Ces tours pyramidales en bois, au coeur d’un vaste projet cartographique.

Monsieur Joseph Toubon nous confie cette remarquable, et très explicite, contribution démontrant très clairement les raisons qui ont conduit à l’édification de ces tours pyramidales en bois plusieurs fois évoquées et illustrées par MM. Gavroye et Léonard. Qu’il en soit chaleureusement remercié.

« Lors de sa triangulation de la Belgique (alors les Pays-Bas autrichiens), de 1744 à 1748, César CASSINI de THURY (Thury 1714-Paris 1784), dit CASSINI III, n’est pas passé par le duché de Luxembourg ; il n’était pas possible pour FERRARIS de trouver des signaux dont il est question dans la lettre du Ministre des Finances français GAUDIN adressée le 13 juin 1806 aux Préfets des départements..

Jean Joseph dit François, comte de FERRARIS (Lunéville 1726 – Vienne 1814) fut chargé de cartographier les Pays-Bas autrichiens, ce qu’il fit de 1771 à 1778, y compris la Principauté de Liège sans pouvoir bénéficier des cartes de CASSINI pour le duché de Luxembourg. Le temps dont il a disposé excluait la possibilité de dresser une triangulation de 1er ordre ; au mieux, des triangulations ponctuelles de 2e ou de 3e ordre ont pu être exécutées. Même si son travail est parfois imprécis, FERRARIS doit être considéré comme ayant été le premier à dresser la carte des Pays-Bas autrichiens. Ses levers sont effectués plutôt sous forme d’un cheminement qu’à l’aide de la triangulation. La carte de FERRARIS servit à Napoléon pour la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815.

Jean Joseph TRANCHOT (1752 – 1815), colonel français, fut chargé en 1801 par Napoléon de la mise en place d’un bureau topographique pour trianguler les quatre départements de la rive gauche du Rhin en vue de réaliser une cartographie complète de cette région : Roër, Sarre, Rhin-et-Moselle, Mont-Tonnerre. Ces départements sont contigus aux départements de l’Ourthe et des Forêts jusqu’au sein desquels le lever sera poursuivi, entre autres jusqu’à la région salmienne, dont à Poteau (Petit-Thier). Son travail se termina en 1807 sur le modèle de la triangulation de CASSINI.

Karl FREIHERR Von MÜFFLING (1775 – 1851) était un général prussien qui fut chargé de poursuivre le travail de TRANCHOT, d’où l’association de leurs deux noms sur certaines cartes « TRANCHOT – Von MÜFFLING« . Ce général fut désigné afin de poursuivre côté prussien le travail de TRANCHOT vu qu’il avait participé à l’établissement de la triangulation de la Westphalie (Prusse). Il vint aussi jusqu’à la région salmienne, qui va jusqu’à la nouvelle frontière de 1815 entre les Pays-Bas (future Belgique, ici Grand-Duché de Luxembourg jusqu’en 1839) et la Prusse.

Le capitaine hollandais ERZEY réalisa la première triangulation de qualité à partir de 1818. Il dressa une pyramide au nord de Petit-Thier, sur le territoire de Logbiermé (Wanne), près de la limite communale avec Grand-Halleux et en bordure ouest du chemin des Frontières qui longe la Prusse et les Pays-Bas d’alors (future Belgique). Ses sommets de triangle de premier ordre étaient situés pour la région, à Wanne, Jalhay (Baraque Michel), Stoumont (Monthouet), Les Tailles, etc. En 1846, son travail fut trouvé trop imprécis par la commission royale belge chargée de le vérifier. La commission releva des erreurs d’angle dues à des erreurs de calcul. Il fut décidé une triangulation générale du royaume qui débuta en 1850-1851 par des travaux préparatoires et le mesurage de la base de Lommel jusqu’au camp de Béverloo.

