QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE LE 15 JANVIER 1940, PENDANT LA DRÔLE DE GUERRE?

La Petite Gazette du 7 juin 2000

QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE PENDANT LA MOBILISATION ?

Une lectrice d’Andenne, mais originaire de La Barrière, à quatre kilomètres de Basse-Bodeux et à cinq de Neufmoulin, m’écrit à propos d’un dramatique épisode de la mobilisation, car elle voudrait savoir si quelqu’un pourrait l’aider à comprendre ce qui s’est passé ce jour-là.

« A la mobilisation, il y a eu un malheureux incendie dans les baraquements aménagés en dortoirs pour les soldats mobilisés. Il y a eu beaucoup de soldats atteints de graves brûlures, d’autres ont été brûlés vifs, d’autres encore sont morts plus tard des suite de leurs blessures.

Pendant la mobilisation, les soldats étaient soumis à des exercices d’alerte. J’habitais alors avec mes parents le long de la route provinciale n°23, celle-ci était minée de part et d’autre. En cas d’alerte, quatre soldats gardaient la route, prêts à déclencher les mines.

La nuit de l’incendie, vers deux heures du matin, mes parents ont été réveillés par un soldat, celui qui gardait le deuxième point miné et qui leur demandait à téléphoner puisque la ligne militaire était coupée !

Je me souviens que les ambulances transportant les brûlés vers Liège ont eu des accidents en tombant dans les trous ouverts dans la route. Quelle catastrophe !

On connaissait beaucoup de ces mobilisés, le baraquement abritait beaucoup d’infirmiers, mais aussi des Chasseurs ardennais.

Je crois bien qu’il y a eu trois morts dans l’incendie et 30 ou 40 blessés, que sont-ils devenus ? J’aimerais le savoir »

Quelqu’un pourra-t-il nous apporter des précisions sur ce drame survenu peu de temps avant le 10 mai 40 ? Tous les renseignements ou souvenirs en votre possession nous intéressent au plus haut point. D’avance, je vous remercie chaleureusement de bien vouloir nous les communiquer.

La Petite Gazette du 28 juin 2000

QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE PENDANT LA MOBILISATION ?

En réponse à la lectrice d’Andenne qui vous questionnait à ce propos il y a trois semaines, Monsieur Henri Jacquemin, de La Gleize, qui possède une documentation manifestement fort bien classée, m’a transmis quelques renseignements intéressants :

« Les Annonces d’Ourthe-Amblève du 9 septembre 1998 ont évoqué ce dramatique événement survenu à Basse-Bodeux, dans la nuit du 15 janvier 1940, et au cours duquel quatre soldats belges périrent carbonisés, dans l’incendie de leurs baraquements militaires, installés, à l’époque, à l’entrée du village, entre les maisons Hourand et Vauchel, brasier provoqué par du charbon incandescent tombé d’un poêle. Une quinzaine d’autres soldats furent gravement brûlés.

Ce douloureux épisode de la phase D de la mobilisation (qui avait débuté le 14 janvier, pour se terminer le 10 mai 1940, par la phase E, c’est-à-dire la mobilisation générale) fut rappelé naguère, poursuit mon correspondant, par « Le Jour/ le Courrier » du 22 mai 1999. Ce quotidien précisait que des braises échappées d’un poêle mirent le feu à de la paille qui servait de matelas à certains soldats et que, en quelques instants, une centaine d’hommes se ruèrent vers l’unique sortie du baraquement, une porte qui ne s’ouvrait que vers l’intérieur ! Encore heureux, ajoute le journal verviétois, que d’autres soldats aient eu la présence d’esprit d’écarter du lieu du sinistre un camion chargé d’explosifs ».

Grâce aux archives de M. Jacquemin, nous avons déjà quelques indications sur la version « officielle » de la tragédie, mais, insistant sur la demande de ma lectrice d’Andenne, mais originaire de La barrière, entre Basse-Bodeux et Neufmoulin, j’aimerais beaucoup, si c’est possible, recueillir le témoignage de ceux qui ont vécu cet événement tragique. Mon vœu sera-t-il exaucé ?

La Petite Gazette du 23 août 2000

QUE S’EST – IL PASSE A LA BARRIERE ?

   De très intéressantes communications me sont parvenues suite à la parution de la version officielle de ce drame de la mobilisation.

Monsieur Roger Hourand, de Basse-Bodeux, fait tout d’abord la précision suivante : « Il ne s’est rien passé à « La Barrière » qui est un lieu-dit à environ 4 km de l’endroit (Basse-Bodeux, grand-route) où se sont déroulés les tristes événements relatés.

Habitant à une quinzaine de mètres des portes d’entrée des baraquements militaires en question, j’ai eu le triste privilège d’assister au déroulement complet de toute cette tragédie. Vers 4H30, ce 15 janvier 1940, nous avons été, mes parents et moi-même, éveillés en sursaut par de nombreux cris. Plusieurs soldats se trouvaient déjà près de la maison, certains en pyjama, d’autres pieds nus ; or, il faisait très froid. Les plus démunis sont entrés dans la maison. Très vite, les flammes ont embrasé toute la toiture, le feu s’étant propagé à une vitesse incroyable, bien alimenté par la paille qui couvrait le sol et attisé par l’ouverture des lucarnes tenant lieu de fenêtres. Comble de paradoxe, les portes du sas de sortie s’ouvraient vers l’intérieur. Venant du brasier, on entendait des cris de terreur, accompagnés par une fusillade ininterrompue ; les cartouches qui éclataient ajoutaient encore au côté sinistre du drame.

