La Petite Gazette du 28 avril 2010
LES CHASSEURS ARDENNAIS ET LEURS ENGINS
Monsieur Laurent Halleux, d’Erezée, poursuit une enquête qu’il a entamée, il y a quelque temps dans la revue trimestrielle de la Fraternelle des Chasseurs ardennais. En s’adressant à la Petite Gazette, il augmente considérablement le nombre de personnes qu’il sensibilise à sa recherche et, ainsi, espère faire une bonne moisson de témoignages. A vous de jouer.
« Le 10 mai 1940, le 3e Régiment de Chasseurs ardennais était déployé le long de la frontière Est de notre pays entre Manderfeld (au NORD) et Houffalize (au Sud). Ce régiment avait pour mission de mettre à feu les destructions et obstructions destinées à ralentir l’avance allemande, puis à protéger le repli des unités disposées dans le sud de la province du Luxembourg lesquelles devaient se regrouper dans la position dite d’arrière-garde que délimitait le cours de l’Ourthe de Comblain-au-Pont à Durbuy. Contraintes au repli, ces unités devaient ultérieurement défendre la Meuse d’Engis à Huy.
Le 3e Régiment de Chasseurs ardennais était composé de neuf compagnies cyclistes, d’une compagnie motocycliste et d’une compagnie dite d’engins. Les compagnies cyclistes et la compagnie motocycliste étaient déployées en tant qu’unités constituées, essentiellement le long de la vallée de la Salm. En raison de la longueur du front (environ 35 kilomètres de Trois-Ponts à Houffalize), elles occupaient la plupart du temps des points d’appui. La compagnie d’engins, compagnie composée de 8 pièces antichars, était quant à elle scindée et ses différentes pièces étaient mises à disposition des différentes compagnies disposées sur la première ligne de défense.
La répartition des pièces était la suivante :
– Compagnie de Trois-Ponts : DEUX pièces ;
– Compagnie de Grand-Halleux : UNE pièce (qui sera renforcée à partir du 08 mai par DEUX pièces du 1er Régiment de Guides) ;
– Compagnie de Rencheux (Vielsalm) : UNE pièce ;
– Compagnie de Salmchâteau : UNE pièce ;
– Compagnie de Ottré : UNE pièce ;
– Compagnie de la Baraque de Fraiture : DEUX pièces,
soit HUIT pièces au total.
Ces pièces étaient des chenillettes V.C.L. T-13, de type I et II. Il s’agissait d’un canon (antichar) automoteur (le fameux canon belge de 47 mm – bien connu sous la dénomination « 4,7 ») sur châssis Carden-Lloyd. Ces petits engins, d’excellente facture, étaient malheureusement présents en trop petit nombre, le 3e Régiment de Chasseurs ardennais ayant dû disposer de SEIZE pièces et non de HUIT à cette date. Seule la mécanique des types I et II (un type III verra également le jour), un peu vieillotte, laissait à désirer. C’est précisément la raison pour laquelle ce régiment dut abandonner dès le 10 mai en soirée, dans son repli, la pièce de numéro de plaque 0527 dont la photo est présentée ci-dessous.
Selon mes informations, elle dut être abandonnée par son équipage sur les hauteurs de Trois-Ponts en raison d’un embrayage défectueux. Les Allemands semblent la contempler avec émerveillement …
Certaines personnes se souviennent-elles de ces canons automoteurs ? Disposent-elles de renseignements quant à leur emplacement exact, quant à leurs membres d’équipage ? Ont-elles des anecdotes à leur sujet ? Disposent-elles de photographies laissant apercevoir leurs numéros de plaque d’immatriculation ? Peut-on me confirmer la présence de tels engins à La Gleize ou dans les environs immédiats (en 1940) et, dans l’affirmative, à quel endroit et à quel moment car une pièce de ce type y aurait été installée puis retirée ? Quelqu’un aurait-il également plus de précisions concernant les pièces en place au carrefour de la Baraque de Fraiture ? Tout renseignement permettant de parfaire ma connaissance de ces engins bien trop méconnus serait le bienvenu. D’avance, un grand merci. »
La Petite Gazette du 12 mai 2010
LES CHASSEURS ARDENNAIS ET LEURS ENGINS
Répondant à l’appel lancé il y a deux semaines, des lecteurs se sont déjà manifestés de façon très intéressante :
Monsieur Jean-Louis Schmitz, de Marche-en-Famenne, situe d’emblée l’origine de son intérêt pour le sujet :
« Mon père, Franz Schmitz, de Marche en Famenne, a été conducteur de T13 ; mobilisé en septembre 1939, il a rejoint son unité, le 1er (régiment) Chasseur Ardennais, compagnie de tanks légers T.33.