Les travaux de triangulation générale du royaume commencent en 1867 par le choix des points de 1er ordre, la construction des pyramides et le mesurage des angles, les distances (ou côtés des triangles) étant déterminées par calcul. Seule la base de départ est mesurée avec grande précision. Les mesures des côtés de ces triangles avoisinent, voire dépassent les 20 km. Les pyramides sont établies sur les hauts sommets importants d’où on a une longue vue vers le lointain. Un voire deux paliers sont créés dans les pyramides pour permettre les visées par au-dessus des obstacles naturels comme les arbres. Les sommets des pyramides sont pointus pour servir de repère de visée. Dans la région salmienne, les travaux ont lieu à partir de 1869. Sous les pyramides, sont placées des bornes ou stations géodésiques. Dans leur partie supérieure est placé un rivet qui sert de référence sur la borne pour les mises en station des théodolites destinés aux visées ; pour certaines bornes, c’est au centre d’une croix dessinée sur le sommet plat de la borne. Les stations géodésiques de l’époque portent les dates de 1869-1888 ; en exemples, celles de Logbiermé (déplacée en 1869 à l’est du chemin des Frontières, pratiquement en face du site de l’ex-pyramide d’ERZEY) et de Beho. Pas de mesure vers la Baraque de Fraiture à ce moment mais bien vers la Baraque Michel où la pyramide atteint 18 mètres de haut. Un nivellement général du royaume est réalisé en même temps.

La pyramide de la Baraque Michel de 1893 est détruite suite à des intempéries. Elle sera remplacée en 1909 par une semblable. Ces pyramides en bois resteront en place suite aux mesurages; leur inutilisation provoquera leur ruine puis elles tomberont naturellement et disparaitront du paysage. Ce n’était pas des points d’observation de paysages ou d’autres évènements. À l’intérieur des triangles de premier ordre, on établit des triangulations pour de plus petits triangles de second ordre et parmi ces derniers, on établit d’autres triangles plus petits de troisième ordre. On mesure ensuite en détail tout ce qui se trouve au sein des triangles.

Le 18 novembre 1919, le Ministre RENKIN écrit au Gouverneur de la province de Luxembourg. Il attire son attention sur le fait que nombre d’édifices publics constituent des repères de la triangulation du royaume, ossature de la carte de l’Institut Cartographique National qui doit la tenir à jour. Les travaux de triangulation exigent de longues opérations sur le terrain et des travaux de calcul complexes, d’où le grand intérêt de conserver intégralement ces repères.

Le 5 avril 1935, le Gouverneur de la province de Luxembourg écrit à certains bourgmestres : « En vertu de la réfection de la triangulation du royaume incombant à l’Institut Cartographique Militaire et conformément à l’article 2 de la Loi du 10 juin 1927 sur la conservation des signaux et repères qui servent à l’établissement de la carte du pays, j’ai l’honneur de vous faire savoir que des travaux de géodésie seront effectués dans votre commune. A cet effet, j’ai l’honneur de vous faire parvenir la (les) lettre(s) déterminant l'(les) emplacement(s) où ces travaux seront exécutés« . Suit la liste des communes concernées ; pour la région salmienne et proche, reçoivent cette missive accompagnée de 2 annexes : Beho, Bihain, Limerlé, Mabompré, Mont, Montleban, Dochamps, Samrée, etc.