Entretemps, les premiers blessés étaient sortis et étendus ; pour les plus graves, dans notre hall d’entrée ; ils ont été transportés ensuite à la clinique de Trois-Ponts et à l’hôpital militaire de Liège. Pendant que se déroulaient ces péripéties dans un affolement indescriptible, un soldat blessé sérieusement a réussi à éloigner un camion d’explosifs stationné près du premier baraquement en feu. Il fut d’ailleurs décoré pour son acte de bravoure. Malheureusement, quatre hommes étaient restés dans les flammes et on eut à déplorer une quinzaine de blessés sérieux. »

Monsieur Valère Pintiaux, d’Esneux, vient compléter ce récit :

« Mon père qui était militaire de carrière au 3e Chasseurs Ardennais était ce jour-là dans le baraquement. Il avait son logement chez M. et Mme Dahmen, près du magasin Vauchel. Il était chauffeur et faisait des missions qui, parfois, l’amenait à rentrer tard et, pour ne pas déranger ses hôtes, il dormait alors dans le baraquement. Le jour du drame, il était rentré vers minuit et tout était calme. Je sais qu’il disait qu’il était sorti dans les premiers, parce que tout habillé, pas bien endormi et près de la porte. Le camion, un G.M.C., bâché et chargé de munitions, était le sien, il l’a aussitôt éloigné sachant le danger qu’il représentait. »

Lors d’une prochaine édition, nous suivrons ces correspondants et Monsieur Gaston Lafalize, de Dochamps, dans l’analyse des causes de ce drame qui, selon eux, n’a absolument rien à voir avec la version officielle. A suivre donc…

La Petite Gazette du 30 août 2000

QUE S’EST-IL PASSE A LA BARRIERE PENDANT LA MOBILISATION ?

   Après avoir suivi mes correspondants dans la relation des faits survenus ce 15 janvier 1940, nous parcourons, aujourd’hui, leur analyse des causes qui, vous allez vous en rendre compte est bien différente de l’analyse officielle des autorités.

Monsieur Roger Hourand, de Basse-Bodeux, voisin des baraquements abritant les soldats en 1940, nous dit que : « selon la version officielle, le feu a été provoqué par un charbon ardent tombé d’un poêle ; à partir de maintenant, j’emploierai le conditionnel, car il m’est impossible d’apporter la moindre preuve à ce qui va suivre. Les faits que je citerai nous ont été rapportés par des soldats que nous avons hébergés pendant les mois qui ont suivi. Il s’agirait d’un incendie criminel ; le feu aurait été mis par un soldat originaire des cantons de l’Est, qui occupait un nid de mitrailleuse se trouvant sur la butte de la route du moulin. A l’inventaire du stock de matériel de ce poste, on aurait découvert qu’il manquait cinq mètres de « mèche lente ». Ce soldat aurait été arrêté au mois de mars, incarcéré à Anvers, probablement à Breendonk, et traduit en Conseil de Guerre. Les versions sur la suite divergent, car n’oublions pas que nous vivions à ce moment une « drôle de guerre ». Nous étions neutres et on évitait de heurter l’ennemi qui était à nos portes. »

Monsieur Valère Pintiaux, d’Esneux, fils d’un des soldats présents dans le baraquement, nous rapporte ce qu’en disait son papa :

« Pour mon père, l’incendie était d’origine criminelle. Ce point reste cependant très vague dans ma mémoire, mais je me souviens des grandes lignes. Il y aurait déjà eu un incident quelques jours avant ; déjà une histoire de feu… Il y avait des coïncidences, des comportements étranges où il était question d’un ou deux soldats de Saint-Vith ou des environs. »

Monsieur Gaston Lafalize, de Dochamps, est , lui aussi, le fils d’un soldat qui fut hébergé dans la maison juste en face du baraquement (non loin donc de chez M. Hourand). Il se souvient que, bien après le retour de captivité de son papa, peut-être en 1955 ou 1956, il l’accompagna en visite chez ses hôtes.

« J’ai souvenance qu’à l’époque, le propriétaire nous parla de cette tragédie. Il nous confia que des enquêteurs vinrent chez lui pour obtenir certains renseignements car l’incendie paraissait suspect. Il les informa qu’il avait remarqué des allées et venues d’un autre régiment, le jour avant l’incendie et que cette attitude lui avait paru bizarre. Selon ce témoin, le soldat fut identifié et était déjà connu pour ses prises de position anti-belges. Il nia tout en bloc, mais les autorités militaires, soupçonneuses, le changèrent d’unité, mirent à ses côtés ce qu’il est convenu d’appeler un « mouton » qui se vanta lui aussi d’avoir fait des actions en faveur des autorités allemandes de l’époque. C’est ainsi qu’il se confia à celui qu’il croyait être son nouvel ami. Pendant que les soldats dormaient dans le baraquement, sur de la paille, il aurait jeté du pétrole ou de l’essence sur le poêle et aux alentours. Il fut condamné à mort et exécuté. Ceci est la version qui me fut donnée par le voisin le plus proche, qui nous assura avoir été marqué pour toujours par cette nuit d’épouvante. Ce brave témoin est, malheureusement, décédé. »

Encore une fois, grâce aux lecteurs de La Petite Gazette, la question posée par Madame Lydie Mathieu, d’Andenne, aura permis de rassembler bien des renseignements qui, s’ils n’apportent pas une réponse définitive sur cette tragédie, permettent néanmoins de l’appréhender sous un jour bien éloigné de ce qu’il convient d’appeler la version officielle, peut-être rendue nécessaire par les circonstances du moment.

La Petite Gazette du 25 octobre 2000

D’AUTRES PERIODIQUES VANTENT LES MERITES DE LA PETITE GAZETTE !

Les recherches que vous avez la gentillesse de mener à la demande des lectrices et des lecteurs de La Petite Gazette permettent de sauvegarder de nombreux témoignages qui, sans vous, auraient été irrémédiablement perdus. Cette démarche, mise en place par feu René Mladina, est également profitable à diverses associations ; elles le signalent et remercient…

C’est le cas de la Fraternelle Royale des Chasseurs Ardennais qui, dans les pages de sa revue trimestrielle « Le chasseur ardennais » (N° 202, 3ème trimestre 2000), fait largement l’écho des témoignages réunis dans La Petite Gazette au sujet de l’incendie du baraquement qui abritait de nombreux soldats, à Basse-Bodeux, en janvier 1940. « Nous avons reçu plusieurs réponses ainsi que l’aide inattendue de l’intéressante rubrique de l’historien René Henry dans trois éditions successives de l’hebdomadaire « Ourthe-Amblève ».

C’est bien sûr à vous toutes et à vous tous que s’adressent les remerciements de ces deux respectables associations.