Il a fait la campagne des 18 jours avec pour affectation la PFN (Position Fortifiée de Namur) ; la compagnie T13 de la PFN a été notamment affectée à la protection du champ d’aviation d’Evere et se rendit à Woluwé St-Etienne. Ensuite, elle eut comme mission de protéger la retraite de l’armée belge.
Elle fut citée trois fois à l’ordre du jour. Puis ce fut le repli dans les Flandres, derrière l’Escaut où ils se postèrent. Plusieurs fois en contact avec l’ennemi, son groupe de T13 détruisit cinq chars et des nids de mitrailleuse.
Enfin, dans les environs de Roulers (Roeselare), ils se retrouvèrent encerclés par les Allemands. C’est alors qu’ils apprirent, le 28 mai vers 6 heures du matin, la
capitulation de l’armée belge. Le premier souci de Franz Schmitz fut de saboter son char en faisant « sauter les fourchettes des deux manches à balles ». Ceci lui valut les remontrances de son sergent verviétois : « N’est-ce pas malheureux de saboter un si beau matériel ; les autorités belges nous ont donné l’ordre de le remettre tel qu’on nous l’avait donné »
Mon correspondant ajoute les anecdotes suivantes à ses propos:
« Joseph Schmitz, originaire de Marche, se souvient avoir vu avec fierté un groupe de T13 traverser la ville de Marche, lors d’exercices durant l’année 1939 ; son frère aîné, Franz Schmitz (du I Chasseur Ardennais), était chauffeur d’un de ces engins.
Marcel Collard, beau-frère de Madame Collard-Masson (Bastognarde originaire de Marche), membre d’un équipage de T13 (appelé aussi « 4.7 » pour son canon) a été tué dans un accident le 18 juin 1936. Le chauffeur était ivre ; la chenillette s’est retournée sur un terrain en pente ; le Cdt du char, le Lt Dasse (originaire d’Ans) a été tué aussi. »
Pour les lecteurs intéressés par le sujet, Monsieur Schmitz a réuni quelques références d’ouvrages et de sites internet permettant de compléter les connaissances de chacun et nous l’en remercions.
Référence bibliographique (document consultable au Centre de documentation du Musée Royal de l’Armée et d’Histoire Militaire)
Titre du document : Mai 1940 : une unité peu connue de chasseurs Ardennais: la compagnie de T.13 de la PFN (position fortifiée de Namur)
Auteur(s) : Bikara
Résumé : Chronologie détaillée des combats menés par une division de chasseurs de chars blindés (les T.13) de l’Armée belge entre fin août 1939 et mai 1940
Editeur : Musée royal de l’armée
Identifiant : ISSN : 0035-0877
Source : Revue belge d’histoire militaire A. 1993, vol. 30, n° 1, pp. 25-44
Mon précieux correspondant vous renvoie également vers deux sites qui vous donneront, entre autres informations très intéressantes, une description du T13 : http://www.regiment-premier-guides.com/t13.htm et http://worldwar2.free.fr/t13.html
Monsieur Eric Simon, à son tour, vient nous donner des indications pour compléter la recherche
« Pour répondre à Monsieur Halleux d’Erezée, j’ai quelques informations à transmettre à propos des engins blindés équipant le 3e Régiment de Chasseurs ardennais en mai 1940. Ces éléments ont été collectés par Mickaël Brooze qui effectue des recherches assez poussées sur ce sujet.
La 10e Compagnie motocyclistes est équipée de 3 Vickers T-15 (immatriculés 1176 – 1177 – ????)