Une borne géodésique de premier ordre sera placée à la Baraque de Fraiture référencée au 1er avril 1933 dont le but est double : la mesure des coordonnées en triangulation et la mesure de l’altitude. Sur cette borne géodésique, côté ouest, on trouve la mention IGM et côté est, un rivet pour le nivellement général du royaume y est serti. Pour la triangulation, une pyramide en bois est édifiée au-dessus de la borne. Elle sera démolie suite aux rudes combats du carrefour de la Baraque de Fraiture de décembre 1944 et janvier 1945 lors de l’offensive Von RUNDSTEDT. Cette pyramide n’avait pas d’autre utilité même paysagère ou touristique que la triangulation de premier ordre et ne sera pas reconstruite après guerre. Des vérifications périodiques seront effectuées par la suite au niveau du royaume. Par rapport aux anciennes bornes ou stations géodésiques aux environs d’un mètre de haut, comme celle de Logbiermé (1,00 m) ou de Beho (0,90 m), le sommet de celle-ci n’a qu’à 45 cm de hauteur. C’est la raison pour laquelle on ne la voit pas sur les photos de cette pyramide contrairement à celles de la Baraque Michel, de Logbiermé ou de Beho. Il n’y a pas de rivet pour le calcul de l’altitude serti dans les anciennes bornes en pierre de taille comme celle de Logbiermé ou celle de Beho.

L’ancienne station ou borne géodésique de la Baraque Michel a été doublée en 1954 par une plus petite plantée à ± 16,70 au nord de celle-ci et déclarée « borne astronomique », de 0,80 m de haut et encore d’un autre type. Un repère en fonte pour le calcul de l’altitude a été serti dans l’ancienne station géodésique.

Une autre triangulation générale du royaume aura lieu en 1967. Certaines stations de premier ordre sont remplacées comme celle de Logbiermé entourée de grands épicéas, remplacée par de nouvelles. Actuellement, les coordonnées sont déterminées par GPS. »

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

La Petite Gazette du 1er décembre 2004

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

   A l’invitation de Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, je vous propose de découvre, au fil des semaines à venir la situation géographique de la Haute Ardenne, son point culminant et son environnement.

« La région que l’on pourrait appeler « Haute Ardenne » aurait, en principe, ses limites naturelles entre l’Ourthe, l’Amblève, le Glain et la Salm. Toutes ces rivières sont alimentées par une multitude de ruisselets et de ruisseaux coulant dans les nombreuses vallées et de toutes les directions.

Les plus hautes cimes des « montagnes ardennaises » sont situées sur le plateau des Tailles. La Baraque de Fraiture est le point le plus haut (le troisième de Belgique) culminant à 652 mètres d’altitude. Afin de marquer l’endroit avec précision, une borne y a été implantée en son temps. Aussi, avant la fameuse bataille du saillant des Ardennes en 1944-1945, une petite pyramide y était installée. Du sommet de celle-ci, on pouvait découvrir tout un panorama à des kilomètres à la ronde. Cette construction sera détruite lors des événements guerriers et ne sera pas remplacé par la suite. baraque1

Quel en fut le motif ? Cela pourrait bien être l’installation, dans les parages immédiats, des radars de l’O.T.A.N. C’est peut-être là une des raisons plausibles. Actuellement, avec l’espoir d’une paix durable en Europe, les choses ont bien changé. Ces radars sont-ils encore d’une grande nécessité ? A la rigueur, ne pourrait-on pas pouvoir disposer d’un de ces éléments pour venir remplacer la défunte pyramide ? C’est aux autorités locales de suivre cette affaire. Il se peut aussi que personne ne se soit posé la question… Le public local et les touristes disposeraient à nouveau d’une vue panoramique splendide sur toute la région. Il faut bien dire que, depuis quelques décennies, la Haute Ardenne est de plus en plus visitée et appréciée tant par les citadins que par bon nombre d’étrangers.

Il y a hélas aussi que, voulant profiter du relief élevé du terrain, une haute tour en béton aura été érigée afin d’y installer le relais des ondes de la R.T.B.F. et de desservir toute la contrée … service public oblige ! »

La Petite Gazette du 8 décembre 2004

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

A l’invitation de Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, je vous engage à poursuivre la découverte de la situation géographique de la Haute Ardenne, son point culminant et son environnement.

