UNE TRES ANCIENNE TRADITION, LE CHARIVARI ou PELETEDJE

La Petite Gazette du 9 septembre 2005

CHARIVARI OU PELETEDJE

Mme Françoise Schroder-Closjans, de Louveigné, nous confie un souvenir de jeunesse :

«En juillet 1936, la sœur aînée de maman, âgée de 48 ans et toujours célibataire, épousait l’instituteur de Pery, veuf et de 10 ans son aîné. La surprise fut grande pour la famille et le mariage fut célébré dans la plus stricte intimité, seuls étaient présents les mariés et leurs témoins.

La veille du mariage, un frère de maman, très farceur et très taquin, est arrivé à la maison avec ses fils et a demandé à maman des casseroles et des pêlètes , des ustensiles pour faire beaucoup de bruit. Il annonça alors : « on va pêleter Marie ». Maman hésitait beaucoup… ne voulant pas peiner sa sœur, mais son frère insistait car c’était la coutume disait-il !

Enfin, à la tombée de la nuit, avec oncle André, mon frère et mes cousins, nous sommes allés pêleter derrière la fermette de grand-papa, située en retrait de la route. On a fait du tintamarre pendant quelques minutes, on s’est amusé comme des fous – mon oncle y compris. Alors âgée de 7 ans, j’étais la plus jeune de la bande et je suis la seule encore en vie. Personne n’ en a jamais parlé et moi-même je ne savais pas que c’était interdit. »

Un grand merci pour ce merveilleux témoignage d’une tradition qui semble bien à jamais perdue. Avez-vous vous aussi des souvenirs de charivari ou de pêletèdje ? Nous les raconterez-vous également ? Je suis loin d’être le seul à l’espérer vivement.

La Petite Gazette du 23 septembre 2005

LE CHARIVARI OU PELETAGE.

Répondant à mon appel, M. Henri Boudlet, d’Izier, nous fait le grand plaisir d’évoquer cette très ancienne coutume disparue :

« Le charivari, m’écrit-il, était aussi dans les coutumes à  Izier.

   Qu ‘est-ce qu’un charivari ?    C’est l’action par laquelle plusieurs personnes munies de chaudrons, casseroles, poêlons, etc… jouant sur des instruments discordants (sifflets, trompes, cornets, etc.) ou poussant des cris, manifestent par des bruits injurieux leur opposition à certains actes ou tournent en ridicule certaines personnes. Au point de vue ordre public , il est classé, comme les bruits et tapages nocturnes parmi les attroupements capables d’entraîner du désordre et les forces de l’ordre ont pour mission de les dissiper d’office. Au point de vue pénal, si le charivari se donne la nuit, ce qui était souvent le cas, les auteurs pourraient être poursuivis à la fois pour bruits ou tapage nocturnes, et pour injures si plainte de la personne offensée.

Je me souviens de deux charivaris dans les années 30 dont un connut des péripéties invraisemblables. Celui de Joseph Haot dit < Haot dès forni > il avait précédemment habité dans un fournil en ruine.! Il était veuf avec trois enfants dont les deux plus jeunes : Fernand et Louisa , étaient placés à l’orphelinat des Sœurs à Durbuy.. Il habitait à l’endroit appelé alors   < è 1′ cwène dès bwè > (rue du Bois ), dans une baraque construite et mise à sa disposition par la commune d’Izier. Sa profession : colporteur ; il allait de village en village pour vendre des petites marchandises : bobines de fil, lacets, cirage, allumettes, savon … qu’il transportait dans un grand panier en osier soutenu par un bâton sur son épaule. Il connaissait et utilisait tous les sentiers de la région. Ainsi au moment de la cueillette des myrtilles il repérait les endroits favorables et pouvait ainsi renseigner ainsi les cueilleuses .