La 11e Compagnie antichars est équipée de 7 T-13 type I (0519 – 0527 – 0534 – 0536 – 0537 – 0541 – 0546) et de 1 T-13 type II (1345). Leur déploiement le 10 mai 1940, qui diffère quelque peu de celui présenté dans l’article présenté il y a quinze jours, aurait été le suivant:
2 blindés sur les hauteurs de Trois-Ponts (dont le 0527)
2 blindés à Vielsalm
1 blindé à Lierneux
1 blindé à Grand-Halleux
1 blindé à Salmchâteau
1 blindé à la Baraque de Fraiture
Il est possible, poursuit Monsieur Simon, de découvrir des photographies montrant l’immatriculation des véhicules en consultant le « Forum ABBL 1914-1940 » dirigé précisément par Mickaël Brooze. Après les présentations d’usage, l’internaute n’a qu’à sélectionner la rubrique « Histoire et information: unités et services« , puis la sous-rubrique « unités frontières » et enfin la section « organigramme 1ère Division de Chasseurs ardennais« .
Attention, les règles du copyright sont évidemment d’application et il convient de contacter les propriétaires des images avant toute utilisation autre que strictement privée. »
Merci à ces deux lecteurs qui nous permettent d’approfondir le sujet.
Bien entendu, si vous possédez d’autres informations à ce propos, c’est avec un immense intérêt que nous les accueillerons.
Voici pour compléter le trajet de mon grand père Désiré Gerson … En 1940 sur un T13 B immatriculé 1144, 3 eme CHA … Ce dernier a sauté, mais il a probablement suivi le reste de son unité sur un véhiculé » Récupéré » …
18 Janvier 1940
Quelque part en Belgique dans un nouveau cantonnement avec Victor Robert.
17 Janvier 1940
Angleur, rivage, Vielsalm a 5H30
Contact avec le lieutenant Jacquet qui était resté à l’ancienne place.
Contact avec le lieutenant Francks
Lierneux avec Froissin et le lieutenant Michel Matterne.
L’équipage de sa chenillette T.13 (Sgt Lurkin – Cpl Gerson – soldats Simon – Verheggen – Perrot – Lefort). Les chenillettes T.13 faisaient alors partie de la 11ème Cie du 3ème Rgt ChA commandée par le Major Jean-Olivier Closset ???
Il aurait donc fait partie de l’équipage du T.13 immatriculé « 1144 ».
L’article précise également que le T.13 de mon grand-papa avait « sauté » (sur une mine ?) le 12 mai 1940 à 06 :00Hr du matin dans les bois de Grand-Leez (Gembloux) et que quatre jours après (le 16 mai 1940) que son unité atteignait Alost. »
14 Mai 1940
00H00 Départ pour Grand-Leez – Limelette vers Gembloux –Jodoigne – Ohain –Tourines St-Lambert – Nil St-Vincent – Mont St-Guibert – Court St-Etienne – Noirhat – Ceroux Mousty
Casernement à Haransart (5 à 6 Km de Genappe). Attaque avions
06H00 Au cours du repli, le char du Sgt Lurkin saute, le Cpl Adam est blessé dans la camionnette de Lucien Charlier
15 Mai 1940
00H15 Ordre de repli : Lahaye Sainte – Braine L’Alleud – Alsemberg – Tourneppe
Marche de nuit sous duel d’artillerie entre Anglais et Allemands.
05H00 Arrivée à Tourneppe. Rencontre des Anglais. La DTCA abat quelques avions allemands.
21H15 Départ vers Denderhauten (Kerksken) vers Lede via Hal – Pepinghem – Leerbecx – Vollezel – Denderwindeke – Nieuwenhove (Ninove) – Sambergen – Voorde – Aspelaere
16 MAi 1940
04H00 Arrivée à Kerksken ➔ Lede
05H15 Installation à Denderhauten
08H30 Départ pour Lede via Meire – Erpe
11H00 En position à Passemstraat à Alost. Parachutage allemand (1 tué, 2 prisonniers) Arrestation d’espions. On distribue les plaques d’identité.
17 Mai 1940
16H00 Position à Passemkerke à Alost mais déclare dans un courrier être passé à Vielsam.
18 MAi 1940
02H00 Combat d’Alost
Le Sgt Lurkin avec un C47 tracté (récupéré) a abattu 1 char allemand
18H00 A Paddenboeck les soldats Gillet – Michaux –Demarche –Tanier creusent des abris.
