ATTERRISSAGE FORCE D’UN THUNDERBOLT P-47D A OUFFET

La Petite Gazette du 28 septembre 2011

A OUFFET DURANT LE DERNIER CONFLIT MONDIAL

Le sympathique lecteur qui m’a confié cette photographie m’explique qu’il est natif d’Ouffet, où il vit le jour en 1936.

« Je ne sais plus si cette photo a été prise en 1943 ou en 1944, je crois que c’était en hiver (d’ailleurs les arbres sont dépourvus de feuilles, cependant il ne doit pas faire très froid vu la tenue des personnes photographiées). Un chasseur américain s’était abîmé dans un petit bois face à la ferme Baudoin d’Ouffet. J’étais gamin à l’époque et ravi d’aller, avec les amis, la famille et les voisins, voir la carcasse de cet appareil. Nous sommes montés dessus et nous avons été photographiés tous ensemble. Quel souvenir… »

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Reconnaîtrez-vous quelqu’un sur ce cliché ? Vous souvenez-vous de cet atterrissage forcé de cet appareil ? Pourrez-vous nous en préciser les circonstances ? En avez-vous d’autres photos ? Bref, tout ce que vous pourrez nous apprendre en marge de ce document nous intéresse.

La Petite Gazette du 12 octobre 2011

CET AVION A OUFFET

Monsieur Jacques Bastin, de Heyd, est allé voir les décombres de cet avion dont je vous avais proposé cette photo. Il se souvient de ce qu’il y a vu :

« A l’époque de l’incident, j’étais un réfugié liégeois vivant chez ses grands-parents paternels à Ouffet et ai encore relativement bien en mémoire cet incident que l’on peut, certes, qualifier de fort marquant. Toutefois, considérant que tout cela s‘est passé, il y a  maintenant plus de soixante ans, certaines petites imprécisions ou erreurs de ma part restent toutefois fort possibles. Voici :

Disons d’emblée que l’avion reproduit dans « La Petite Gazette » est un chasseur Thunderbolt (monoplace américain d’une puissance de 2000 CV, d’une envergure de 12,50 mètres et armé de 8 mitrailleuses). Etant en difficulté au-dessus d’Ouffet, il a donc tenté et réussi un atterrissage de fortune  dans la partie SUD de cette localité. Selon mes souvenirs, les faits doivent s’être produits dans le courant d’octobre ou au tout début de novembre 1944. Il faisait alors très beau et doux et nul ne s’attendait à la terrible vague froid qui allait bientôt s’abattre sur nos contrées en décembre et janvier suivants, lors de la fameuse Offensive von Rundstedt.

M’étant rendu, en compagnie d’amis, sur les lieux de cet atterrissage forcé situés à un petit kilomètre de la Grand-Place d’Ouffet ; soit à la cote 260 d’un petit bosquet de feuillus garnissant le sommet d’une petite colline située entre la route (N638) reliant Ouffet à Hamoir via Néblon-le-Pierreux et le chemin reliant Ouffet au Château d’Himbe, j’ai donc pu voir et grimper tout à mon aise sur ledit chasseur lequel ne semblait pas, comme le montre bien la photo de  «La Petite Gazette», avoir tellement souffert lors de son passage ultime à travers le réseau des nombreux arbustes environnants.

Selon les dires de certains, le pilote aurait directement sauté, indemne, hors de son cockpit, le colt au poing, car ne sachant nullement s’il était en territoire ami ou ennemi.

La chose dont je me souviens particulièrement bien, c’est que le réservoir d’essence, situé juste après l’hélice (ici complètement tordue), était béant. On pouvait donc aisément voir qu’il contenait encore une assez grande quantité de carburant qui suintait lentement de l’épave. Vu le nombre appréciable de curieux sur les lieux, c’est, pour moi, un véritable  miracle qu’aucun incendie (aux conséquences humaines incalculables !), ne se soit alors produit. »

Monsieur Rik Verhelle s’est, bien entendu, intéressé au sujet :

« L’avion sur la photo est un chasseur-bombardier du type Republic « Thunderbolt » P-47D. Le codage « A6-B » nous dévoile qu’il dépendait du 389th Squadron du 366 Fighter Group (9 USAF). Venant de Laon en France, cette unité avait sa base à Asse (Limbourg en Flandre) depuis le 19 novembre 1944.

Sur la photo, l’enfant debout sur la dérive verticale cache le numéro de série de cet avion, mais j’ai malgré tout réussi à le retrouver dans les archives. C’est en fait le 42-27216. »

La semaine prochaine, il nous en dira davantage sur cet avion et le pourquoi de son atterrissage forcé à Ouffet.

