La Petite Gazette du 2 décembre 2015
Il suffit d’évoquer les noms de Ferrières, Ferot, Izier, Rouge-Minière, Xhoris… pour être convaincu que l’extraction et l’exploitation du fer ont aussi considérablement influencé l’histoire de nos villages et j’aimerais que vous puissiez en parler.
Lors d’une passionnante visite que je faisais dernièrement au Musée de la Vie rurale à Xhoris, une remarquable et très ancienne photographie qui y est exposée a retenu toute mon attention et je n’avais qu’une envie : vous la présenter.
Les documents et objets présentés au Musée de la Vie rurale à Xhoris sont commentés, en français, en néerlandais et en wallon, à destination des visiteurs et cela rend la visite d’autant plus agréable. Quand le printemps reviendra, je vous promets que La Petite Gazette rendra une visite de ce musée à la découverte de ses richesses et avec la volonté de vous encourager à y faire une halte instructive. Nous en reparlerons donc…
Pour en revenir à cette photographie, nous avons appris qu’elle a été prise vers 1910. Elle présente un groupe d’ouvriers employés à l’extraction du minerai de fer à Xhoris. Ces ouvriers sont, de gauche à droite : H. Clajot, C. Laffineur, N. Dupont, A. Levêque, J. Pirotton, E. Tavier, A. Gabriel et ? .
La mine se trouvait au bout de la route des Gueuses en passant par la rue des Minières. Il est utilement précisé qu’une gueuse désignait un lingot de fonte de première fusion.
Je suis certain que de pareils documents dorment encore chez vous qui avez eu des aïeuls travaillant encore dans le secteur métallurgique de nos campagnes, de même, je suis certain que, dans bien des familles, il existe encore le souvenir des anciens qui ont vécu de l’extraction ou de l’exploitation du minerai de fer. Je sais aussi qu’il y a parmi vous qui lisez ces lignes bien des amateurs d’histoire régionale qui se sont passionnés par ce sujet au départ, par exemple, d’une recherche toponymique ou de documents extraits des archives. Mon souhait est que vos témoignages, le fruit de vos recherches et vos documents familiaux puissent nous permettent de faire revivre cet aspect de notre histoire régionale. Voudrez-vous concrétiser ce souhait ? Je l’espère vivement et, déjà, vous remercie de vos contributions à venir.
La Petite Gazette du 23 décembre 2015
A PROPOS DE CEUX QUI EXPLOITAIENT LE FER A FERRIERES
Monsieur René Gabriel, de Roanne-Coo, vous le savez, est passionné par les réalités quotidiennes de l’ancien régime dans nos régions et, inlassablement, fouille les archives des cours de justice à la recherche de ces faits qui nous éclairent sur la vie au jour le jour, il y a plus de deux siècles, dans nos villages. Voici ce que l’appel lancé à propos des travailleurs du fer de nos contrées lui a fait ressortir de ses innombrables carnets de notes :
« Suite à votre article relatif au passé sidérurgique de notre région, je vous transmets deux mentions qui devraient intéresser les lecteurs de La Petite Gazette. J’ai longuement recherché à Ferrières, Cour de Justice, et ces documents en sont issus. Il s’agit, orthographe de l’époque, de deux visites de “corps morts” retrouvés dans des fosses à minière. J’ai prolongé ma recherche et retrouvé quantité d’actes où sont relatés d’autres faits anodins, ou plus graves, et même des meurtres. Leur nombre étant nettement plus important que dans d’autres bans, je pense qu’ils sont le résultat de beuveries et bagarres provoqués par des ouvriers miniers dans les nombreux estaminets locaux ; les cultivateurs et autres employés dans l’agriculture étant généralement moins enclins à de tels excès.
A Lorcé et Chevron, curieusement des bans voisins, bon nombre de faits de violence semblables sont aussi consignés. Rien d’étonnant qu’en 1789 les meneurs soient des lognards ! Ils avaient le sang chaud ! Je n’ai pas localisé les endroits mais la toponymie locale doit très certainement encore en garder trace
Le 28 août 1728. Visite du corps mort de Jean Joseph Squelin.