Son rayon d’action était très étendu ! Jugez-en ! Au cours de ses tournées à  Lamormenil, il fit connaissance d’une femme beaucoup plus jeune que lui, surnommée « li rossette Nonore ». Elle ne tarda pas à venir vivre maritalement avec lui à Izier. C’était à l’époque un cas à sanctionner et les pèleteus se mirent en action. Ils venaient chaque soir et se répartissaient autour la baraque. Nonore était une personne qui avait du caractère. Parfois, elle ouvrait la porte d’entrée de la baraque pour lancer des bouteilles vides sur les participants. Une intervention des gendarmes de la brigade de Barvaux vint ralentir le rythme. Le jour du mariage ce fut l’apothéose! Ils se marièrent un jour à 19h30 ; le jour était tombé. Tout le dispositif bruyant était en place . Il y eut le mariage civil à la maison communale puis le couple (seul, pas d’invité) se rendit à pied à l’église proche de la maison communale; jusque là aucun bruit. Les mariés allaient passer leur nuit de noces chez un cousin de Haot à Ville-My. Une voiture avec chauffeur les attendait devant l’église. Il y eut connivence entre des participants et le chauffeur. Il fut convenu que la voiture roulerait à allure réduite, ferait des arrêts jusqu’à la sortie du village. A leur sortie de l’église, les participants déclenchèrent le vacarme et suivirent la voiture. Pendant le dernier arrêt certains attachèrent des ustensiles propres à faire du bruit tels que casseroles, couvercles, cruches à lait, etc. au pare-choc arrière de la voiture. Ainsi le charivari continua pendant le reste du trajet vers Ville, mais c’était sans  pèleteus  ! »

Un immense merci pour ce remarquable souvenir de charivari, nous retrouverons d’autres témoignages d ès la prochaine édition. Vous aussi, si vous avez le souvenir d’un pèletage, je vous engage vivement à le confier à La Petite Gazette, afin que nous puissions, au moins, assurer la survivance de cette coutume dans la mémoire collective. D’avance, un grand merci.

La Petite Gazette du 30 septembre 2005

LE CHARIVARI OU   PELETAGE.

Répondant à mon appel, M. Henri Boudlet, d’Izier, nous fait le grand plaisir d’évoquer cette très ancienne coutume disparue :

« Le deuxième charivari dont j’ai eu à connaître concernait Gabrielle Gavray surnom : < Li gavrette >. Elle était originaire d’Ougrée et en avait conservé l’accent.. Elle était mariée avec un ouvrier mineur. Ils avaient 2 enfants. Le couple était mal assorti l’époux était calme et peu bavard tandis qu’elle c’était un réservoir d’énergie et une langue bien pendue. Les séparations étaient fréquentes; ils finirent par se séparer définitivement. Elle était trayeuse dans une ferme. A cette époque, il n’y avait pas des machines à traire, la traite se faisait manuellement le matin et le soir parfois à midi pour les vaches fraîchement vêlées. Elle avait aussi d’autres activités saisonnières, liées aux coutumes en usage à cette époque, en équipe avec une autre femme du village, Elise Coulée.

Elles allaient ramasser le bois mort, assemblé en long fagot, elles le rapportait sur leur dos. (C’était un droit d’usage mais on ne pouvait prendre que le bois sec et gisant par terre. Pour les arbres sur pied entièrement secs il fallait demander la délivrance (code forestier))

A la saison des myrtilles, elles étaient parmi les cueilleuses assidues et habiles. Après la cueillette, elles devaient les nettoyer, c’est-à-dire les séparer des feuilles et des brindilles. avant de les porter pour la vente. Il y avait deux marchands de myrtilles à Izier, Jules Zeug et Louis Guillaume qui se rendaient tous les jours à Liège pour le marché matinal. Parfois, la vente se faisait directement aux boulangers-pâtissiers

Elles étaient aussi glaneuses ; les épis ramassés servaient à la nourriture des poules.(Le glanage , dans les lieux où l’usage en est reçu, ne peut être pratiqué que par les vieillards, les infirmes, les femmes et les enfants âgés de moins de douze ans et seulement sur le territoire de leur commune, dans les champs non clos entièrement dépouillés et vidés de leur récoltes et à partir du lever jusqu’au coucher du soleil. Le glanage ne peut se faire qu’à la main, (code rural)).

Etant libérée de son époux, elle commença par séduire un domestique de la ferme où elle était trayeuse. Ensuite ce fut un villageois beaucoup plus jeune qu’elle. C’est le frère de ce jeune amant qui avait initié le charivari qui fut dissipé par les gendarmes.

Pour camoufler ses errements, elle contraignit sa fille, très jeune, à épouser l’amant. Ainsi, son honneur était sauf!

II y a enfin, conclut M. Boudlet, un charivari qui m’a été raconté ; c’était pendant la guerre 1914-1918. La personne concernée était le bourgmestre f.f. d’Izier, désigné par l’occupant. Je ne me souviens plus du motif du charivari. Je sais qu’il avait épousé une fille de la ferme où il était domestique..