La Petite Gazette du 19 octobre 2011

ATTERRISSAGE FORCE D’UN P-47D A OUFFET
Rik Verhelle complète notre information sur la présence de cet appareil dans le ciel puis sur le sol d’Ouffet :

« Ce chasseur a été endommagé par des tirs anti-aériens, et il a dû effectuer un atterrissage en catastrophe, le 27 décembre 1944 à 11.15 hr. L’avion s’est posé près de « Bois Canard » qui se situe à environ 1 Km au sud d’Ouffet. Son pilote, le Lieutenant George W Pinkerton Jr,  matricule 0-767358, est resté indemne et il a rejoint son unité.
Ce 27 décembre 1944, la Bataille des Ardennes faisait rage. L’anticyclone avait rendu toute opération aérienne quasi impossible car un brouillard épais les clouait au sol. Mais le 23 décembre, cet anticyclone avait glissé vers l’Ouest, offrant quelques jours de meilleur temps permettant aux forces aériennes de déchainer les enfers. Ainsi, la 366th était une des unités qui assuraient l’appui tactique des troupes au sol. Leurs missions furent surtout le « armed recce » (reconnaissance armée) pendant lesquelles des locomotives, ponts, dépôts, positions de transmission et d’artillerie, convois, chars, concentrations de troupes, … étaient systématiquement pris pour cibles. L’opposition de la Luftwaffe était devenue relativement faible et sporadique, mais surtout les mitrailleurs anti-aériens allemands étaient des obstacles redoutables et souvent des pièges mortels pour les chasseurs-bombardiers opérant à basse altitude. Ainsi, le pilote d’un avion touché à basse altitude n’avait pas la possibilité de se sauver en parachute, et s’il n’arrivait pas à se poser en catastrophe il s’écrasait avec son avion.
Aussi, ce 27 décembre 1944, la 366th Fighter Group perdra deux de ses pilotes lors de la même mission : le Lieutenant Elmer Peterson fut touché par une batterie anti-aérienne et s’écrasa avec son avion, et le Lieutenant Bernard Steinfeld fut abattu lors d’un combat aérien.

Et mon correspondant de nous soumettre cette autre photographie du même appareil.

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Attention : ce P-47D 42-27216 ne devrait pas être confondu avec un autre P-47D immatriculé 44-20473 (du 354 Fighter Group) qui a également effectué un atterrissage forcé à Ouffet, le 17 ou 18 décembre, et qui se serait posé au lieu-dit « Sur Pierreuse » près de la ferme du Bout (et que je situe à 2 Km au sud-ouest d’Ouffet, près de la route N 638 vers Durbuy, non ?)

Appel aux témoins pour en apprendre plus sur ces deux P-47D. A vos plumes ! »

Martin Huwart, de ville-au-Bois, s’est aussi intéressé à cet appareil et il confirme :

« L’avion sur la photo prise à Ouffet est sans conteste un P-47 « Thunderbolt ».

Ce cliché à été pris en 1944, car ce modèle était visiblement équipé de la verrière « bulle », copiée du Hawker « Tempest « anglais.

Cette modification de production n’est intervenue qu’en fin 1943, afin d’offrir une meilleure visibilité arrière en cas d’attaque ennemie,  suite aux mauvaises expériences sur  « l’angle mort » arrière que les  P-47 avaient  expérimenté en 1943 dans leurs missions  d’escorte des forteresses volantes sur l’Allemagne.

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Pour le P-47 d’Ouffet, je vous envoie ci-joint la silhouette des deux modèles :

En haut, le P-47 première version opérationnelle en 1943,

En bas, la version 1944 avec cockpit « bulle », qui est celui d’Ouffet. »

Un grand merci pour ces précisions, mais je suis tout de même assez surpris que seuls les « spécialistes » de l’aviation aient réagi… Personne ne m’a parlé des personnes présentes sur la photo présentée…

La Petite Gazette du 26 octobre 2011

JE SUIS ALLEE VOIR CET AVION A OUFFET

Madame Georgette Guffens, d’Ouffet, a, elle aussi, vu cette carcasse d’avion de très près. Elle nous raconte en quelle circonstance.

« J’étais jeune à l’époque, mais je me souviens que tout le monde parlait de cet avion. Nous ne savions pas si le pilote était un militaire ni s’il était toujours vivant, ce qui nous intéressait, c’était l’avion. Je faisais alors partie du Patro et, en ce temps-là, les jeunes filles se réunissaient le dimanche après-midi pour des occupations, jeux, promenades… avec un responsable. C’est avec ce groupe que nous sommes allées voir les débris de l’avion. C’était à la sortie du village vers Jeneret. C’est ce jour-là qu’a été prise cette photographie et, quand je la compare à la photographie parue dans La Petite Gazette, je me rends compte qu’elle a été prise non sur l’aile de l’appareil mais sur l’empennage. Je l’ai toujours conservée en souvenir.

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Je puis même vous donner les noms des filles dont je me souviens :

En haut, les responsables du Patro :  ?  , Lucie Reginster et le curé Dehalleux.

Un peu plus bas : Marcelle Perilleux, Jeanne Ribourdouille, Yvonne Gerday

Le rang plus bas : Mady Terwagne, Lisette Ligot, Maggy Dome, Juliette Mathieu, ma sœur Nelly et   ?

