CROQUEMITAINES ET MAKRALES

La Petite Gazette du 18 janvier 2012

LE GAMIN ET LI SPES TINS

C’est avec beaucoup de plaisir que je puis vous proposer ce magnifique souvenir d’un croquemitaine de chez nous, évoqué par Monsieur René Dosogne, de Modave.

« Dans ma jeunesse, 1925-1940, les légendes et croyances populaires alimentaient souvent les longues soirées d’hiver.

A la tombée du jour, il n’était pas rare d’entendre dire, pour faire rentrer les enfants avant la nuit : « Voci li spès tins », sous-entendu « la nuit noire ».

Dans la région vivait un monsieur âgé qui n’avait pas été gâté par la nature et qui avait l’habitude de rendre visite à ses cousins à la nuit tombante. Un soir, il tomba nez à nez avec un gamin de 8 ans, qui avait pour habitude de traîner en rue. Surpris, le gosse rentre en catastrophe chez ses grands-parents, blanc de peur… La grand-mère, intriguée, demande « Qu’avez-vous ? » Et le gamin de répondre : « J’ai vu li spès tins !» et Bobonne de vérifier avec le sourire…

Ce monsieur était un voisin, d’une gentillesse admirable, à qui je rendais visite chaque jour. Depuis, bien des années ont passé et, 70 ans après son décès, il m’est agréable de rendre hommage à Fernand B., un vrai brave homme ! »

Merci M. Dosogne, j’adore ce genre de témoignage faisant revivre de façon si naturelle les croyances de jadis. Si vous aussi vous avez de ces anecdotes mettant en scène les divers croquemitaines qui peuplaient nos contrées – li spès tins, Pépé Crotchet, li Bâbou, li neûr ome, lu rodje-bètch…) n’hésitez surtout pas à nous les conter.

La Petite Gazette du 28 mars 2012

LES CROQUEMITAINES DE NOTRE ENFANCE…

Il y a deux mois, La Petite Gazette faisait revivre, grâce aux souvenirs de Monsieur René Dossogne, de Modave, un des plus fameux croquemitaines de nos contrées, li spès tins. Monsieur Robert Rahier, d’Embourg, n’a jamais oublié, ainsi qu’il me l’écrit, ces « nombreux personnages effrayants qui hantaient mon imaginaire d’enfant. Je m’en suis souvenu et j’en ai rassemblé une brochette dans un écrit intitulé « Mès sognes d’èfant » tiré de mon recueil « èl Rôye d’èrére »

Mès sognes d’èfant

Avez-v’oyou « Moncheû Dåvint »

Divint lès cohes dèl vîle mèlêye ?

I nos ramonne si måssî timp

Èn-ine cabasse di calinerèyes

 

Avez-v’ vèyou « l’ome ås rodjes dints »

Å grés dèl cåve, dizos l’montèye ?

È li spèheûr, mi dji l’ètind

Dji sin s’sofla come dèl djalèye

 

« Li neûr Djèrå » c’èst-ine lêde bièsse

Vos v’ritrovez, sins qu’i n’èl dèye,

Li trô dè cou inte lès deûs fèsses

Ou bin l’tchièsse int lès deûs orèyes.

 

Qwant fêt neûr nut’ « li Maflou » tind.

Il a bin l’toûr di v-s-assètchî.

Mins n’a pé qu’lu, c’èst « li spès tins »

I v’s-aval’reût sins v’kihagnî.

 

« li gate di fiér » èt « l’neûre makrale »

C’èst d’vins lès bouh’nisses qu’èles si t’nêt

Lès p’tits-èfants, c’è-st-on règal

Èles ènnè fêt dè matoufèt.

 

Si v’n’èstez nin dès pus djintis,

« li blanke houp’rale » a sès marotes,

Avou sès coûtès èrunis

Èle vis côp’rè l’filet dèl trote.

 

Li cîsse qui m’fêt todi l’pus sogne

C’èst « l’mwète bètchowe » qui lès-a totes

Si n’a nouk po l’tini a gogne

On n’vis r’veûrè pus qu’a fribotes.

 

Di sint houbêrt, si v’fez l’luskète,

Lès clokes vis toûn’ront a posteûre ;

« hanscroufe » tot neûr èt s’grande baguète

Trimpèye è vinègue li pus seûr.

 

« li trô dèl gate », sint Nicolèy,

Nos-s’î avans crèyou lontins

C’èsteût les bons moumins dès vèye.

Dji m’veût co avou m’bleû vantrin.

