LE BATTAGE DE LA FAUX

La Petite Gazette du 6 octobre 1999

LE REBATTEMENT DE LA FAUX

Ce geste traditionnel, aujourd’hui disparu, est encore chargé de souvenirs et d’émotion pour M. José Polet, de Sprimont.

« Le rebattement d’une faux avait ses rites et ses règles. Tout d’abord, le rebatteur sortait sa boîte de tabac à chiquer (li bwète al role) et il découpait une bonne chique (ine tchique) qu’il s’empressait de mettre en bouche et de mastiquer comme s’il s’agissait d’un chewing gum. Vous saurez bientôt pourquoi.

Ensuite, il choisissait une portion de sol relativement dure et sèche, afin d’éviter l’humidité du sol (li crouwin). Il pliait un sac de jute en qutre (ine bacce) qui lui servirait de siège (in’achat lisez in’acha). Enfin, il s’installait de manière à recevoir la clarté du soleil (li djoû) du côté droit.

Une fois bien installé, il plantait l’enclumeau (li bat’mint) au moyen de la penne du marteau (d’elle pène dè martê). Laissez-moi vous préciser, ajoute M. Polet, que ces deux outils étaient fabriqués par le forgeron du village et qu’ils ne servaient qu’à ce seul usage.

faux

 M. Erasme Polet, le papa de M. José Polet, occupé à « r’batte si få »

Sur la photo, précise mon correspondant, vous ne voyez pas le troisisème élément des « bat’mints ». Il s’agit d’une lanière de cuir (côrê) qui permettait d’attacher ensemble les deux autres éléments, de manière à pouvoir les porter pendants sur l’épaule.

Voyez, sur la photo, la bonne manière de maintenir la faux : bien à l’horizontale, calée entre le coude et la jambe légèrement relevée.

Le rebattement se faisait à petits coups avec la tête du marteau (li tiesse dè martê). Il fallait éviter d’échauffer (d’eschâfer) la lame, sous peine de détremper (distrimper) l’acier. Il fallait donc humecter (mouyî) la lame, sans trop changer de position. C’est à ce moment qu’intervenait la chique de role (li tchike di role), les anciens batteurs crachaient leur salive sur la faux. »

Tous mes remerciements pour ce témoignage dont la remarquable précision et la photo l’illustrant nous permettent de réellement « voir » comment s’y prenait le batteur!

La Petite Gazette du 2 février 2000

LE BATTAGE DE LA FAUX

    « Lisant avec attention, chaque semaine, La petite Gazette, je voudrais, m’écrit Monsieur Fernand Hotia, de Tinlot,  apporter une information concernant les enclumes pour le battement des faux. Par ma profession de jardinier en château, j’ai employé la faux et, inévitablement, j’ai dû la remettre en état de coupe par le battement avec l’enclume. Occupé un certain temps au Château de la Chapelle, à Limont-Tavier, j’ai côtoyé deux grands spécialistes en la matière, pour ceux qui s’en souviennent, je cite Victor et Joseph Frenay, de Limont. Avant les tondeuses actuelles, ils parvenaient à un résultat de coupe extraordinaire. Avec leurs conseils, j’ai donc appris à battre la faux avec l’enclume traditionnelle. Mais, dans les années 1946-1947, est arrivé à Xhos-Tavier, Monsieur Mathieu Thewissen , avec sa petite famille originaire du pays de Herve. Il a véritablement étonné le monde agricole de la région et apporté une nouvelle manière de faire quant à l’entretien et la conduite des pâturages qui, à son exemple, devenaient des exemples à suivre. En plus, nous l’avons beaucoup apprécié pour sa convivialité et sa philosophie de la nature.

Il apportait aussi une petite révolution dans le domaine de l’enclume. Celle-ci se caractérisait par une surface qui correspondait à la largeur qu’il fallait battre sur la faux. Je joins le dessin de cette enclume, qui m’a gentiment été prêtée par son fils, M. Noël Thewissen.

Faux 1

 

 

 

 

 

 

 

Pour ma part, poursuit Monsieur Hotia, je l’ai employée et, après quelque temps d’exercice, c’était parfait. Est-ce que cette enclume était propre au pays de Herve ? Ou était-ce le fruit d’une réflexion sur une technique de M.  Mathieu Thewissen ? En tout cas, il fallait, à mon avis, en parler. Il s’agit peut-être d’un outil démodé aujourd’hui, mais combien fut-il utile, à l’époque,  à tant de faucheurs de talent ! »

    Il est éminemment intéressant de se pencher sur ces gestes de jadis, sans le témoignage de ceux qui ont fait ces gestes, le souvenir même de leur seule existence est compromis à terme.

En son temps, Monsieur Max-Léon Jadoul nous avait fait parvenir la photographie que je vous propose maintenant, est-ce que les enclumes présentées sont les mêmes que celles dessinées par M. Hotia ?