Il faut d’abord se souvenir qu’en 14-18 la partie occupée de la Belgique était sous administration allemande. Ainsi, devant la progression allemande la gendarmerie s’est retirée, dans la partie du pays restée libre et sur le front.   La police est assurée par la feldgendarmerie allemande qui a une brigade à Izier. C’est cette feldgendarmerie, renforcée, qui sur demande du bourgmestre f.f. intervient pour disperser les participants au charivari. Ce fut une intervention musclée, sommations par coups de feu, charge sabre au clair. Ce fut la débâcle. L’offensé habitait rue grande (actuellement rue de l’Argoté) où la marge de manœuvre était étroite pour les deux camps. Il y eu un blessé du côté allemand dans les circonstances suivantes : un participant avait pour instrument une «faux », un feldgendarme tenta de la prendre mais il la saisit par le côté tranchant ce qui lui occasionna une blessure grave à la main. Un groupe prit la direction de Villers et se réfugia sous le pont de L’Amante. Un participant, pourtant considéré comme intrépide, qui était de ce groupe avait avoué < avoir fait dans sa culotte >. Un autre groupe, n’ayant pas d’autre issue, s’enfuit vers la rue El Va . En traversant le Pahy, cette grande prairie de la ferme de la Rue Elva dans laquelle paissait du bétail, ils durent fuirent un autre poursuivant tout aussi dangereux que les feldgendarmes allemands ; c’était un « taureau ! »

Vous aussi, si vous avez le souvenir d’un pèletage, je vous engage vivement à le confier à La Petite Gazette, afin que nous puissions, au moins, assurer la survivance de cette coutume dans la mémoire collective. D’avance, un grand merci.

La Petite Gazette du 7 octobre 2005

CHARIVARI ET PELETAGE

Monsieur René Gabriel, de Roanne-Coo, est un passionné d’archives et un fidèle lecteur de La Petite Gazette ; dans son dernier envoi, il associe ses deux centres d’intérêt. En effet, il vous propose de découvrir le contenu d’un article paru dans le Bulletin du Dictionnaire Wallon, 16e année 1927-31, n° 1 – 4. L’indéniable intérêt de cette communication m’a poussé à vous le présenter in-extenso.

« Chanson de charivari

Le charivari est le vacarme désapprobateur dont le bon peuple gratine les mariages qui lui déplaisent. On le nomme en wallon liégeois pêletèdje. en ardennais pêletadje, de pèle qui est la poêle à frire. C’est l’instrument de musique dont tout le monde sait jouer; il existe dans tous les ménages : on n’a qu’à le décrocher; il suffit de frapper dessus à tour de bras avec une ferraille quelconque. Imaginez un orchestre d’une cinquantaine d’exécutants poursuivant le cortège des mariés, continuant la sérénade autour de la maison après la cérémonie jusque bien tard et quelquefois toute la nuit.. On y ajoutait des cris d’animaux, des huées, des projectiles et des chansons. J’ai noté jadis, en 1889 ou 1890. sous la dictée de ma mère, originaire de La Roche, une de ces chansons de pêletadje. Elle l’intitulait Pasquêye su V sièrvante d’à Dèwalle di Viyé. Il s’y agit donc du mariage d’une servante avec son vieux maître. Viyé. officiellement Villers, est un hameau situé à vingt mi­nutes de La Roche. C’est la servante qui est censée parler : elle se moque du vacarme en énumérant naïvement ce qu’elle gagne à ce mariage. Cette fille était une paysanne de quelque village des environs. Les gens de Laroche qui ont fait, la chanson essayaient d’imiter son langage. Il y a donc, au point de vue phonétique, quelques formes qui ne sont pas du patois citadin de  La Roche.   Mais  cette  pasquille  fournit quelques mots au dictionnaire, sans compter ce qu’elle offre d’inté­ressant au chapitre des mœurs.

Avou vos pèles et vos pêlètes,

èt  vos tchaudrons èt vos cramiètes,

vola qwinze djoûs qui dj’ n’ave co rin.

et âdjoûrdu dj’ai on bê bin !

 

Dj’a deûs vatches è m’ sitaminèye

èt s’a-dje po-z-acheter dès livrèyes;

mi mére ârè on noû abit,

et m’ père dès solés a sès pis :

 

mès sours âront dès gôrjulètes ;

mès cousines âront dès atètches ;

— Dji   n’roûvèyerê   nin   lès   brâvès   djins

qui âdjoûrdu n’ mi pêletèt nin ! —

 

Po fé on pô dès nwaces qui vaye

dji vindré on p’tit bokèt .d’ haye,

po p’leur fé brâvemint dès gatôs

èt mête, on bokèt d’ tchâr o pot.