Visite faite par le chyrurgien Sr La Croix après qu’icelluy eut prêté serment de faire fidel rapport.
Le corps dudit Jean Joseph Squelin ayant été tiré hors d’une fosse a minière sur le dit lieu de la Manette appartenant a Joseph le Quarte, Thomas de Marteau, Colas le Quarte et Dieudonné le Quarte, a déclaré ledit La Croix n’avoir trouvé aucune fracture ny dislocation ny aucune playe depuis la plante du pied jusqu’à la teste et ne voit aucun sujet de sa morte sinon que ledit Jean Joseph a été submergé dans ladite fosse et que cela luy at causé la morte.
Le 6 décembre 1729. Visite d’un corps mort.
Visite du corps mort de Louys Jehot dont il fut trouvé en lieu dit Clocky a l’adjunction du chyrurgien La Croix.
Ledit corps estant exposé dans une fosse a minière estante sur la propriété de Mademoiselle Hennin en lieu dit Clocki, y at esté trouvé ledit chyrurgien une grande playe de trois doigts de longueur du cuir muscului sur la teste, l’os coronal, l’os frontal et autres os fracassés pièce par pièce. Les veines et artères piémères et duremère et les vaisseaux tout rompus et délié de ses membres par quels coups la morte luy est survenue.
Il serait très intéressant que ceux qui le peuvent prennent la peine de situer précisément ces endroits où l’on a extrait le minerai de fer.
La Petite Gazette du 16 décembre 2015
LA METALLURGIE DANS NOS REGIONS
C’est avec grand plaisir que nous retrouvons la jolie plume de Monsieur Jean Bolland qui répond à l’appel qui vous a été lancé en évoquant le passé métallurgique de la vallée de l’Aisne :
« La métallurgie dans la vallée de l’Aisne a laissé son empreinte dans de nombreux lieux-dits évocateurs : Forge à l’Aplé, La Forge (Mormont), Vieux Fourneau… Des sources d’eau ferrugineuse -les pouhons- attestent également du fait que le minerai de fer est une composante de notre sous-sol.
Depuis Dochamps jusqu’à Bomal, en passant par La Fosse, Forge à l’Aplé, Amonines, Blier, Wérichet-sous-Fisenne, Fanzel, La Forge, Roche-à-Fresne… de modestes ateliers métallurgiques étaient installés le long de l’Aisne et de certains de ses affluents. La plupart du temps, ces ateliers étaient constitués d’un bas-fourneau dans lequel le minerai de fer était fondu et d’un marteau -ou forge- où le fer obtenu était travaillé pour en façonner des objets.
Divers corps de métiers participaient, de près ou de loin, à la réussite de cette activité : bûcherons, charbonniers ou faudeurs qui produisaient le charbon de bois nécessaire à l’activité des fourneaux, forgerons, charretiers pour l’acheminement des matières premières et le transport des produits issus de cette métallurgie.
Le minerai de fer provenait de gisements de la région. Gisements à fleur de terre ou à faible profondeur : les minières exploitées notamment à Clerheid, Fisenne, Hoursinne, Wéris, Heyd, Ozo et Izier.
Cette activité métallurgique s’étendit sur les 15e, 16e et 17e siècles avec des hauts et des bas dus aux nombreuses guerres, passages de troupes étrangères et réquisitions qui en découlaient. Conséquence de ces époques troublées : cette industrie disparut pratiquement au 17e siècle. On peut ajouter le fait que ces installations, modestes faut-il le rappeler, n’avaient pas su se reconvertir face à une métallurgie liégeoise qui avait modernisé son outillage, diversifié sa production et ses débouchés ; métallurgie liégeoise qui avait également le net avantage de bénéficier de grandes facilités pour le transport des matières premières et des produits finis. Et pourtant nous n’en étions pas encore à l’époque des hauts-fourneaux qui allaient faire les beaux jours de Liège, au 19esiècle grâce à John Cockerill. Ceci est un autre histoire.