Le 3e Ch.A est en position sur 8 Km sur la Dendre
19 MAi 1940
Repli en 1ère position à Ottergem (1 motocycliste blessé)12H30 Repli en 2 e position à Dries (1 Allemand prisonnier)22H00 Repli en 3e position à Ecke (passage de l’Escaut)
Reçu une citation à l’Ordre du Jour pour Sgt Lurkin (1) – Cpl Gerson – soldats Simon – Verheggen – Perrot – Lefort (2)
« S’est particulièrement distingué au combat du 18 mai 40 à Alost où, chef de pièce, (1), équipage (2) d’un C47 en mauvais état et placé dans une situation avancée, il maintint le pièce en action malgré le feu violent et parvint à mettre hors combat plusieurs engins blindés ennemis. »
Désiré Gerson était Chef de pièce
20 MAi 1940
09H00 Arrivée à Ecke (repos)
11H30 Installation à Ecke sous le tir continuel de l’artillerie
Transmission des effectifs et du matériel à E.M. Reg. »
21MAi 1940
Prise de position à Ecke sur l’Escaut et organisation
22 MAi 1940
Position à Ecke route de Nazareth
23 MAi 1940
12H15 Combat de Ecke
Repli par le pont de Baerle sous des bombardements intenses
Jeudi 23 mai 1940 le caporal Gerson se trouvait A Eecke (Nazareth) – Lothenulle avec les dénommés Louis, Urbain, Leclerq et Victor Robert.
24 MAi 1940
06H00 Repli de l’Escaut vers Nazareth par Hamsbeke – Velstraet – Bellem – Looveld – Lootenhulle
A Lootenhulle, l’après-midi bombardements violents
Attaque aérienne (1 soldat de la 11e C est blessé)
Le camion du 1er Sgt Bilhain et le GMC de Douhard sont bien mitraillés
25 MAi 1940
Le soir, dispositif défensif ; l’ennemi ayant percé à Weighem
26 MAi 1940
Départ de Lootenhulle vers la ferme Devolder (600 m.) près de Meminghem lez Cameghem
20H00 Départ vers la ferme au S. de Strichtom Goed au N.W. de Ten Duine.
Bombardement d’artillerie toute la nuit – alerte avions.
01H00 Combat. Les chars C47 en position contre-attaquent et Vinckt est repris aux Allemands, libérant l’encerclement du bataillon.
28 MAi 1940
Ondang Avec les mêmes plus Nicolas Simon.
Signalé avoir été prisonnier des allemands le 28 /05/1940 Et évadé le jour même ( document officiel)
J’aimeJ’aime
Merci beaucoup Monsieur Alain Barnich.
L’évocation du parcours de votre grand-père vient, très utilement, compléter les différents témoignages compilés dans cet article. Il est important à mes yeux que l’histoire de cette Campagne des Dix-huit jours soit présentée au travers des propos de ceux qui l’ont réellement vécue et pas seulement par de simples comptes rendus techniques ou stratégiques sont la moindre dimension humaine.
Je suis convaincu que les lecteurs apprécieront votre précieuse contribution.
Pour la Petite Gazette, René Henry
J’aimeJ’aime
D’après l’ouvrage de Victor Robert , écrit d’après ses notes de campagnes, le T13 sur lequel il se trouvait était basé à Langlire, province de Luxembourg ..Langlire, province de Luxembourg, cela fait un mois et de mis que je ne suis plus revenu à la maison. On est le 9 mai 1940 … nous veillons, il faut toujours être trois, le chef de pièce, le tireur et le chauffeur.
La permission de 5 jours vient d’être rétablie, quelle joie … Quel bonheur de penser à revoir ma petite famille.
Mon ami et frère d’arme Victor est ce soir le chef de pièce sur le T 13 0546.
10 mai 1940, l’alerte est lancée … A une heure du matin l’alerte réelle est déclarée, nous sommes prêts.
Vers 2H30 on entend des explosions du côté de St Vith, Beho, vers 4h des avions allemands passent et repassent au-dessus de nos têtes.
Les civils se dispersent dans tous les sens, … nos bacs sont prêts.
Je suis toujours à le recherche de photographies et informations sur le T13 II immatriculé 1144
J’aimeJ’aime