La Petite Gazette du 11 avril 2012

JE VOYAIS SURGIR UN DIABLE TERRIFIANT…

Madame Claire Delhez, de Marchin, par la petite anecdote qu’elle nous conte, rappelle que, jadis, il n’était pas toujours nécessaire d’évoquer les terribles croquemitaines de chez nous pour que la peur s’empare d’un enfant…

« Mon grand-papa Ulysse était un brave homme, le ventre rond sous un gilet gis, boutonné, la moustache touffue sans oublier l’éternelle pipe fumante entre les dents.

Un personnage, un bon vivant, bien de notre charmant Condroz… Quand on frappait à la porte de sa petite ferme blottie sur une pente douce, il criait, d’un ton amusé, « Intrez si c’n’est nin l’diâle ! ». Cette phrase au parfum de soufre me figeait sur place. Je voyais surgir un terrifiant diable noir, cornu et entouré de flammes pointues.

Entrait alors un ami de la famille, venu en cachette boire une bonne petite goutte, ou une voisine pressée d’apporter nouvelles et potins du jour.

Dans le regard bleu de grand-papa, je voyais bien cette petite lueur taquine qui le trahissait.

Délicieux souvenir que je partage avec vous qui lisez ces lignes… »

La Petite Gazette du 3 octobre 2012

NOUS VIVONS ENTOURES DE SORCIERES…

Voici un magnifique témoignage que me transmet une charmante lectrice d’Ourthe-Amblève et dans lequel elle évoque ces êtres qui peuplent la tradition orale locale.

« Un jour, une dame de mon voisinage m’avoue avoir entendu des voix, des voix de femmes, un homme peut-être… Elle ne comprend pas leur langage ! Dès qu’elle rentre dans sa maison, elle n’entend plus rien. « Que se passe-t-il ? Sont-ce des troubles dus à mon âge ? »

Un après-midi de soleil, nous étions dans les premiers jours d’avril, je déménage, côté sud, le petit salon jardin au bord du ruisseau qui traverse ma propriété, pour un agréable moment de lecture.

A mon tour, j’entends également des voix, des voix de femmes, plusieurs… Je ne comprends rien, mais elles sont joyeuses, bavardes, remplies d’entrain… Je pense que c’est une visite qui s’annonce et je vais voir… Personne ! Cela se passait à un endroit où dernièrement s’est créé un chantoir et cela a manifestement son importance !

En soirée, je vais chez mon amie qui décide de téléphoner à un voyant de notre connaissance qui a toute notre confiance. Je m’attendais bien peu à la réponse qu’il nous donna.

« Durant la première quinzaine d’avril, c’est le grand rassemblement des sorcières pour le sabbat qui se passe là-bas, sur les hauteurs ! »

Il faisait noir, je devais rentrer chez moi, à pied, et là j’ai eu un peu peur.

Quelque temps après, je parle de cette histoire à une autre amie qui se met aussitôt à rire. « Tu vois, tu te moques de moi ! » « Mais non, réplique-t-elle, vous me faites rire à avoir peur de choses qui ont toujours existé ! »

Elle me raconta alors l’histoire vécue par son père qui se promenait un soir dans le champ des Macralles, plateau non loin de Remouchamps, à droite de la route menant à Louveigné. Il emprunta alors le chemin qui fait à peu près face au chantoir de Sécheval, lieu de rendez-vous pour le sabbat de Satan !

Le père de mon amie a raconté avoir entendu des voix et des rires, mais il n’y avait personne ! C’étaient elles ! Pareille manifestation se remarque notamment à partir de l’éclosion des premiers bourgeons de lilas et jusqu’à ce que leurs fleurs viennent à maturité. Il paraît d’ailleurs qu’il convient d’avoir un lilas chez soi. J’en ai un qui a bien repris dans le talus, là derrière ma maison. Ces étranges manifestations surviennent également aux équinoxes et aux solstices et une petite recherche sur internet m’apprend qu’elles ne sont pas rares à la veille des fêtes chrétiennes. Mon aventure se déroulait justement à la veille de pâques. Je serai attentive aux prochains solstices et aux équinoxes à venir. Quelle belle histoire !

J’aimais à rapporter cela car si jamais ma petite-fille venait habiter ici un jour, je ne voudrais pas qu’elle ait peur ! Il ne faut pas craindre ce monde parallèle qui est bien là , à côté de nous… Il faut vivre avec !

