister sur mon souhait de ne jamais entrer dans une polémique, aussi stérile qu’ennuyeuse, sur l’existence ou non de ces saints toujours populaires, mais j’insiste de même sur l’intérêt évident qu’il y a à rassembler un maximum d’informations sur l’hagiographie populaire de ces saints.

Monsieur Dumont,  de Clavier, a repris la plume pour nous dire que « c’est avec beaucoup d’intérêt qu’il a lu les informations publiées à propos de saint Loup. » Il ajoute que si l’existence de plusieurs saints répondant au nom de Loup est attestée, il ne voit en cela qu’une confirmation de son interprétation première, à savoir que si ces personnages (des VIe et VIIe  siècles pour la plupart, donc à une époque où la langue et la religion celtiques étaient profondément ancrée dans la population) ont choisi de s’appeler « Loup », c’est pour jouer sur une prononciation identique à celle qui permettait d’invoquer le grand dieu celte Lug. Pour apporter un poids supplémentaire à ses propos, Monsieur Dumont, insiste sur un fait bien connu de notre passé :

« De même, l’Eglise substitua-t-elle les fêtes religieuses aux fêtes païennes ; sacralisa-t-elle les anciens lieux sacrés comme les sources et les pierres ; construisit-elle ses premiers sanctuaires sur des lieux de cultes anciens après avoir brisé les idoles. Remarquons tout de même que certaines pierres, au lieu d’être sacralisées, ont été diabolisées, je pense ici à ce dolmen de Wéris appelé Lit du Diable ».

Je sais déjà que toute cette démonstration ne suffira pas à convaincre tout le monde, mais je sais de même que là n’est point le vœu de mon correspondant.

Monsieur Jos. René Vanderheyden-Grillet, de Grimbergen mais en seconde résidence à Somme-Leuze, s’est également penché sur ce sujet.

« Du Dictionnaire pour choisir un prénom (Ed. du Livre d’or, 1978), j’extrais les renseignements suivants : Loup,  symbole : la mandragore.

Nom expressif d’après l’animal, signifie « homme farouche », usité au Ve siècle, ainsi que Leu qui était une forme régionale. On emploie plus souvent la forme composée Jean-Loup.

Saints patrons : Trois « saint-Loup » ou « leu » illustrant ce prénom dont

  • un évêque de Troyes, otage du terrible Attila, libéré contre la « rançon de ses prières », mort en 429, il est fêté le 29 juillet.
  • un évêque de Sens qui reçut, alors qu’il disait la messe, une pierre précieuse tombée du ciel. Il est fêté le 1er septembre et est invoqué contre l’épilepsie.
  • un évêque de Bayeux, au Ve siècle, qui fit disparaître un loup féroce en lui tendant son manteau. Il est fêté le 25 octobre.

Variantes :

Leud : de l’hébreu, signifiant Grand, nom du fils de Lem.

Leu – Loupien (fêté le 17 février)

Wolf : de l’allemand (fêté le 21 octobre). »

Prochainement, nous suivrons M. Vanderheyden-Grillet, dans sa recherche dans un dictionnaire néerlandais ; passionnant !

Cette investigation dans les dictionnaires des prénoms me permet de revenir sur un intéressant courrier de Monsieur Jacques Bastin, de Heyd,  qui éclairera certainement de nombreux lecteurs :

« Ayant eu un ami d’enfance prénommé « Louis » et que sa mère appelait toujours « Loulou », j’ai longuement cru que « Loup » (prénom que je n’avais jamais vu orthographié) n’était pas un vrai prénom mais simplement le diminutif de Louis. Je suis  donc ainsi resté dans l’erreur jusqu’au jour où j’ai enfin vu le prénom « Jean-Loup », lequel reste d’ailleurs pratiquement la seule et rare façon française de voir employer « Loup » en tant que prénom.

Dans ma vie professionnelle, j’ai eu l’occasion de rencontrer un homme qui portait le prénom de « Loupvenant ». Ne comprenant absolument rien à ce prénom, je lui ai demandé des éclaircissements à son sujet ; il m’a alors confié que ce prénom était également celui de son grand-père paternel, en fait son parrain. Le plus extraordinaire est encore que cet homme s’appelait Dubois ; cela donnait l’ensemble  très officiel, extrêmement curieux et insolite de sergent « Loupvenant Dubois ». C’est incroyable mais absolument authentique. »

Voici comment un patronyme nous mène réellement aux frontières de l’insolite ; n’est-ce pas, tout compte fait, normal dans La Petite gazette de l’anecdote et de l’insolite ?