On me cite encore un couplet, mais il renferme des mots déjà employés dans les autres : c’est plutôt une variante qu’un couplet à enchâsser dans la chanson. Nous le donnons à cause d’un détail de toilette qui peut servir à dater cet échantillon de la muse populaire :

D’ja d’dja on tchapé a loukètes.

i   m’  fâreût co one gôrjulète ;

i m » fâreût co on nou abit.

et on bonèt a mile plis.

TRADUCTION ET NOTES

En dépit de vos poêles et de vos poêlons, de vos chaudrons et de vos crochets, voilà quinze jours que je n’avais rien encore et aujourd’hui j’ai un beau bien. — J’ai deux vaches dans mon étable et s’ai-je pour acheter des livrées : ma mère aura un costume neuf, et mon père des souliers aux pieds. — Mes sœurs auront des colle­rettes, mes cousines auront des épingles. Je n’oublierai pas les braves gens qui aujourd’hui ne me huent pas ! — Pour faire un peu des noces qui vaillent, je vendrai un petit coin de bois, pour pouvoir faire beau­coup de gâteaux et mettre un morceau de viande au pot. — — J’ai déjà un chapeau à jours, il me manque encore une collerette ; il me faudrait aussi un habit neuf et un bonnet à mille plis.

Tchaudrons : on tambourinait donc aussi sur des chaudrons. La cramiète est citée ici comme percuteur. C’est un usten­sile de cuisine composé d:une poignée et de deux crochets pour dépendre les marmites du feu.

Staminèye : étable des vaches. Le nom est tiré des stamons (poteaux) qui séparent la place de chaque bête. Terme inusité à La Roche, où il n’aurait pas eu d’ailleurs la finale èy brève. Vers 7-8. A défaut de poésie, ce rappel de la misère fami­liale ne manque pas de méchanceté ! Gôrjulète : à La Roche on disait colèrète. Atètches : les petits cadeaux qu’on nomme en français des « épingles ».

Vers 11-12. «Je n’oublierai pas les cadeaux aux braves gens… ».

Nwaces, de *nôptias ; l’o ouvert entravé devient wa comme dans pwate porte, -mwate morte, fwace force, pwartchî porcher, dwart dort.

Haye, au sens premier de « bois » et non de « haie ». Tchape a loukètes, Loukètc vient de louker regarder.   One loukète est une embrasure par laquelle on peut regarder ou encore une éclaircie dans un ciel nuageux. Nous traduisons par « chapeau à jours ». garni de dentelle ajourée.

Bonèt a mile plis. Petit bonnet à bords godronnés ou tuyau­tés, introduit de Liège à La Roche entre 1845 et 1850. et qui y fut alors le nec plus ultra de l’élégance. Ces mots donnent la date de la chanson. F. »

La Petite Gazette du 12 octobre 2005

 CHARIVARI ET PELETAGE

Monsieur René Gabriel, de Roanne-Coo, je vous l’avais annoncé, a découvert, dans les archives, d’intéressants documents relatifs au charivari.

« De nombreuses ordonnances, à Stavelot-Malmédy, sous l’ancien régime, concernent cette ancienne pratique populaire. Citons celles du 21 février 1705, du 8 février 1707, du 3 juillet 1728, du 13 février 1732, du 30 janvier 1738, du 18 septembre 1752 et du 5 mars 1773 dont je vous adresse la copie :

« Mandement renouvelant les défenses antérieures de s’attrouper et de donner des charivaris l’occasion des mariages, et comminant une amende de vingt florins d’or contre les contraventeurs.

5 mars 1773, à Stavelot.

   jacques, par la grâce de Dieu, abbé des monastères de Stavelot et Malmédy, prince du Saint-Empire, comte de Logne, etc., à tous ceux qui ces présentes verront, salut..

   Étant informé que. malgré notre mandement du 2 mars 1772 et ceux des princes nos prédécesseurs, les désordres continueroient dans notre bourg de Stavelot, comme il est encore arrivé la nuit dernière, en s’attroupant et faisant des charivaris avec pelles, cornes et autres instruments, nous avons trouvé à propos, pour le bien et la tranquillité publique, de renouveler; encore ces mandements, et défendre, comme nous défendons par les présentes, ces sortes d’attroupements, bruits et charivaris, à peine de vingt florins d’or d’amende exécutable promptement ou autres peines arbitraires contre chaque contraventeur, et de quelle amende les pères et mères seront responsables pour leurs enfants, et les maîtres et maîtresses pour leurs dômestiques; ordonnant à notre officier de Stavelot de veiller à l’exacte observance des présentes, et de les faire publier incessamment, pour la connoissance d’un chacun.