LEON PIRLOT, de HOTTON, CHASSEUR ARDENNAIS 1940-1945

La Petite Gazette du 9 juin 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Les années passent et ils sont toujours moins nombreux à pouvoir évoquer les grands bouleversements, que le monde a connus au vingtième siècle et dont ils ont été les acteurs ou les témoins directs.

Monsieur Léon Pirlot, de Hotton, a pris soin de consigner ses souvenirs et de rassembler des documents pour les illustrer. Ensemble, durant tout cet été, nous feuilletterons son album…

« Je suis entré à l’armée le 16 octobre 1939. J’ai fait mon instruction à la caserne Prince Baudouin, à Bruxelles, place Dailly, au 2e Chasseurs Ardennais.

Lors de la création du bataillon moto des Chasseurs Ardennais, on a demandé des volontaires. Personne ne s’étant présenté, on a pris d’office ceux qui avaient déjà été punis… j’étais du nombre.

Nous avons quitté Bruxelles vers la mi-janvier pour Ernage – un dépôt de l’armée – où nous sommes arrivés le 23 février 1940. Chaque jour, nous allions à la sucrerie de Gembloux, où le lieutenant Leblanc nous initiait à la conduite des engins. Nous y sommes restés un mois et demi.

L’instruction terminée, nous sommes venus en cantonnement à Fisenne. Je faisais partie de la 3e Compagnie Engins, tandis que Louis Bresmal appartenait à la 1ère Compagnie. Ma sœur et une tante de Louis sont venues nous rendre visite un dimanche. Un jour, nous avons également eu la visite de deux braves sœurs. Je les ai vues, mais je n’ai pas parlé avec elles. Elles auraient fait partie de la 5e Colonne  – on me l’a appris par après –  mais trop tard, hélas.

Pirlot 1  Je montais de garde, suivant mon tour, sur le versant où l’on découvrait le village d’Erezée et son pont au pied de la colline. Ayant bénéficié d’un congé de 10 jours en qualité de fermier, j’étais chez moi le 10 mai. »

 

 

 

 

 

Nous retrouverons notre soldat, au matin du déclenchement du conflit, dès la prochaine édition.

 

La Petite Gazette du 16 juin 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Nous sommes le 10 mai 1940 et le soldat Pirlot, Léon, Bon.Moto Chasseurs Ardennais 3e Cie Engins N° matricule : 296 1401 est chez lui, bénéficiant d’une permission de 10 jours.

« Ce jour-là, j’ai été réveillé vers 4 heures par des bruits anormaux d’avions. M’étant levé un peu plus tard, je suis allé voir : de nombreux avions sillonnaient le ciel à très haute altitude, laissant derrière eux des traînées de condensation, ce qui ne se voyait jamais à l’époque. Avant mon lever, j’ai aussi entendu des déflagrations. C’était la gare de Jemelle qui était bombardée. Germaine Dehez qui m’aperçoit dans la cour me crie : « C’est la guerre ! Les soldats doivent rentrer, on l’annonce à la radio. » J’allume mon poste et, en effet, le journaliste de service répète ce que la voisine vient de me dire, annonçant l’envahissement de la Belgique par les Allemands et le bombardement de Jemelle et d’Evere.

C’est ainsi que, vers 7h30, je pars à vélo pour Fisenne, pour la captivité… pour 5 ans… Je rejoins mes camarades qui occupaient les positions dans les bois. Certains tiraient inutilement sur les avions qui continuaient toujours à passer haut dans le ciel. »

Dès la semaine prochaine, nous retrouverons notre soldat au début de sa campagne des Dix-huit jours.

La Petite Gazette du 23 juin 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

La guerre vient d’être déclarée par l’envahissement de la Belgique par les troupes allemandes et le soldat Léon Pirlot vient de rejoindre ses camarades dans les bois de Fisenne.

« A minuit, nous nous replions vers Fraiture, on incendie les bâtiments au préalable. Le soldat André Albert se serait tué en dévalant la pente boisée, après le pont d’Erezée, direction Fisenne, en ayant raté un virage dans l’obscurité ? Des camarades m’ont raconté qu’au pont d’Erezée, ils avaient vu des Allemands transporter des madriers pour réparer le pont sauté et que, quelques semaines auparavant, un civil les avait commandés à la scierie Dory, qui se trouve à peu de distance de là.

A 5h., nouveau repli vers Temploux. J’omets cependant de dire qu’au cours de la retraite vers Oppagne, au cours d’une halte, j’ai revu Robert Delacolette, lieutenant, et mon voisin Alexandre Guissart, du 3e Chasseurs Ardennais. Il m’a raconté avoir déjà combattu à Chabrehez, où l’ennemi a été arrêté pendant plusieurs heures, et que les Allemands avaient tué des civils. Il avait l’air assez excité. Nous étions déjà mêlés aux évacués, qui encombraient les routes. Ils m’ont dire venir de Vielsalm.

A Temploux donc, le dimanche 12 vers 15h., une vague de bombardiers arrive, lançant des chapelets de bombes. J’en vois tomber sur les maisons, partout. Cela dura jusque vers 20h. Heureusement, nous étions bien camouflés dans un bois et ils ne nous on pas aperçus. Sur les hauteurs, des baraquements militaires étaient en feu et Temploux détruit.

Pour atteindre cette localité, nous sommes passés par Huy où le pont miné allait sauter aussitôt notre passage effectué. Les artificiers se démenaient, criant : « Passez vite, vite, le pont va sauter ! » En effet, à peine suis-je passé que j’entends la déflagration. Des soldats isolés d’autres unités n’ont pu passer !

A 9h., le bataillon reçoit l’ordre de se rendre à Perwez pour y défendre l’obstacle antichar Cointet (appelé du nom de son inventeur cet obstacle était constitué de grilles d’acier montées sur rouleau, hautes de 3 m et larges de 5, pesant 1300 kg, uniquement sur route. Les rouleaux servaient à les déplacer pour le passage éventuel de véhicules. Les autres grilles étaient fixes.) Pour nous y rendre, nous roulons dans un chemin agricole encaissé et étroit. »

La semaine prochaine, nous retrouverons notre soldat à la défense de cet ouvrage.