Un grand merci à vous tous qui alimentez cette rubrique…

La Petite Gazette du 19 janvier 2000

SAINT LOUP, UN SAINT DONT IL Y A TANT A DIRE…

Nous avions suivi M. Jos. René Vanderheyden-Grillet, de Grimbergen, dans la recherche qu’il avait menée dans les dictionnaires des prénoms ; nous le retrouvons, aujourd’hui, avec les renseignements puisés dans l’ouvrage néerlandais « De mooiste voornaam  kiezen ».

« Wolbert      : avec diminutif Wolbrecht, signifie Loup magnifique.

Wolf           : avec diminutif Wulf, signifie Loup.

Wolfbrand  : avec diminutif Wolbrand, signifie Loup brillant et magnifique.

Wolfgang   : sans diminutif, est surtout utilisé en Allemagne. Il signifie la voie         du loup ou encore sur le chemin de la guerre.

Wolfram    : sans diminutif qui signifie Loup et corbeau (wolfen en anaf) »

Merci beaucoup à mon correspondant pour ses précieuses précisions.

La Petite Gazette du 9 février 2000

TOUJOURS SAINT LOUP

Est-ce réellement une surprise que la première photographie d’une représentation de saint Loup me soit envoyée par un fidèle d’entre les fidèles, à savoir Monsieur Max-Léon Jadoul, d’Arlon.

saint-loup

 

 

« J’ai découvert, m’écrit mon correspondant, cette très belle statue dans la chapelle du château de Lamotte en Gée, propriété privée et cadenassée. Son accès est un peu malaisé : elle se trouve à l’intérieur de la chapelle, dans une loge au-dessus de la porte d’entrée, à une certaine hauteur. Il a fallu le secours du télé-objectif pour distinguer les détails fort intéressants. Il est certain que, pour des connaisseurs, l’interprétation de ces détails permettrait une connaissance plus approfondie de notre fameux saint condruzien. En tout cas, il semble terrasser un loup calmé. Pour rappel, une vénération ancienne de saint Loup concernait la boulimie des enfants, mais aussi l’horrible « lupus », affection cutanée, de nature tuberculeuse,  attaquant surtout le visage. Ablutions à l’eau de la source située jadis dans le fond du parc dont l’édicule a été détruit. (source : G. Pire, Tihange, racines et identités.) »

Merci pour tous ces détails et surtout pour cette photographie. Grâce à M. Jadoul, nous aurons l’occasion d’en découvrir d’autres dans les éditions à venir.

La Petite Gazette du 1er mars 2000

LES SAINTS DU CONDROZ… REVOICI SAINT LOUP

Il y avait longtemps que j’attendais une communication de Monsieur Maurice Fanon, de Bomal à ce propos, car j’avais du mal à imaginer que son extraordinaire documentation ne recelait rien à ce propos. Ma patience vient d’être récompensée et j’en remercie mon correspondant.

« J’ai été très intéressé par les propos de M. Jadoul et la photographie qui les accompagnait ; le rappel de la vénération ancienne concernant l’horrible lupus, affection cutanée de nature tuberculeuse attaquant surtout le visage m’a également passionné.

Ce détail me rappelle le « loup », lésion copiant par sa forme la morsure du loup, mais aussi les « loups » qui identifient les ulcères aux jambes (lat. ulcus ceris) et également les « loupes » synonymes de kystes.

J’aime aussi à rappeler le poète satirique Mathurin Régnier (1573 – 1613), aventureux, imitateur de la satire antique, au style imaginé, licencieux et parfois cruel pour ses « amis ( !) – ennemis » ; à preuve, ce quatrain :

« Si des maux qui vous font la guerre

Vous voulez guérir désormais,

Il faut aller en Angleterre

Où les loups ne viennent jamais. »

Monsieur Fanon signale, en outre, que l’auteur de ce quatrain souffrait d’une affection évoquée ci-dessus.

Les loups d’Angleterre y étaient donc particulièrement rares, déjà au XVIe siècle ! N’est-ce pas une question à creuser ?

Quid ita ? de la raréfaction précoce du carnassier ? Un début de documentation nous vient d’un certain La Rouvraye dans l’hebdomadaire « Le Patriote Illustré » de 1903 (page 260). Il confirme par les proverbes : « Ceux de l’Angleterre abondent en renards, en chiens et en chats. Les loups, dont les Anglais ont depuis longtemps débarrassé leurs îles, sont encore nombreux en France aussi ils reviennent souvent dans les proverbes français. » Les Anglais ont-ils mieux « travaillé » que les luparii de Charlemagne, les louvetiers de l’ancien régime ou les grands veneurs de l’empire ?