Donné à Stavelot, le 5 mars 1773.

Signé jacques, et plus bas : Par Son Altesse, otte, secrétaire.

(Archives de Stavelot, à Dusseldorf, -15, D, p. 45.)

La Petite Gazette du 19 octobre 2005

CHARIVARI ET PELETAGE… UN BON CONSEIL

Il nous vient de M. Jacques Bastin, de Heyd : « Si certains des lecteurs de La Petite Gazette, en ces temps où l’on ne sait plus ce que Rire de très bon cœur veut dire, désirent en savoir un peu plus sur le sujet et ce, de façon hautement humo­ristique, je les engage alors, vivement, à lire le chapitre intitulé « Pailter » dans « Les Ceux de chez nous » : cet immortel chef-d’œuvre du grand Marcel Remy (Livre édité jadis par l’Imprimerie Bénard de LIEGE et qui a été réédité depuis).

Marcel Remy (1865-1906) est ce correspondant de presse, fort apprécié des jour­naux belges, qui travailla tout d’abord à PARIS puis ensuite à BERLIN, où il allait mourir victime d’une épidémie de méningite infectieuse. Il avait vu le jour et passé sa jeunesse dans une ferme des immédiats environs de Bois-de-Breux. Peu après son installation à Berlin, il se mit à souffrir d’ennui (Mal du Pays ?) et, pour tuer le temps, se décida à écrire cet impayable chef-d’œuvre, dont il est ici question, en une tout aussi impayable langue composite mâtinée de français et de wallon, tel le jargon employé, à la fin du XXe  siècle, par une bonne partie de la classe relativement aisée vivant dans le terroir circonscrivant Bois-de-Breux, Beyne-Heusay et Fléron. »

Evidemment, je vous engage à suivre ce judicieux conseil, vous n’aurez pas à le regretter.

La Petite Gazette du 26 octobre 2005

CHARIVARI ET PELETAGE

A l’instar d’autres lecteurs, Monsieur Jean-Michel Bodelet, de Hives, m’a fait parvenir le compte rendu d’un charivari remarquable qui eut pour décor le La Roche du XIXe siècle. Il précise que ce texte est extrait de Nouvelles et Souvenirs, de Eugène Gens, édité à Bruxelles en 1876 par la Librairie polytechnique Decq et Duhent.

Le texte est éminemment intéressant, mais un peu long pour le faire paraître en une seule fois, aussi ai-je dû le scinder en deux parties. La suite vous sera, bien évidemment, proposée la semaine prochaine.

« I.A   FEMME AUX QUAT’  MARIS.

Une femme du Faubourg, âgée de quarante-cinq ans, avait épousé en quatrièmes noces un garçon de vingt-trois ans.

La femme était laide, même elle n’avait jamais dû être belle. Elle n’avait d’autre fortune que la chau­mière qu’elle habitait. Cette chaumière et son cœur, c’était évidemment tout ce que son épouseur lui avait demandé, et il en avait été de même de ses trois pré­décesseurs. Le jeune homme était un fort et frais gaillard que plus d’une jolie fille avait dû guigner du coin de l’œil. L’amour a des mystères qu’une sagesse-vulgaire ne saurait pénétrer.

J’étais à La Roche lors de ce mémorable mariage, lequel devint l’occasion d’une scie qui finit par ne plus m’amuser du tout.

Pépée avait donné le branle en régalant l’intrépide couple, à sa sortie de l’église, du plus formidable engueulement qui ait jamais terminé une bénédiction nuptiale.

La jeunesse de La Roche organisa un charivari. Un poète du lieu avait composé pour la circonstance un de ces vaudevilles qui, d’abord simple couplet, s’allongent  et   deviennent   un   chapelet. Je ne me rappelle que le refrain :

Donnez, donnez des charivaris !

C’est pour la femme aux quat’ maris !

La maison des nouveaux époux étant voisine de l’hôtel Tacheny, le charivari se donnait sous nos fenêtres. J’eus ainsi l’avantage de n’en pas perdre une note.