 La Petite Gazette du 30 juin 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Le soldat Léon Pirlot est, avec ses camarades, chargé de défendre un obstacle antichar Cointet à Perwez. « Arrivés sur les lieux de défense, nous prenons position dans un chemin creux à une certaine distance de la barrière antichar s’étendant sur des kilomètres, des kilomètres…

Un officier du bataillon nous renseigne sur notre mission : « il va y avoir une bataille, des chars allemands vont vous attaquer. Votre mission est de défendre l’obstacle Cointet . » Fusils contre tanks ! Heureusement, les Chleuhs ont accompli leurs exploits dans une autre zone de combat. A 11h., bombardement de la ville.

Le 13 (mai) à Perwez, je me souviens, nous étions sur la place du village. Les balles nous sifflaient aux oreilles ; les Marocains, impassibles, avaient posé des mines sans nous avertir, ce qui rendait tout déplacement dangereux.

A un Marocain qui fumait tout près d’une mine : « Que ferais-tu si les Allemands arrivaient ? » « Je déposerais ma cigarette sur la mine » répondit-il, stoïque. Par après arriva près de moi une ambulance dont l’arrière avait reçu une rafale de mitrailleuse. Je reconnais le chauffeur, Gaston Hébrant, de Verdenne, que je n’avais plus vu depuis plusieurs années. Des bombes tombaient à 20 m. et me glaçaient le sang. Puis vint la nuit, une nuit noire : on n’y voyait pas.

Dans cette nuit terrible, le sergent m’avait ordonné de porter l’ordre de repli à quelques camarades qui auraient dû se trouver dans les parages. Je n’ai pu les avertir : je ne les ai pas trouvés. Pendant le jour, certains ont commencé à piller les magasins. Nous ne recevions rien à manger : on tirait son plan comme on le pouvait. Je n’ai reçu qu’une fois à manger durant les quinze jours de guerre et je n’ai vu la roulante qu’une fois.

En conséquence on ne mangeait que ce que les civils voulaient bien nous offrir, quand civils il y avait sur les lieux. Sinon, il fallait voler dans les magasins pour survivre !

J’étais sorti d’une épicerie avec un camarade ou deux. J’avais en main un paquet de biscuits genre ‘Petit-Beurre’, quand une voisine nous prend à partie et nous crie : « Vous êtes encore pires que les Allemands ! » Sans doute ignorait-elle notre détresse, je lui répondis : « Les Boches vous mangeront Madame ! » Puis, nous sommes partis vers notre triste destinée, rejoindre nos side-cars.

Nous avons reçu chacun, comme vivres de guerre, des biscuits très durs qui, trempés dans l’eau, augmentaient de volume et étaient excellents, surtout la faim aidant. Ils étaient contenus dans une boîte d’aluminium, d’environ 15 cm X 10cm X 10 cm, avec défense formelle de les manger sans en avoir reçu l’ordre. Je suis toujours en possession de la boîte, mais pas des biscuits… »

La Petite Gazette du 7 juillet 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Le soldat Léon Pirlot est, avec ses camarades, dans la région de Perwez, le 14 mai 1940 :  « Le 14, repos après avoir effectué un repli jusque la Hutte, près de Genappe, pendant le nuit. Journée du 15, nouveau repli à 0h15 pour Huysingen. Repli, repli… toujours repli. Nous y rencontrons les premiers Anglais. Nous les avons salués et applaudis. Ils avaient placé un canon D.C.A. sur une butte . Quand, vers 9h arrivèrent plusieurs avions, nous nous sommes cachés, mais les Anglais, assis sur l’affût, ont commencé à tirer sur les avions malgré la mitraille. Un Heinkel prit feu et tomba dans les parages du bataillon. Les cinq hommes de l’équipage furent conduits auprès du commandant Krémer, qui les remit aux Anglais après interrogatoire, ils étaient tous très jeunes.

Au cours de ces différents replis, il fallait rouler parmi les réfugiés qui encombraient les routes de façon indescriptible : de pauvres gens se déplaçant à vélo, en charrette, en voiture, à pied… On était tellement fatigué que je m’endormis quelques secondes sur la machine. En plus, on avait faim. Je me rappelle aussi les fils téléphoniques cassés ou tendus qui étaient de véritables pièges, blessant et tuant.

Vers 17h30, départ pour Iderghem, puis pour Hofstade. Félicitations par le Roi au bataillon Moto pour ses missions périlleuses accomplies.

Le vendredi 17 mai, nouveau repli à 8h30 pour Slotendries, au nord de Gand. Nous sommes arrivés à minuit et, là, nous recevons des side-cars, des motos et des tricars neufs. Samedi 18, départ à 10h. vers St-Gilles-Waas.

Le 19 mai, nous occupons un bras de l’Escaut entre Doel et Anvers. Repli vers 10h. du soir pour nous rendre en Hollande. On voit de la fumée qui s’élève au loin, à l’horizon, le drapeau rouge à croix gammée flotte sur la tour de la cathédrale d’Anvers. Des camarades ont capturé un side-car ennemi.

Le lundi 20, nous effectuons des travaux de campagne. Le jour, nous creusons des trous pour nous cacher de la vue des avions et, la nuit, nous nous replions conformément aux ordres donnés. Les Allemands avaient malheureusement la maîtrise du ciel, pas un seul avion ami n’a été aperçu jusqu’à présent. Où sont-ils ? Que font-ils ?

Je me souviens d’un acte héroïque, mais je ne sais plus ni la date ni le lieu exacts, la scène se passait dans la courbe d’un village. Des servants d’un 4,7 Chasseurs Ardennais (petit canon antichar très efficace) stoppaient l’avance des soldats ennemis. Pour ce faire, ils tiraient au moyen d’obus fusants (je crois que le terme est exact) qui sont des obus qui éclatent presque à la sortie du tube aussitôt tirés. Ils tiraient à bout portant. Imaginez le carnage ! Mais il n’a pas duré longtemps : des stukas sont arrivés et, après un ou deux passages, il ne restait plus rien que des débris… Nous sommes passés à cet endroit un quart d’heure après… »

La Petite Gazette du 20 juillet 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Nous retrouvons le soldat Léon Pirlot, avec quelques camarades, ayant perdu sa colonne et ne sachant pas où se trouvent les ennemis… : « Après avoir roulé quelque temps en pleine campagne, nous voyons une maison dont une fenêtre est éclairée. Nous nous y rendons, c’est une fermette typiquement flamande, sans étage, très basse. Nous frappâmes à la porte et un vieux couple vint nous ouvrir. Ces deux vieilles personnes avaient l’air apeuré, sans doute à la vue de nos grands casques motocyclistes en liège (à ce propos, il nous avait été conseillé de ne plus nous en coiffer car, les Anglais, la nuit, nous confondaient avec les Allemands). Il ne fut pas possible d’obtenir de ces gens le moindre renseignement, nous ne comprenions pas. Que faire ? Dans quelle direction se rendre ?