(Certains renseignements sont basés sur les recherches de Fernand Pirotte : En marge d’un millénaire, Aspects de la vie économique et de la vie sociale dans la Terre de Durbuy de 1500 à 1648, L’industrie métallurgique de la Terre de Durbuy de 1480 à 1625.) »
La Petite Gazette du 30 décembre 2015
A PROPOS DE CE REGARD SUR LES US DES OUVRIERS DU FER A FERRIERES
Monsieur Pierre Paulis, de Ferrières, a lu attentivement les notes transmises par M. René Gabriel et vous éclaire sur la toponymie de Ferrières :
« J’ai lu, avec beaucoup d’intérêt, les notes de M. R. Gabriel, de Roanne-Coo, concernant les minières de Ferrières » m’écrit M. Paulis avant de nous livrer le fruit de ses recherches toponymiques :
« La manette. En tant que toponyme, je n’ai relevé aucune trace. A mon avis, ce substantif désigne la « qualité de la terre » qui est sale et boueuse. Ce qui expliquerait la raison de ces deux accidents que vous relatez. Ils se sont, sans doute, passés au même endroit, c’est-à-dire
È Clokî ( au Clocher) Celui-ci existe bel et bien comme toponyme. Ce grand terrain de +/- 10 ha est situé au sud de l’église. Il est surtout connu, aujourd’hui, par son chantoir dénommé « trô dè Pi » ou trou du goupil = renard. C’est une borne naturelle marquant la limite d’avec la Basse Colète contigüe.
É Clokî fut aussi, dès le 12me siècle, un douaire ( li doyâre) donné par les moines de Stavelot au curé ,dès l’instauration de notre paroisse indépendante. Elle est détachée de Xhignesse, son église-mère, avant 1130.
De cette terre boueuse, est extrait depuis longtemps – on parle de l’époque belgo-romaine – un minerai de fer réputé pour sa qualité et son abondance. C’est de la limonite grise et schisteuse. (Exploitation jusqu’au début du 19me siècle). De l’eau d’infiltration contrecarrait le travail des mineurs. Ceux-ci se plaignaient de « passer autant de temps à puiser l’eau qu’à extraire le minerai » .Ils se plaignaient aussi du houx envahissant les minières. L’eau était rejetée à l’aide d’une pompe (l’exhaure) dans le rîhê (ruisselet) tout proche.
La vie de ces ferrons (car ils travaillaient autant à la mine qu’au fourneau) était pénible et dangereuse. On déplore quantité d’accidents. Ce qui explique, sans doute, les traits de caractères que vous relevez et dont les traces sont encore visibles aujourd’hui. Nous étions aussi des Lognards! Le minerai était travaillé sur place. Ensuite, il fut transporté, en fusion, par « li vôye d’Eveu » (vôye d’êwe, voie d’eau ou mieux : la voie de l’eau) vers les makas hydrauliques de Malacord puis de Ferot. Au cours du 17e siècle, le surplus de la production minière était suffisamment important que pour être exporté vers les fourneaux de l’Amblève. Dieupart, notamment. Li vôye dès gueuses nous le rappelle.
Au Clokî encore, au mitan des ferrons, s’est, probablement, élevée, au 8me ou au 9me siècle, la première chapelle paroissiale dédiée à saint Martin (cf. Guilleaume). Par après, ont suivi les deux églises, le cimetière, le presbytère et le vicariat.
Cette terre a ainsi joué un rôle important dans la formation du village, de la paroisse et de la commune de Ferrières. »
Un très grand merci pour cette très intéressante contribution.
Dommage que je ne reçois plus la petite Gazette, et Vlan a foutu tout en l’air pour du fric…Triste monde !!! Roland Georges
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