Une grande jeune fille, à la voix assez belle, faisait l’office de coryphée (N.D.L.R. = chef de chœur dans les pièces de théâtre antique). Montée sur un rocher qui domine la route, elle chantait seule et, après chaque couplet, l’assistance reprenait en chœur le refrain avec accompagnement de cris, de huées, de sifflets, de grognements, et de tous les instruments de musique infernale que La Roche et Beausaint réunis avaient pu produire. Quand le tintamarre avait assez duré, la chanteuse entamait un nouveau couplet. On écoutait religieusement, en silence, pour reprendre haleine, et au refrain, nouvelle explosion de vacarme. Cela dura de neuf heures jusque près de dix heures et demie.

Le lendemain, à la même heure, on recommença,  et le surlendemain, et ainsi de suite pendant neuf jours. Il paraît qu’on avait voué une neuvaine. Seule­ment, dès le second jour, cela avait cessé d’être amu­sant, et le troisième je les aurais volontiers lapidés. Au bout de quelques jours cependant, une variante s’introduisit dans le programme de la soirée. Après le vaudeville de la femme aux quat’ maris, la chan­teuse entonna la guitare de Castibelza, qu’elle chanta aux applaudissements de l’assemblée. Cette année-là, toute l’Ardenne chanta Castibelza. Les petits pâtres le chantaient en gardant les vaches; les rouliers en sifflaient l’air en cheminant à côté de leurs che­vaux. D’abord, je fus charmé de cette diversion, mais, comme chaque couplet était suivi d’un inter­mède charivarique, cela ne servait qu’à prolonger la scie, et je finis par envoyer à tous les diables l’Homme à la carabine. » La suite au prochain numéro…

La Petite Gazette du 2 novembre 2005

CHARIVARI ET PELETAGE

Vous avez découvert, la semaine dernière, le début du récit d’un mémorable charivari que La Roche connut au XIXe siècle. Je vous rappelle que c’est grâce à  Monsieur Jean-Michel Bodelet, de Hives, que je puis vous livrer ce texte qu’il a extrait de Nouvelles et Souvenirs, de Eugène Gens, édité à Bruxelles en 1876 par la Librairie polytechnique Decq et Duhent.  Voici donc cette suite attendue, je le sais.

« L’instrument dominant de cet interminable chari­vari était une trompe en fer-blanc, d’un mètre et demi de hauteur. Le modèle paraissait en avoir été pris sur la fameuse trompe d’Uri, que l’on conserve à l’arsenal de Lucerne, et qui, à la bataille de Sempach, jeta l’épouvante parmi les soldats de Char­les le Téméraire. Elle avait des sons caverneux, lugu­bres, qui faisaient songer aux beuglements sinistres du taureau d’airain de Phalaris. Cette trompe avait son histoire.

Quelques année, auparavant, un incendie avait détruit tout un côté de la principale rue de La Roche et, entre autres, un édifice fort vieux qui servait autrefois de demeure aux baillis du château. Le bourgmestre, voulant prévenir désormais le retour d’une semblable calamité, eut une idée lumineuse : il fit faire cette trompe.

Avec cet instrument, les incendies devenaient im­possibles.

Il fit venir le garde-champêtre et, moyennant une légère gratification qu’il lui promit sur le budget de la commune, il lui offrit de cumuler avec ses fonc­tions celle de veilleur de nuit. Il lui remit la trompe et lui enjoignit d’en jouer de demi-heure en demi-heure, à tous les carrefours, depuis dix heures du soir jusqu’à trois heures du matin, afin d’éveiller les habitants pour leur dire qu’ils pouvaient dormir en paix, qu’il veillait sur eux, qu’il ne voyait nulle part de trace de feu.

Que s’il en voyait, il devait sonner encore plus fort, afin de les prévenir que, cette fois, il les éveillait pour qu’ils cessassent de dormir et courussent éteindre le feu. Au bout de quinze jours, les plaintes des habitants, troublés régulièrement dans leur sommeil, étaient devenues si vives, que le bourgmestre ne savait plus où donner de la tête. En vain, il représentait à ses administrés que, depuis que la machine fonctionnait, il n’y avait pas eu à La Roche le moindre incendie; ils répondaient obstinément que la trompe ne faisait rien à l’affaire, qu’on pouvait très bien les veiller sans trompe, et qu’enfin ils voulaient dormir. L’un d’eux alla jusqu’à le menacer de lui intenter un pro­cès pour tapage nocturne.

L’affaire en était là quand, un matin, le bourg­mestre vit entrer chez lui le veilleur qui lui rapportait sa trompe, lui déclarant qu’il n’en pouvait plus; qu’il avait les poumons attaqués; que s’il continuait à souffler dans cette buse au lieu de ronfler dans son lit, il était un homme mort. En conséquence, il priait le bourgmestre d’agréer sa démission.