Nous avons roulé une partie de la nuit sans savoir où nous étions ni où nous allions. Nous craignions de nous jeter dans les lignes ennemies. Nous avons continué de rouler une partie de la matinée du samedi 25, à la recherche de notre bataillon.

J’oublie de dire qu’avant ces incidents nous étions passés par Ypres avec arrêt près du monument 14 – 18. Là, j’ai revu Joseph Henrotin, de Marenne. Le 10 mai, les travailleurs du rail avaient été mobilisés comme nous, les militaires. Ils se repliaient aussi devant l’armée allemande. Après la capitulation, Joseph était rentré à Marenne et avait rendu compte de notre rencontre à mes parents. Il paraît que j’étais méconnaissable !

Vers 2h., par hasard, nous retrouvons la deuxième compagnie à un carrefour. Le lieutenant Renard, qui remplaçait le lieutenant Gérard tué avec trois soldats lors d’une patrouille le 23 à Oycke, nous lance « Tirez-vous de mon chemin, tirez-vous de mon chemin ! ». Bon, il faut bien continuer et, finalement, nous retrouvons nos camarades. Je comprends que, dans certaines circonstances,  on peut être énervé, mais quand même ! Nous tombons sur le commandant Reyntens de la 1ère compagnie, père jésuite et homme de grand cœur. Il nous apprend le maniement d’une grenade car, jamais, on ne nous en avait montré une ! Pour une troupe d’élite, ce n’est pas croyable ! La MI10 (mitrailleuse Maxim) que nous avions datait de 1916 ; on nous fait prendre position le long du chemin de fer qui se trouvait à proximité.

Tout est calme. Soudain, un civil pressé traverse les voies. Je lui demande s’il n’a pas vu les Allemands, il me répond que non et continue son chemin à travers tout. A l’heure actuelle, je me demande toujours si ce n’était pas un espion et me repens de ne pas l’avoir arrêté pour vérification d’identité.

Quelques minutes après, nous entendons des cris au-delà du chemin de fer. Le talus nous empêche de voir ce qui se passe. Les cris se rapprochent. A l’endroit où nous étions,  un chemin empierré avec un passage à niveau non gardé traversait la ligne. Un petit aqueduc la traversait également et je me rappelle avoir entendu les Boches patauger dans l’eau, sans les voir. »

La Petite Gazette du 11 août 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

    Nous retrouvons le soldat Léon Pirlot, avec quelques camarades, loin dans le nord de la Belgique, à quelques mètres ce l’ennemi… : « Nous avions abandonné les engins à une centaine de mètres, dans une prairie. Tout à coup, j’aperçois Narcisse Lemauvais, de Fronville, qui marchait dans la direction des motos, tout en tirant. Il me demande si je n’avais pas vu Louis Bresmal (ces deux camarades appartiennent à la 1ère Cie) . Je lui réponds que non et lui crie : « Mais ne tire pas comme ça, cache-toi ! » Mais, pour cela, il aurait dû venir près de nous… Tels furent nos derniers mots… le malheureux tomba raide mort. Honneur à ce brave ! Je pardonne, mais n’oublierai jamais. Mon père était aussi un ancien combattant…

Les Allemands franchissent la ligne de chemin de fer et, debout, tout en tirant, hurlaient comme des lions. On nous a appris après qu’ils nous demandaient de nous rendre. A chaque coup de fusil que je tire, ils répondent par une rafale de mitraillette. Nous sommes obligés de sauter dans le fossé longeant le chemin, parce qu’ils nous prennent en enfilade. J’ai de l’eau boueuse presque jusqu’aux genoux ; je vois les balles, c’est-à-dire leurs impacts qui font jaillir la terre à un mètre de moi. Ensuite, ils sautent dans la prairie.

La mitrailleuse, qui n’a plus que trois pieds, j’ignore dans quelles circonstances elle avait perdu le dernier, n’a pas tiré. Les servants ont été blessés de même que le sergent qui la commandait. Je n’ai rien vu de la scène avant que celui-ci ne soit étendu dans le fossé. Grâce à Dieu, il a dû se rétablir étant donné que son nom n’a pas été repris dans la liste des tués du Bn.Moto. J’ai remarqué que le caporal avait pris sa place.

Sous le nombre, nous avons dû nous rendre. Ils nous ont fait sortir du fossé puis nous ont alignés, j’ai cru qu’ils allaient nous fusiller. Ils ont brisé nos fusils puis, à coups de pied, nous ont font avancer.    Déjà, les sanitaires pansaient les blessés allemands.

Lorsque nous passions près d’un cadavre, ils nous injuriaient et nous menaçaient. Un gradé nous a demandé pourquoi nous nous battions : « Vous êtes wallons ? Nous savions où le front n’était pas fort défendu ! »    Ils nous ont rassemblés dans la cour d’une ferme. Nous ne pouvions communiquer entre nous. J’y ai revu Louis Bresmal auquel j’ai dit : « Tu es déjà là ! »

La Petite Gazette du 25 août 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

    Nous retrouvons le soldat Léon Pirlot, avec quelques camarades, loin dans le nord du pays, prisonnier des Allemands : « Ils nous ont rassemblés dans une cour de ferme, entourée de barbelés. Je vois, à quelque distance, des soldats allemands qui déchargent du pain d’un camion. A tout hasard, je m’avance jusqu’aux barbelés et dis au soldat le plus proche : « Geben brot, brot ! ». Il est allé me chercher un pain de l’armée. Il était dur mais, malgré tout, il a été vite mangé. Je me suis dit qu’il y avait quand même de bons soldats chez eux…

Pour la nuit, ils nous ont fait monter au fenil. Là, j’ai revu beaucoup de mes camarades. Des blessés aussi , parmi eux, le petit Volvert, mais la plupart étaient restés dans la grange. Pendant la nuit, j’ai entendu Volvert gémir et crier « water, wasser », il provenait de la frontière allemande et était engagé volontaire. Il n’avait que 18 ans : c’est un des plus jeunes Chasseurs Ardennais morts pour la patrie. Il n’était pas possible de lui porter secours, nous ne pouvions même pas nous parler… Le matin, lorsque nous sommes partis, je l’ai vu… mort !