Est-ce l’insularité seule qui explique… ou la méthode d’éradication ? Un lecteur averti pourrait-il nous éclairer ? »

J’espère, de tout cœur, recevoir des réponses ou des éléments de réponse à cette question, mais aussi des informations complémentaires sur les affections évoquées par mon correspondant et faisant référence au loup. Je compte sur vous.

La Petite Gazette du 15 mars 2000

LES SAINTS DE CHEZ NOUS : SAINT LOUP ET TOUS LES AUTRES

Madame Bouvy, de Grand-Halleux, collectionne les statuettes religieuses et elle les connaît fort bien. Dans « La fleur des saints », elle a puisé les renseignements suivants sur Saint Loup.

« Saint Loup est né près d’Orléans (Loiret) et mort en 623. Il est fêté le 1er septembre comme saint Gilles. Saint Loup au feu de Sens est invoqué contre la peur, le mal caduc et les maux d’entrailles. Ses biographes le montrent humble, amateur de musique et surtout intrépide. »

« Je viens vous donner, m’écrit Monsieur Duchêne, de Strée, quelques détails supplémentaires suite à votre article intéressant sur les saints de chez nous. St Jean, aumônier de l’empereur Wenceslas (1330 – 1383) auquel il refusa de révéler la confession de l’impératrice, fut noyé par ordre de ce prince. On le fête le 16 mai. Il y a quelques années, lors d’un voyage en Autriche, j’ai eu la surprise, en rentrant à l’hôtel (j’en ai oublié le nom, c’était en dehors de Vienne), de trouver la même statue que celle qui existe dans le parc du château à Strée. Pendant mes études, il y a 60 ans, on parlait déjà de lui dans notre livre de religion. »

Petit à petit, grâce à vos témoignages à toutes et à tous, nous en apprenons toujours davantage sur ces saints et ces saintes invoqués dans nos régions ; continuez, c’est réellement passionnant.

La Petite Gazette du 7 juin 2000

QUAND IL EST A NOUVEAU QUESTION DE SAINT LOUP

« La question de Saint-Loup m’intrigue, m’écrit un lecteur averti de Clerheid Erezée. Je viens de pointer au hasard sur mes cartes provinciales les nombreux « Trou du loup » et autres toponymes en rapport apparent avec « Loup » , tels que « Louveigné ».

Mais « Loup » se dit aussi « Leu » ce qui m’amène à « Leuven » et je note ensuite les toponymes tels que « Wolverten ».

Ensuite, il y a la grande borne dite « Pierre des leus » entre Vervoz et Bende, sur l’important axe routier menant vers Cologne. Cette pierre se trouve à l’emplacement d’une borne qui ne serait pas une borne « milliaire », mais une borne « leugaire » étant donné qu’à une certaine époque le mille romain a été remplacé par la leuga gauloise. »

Mon correspondant renvoie ensuite le passionné à un article de M. Florent Ulrix, Arbres-bornes et routes romaines, paru dans le Bulletin du Centre Interdisciplinaire de recherches Aériennes, n°22, 1999 dont le contenu est riche d’enseignements.

Ce n’est pas une légende, dans les campagnes, certains profitent de la nuit pour déplacer les bornes cadastrales et aider ainsi à l’agrandissement de leurs champs ! Cette pratique n’est pas neuve, les Romains, pour la contrecarrer, ont planté des arbres à la place des bornes, le long des routes par exemple. En changeant l’essence des bois plantés, on donnait la possibilité aux voyageurs de mieux estimer les distances parcourues : après trois hêtres, ils plantaient un chêne pour marquer le quatrième mille. Quand ces arbres-bornes étaient trop vieux, ils étaient remplacés par de plus jeunes, mais de même variété. Il y en aurait encore dans nos campagnes!

La toponymie a conservé la trace de la présence de ces arbres. En Wallonie, l’auteur cite notamment « Chêneau, Chenois, Chenoy, Queniau, Quenoy, Quesnoy » descendants directs du latin « quercus » (chêne), mais encore « Rouvreux, Rouvroy » du latin « quercus robur ». Le chercheur poursuit son passionnant raisonnement en se penchant sur la présence des hêtres (en latin « fagus »), qui laissèrent les nombreux « Fays » et  leurs composés ; au départ du wallon « hes », il relève ensuite « La hestre, Hestreux… ». L’auteur conclut en se basant sur l’anthroponymie (étude des noms de famille) et signale les très nombreux « Duchêne, Dufays, Defays, Delhez, Vanhees… »

    Voilà là une fabuleuse mine à explorer. Merci à mon correspondant de Clerheid d’en avoir poussé la porte.

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