A cause de la surexcitation des esprits, on ne trouva personne qui voulut le remplacer. L’office fut supprimé, car le bourgmestre avait tenu bon : pas de trompe, pas de veilleur. La trompe fut reléguée au grenier de la maison de ville, où les charivariseurs étaient allés la dénicher.

Je revis, l’année suivante, la femme aux quat’ maris (on ne la désignait plus autrement). Elle revenait des champs portant sur la tète une gerbe de trèfles. Elle marchait d’un pas ferme, une main campée sur sa hanche, maintenant son fardeau de l’autre. A trois pas en arrière, son mari suivait, courbé sous le poids d’un fagot d’épines sèches, emblème de sa destinée. On me dit qu’ils ne faisaient pas trop bon ménage; les voisins entendaient souvent des querelles. Lui disait-elle alors, comme Madame Lucrèce à son époux : « Ah ! prenez garde à vous, don Alphonse d’Est, mon quatrième mari ? »

Le pauvre diable avait l’air fort penaud. »

Je remercie encore une fois M. Bodelet, de Hives, pour vous avoir donné l’occasion de découvrir le souvenir de cet étonnant charivari. Pour être tout à fait complet sur cet épisode, M. Bodelet me charge de vous informer que dans un récent numéro de l’excellente revue « Ségnia » M. Luc Nollomont a consacré une étude à cette « femme aux quat’ maris ». Avis aux amateurs.

La Petite Gazette du 28 décembre 2005

EN MARGE DES CHARIVARIS DE NOS AIEUX…

Monsieur Grun, de Bomal, nous livre le fruit de ses réflexions et recherches au sujet du charivari.

« Que Caribaria ! me souffle le professeur de latin. Le latin du Bourgeois Gentilhomme, « ce latin parle bien » selon Molière, Jean-Baptiste Poquelin.

Charivari avec René Henry… et encore, bruit discordant, tapage et, parfois désordre ! J’en ai mal à la tête rien que d’y penser.

Dans l’ombre de l’ami Pickart et de son Val de Somme auquel je me réfère encore souvent avec admiration, considération, émotion, plaisir et bonheur, pour soutenir ma mémoire défaillante. J’ai retrouvé une allusion courte, mais précise en une autre façon d’aborder le sujet.

Les souvenirs, traditions et modes de vie me renvoient à mes parents, des contemporains disparus… Charivari… Comment l’appréhender ? Approbation, désapprobation, désaveu. Trop d’années ont passé… Qu’aurions-nous fait ? Le monde a changé, a évolué. Juger c’est aimer et comprendre.

Défunt charivari, certaine coutume, mais coutume certaine, pour la femme qui avait fui ou la fille qui avait fugué. Le soir, le village venait « pelleter », un charivari donc avec ustensiles de cuisine et autres instruments bruyants, à en casser les oreilles. Les guerres, la fée Electricité et le gendarme mirent fin à ces débordements. Autres temps, autres mœurs. »

La Petite Gazette du 18 janvier 2006

UN SOUVENIR D’UN PELETAGE TRES RECENT

Mme Grignet, d’Esneux, me dit avoir « le souvenir, dans les années cinquante, après 1952, (alors qu’elle habitait le village de Fraiture, sur la colline de Comblain-au-Pont) d’un peletage très bruyant venant de la colline en face et donc du village d’Oneux. C’était, a-t-on raconté à l’époque, pour une femme infidèle. » Quelqu’un a-t-il un souvenir plus précis ? Evidemment, ce sont les circonstances de ce charivari qui m’intéresse et non d’identifier cette femme… Avez-vous, vous aussi souvenir de cette manifestation pittoresque de jugement populaire, aujourd’hui complètement disparue ? En parlerez-vous ? D’avance un grand merci.

La Petite Gazette du 1er février 2006

BRIBES DE PELETAGE et LES PÊLÉS PÅRINS…

Les évocations de quelques peletages de jadis ont rappelé à M. Houlmont, de Boncelles, qu’il avait participé à cette ancestrale coutume, alors qu’il n’avait que 7 ans.