J’ai noté dans mon petit agenda, à la date du 2 juin : « Départ de Hasselt, vers 14h., pour Maastricht, nuit passée sur les bords du canal Albert – Attaque de l’aviation alliée. »

   J’ignore l’heure et le nombre d’avions canadiens – on distinguait très bien la feuille d’érable dessinée sur la carlingue et les ailes. Après différentes étapes pédestres, la colonne de prisonniers était arrivée à Vroenoven, où le fameux pont sur le canal Albert était tombé intact entre les mains allemandes, par surprise et trahison.

Les sentinelles nous avaient ordonné de nous coucher sur le pont pour y passer la nuit, quand, tout à coup, des avions canadiens nous ont mitraillés. Ça a été le sauve-qui-peut général, surtout chez les Allemands. J’en ris encore ! Je n’ai pas eu connaissance de mort ou de blessé parmi nous. Sans doute tiraient-ils mal ! »

La Petite Gazette du 1er septembre 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Nous retrouvons le soldat Léon Pirlot, prisonnier du Stalag Iva, Hoyerswerda (Saxe). : à l’aide de quelques photos, faisons connaissance avec l’environnement du prisonnier Pirlot

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« Aucun prisonnier n’a reçu pareille demande… L’action se passe en février 1945, ce jour-là, j’étais seul avec une petite servante de 17 ans qui avait l’air bien malheureuse le fermier, sa femme, le fils et la fiancée d’un autre fils tombé à Stalingrad (le 11.11.1942) étaient invités à une cérémonie d’hommage organisée par les nazis. J’ignore dans quelle localité. Deux autres fils de la ferme ont été tués en Russie et un quatrième était à l’armée.

Je suppose que l’autre servante et le Russe avaient bénéficié d’un jour de congé. Le travail de Frieda consistait à confectionner de petits fagots avec les branchettes des arbres que l’on avait ramenés entiers dans la cour, par temps de neige. Moi, je fendais des bûches.

A 10h., comme d’habitude, je vais manger un bout, c’était un quart d’heure de perdu. Je demande si elle ne vient pas, elle me répond par la négative, mais quitte son travail et va dans sa chambre. Après avoir pris mon temps et bien mastiqué ma tartine, je retourne à mon travail. Frieda fait de même, mais vient me trouver et, me tendant sa petite hachette, me demande de lui couper le doigt… parce qu’elle ne voulait plus travailler à la ferme. Sous le régime nazi, on ne quitte pas son emploi sans motif sérieux, que cela vous plaise ou pas.

Cet incident me tracassait, j’avais peur qu’elle ne dise : « C’est le Belge qui l’a sectionné » Qui aurait-on cru ? Toucher à l’intégrité physique d’une jeune Allemande était punissable soit de la peine de mort soit d’un long séjour à Rawa-Ruschka. Il était strictement défendu d’adresser la parole à une femme allemande.

Dès que j’ai entendu le pas des chevaux, j’ai couru vers le landau et le fermier m’a demandé « Où est Frieda ? » Je ne l’ai plus revue… »

La Petite Gazette du 8 septembre 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Nous retrouvons le soldat Léon Pirlot, prisonnier du Stalag Iva, Hoyerswerda (Saxe). : à l’aide de quelques photos, faisons connaissance avec l’environnement du prisonnier Pirlot et partageons avec lui quelques frayeurs :

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Nous étions au début de mars 1945, il faisait encore bien froid. Après avoir dîné, je vois dans la cour (c’était une ferme bâtie en carré, avec une grande cour au centre) trois ou quatre Russes, prisonniers de guerre, sur le fumier situé face à la porte de l’étable. Ils ramassaient des épluchures de pommes de terre jetées par l’une des servantes.

Je regarde vers la grande grange et vois d’autres Russes, ainsi qu’à l’intérieur… Quand étaient-ils arrivés ? Ils étaient plus d’une centaine. Pauvres malheureux ! J’aurais pu prendre un pain ou tout au moins trois ou quatre tranches pour leur donner, c’était beaucoup trop peu pour les rassasier. Je pense aux choux raves dans la cave… En les coupant pour les vaches, j’en mangeais quelques tranches, à vrai dire ce n’était pas mauvais ; en plus, je me disais que crus ils contenaient des vitamines.

Pirlot 6    Je décide que, le lendemain, j’avalerai vite mon dîner, m’emparerai d’une manne et irai dans la cave dont l’entrée est située sur le côté de la cour-cave creusée dans les roches de sable. Après avoir rempli la manne le plus possible et parce que je ne connais pas le russe, je fais signe avec les mains à quelques prisonniers près de la grange. Mais c’est au moins une vingtaine de Russes qui accourent, me bousculant, criant et me faisant tomber. Voilà les choux qui roulent partout, puis, subitement, les Russes lâchent prise, je parviens à me relever et que vois-je ? Un soldat allemand, un fefdwébel, pistolet au poing qui se lance sur moi en criant : « Sie wissen was das Wort, Russe bedeubet ! » D’où sortait-il cet animal ? J’avais eu chaud, bien qu’il fasse froid, et très peur.