« Déjà vers le milieu du XIXe siècle, la construction des routes nationales Vielsalm-Laroche et Houffalize-Manhay les firent se croiser à cet endroit, donnant ainsi naissance au toponyme. En effet, un habitant du village de Fraiture, voisin des lieux, désira profiter de la présence de nombreux ouvriers occupés à cette entreprise et, comme le lieu était un « désert », y installa une baraque pour y débiter à boire et à manger à tout ce monde. Par la suite, l’affaire prit une certaine ampleur vu l’importance du passage en tous sens. La motorisation des déplacements ira, elle aussi en se développant à ce croisement de routes. baraque2

Le carrefour aura également une réelle importance dans la stratégie militaire. Le plus bel exemple sera celui des combats qui y seront livrés durant plusieurs jours en décembre 1944. Les Américains, y ayant vécu une tragédie, ont voulu le rebaptiser « Parkers Crossroad », soit « carrefour Parkers », du nom du major qui commanda la défense à l’époque.

Une certaine hôtellerie s’y développera au fil du temps. Toutefois, « l’Auberge du Carrefour » occupa les lieux depuis bien longtemps et cela suite à l’expansion de la fameuse « baraque » citée plus avant. Cet établissement, dont la renommée n’est plus à faire, est tenu depuis des générations par la même famille, et cela augure bien pour la descendance.

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D’autres bâtiments commerciaux viendront s’y ajouter progressivement. Cependant, il y aura lieu de veiller au grain, car tout peut se produire, en bien comme en mal, et cela dans tous les domaines. A cet effet, le nom de cet endroit, si prestigieux, faillit bien être usurpé à l’aide de certaines enseignes commerciales. Heureusement, l’erreur sera bien vite rectifiée et tout rentrera dans le bon ordre des choses. Par contre, un point noir restera à déplorer, c’est celui de l’installation, il y a quelques années, d’une boulangerie industrielle. Cette dernière fera tache dans ce coin pittoresque. Actuellement, les vilains bâtiments, abandonnés après cessation de toute activité, ne sont pas là pour embellir ; bien au contraire. Qui saurait dire si, plus tard, d’autres cas similaires n’y verront pas le jour ? Il y a bien sûr l’économie qu’il ne faut pas négliger, mais faut-il vraiment tout sacrifier pour cela et continuer à détruire une belle nature en y installant n’importe quoi et n’importe où ? L’exemple cité devrait servir de leçon et donner à réfléchir aux responsables pour l’avenir. » A suivre.

La Petite Gazette du 15 décembre 2004

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

   A l’invitation de Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, je vous engage à poursuivre la découverte de la situation géographique de la Haute Ardenne, son point culminant et son environnement.

   « Par ailleurs, une piste de ski de l’A.D.E.P.S., nichée dans un repli de terrain bien exposé au nord, connaîtra un succès en période hivernale. Il faut aussi reconnaître qu’à certains moments de l’année, le froid et la neige ne manquent pas sur les hauts plateaux ardennais.

En d’autres endroits, des sentiers balisés commencent à voir le jour. Certains seront équipés de caillebotis pour faciliter les passages humides. A l’aide de ce système, on peut admirer des étendues de fanges sauvages et naturelles. baraque4

 

 

 

 

 

 

 

Il y a aussi la présence de l’autoroute internationale E25 à quelques encablures à l’ouest du carrefour avec sa sortie n° 50 . Cette nouvelle infrastructure aura apporté un plus à la région, tout en facilitant les déplacements aussi bien des autochtones que des touristes.

Ce sont bien là les temps modernes et l’évolution doit faire son œuvre. Cependant il faudra toujours rester vigilant dans le futur en vue de préserver certaines choses existantes et qui ont toujours eu leur place dans cette belle nature.

Mais la Haute Ardenne comptera d’abord ses plateaux fangeux. Les nombreuses sources donneront naissance à une multitude de ruisselets. Ces derniers formeront à leur tour des ruisseaux qui couleront par les vallées vers les rivières les plus importantes. Ne dit-on pas que les petits ruisseaux font les grandes rivières ? »

La Petite Gazette du 22 décembre 2004

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

   A l’invitation de Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, je vous engage à poursuivre la découverte de la situation géographique de la Haute Ardenne, son point culminant et son environnement.