« A l’insu de mes parents et pour être un « grand », je décidai de pèleter. Je connaissais le trajet emprunté par les remariés. Je me protégeai par un mur et une haie épaisse, j’avais pris le soin de me ménager un chemin de fuite ; je m’étais doté d’armes terribles : deux gros couvercles de casserole en émaillé récupérés sur une décharge publique, alors autorisée. Me croyant aussi en toute sécurité, lorsque le cortège s’avança ; je me tenais prêt un couvercle dans la main gauche et l’autre dans la droite. Et bien, le croirez-vous, c’est moi qui fus la cible de toutes sortes de projectiles … Plus jamais de pèletage.

Un autre coutume de l’époque me laisse de plus agréables souvenirs, ce sont les baptêmes. A Ombret, en 1946, nous, la dizaine de gamins formant notre groupe, savions quand il y avait un baptême. Dès la sortie de l’église, nous suivions le cortège pédestre qui ramenait le baptisé à son domicile. Nous remontions à Ombret, au lieu-dit ‘Sur-les-croupets’ . dans le cortège, le parrain et la marraine avaient intérêt à avoir les poches bien remplies de ‘clouches’ (ces petites pièces de 5 et de 10 centimes trouées). Nous hurlions tout le long du trajet : « Pêlé pårin, pêlèye mårène » pour les inciter à lancer leurs clouches, ce qu’ils faisaient à plusieurs reprises. Nous nous précipitions alors pour les ramasser, telle une basse-cour picorant !

Je récoltais ainsi un petit capital, variant entre 1 et 4 francs de l’époque. Maman tolérait que j’en dispose à mon gré. Qu’en faisais-je alors ? Si vous pensez que je les dilapidais en achat de chiques et autre poudre citrique, vous vous trompez ! J’en ai rêvé, je l’ai voulu et j’ai eu mon petit vélo ! En réalité, j’ai détourné le problème… J’avais un petit camarade qui avait un vélo au lieu-dit « le chemin des oiseaux » et, contre quelques clouches, il me permettait de faire mes tours à vélo ! Evidemment, après je n’avais plus mes sous, mais j’avais en moi le virus du vélo… J’ai encore détourné le problème : quand papa travaillait et que maman était aux courses, j’empruntais le grand et lourd vélo d’un soldat allemand  récupéré par papa. Je me positionnais à la droite de la machine, pied gauche à travers le cadre sur la pédale gauche et hop mon droite sur l’autre pédale et c’était parti !

Si j’avais encore 7 ans aujourd’hui, j’aurais mon petit vélo, presque intact, contre trois euros seulement chez un ferrailleur. De cette époque révolue, ne puis-je pas dire : Ne vit-on pas bien de nos jours ? »

 La Petite Gazette du 8 mars 2006

UN PELETAGE A ONEUX EN 1952

Monsieur René Toussaint, de Harzé, se souvient très bien d’un « peletage » qui eut pour décor Oneux (Comblain) en 1952.

« J’avais alors 22 ans et c’est la population d’Oneux qui prévint la gendarmerie de Comblain du tapage infernal qui troublait la sérénité du village jusqu’à 1h. ou 2h. du matin. On en entendait même le bruit jusqu’à Fraiture. La gendarmerie arrêta Emile C. qui revenait de son travail ; pris de peur, il donna les noms de tous ceux qui composaient la petite troupe et révéla où se trouvait tout notre matériel qui, bien sûr, fut emporté par les forces de l’ordre.

Nous avons tous été entendus et, après quelques mois, nous fûmes convoqués au tribunal correctionnel. Quel ne fut pas notre surprise de voir tous ces objets se trouvant auprès du juge. Chacun à notre tour, nous passâmes au banc des accusés. Le juge nous demanda alors si nous reconnaissions ces instruments et nous demanda de lui montrer comment nous nous en servions… Le charivari recommença ! Tous, nous avons été condamnés à 1000 francs d’amende.   Nous sommes repartis avec nos instruments et, à la sortie du tribunal, le charivari recommença. Tout se termina dans un café proche du palais de justice. »

La Petite Gazette du 22 mars 2006

ENCORE AU SUJET DU PELETAGE

   Monsieur Marcel Courtoy se souvient aussi et nous l’en remercions chaleureusement :

« Ces quelques personnes d’Oneux ont sans doute été les dernières à avoir pèleté à Awan .

A une date qui correspondrait assez bien à leur aventure au tribunal, ils sont venus donner aubade à une jeune femme du village dont ils n’appréciaient pas le comportement vis-à-vis de son mari qui était de leur concitoyen.

Sans doute, instruits par leur expérience précédente, ils ont quitté les lieux tôt assez pour éviter la visite de la maréchaussée qui, à l’époque, aurait dû venir d’Aywaille … .à vélo ! »

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