Le lendemain, à midi, les malheureux étaient partis, où ? Quand j’ai eu dîné, je vais, comme d’habitude, dans la grange chercher de la paille hachée. Je pose la manne par terre et veux la remplir en poussant la paille avec les mains. Tout d’un coup, je saisis, avec les mains, un soulier avec un pied, puis une jambe, alors là, quelle frayeur à nouveau ! Je ne m’attendais pas à une pareille découverte. J’ai averti le fermier, on a retrouvé cinq ou six morts, on les a enterrés derrière la ferme. »

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La Petite Gazette du 15 septembre 2004

CINQ ANNÉES DE LA VIE DE LÉON PIRLOT, DE HOTTON

Nous retrouvons le soldat Léon Pirlot, prisonnier du Stalag Iva, Hoyerswerda (Saxe). : à l’aide de quelques photos, poursuivons la découverte de l’environnement  que le prisonnier Pirlot connut jusqu’à sa libération.

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« Le 8 mai 1945, la sentinelle, très tôt le matin, nous avertit que nous sommes libres et que nous pourrons partir après avoir dîné. Quelle joie ! Quelle joie ! J’en fais part en rentrant.

La fermière et une servante préparaient la pâte pour le pain. A la ferme se trouvait une femme, évacuée avec deux jeunes filles. Je ne sais d’où elles venaient, mais elles ne m’adressaient jamais la parole. C’étaient de pures nazies, sales bêtes !    Voilà que la mère dit : « Ce n’est pas parce que Hitler a perdu la guerre que je ne serai plus nazie ! » Crève avec ton Hitler, ai-je pensé, mais personne n’a répondu.

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Dans un village où à chaque maison pendait un morceau d’étoffe blanche en signe de reddition, un gros monsieur nous déclare pouvoir nous reconduire en Belgique avec son camion, des vivres et du carburant (gazogène). Dans la benne se trouve des caisses, on nous défendit de les ouvrir, tant pis. Ce qui comptait pour nous, c’était le retour. Nous nous installons sur le camion avec les pieds pendant au dehors de la benne. Le gros Allemand avait un chauffeur, il faisait bon, celui-ci conduisait torse nu. Nous arrivons à Karlsbad, nous y rencontrons les premiers Américains. Ils voient un civil avec nous, font arrêter le camion, s’emparent du gros malgré ses protestations puis nous laissent passer ; sans doute prenaient-ils le chauffeur pour un prisonnier. »

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Après d’étonnantes aventures qui émaillèrent ce voyage de retour, après avoir été menacé un Russe tout à fait saoul grâce à une bouteille de whisky américain d’une contenance de 3 litres, après avoir vu apparaître une étonnante blonde engagée de force dans la Wehrmacht, le groupe de prisonniers belges dont faisait partie Léon Pirlot fut pris en charge par les Américains qui les ramenèrent. Quelle épopée, malheureusement vécue par tant d’autres jeunes gens qui avaient la malchance d’avoir 20 ans en 1940.

Merci à Monsieur Léon Pirlot d’avoir pu vous la faire revivre, afin que cette époque ne sombre pas dans l’oubli faute de témoins…

 

LES CHASSEURS ARDENNAIS ET LEURS ENGINS

La Petite Gazette du 28 avril 2010

LES CHASSEURS ARDENNAIS ET LEURS ENGINS

Monsieur Laurent Halleux, d’Erezée, poursuit une enquête qu’il a entamée, il y a quelque temps dans la revue trimestrielle de la Fraternelle des Chasseurs ardennais. En s’adressant à la Petite Gazette, il augmente considérablement le nombre de personnes qu’il sensibilise à sa recherche et, ainsi, espère faire une bonne moisson de témoignages. A vous de jouer.

« Le 10 mai 1940, le 3e Régiment de Chasseurs ardennais était déployé le long de la frontière Est de notre pays entre Manderfeld (au NORD) et Houffalize (au Sud). Ce régiment avait pour mission de mettre à feu les destructions et obstructions destinées à ralentir l’avance allemande, puis à protéger le repli des unités disposées dans le sud de la province du Luxembourg lesquelles devaient se regrouper dans la position dite d’arrière-garde que délimitait le cours de l’Ourthe de Comblain-au-Pont à Durbuy. Contraintes au repli, ces unités devaient ultérieurement défendre la Meuse d’Engis à Huy.

Le 3e Régiment de Chasseurs ardennais était composé de neuf compagnies cyclistes, d’une compagnie motocycliste et d’une compagnie dite d’engins. Les compagnies cyclistes et la compagnie motocycliste étaient déployées en tant qu’unités constituées, essentiellement le long de la vallée de la Salm. En raison de la longueur du front (environ 35 kilomètres de Trois-Ponts à Houffalize), elles occupaient la plupart du temps des points d’appui. La compagnie d’engins, compagnie composée de 8 pièces antichars, était quant à elle scindée et ses différentes pièces étaient mises à disposition des différentes compagnies disposées sur la première ligne de défense.

La répartition des pièces était la suivante :

– Compagnie de Trois-Ponts : DEUX pièces ;

– Compagnie de Grand-Halleux : UNE pièce (qui sera renforcée à partir du 08 mai par DEUX pièces du 1er Régiment de Guides) ;

– Compagnie de Rencheux (Vielsalm) : UNE pièce ;

– Compagnie de Salmchâteau : UNE pièce ;

– Compagnie de Ottré : UNE pièce ;

– Compagnie de la Baraque de Fraiture : DEUX pièces,

soit HUIT pièces au total.

Ces pièces étaient des chenillettes V.C.L. T-13, de type I et II. Il s’agissait d’un canon (antichar) automoteur (le fameux canon belge de 47 mm – bien connu sous la dénomination « 4,7 ») sur châssis Carden-Lloyd. Ces petits engins, d’excellente facture, étaient malheureusement présents en trop petit nombre, le 3e Régiment de Chasseurs ardennais ayant dû disposer de SEIZE pièces et non de HUIT à cette date. Seule la mécanique des types I et II (un type III verra également le jour), un peu vieillotte, laissait à désirer. C’est précisément la raison pour laquelle ce régiment dut abandonner dès le 10 mai en soirée, dans son repli, la pièce de numéro de plaque 0527 dont la photo est présentée ci-dessous.

T-13_B1_N..