« Nous pourrions faire le tour du point culminant de la Baraque de Fraiture en utilisant simplement les quatre points culminants.

En partant du sud, nous trouvons le « Neur Ru » qui prend sa source dans les fanges de Les Tailles. Ce ruisselet coule d’abord par l’ouest vers le « Laid Bois ». après un certain parcours, il oblique au sud en suivant une profonde vallée entre le village de Les Tailles et le hameau de Chabrehez, où je suis né en 1929. A partir de là, il changera de nom en « Martin moulin » pour aboutir, après des kilomètres, dans « l’Ourthe Orientale » entre Houffalize et Laroche.

   En nous dirigeant à l’ouest, nous découvrons l’ « Aisne », dont les sources se situent près du village d’Odeigne, le ruisseau coule par les nombreuses vallées, où il est grossi en cours de route par de multiples affluents. Il se jette, en fin de parcours, dans l’Ourthe à Bomal.

   Plus vers le nord, nous abordons le village de Fraiture et ses nombreuses sources. Celles-ci donnent naissance aux ruisseaux « la Gehe » et « le Groumant » qui, eux, couleront par les vallées vers le village de Lansival. Toujours vers le nord, dans les villages de Regné et d’Hébronval, on découvre de nombreuses sources qui forment des ruisselets qui se réunissent dans la vallée très encaissée des  Gueules et créent alors le ruisseau de La Lienne. Ce cours d’eau, après être passé dans les parages du village de Lierneux et, avoir parcouru beaucoup de méandres, sera alors augmenté des ruisseaux, déjà cités, en provenance de Fraiture et qui se sont, eux aussi, réunis au préalable. A partir de cet endroit, une vraie rivière est formée et celle-ci suivra la vallée qui porte son nom, la Lienne avant de se jeter dans l’Amblève à Targon. baraque5

   En allant vers l’est, on y trouve des fanges, dont celle de Bihain d’abord, soit plus ou moins 220 hectares. Un ruisselet y prend source portant les noms de « Saint-Martin » ou de « Bihain » et coule d’ouest en est. Ensuite, un peu plus au sud-est, on aborde une autre fange, plus petite, près du hameau de la Pisserotte. Là aussi, un ruisselet prend sa source et porte les noms de « Rolaye » ou de « Langlier ». Les deux cours d’eau précités se rejoignent après quelques lieues et forment alors le ruisseau de la « Ronce ». Ce dernier coule vers l’est et débouchera dans le ruisseau du  Glain , lequel se confondra avec la Salm. Cette dernière rivière se jettera finalement dans l’Amblève à Trois-Ponts.

Et voilà passés en revue les principaux ruisseaux et rivières de ce haut pays et de ses alentours. Un grand nombre d’autres ruisselets coulent de ses collines, mais il serait fastidieux de tous les citer. » A suivre.

La Petite Gazette du 29 décembre 2004

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

   A l’invitation de Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, je vous engage à poursuivre la découverte de la situation géographique de la Haute Ardenne, son point culminant et son environnement.

« A côté de tous ces ruisseaux et rivières, il convient également de citer la présence d’une nappe d’eau souterraine très présente partout. De nombreuses sources et fontaines y sont dénombrées. Il faut noter que ces points d’eau auront servi longtemps à l’utilisation domestique locale. De nombreux puits seront creusés afin d’assurer l’alimentation en eau potable. Bon nombre de sources seront captées pour desservir toute une population.

Les ruisseaux et les rivières auront aidé à faire tourner les roues à aubes des moulins à grains. Hélas, ce système est pour ainsi dire abandonné de nos jours.