Mon amie de Remouchamps m’a dit : « Toujours bien dire bonjour aux sorcières… Bonjour Mesdames ! »

La dame qui avait entendu les voix avant moi m’a rappelé l’histoire de Bellem, sorcier d’Ardenne, en insistant sur ce qu’il fallait en retenir : « ne jamais se moquer des sorciers et des sorcières et toujours leur dire bonjour ! ». Et ma correspondante de conclure : ma terre aussi, c’est une terre de légendes ! »

La Petite Gazette du 7 novembre 2012

ENCORE LES SORCIERES …

Madame Maria Lambotte, de Werbomont, a questionné autour d’elle pour en apprendre davantage sur les sorcières de chez nous…

« Au cours des Journées du Patrimoine, quelqu’un m’a demandé « Que sais-tu des macrales ? » Absolument rien ou bien peu de choses… Par après, en creusant un peu, je me suis souvenue d’un vieux livre incomplet « L’Ardenne mystérieuse », un livre à moitié déchiré où un conteur (N.D.L.R. Louis Banneux) rapportaient des histoires de sorcières qui se passaient dans toute l’Ardenne. Dans les pages qui me restent, j’ai appris que Burnontige, Fays, la Cherhalle avaient aussi leurs macrales.

Puis j’ai interrogé les anciens, Nestor Bodson, de Werbomont, nonante ans, m’a rappelé qu’à l’autre côté du monument dédié à la mémoire des aviateurs anglais tombés à cet endroit, un petit chemin monte à l’hesse d’el tchapelle ; c’est là que les macrales étaient censées aller faire leurs danses. Et la chapelle… a-t-elle vraiment existé ? Mystère…

Marie Jacquemin, son épouse, m’a dit qu’un jour des scouts catholiques de Liège avaient choisi de venir à l’hesse d’el tchapelle pour faire leur promesse. Pour recevoir ces dites promesses, un aumônier les accompagnait. Deux représentants de la Fédération faisaient aussi partie du groupe. D’autre part, j’apprends que certaines mamans, d’un temps pas si lointain, recommandaient à leurs enfants de ne pas s’arrêter en passant près de l’arbre parce que c’était l’arbre aux macrales… D’un côté des petites filles qui priaient auprès de l’arbre et, à d’autres moments, des enfants s’encourant… Danger ? Bien bizarre tout cela !

Pour l’anecdote, maman me disait quand j’avais, par mégarde, mis mon gilet à l’envers : « Ti k’tchèsse lès macrales ? » C’est bien possible car je n’en ai jamais vu…  « mins saqwante’ côps dja vèyou l’djâle ! »

La Petite Gazette du 26 décembre 2012

A PROPOS DES MACRALES

Monsieur J. Burton, de Bomal s/O, partage avec nous tous ces extraordinaires anecdotes.

« Voilà une histoire que nous raconta jadis ma maman lorsque nous étions encore tous en famille. Dans son village natal, à Commanster, commune de Vielsalm actuellement, vivait, encore dans l’entre-deux-guerres, une macrale notoire et toujours très active.

Par un bel après-midi d’été, ma grand-mère part se promener dans le village avec sa petite-fille, encore bébé, née en 1924 et qui, bien plus tard, deviendra ma marraine. Passant devant la maison de la macrale, celle-ci s’avança sur la route pour voir le bébé et lui caresser la joue. A peine était-elle rentrée chez elle avec le bébé que celui-ci se mit à pleurer et tous les moyens utilisés pour arrêter ses pleurs furent vains. Finalement, elle fit appel au curé du village qui vint bénir le bébé, prononçant quelques paroles, mains jointes. Avant de sortir, le prêtre recommanda à ma grand-mère de ne plus se laisser approcher par la macrale et de faire un signe de croix en s’éloignant d’elle si elle la voyait.

Un fermier chassait ses cochons sur la route, quand, arrivés devant la maison de la macrale, les animaux refusèrent d’avancer ou de reculer. Voyant la macrale debout sur son seuil, le fermier lui cria : « C’est encore toi vieille macrale !» et il lui lança son bâton. La vieille n’insista pas et rentra. Aussitôt, les cochons continuèrent leur chemin, normalement.

Une autre fois, un fermier avec son cheval attelé à un tombereau passait à proximité de la maison de la macrale et voilà, cette fois, que c’est le cheval qui ne veut plus avancer. Il vit la macrale qui regardait par sa fenêtre et l’entendit crier « scie un rayon d’une roue de ton tombereau et le cheval avancera ! » Le fermier s’exécuta et le cheval put continuer sa route.

Il s’agit là d’histoires vécues il y a moins d’un siècle. Cette sorcière est morte quelques années avant la guerre et les gens du village disaient qu’elle avait hérité des livres de sorcellerie de sa vieille tante… » Un merci tout spécial pour ce remarquable témoignage.

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