Selon mes informations, elle dut être abandonnée par son équipage sur les hauteurs de Trois-Ponts en raison d’un embrayage défectueux. Les Allemands semblent la contempler avec émerveillement …

Certaines personnes se souviennent-elles de ces canons automoteurs ? Disposent-elles de renseignements quant à leur emplacement exact, quant à leurs membres d’équipage ? Ont-elles des anecdotes à leur sujet ? Disposent-elles de photographies laissant apercevoir leurs numéros de plaque d’immatriculation ? Peut-on me confirmer la présence de tels engins à La Gleize ou dans les environs immédiats (en 1940) et, dans l’affirmative, à quel endroit et à quel moment car une pièce de ce type y aurait été installée puis retirée ? Quelqu’un aurait-il également plus de précisions concernant les pièces en place au carrefour de la Baraque de Fraiture ? Tout renseignement permettant de parfaire ma connaissance de ces engins bien trop méconnus serait le bienvenu. D’avance, un grand merci. »

La Petite Gazette du 12 mai 2010

LES CHASSEURS ARDENNAIS ET LEURS ENGINS

Répondant à l’appel lancé il y a deux semaines, des lecteurs se sont déjà manifestés de façon très intéressante :

Monsieur Jean-Louis Schmitz, de Marche-en-Famenne, situe d’emblée l’origine de son intérêt pour le sujet :

« Mon père, Franz Schmitz, de Marche en Famenne, a été conducteur de T13 ; mobilisé en septembre 1939, il a rejoint son unité, le 1er (régiment) Chasseur Ardennais, compagnie de tanks légers T.33.

Il a fait la campagne des 18 jours avec pour affectation la PFN (Position Fortifiée de Namur) ; la compagnie T13 de la PFN a été notamment affectée à la protection du champ d’aviation d’Evere et se rendit à Woluwé St-Etienne. Ensuite, elle eut comme mission de protéger la retraite de l’armée belge.

Elle fut citée trois fois à l’ordre du jour. Puis ce fut le repli dans les Flandres, derrière l’Escaut où ils se postèrent. Plusieurs fois en contact avec l’ennemi, son groupe de T13 détruisit cinq chars et des nids de mitrailleuse.

Enfin, dans les environs de Roulers (Roeselare), ils se retrouvèrent encerclés par les Allemands. C’est alors qu’ils apprirent, le 28 mai vers 6 heures du matin, la
capitulation de l’armée belge. Le premier souci de Franz Schmitz fut de saboter son char en faisant « sauter les fourchettes des deux manches à balles ». Ceci lui valut les remontrances de son sergent verviétois : « N’est-ce pas malheureux de saboter un si beau matériel ; les autorités belges nous ont donné l’ordre de le remettre tel qu’on nous l’avait donné »

Mon correspondant ajoute les anecdotes suivantes à ses propos:

« Joseph Schmitz, originaire de Marche, se souvient avoir vu avec fierté un groupe de T13 traverser la ville de Marche, lors d’exercices durant l’année 1939 ; son frère aîné, Franz Schmitz (du I Chasseur Ardennais), était chauffeur d’un de ces engins.

Marcel Collard, beau-frère de Madame Collard-Masson (Bastognarde originaire de Marche), membre d’un équipage de T13 (appelé aussi « 4.7 » pour son canon) a été tué dans un accident le 18 juin 1936. Le chauffeur était ivre ; la chenillette s’est retournée sur un terrain en pente ;  le Cdt du char, le Lt Dasse (originaire d’Ans) a été tué aussi. »

Pour les lecteurs intéressés par le sujet, Monsieur Schmitz a réuni quelques références d’ouvrages et de sites internet permettant de compléter les connaissances de chacun et nous l’en remercions.

Référence bibliographique (document consultable au Centre de documentation du Musée Royal de l’Armée et d’Histoire Militaire)

Titre du document : Mai 1940 : une unité peu connue de chasseurs Ardennais: la compagnie de T.13 de la PFN (position fortifiée de Namur)

Auteur(s) : Bikara

Résumé : Chronologie détaillée des combats menés par une division de chasseurs de chars blindés (les T.13) de l’Armée belge entre fin août 1939 et mai 1940

Editeur : Musée royal de l’armée

Identifiant : ISSN : 0035-0877

Source : Revue belge d’histoire militaire A. 1993, vol. 30, n° 1, pp. 25-44

Mon précieux correspondant vous renvoie également vers deux sites qui vous donneront, entre autres informations très intéressantes, une description du T13 : http://www.regiment-premier-guides.com/t13.htm et http://worldwar2.free.fr/t13.html

Monsieur Eric Simon, à son tour, vient nous donner des indications pour compléter la recherche

« Pour répondre à Monsieur Halleux d’Erezée, j’ai quelques informations à transmettre à propos des engins blindés équipant le 3e Régiment de Chasseurs ardennais en mai 1940. Ces éléments ont été collectés par Mickaël Brooze qui effectue des recherches assez poussées sur ce sujet.

La 10e Compagnie motocyclistes est équipée de 3 Vickers T-15 (immatriculés 1176 – 1177 – ????)

La 11e Compagnie antichars est équipée de 7 T-13 type I (0519 – 0527 – 0534 – 0536 – 0537 – 0541 – 0546) et de 1 T-13 type II (1345). Leur déploiement le 10 mai 1940,  qui diffère quelque peu de celui présenté dans l’article présenté il y a quinze jours, aurait été le suivant:

2 blindés sur les hauteurs de Trois-Ponts (dont le 0527)

2 blindés à Vielsalm

1 blindé à Lierneux

1 blindé à Grand-Halleux

1 blindé à Salmchâteau

1 blindé à la Baraque de Fraiture

Il est possible, poursuit Monsieur Simon, de découvrir des photographies montrant l’immatriculation des véhicules en consultant le « Forum ABBL 1914-1940 » dirigé précisément par Mickaël Brooze. Après les présentations d’usage, l’internaute n’a qu’à sélectionner la rubrique « Histoire et information: unités et services« , puis la sous-rubrique « unités frontières » et enfin la section « organigramme 1ère Division de Chasseurs ardennais« .

Attention, les règles du copyright sont évidemment d’application et il convient de contacter les propriétaires des images avant toute utilisation autre que strictement privée. »

Merci à ces deux lecteurs qui nous permettent d’approfondir le sujet.

Bien entendu, si vous possédez d’autres informations à ce propos, c’est avec un immense intérêt que nous les accueillerons.