En général, le paysage de la Haute Ardenne est constitué par des collines moyennes. Parmi celles-ci, on pourrait citer « Rolanhan »  qui culmine à 565 mètres et domine une large cuvette vers le sud. Les villages d’Hébronval et de Regné y sont blottis. Etant donné la configuration du terrain en lui-même et vu son espace assez large, cette région servira, pendant les années 1930, à un centre de vol à voile. Les vents ascendants et descendants permettaient ce genre de sport aérien à cet endroit. Cette cuvette est ceinturée au sud par une élévation, le Thier de Regné, avec 580 mètres d’altitude, en profil allongé, s’étirant d’ouest en est sur une longue distance.

baraque6      Dans certaines de ces collines, on exploita, pendant des décennies, voire pendant des siècles, le fameux coticule (pierre à rasoir ou à aiguiser) unique au monde. Du manganèse y sera également extrait. Plus vers l’est, dans la région de Vielsalm, on trouvait des ardoisières. Hélas, toutes ces exploitations du sous-sol auront connu leurs heures de gloire et elles subiront leur coup d’arrêt définitif après les deux conflits mondiaux du XXe siècle. Des produits de substitution et la forte concurrence étrangère en seront, en bonne partie, les causes.

De tous les côtés, la Haute Ardenne est bien couverte par les forêts, dont une grande partie de résineux. Toutes ces surfaces boisées sont plantées et suivies de près jusqu’à leur coupe définitive. Ce matériau donnera une certaine valeur au sol ainsi exploité. De grandes étendues seront remarquées par leur vert très foncé. Il y restera quelques beaux carrés de feuillus (chênes, hêtres…) ; ceux-ci seront, en principe, exploités surtout pour donner du bois de chauffage. Il fut un temps où les Ardennais trouvaient de la tourbe dans les fanges et ils s’en servaient comme combustible. Ce produit sera abandonné dès l’arrivée des produits plus pratiques à l’usage. » A suivre.

La Petite Gazette du 5 janvier 2005

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

   A l’invitation de Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, je vous engage à poursuivre la découverte de la situation géographique de la Haute Ardenne, son point culminant et son environnement.

« Les villages du haut pays, souvent blottis à flanc des collines, comptent une faible densité de population, essentiellement composée d’agriculteurs, de bûcherons ou d’autres professions limitées aux besoins locaux. Il faut dire que de vastes surfaces de terrain sont réservées à l’usage agricole. De côté-là aussi, dès la mise sur pied du Marché commun, les choses auront bien changé. Les nombreuses petites entreprises seront muées en de plus grandes exploitations. La culture céréalière sera presque abandonnée au profit de l’élevage bovin, d’où plus de prairies. Les campagnes, à cause de ces mutations, seront métamorphosées et changeront d’aspect. Aussi, de nombreuses terres seront regroupées en de grands ensembles, afin de faciliter le travail en lui-même. Faisant suite à toute cette évolution, de nouveaux types de bâtiments, plus vastes, seront construits. A cause de cela, de nombreuses fermettes seront mise en vente et, souvent, elles seront achetées par des citadins ou des étrangers, des Hollandais la plupart du temps. Le bon air, le calme de la Haute Ardenne attirent bon nombre de ces investisseurs.

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A titre de conclusion, on pourrait en déduire, sans devoir trop se tromper, que tout ce développement serait dû à la modernisation. La construction de l’autoroute internationale E25 passant par la Haute Ardenne y serait pour une bonne part. Que de facilités pour l’accès, ainsi que pour les déplacements dans cette région qui a conservé, malgré tout, son charme naturel. Déjà le réseau routier existant avait été amélioré, il est praticable durant  toutes les saisons. Les grands axes sont sous surveillance constante en période hivernale, allant jusqu’à prévoir les intempéries. Ce système permet d’agir avec rapidité et efficacité. Il y a aussi les moyens de locomotion modernes qui ont pris une extension formidable en quelques décennies. Toutes ces facilités permettent à la Haute Ardenne de vivre avec son temps tout en conservant ses sites merveilleux ainsi que son prestige et son attrait.

