La Petite Gazette du 1er avril 2009
LE PATURAGE SANS PATURE
Monsieur Jacques Motte, de Grand-Bru, nous présente ce témoignage d’un temps révolu :
« Ma grand-mère, Joséphine Baclin dite Fifine, épouse de Jonas Burton, faisait paître ses vaches sur le bas côté du chemin à 150 mètres de chez elle à Grand-Bru, en core en 1939. Elle s’installait, bien à l’aise, sur son tabouret pliant posé à même la chaussée. Elle tricotait sans crainte de voir débouler un véhicule lancé à 80 km/h. C’était il y a 70 ans, mais cette pratique, qui s’est poursuivie jusque vers 1950, permettait de compléter gratuitement la nourriture du bétail pendant l’été.
Amis lecteurs, combien se souviennent encore d’avoir vu dames, demoiselles et enfants garder les vaches le long des routes?
Personnellement, je me souviens, après la guerre, avoir aussi gardé les vaches dans des prés non clôturés.
La Petite Gazette du 22 avril 2009
Mon ami Robert Leruth, d’Aywaille, m’a raconté que, lorsqu’il était enfant, il faisait paître des chèvres le long du talus non loin de la laiterie d’Aywaille.
Monsieur Francis Roufosse raconte à son tour :
« En ce qui concerne le pâturage sans pâture, il est vrai qu’autrefois les adultes et même fort souvent les enfants étaient chargés, chaque jour, d’aller faire paître leur vache ou autres bestiaux dans l’herbe (à l’époque fraîche car non mazoutée par les gaz d’échappement) le long des chemins.
Quelquefois assez loin de chez eux, même à la lisière de sombres forêts – parfois jusqu’à la tombée du jour- et en toute sécurité sans pour autant craindre l’apparition de pédophiles ou autre loup à visage humain (ce n’est pas sympa sympa pour les loups ce que je dis là !).
A Marche-en-Famenne, le calme de la petite vallée bucolique du « Fond des Vaulx », au sud de la ville, la désignait tout particulièrement non seulement pour les promenades dominicales en famille ou encore pour les nombreux petits jardins que les citadins cultivaient amoureusement « extra muros », mais également pour le bref pâturage d’animaux venus y prendre un petit supplément gratuit de verdure. »
La Petite Gazette du 19 mai 2009
Madame Yolande Bertrand, de Rotheux, nous confie également quelques souvenirs :
« La grand-maman de mon mari, Madame Lambertine Looze, possédait deux vaches et son époux travaillait à Seraing. Ils habitaient une belle petite maison à Bellaire où il n’y avait qu’un petit potager. La grand-mère partait en conduisant ses bêtes pâturer non loin de là, à la lisière du bois où de l’herbe fraîche et bien verte croissait dans les « Claires », nom donné à ces endroits.
Ce bois a été défriché pour construire des habitations et puis la route du Condroz. Il reste comme souvenir de cette manne gratuite le nom d’une rue de Rotheux : la rue des Grandes Claires.
Parfois, grand-maman Bertrand rapportait, sur sa brouette, des fagots et du bois pour se chauffer. Son fils acheta une petite propriété à côté de la maison familiale et donna les terres à ses parents. Ils purent construire des étables et un hangar car le cheptel devenait plus important. »
La Petite Gazette du 10 novembre 2009
Madame M. Delfosse, de Verleumont, nous confie ce témoignage qu’elle tient de sa maman et qui concerne le pâturage des vaches le long des chemins. Précisons que sa maman était née à fraiture Bihain en octobre 1902.
« Maman était partie avec une autre petite fille du même âge pour, selon la formule consacrée, « garder les vaches ». elles étaient aidées dans cette tâche par des chiens de vaches.
Accomplissant la mission avec sérieux, quelle ne fut pas leur stupeur de voir arriver les premiers Prussiens de la guerre 1914-1918. Elle me les décrivait très imposants, sur leurs chevaux, avec leur long manteau et leur casque à pointe, une lance à la main !
Prises de panique, elles sont rentrées à la ferme avec le bétail et ce fut la dernière fois que les parents les ont envoyées aux champs… »
La Petite Gazette du 11 juin 2014
C’EST VRAI QU’IL N’ AVAIT PAS DE CLÔTURE AUX PRAIRIES
Madame Jeanne-Marie Naegels-Misie, d’Esneux, partage, avec nostalgie, cette « bien belle époque » ainsi qu’elle me l’écrit.
« J’habitais avec mon père, Nicolas Misie, et le propriétaire, Ivan Sucur, la dernière maison à la lisière du Bois du Sart-Tilman, rue Robiet, pendant la guerre et après. Le propriétaire, célibataire, avait une ferme et des prairies, le long de la rue de Boncelles qui va à Ougrée, la maison à côté des prairies d’Ivan Sucur était à la famille Dossogne, parents et enfants.
Le matin, Ivan Sucur, on va le nommer le fermier, mettait ses vaches et, par la même occasion, les trayait. Les gens des environs venaient chercher leur lait. Le soir, une personne de la rue Mattéoti ouvrait le fil de fer qui fermait la prairie et les vaches, qui attendaient cette ouverture en beuglant, retournaient toutes seules sur le chemin de la ferme et entraient dans l’étable. Le fermier procédait alors à la traite du soir et d’autres personnes venaient encore chercher du lait ; nous aussi…
Le matin des jours de congé, j’accompagnais le fermier ; certaines prairies n’avaient pas de fils barbelés et quelques vaches, durant la journée, s’aventuraient dans les bois. Il n’y a cependant jamais eu le moindre problème et aucune vache ne s’est jamais perdue. Chacune d’elles avait un nom et il y avait une chienne, Follette, avec un de ses jeunes, Gamin.
Une fois que le fermier venait d’avoir une truie qui avait des petits, moi, le midi, je revenais manger à la maison et je suis tout de suite allée voir ces bébés. Horreur… une fois la porte ouverte, un des petits s’est sauvé dans le bois et, jamais, on ne l’a récupéré. J’ai évidemment été grondée et punie… »