Assisses sur l’empennage : Jenny Vilenne, Marie-Claire Salmon, Maggy Vilenne, Irène Hercot, Milou Harzimont, Josette Badoux et ?

Moi-même, suis la seule jeune fille, debout devant les autres.

Peut-être que certaines de mes amies se souviendront de cette excursion et auront des souvenirs à partager. » J’espère de tout cœur que l’une ou l’autre répondra à l’invitation de Madame Georgette Guffens.

La Petite Gazette du 2 novembre 2011

LES PERSONNES PHOTOGRAPHIEES PRES DU THUNDERBOLD D’OUFFET SONT RECONNUES…

Monsieur Jacques Bastin habite Heyd mais a vécu de douces années à Ouffet d’où est originaire une partie de sa famille. Il a dès lors pu identifier certaine personnes présentes sur cette photo :

002« Les personnes photographiées proviennent toutes de deux familles, extrêmement connues, voisines et habitant en plein centre d’Ouffet, soit les Villers et les Reginster. Disons encore que deux des enfants présents sur la photo en question, soit les nommés Fernand Villers et Michel Reginster, seront ordonnés prêtres à la fin des années 1950 ou au début des années 1960. Ils rejoindront ainsi, tous deux ensemble, Aywaille à la fin des années 1970, en vue de succéder ainsi au Doyen Aimont appelé alors à rejoindre, en tant que chanoine, le Chapitre de la Cathédrale de  Liège, sous l’épiscopat de Monseigneur Van Zuylen.

Michel Reginster arrivait donc ainsi à Aywaille, en venant de Tavier, lieu où il avait servi près de (sinon plus de) vingt ans. Fernand Villers allait donc alors s’occuper, en tant que doyen, des églises d’Aywaille (Dieupart et St-Pierre) en étant secondé par Michel Reginster qui, lui, allait également être en charge de l’église d’Awan. Ces deux prêtres résidaient toutefois, pratiquement en permanence, en l’énorme presbytère s’élevant à Dieupart.

Michel Reginster est né en 1933, tandis que Fernand Villers, un rien plus jeune, doit être né en 1936. »

Monsieur Jacques Bastin, au terme d’une minutieuse enquête, se livre maintenant à l’identification des personnes présentes sur ce cliché.

Nous partons de l’extrême droite où nous voyons un garçon, debout, appuyé contre la gouverne de direction (autrement dit : la queue de l’appareil). Il s’agit de Jacques Reginster. A sa droite immédiate, deux autres garçons, également en position debout. En costume foncé : Arthur Villers, l’aîné des enfants Villers et, à son côté, en veston plus clair : Michel Reginster qui deviendra prêtre à Tavier puis à Aywaille. Maintenant, assis à la droite dudit Michel, son frère Léon et, également assis à la droite de Léon, on trouve Paul Villers qui, plus tard, dirigera la fort renommée institution régionale d’enseignement moyen baptisée St- Roch. Assis à la droite de son frère Paul, voici Fernand Villers, lequel officiera, un jour, en qualité de doyen à Aywaille où il servira ainsi, assisté de Michel Reginster. A droite, tout contre Fernand Villers, on trouve également assis Albert (ou Jean ?) Reginster. Directement après, apparaissent deux petites filles ; la première, en vêtements foncés, est Bernadette Reginster et la seconde, en vêtements clairs, est Marie-Thérèse Villers. Progressant vers le nez de l’appareil, on trouve ensuite, debout, appuyée tout contre le fuselage, la maman Reginster (née Henkinbrant, à Seny en 1906, cette bien brave dame, toute faite de discrétion, a quitté ce bas monde, en 1996, à l’âge de nonante ans, après avoir tout de même donné le jour à douze enfants : générosité et prouesse physique hautement  remarquables !) ; de l’autre côté du fuselage, apparaît, en buste,  André Reginster. A la droite de Madame Reginster, on peut voir sa fille Anne-Marie tenant en ses bras sa petite sœur Marie-Antoinette (dite Marinette).

Enfin, debout sur l’aile gauche, se tenant par le bras, l’oncle Jules Reginster, de passage à Ouffet, et sa nièce Lucie Reginster. »

Monsieur Bastin a d’abord cru que cette photo avait été prise le papa de Fernand Villers qui était un instituteur fort prisé de l’Ecole catholique d’Ouffet, mais sa recherche lui a appris qu’il n’aurait jamais pris la moindre photographie de toute sa vie… Parce qu’il pensait, à juste titre d’ailleurs, que le  « sympathique lecteur, né un jour de 1936 à Ouffet », qui avait transmis la fameuse photo à La Petite Gazette était plus que vraisemblablement Fernand Villers,  lui-même, Monsieur Bastin l’a contacté pour tenté de savoir qui avait fixé ce moment sur la pellicule. Selon Fernand Villers, bien que n’étant point du tout formel, ladite photo doit avoir été prise par Monsieur Léon Reginster,  père de la plupart des enfants fixés sur celle-ci. »

Un tout grand merci à Monsieur Bastin pour cette recherche, précise et minutieuse.