Souhaitons que les responsables veilleront au respect de cette belle région et qu’ils sauront lui éviter trop de gâchis pour l’avenir. »

La Petite Gazette du 12 janvier 2005

VOYAGE EN HAUTE ARDENNE

    Nous avons, durant plusieurs semaines et à l’invitation de Monsieur Joseph Gavroye, de Soumagne, découvert la Haute Ardenne. Il était, dès lors, plus que temps de savoir pourquoi ce lecteur porte tant d’intérêt à cette magnifique région.

« Je suis né sur les hauts plateaux ardennais, fin des années 1920, dans le petit hameau de Chabrehez, non loin de la Baraque de Fraiture. A l’âge de 3 ans ½, je traversais le carrefour d’ouest en est en compagnie de mes parents, ceux-ci ayant pris en location une métairie au village de Regné. De là, je pouvais découvrir de larges horizons. J’y vivrai mon enfance, mon adolescence, ainsi que ma jeunesse. Après l’école primaire, à l’âge de 14 ans, je serai astreint  à aider dans l’exploitation familiale. A l’âge de 18 ans, je serai orphelin de mon père et je devrai prendre en mains les rênes pour continuer l’entreprise. Dans l’immédiat, je serai émancipé juridiquement, devenant ainsi majeur. Tout en m’occupant des travaux agricoles, j’entreprendrai, en même temps, des études, par correspondance, de comptabilité et passerai devant un jury pour obtenir un diplôme adéquat. Jusqu’à l’âge de 24 ans, je serai toujours resté aux côtés de ma mère.

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Alors vint le moment où, pour des raisons familiales, je dus réfléchir sérieusement à mon avenir. Tout à coup, je courtisai une fille de mon village. En 1953, nous décidons de nous marier et de quitter la Haute Ardenne pour la région liégeoise où j’avais décroché une place, comme employé de bureau, dans l’industrie du pneu. A cette époque, les moyens de locomotion n’étaient guère développés et nos retours au « pays » étaient bien rares, et, à chaque fois, cela me donnait un vrai cafard.

Malheureusement, la Haute Ardenne n’offrait pas de débouchés suffisants pour occuper tous ses jeunes éléments. Il faudra s’adapter à vivre sous d’autres cieux, ainsi qu’avec d’autres mentalités. Les années passèrent, le boulot ne manquait pas et notre jeune foyer avait vu naître cinq enfants à élever le plus dignement possible. Sur ces entrefaites, les retours au « pays » étaient toujours plus attendus et appréciés par tous.

L’âge de la retraite étant arrivé, je retrouvai davantage de liberté et, surtout, de disponibilité. ; je ne ratais jamais d’un retour aux sources. Je recherchai des origines les plus lointaines  possibles pour en dresser l’arbre généalogique et j’arrivai à écrire mes mémoires. Je prendrai aussi le temps de rédiger trois ouvrages, tous centrés sur ma Haute Ardenne, en tenant compte surtout des événements vécus pendant l’hiver 1944-1945, pour la partie civile.baraque8

 

 

L’Auberge du Carrefour à la Baraque de Fraiture après la Bataille des Ardennes en janvier 1945

 

    Je voudrais aussi coucher sur papier, un peu de l’histoire et de l’évolution au XXe siècle du haut pays ardennais. Tout cela pour avouer franchement qu’une bonne partie de mon cœur restera toujours tournée vers cette région où je vis le jour, où j’aurai vécu les plus jeunes années de ma vie et où je compte toujours de la parenté et de nombreux amis. »

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Tout ceci vous aura permis, j’en suis persuadé, de mieux comprendre l’attachement de M. Joseph Gavroye à sa Haute Ardenne. D’aucuns d’ailleurs le présentèrent comme le chantre de ce haut pays.