 Faux 2

    Qui se souvient des enclumes importées du pays de Herve ?  Où furent-elles employées ? A partir de quand ? Quels étaient leurs avantages par rapport à l’enclume traditionnelle ? Tout ce que vous savez nous intéresse, partagez vos souvenirs avec nous.

 La Petite Gazette du 1er mars 2000

LE BATTAGE DE LA FAUX, UN GESTE  QUE TOUT LE MONDE N’A PAS OUBLIE !

   Les informations transmises, il y a quelques semaines, par Monsieur Hotia m’ont valu, comme je m’y attendais, pas mal de courriers vraiment très intéressants que j’ai plaisir à partager avec vous tous.

Madame Dessart-Demonceau, de Neuville-en-Condroz, me dit être « une fille de ferme du beau pays de Herve, c’était à Bolland et c’était l’usage dans le temps, dès mon plus jeune âge. »

« Mon père, m’écrit-elle, m’a appris à battre la faux sur exactement la même enclume que celle de la photo représentée dans La Petite Gazette. Pour ce faire, on enlevait la lame du manche et, de la main gauche, on tenait l’extérieur de la lame. Avec un marteau, tenu de la main droite, la lame posée le tranchant sur l’enclume, on frappait à petits coups, en finissant par l’extérieur, tout en la faisant glisser de gauche à droite et de droite à gauche jusqu’à l’obtention d’un tranchant égal à celui d’un rasoir. Si mes souvenirs sont bons, cela devait durer une bonne demi-heure.

Cette enclume était très courante au pays de Herve et comme il y avait beaucoup de fenaisons, « pays vert oblige », on remettait souvent le travail sur l’enclume. Le pays étant vallonné, le cheval tirant la faucheuse ne pouvait aller partout, c’est donc la main de l’homme qui faisait le travail. Bien des années plus tard est arrivée la jeep et, à sa suite, le tracteur, mais l’enclume servait toujours.

Pour conclure, quelqu’un pourra-t-il me dire si Monsieur Thewissen, évoqué par Monsieur Hotia, ne pro   venait pas de St-Remy ou des environs d’Aubel quand il est venu habiter Tavier ? »    Si quelqu’un détient ce renseignement, ce serait vraiment très aimable de nous le communiquer. D’avance, merci.

Monsieur Ivan Mahy, de Comblain-la-Tour, se souvient lui aussi de cette enclume servant au battage de la faux.

« J’avais six ou sept ans, après la guerre 40 – 45, et je me rappelle que Jules Godefroid, de Comblain-la-Tour, ainsi que le fermier Victor Masson, tous les deux décédés, se servaient de cette enclume pour battre leurs faux. Le marteau qui est sur la photo n’est pas assez gros, car celui dont se servaient Jules et Victor devait peser environ un kilo, il était petit et fort pansu, avec une penne d’environ un centimètre d’épaisseur.

Les anneaux, visibles sur le corps de l’enclume, servaient à la maintenir durant le travail en empêchant qu’elle ne s’enfonce dans le sol. J’ai toujours vu les deux enclumes liées ensemble par un bout de corde. Je pense que l’enclume avec la petite penne devait servir à retendre la faux. En  effet, la faux avait un bord d’une largeur de 1,5 cm côté manche et environ 1 cm du côté de la pointe de la faux ; ce bord servait à retendre la lame de la faux, car, à force de battre la lame, elle se détendait.

Enfin, je me souviens encore que celui qui battait la faux trempait régulièrement la Faux 3penne de son marteau dans un mélange d’eau et de vinaigre ; le même mélange que celui utilisé lors de l’aiguisage à la pierre. Il trempait la pierre dans un gossait, m’écrit M. Mahy,  ce petit bac en bois que le faucheur portait à la ceinture, mais qui pouvait être enfoncé dans le sol car la pointe, sous le récipient, le maintenait droit. » (N.D.L.R. Jean Haust parle quant à lui du cohî ou gohî, le coffin dans lequel le faucheur porte li pîre di fâs.)

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur José Polet, de Sprimont, qui, en octobre dernier, nous avait proposé une si belle photographie de son papa battant sa faux, tient à nous apporter de nouvelles précisions après avoir découvert l’enclumeau décrit par M. Hotia.

« Cet enclumeau doit être d’origine allemande ; lors de la débâcle après 14- 18, des Allemands firent halte à Lincé, à la ferme où mon père travaillait. Ils manquaient de pain pour eux et de pitance pour leurs chevaux faméliques. Ils déchargèrent un char de matériels divers dont il n’avait plus l’usage : beaucoup de fil barbelé, des pelles, des bêches, des haches et un lot d’outils divers, dont un enclumeau du type décrit dans La Petite Gazette.

En échange, ils exigèrent une fournée de pains pour eux-mêmes, de l’avoine et du fourrage pour leurs chevaux. De plus, ils réquisitionnèrent deux chevaux et un conducteur, ce fut mon père. D’une seule traite, ils effectuèrent le trajet de Sprimont à la frontière allemande, dans la région de Waimes.

     Voilà pourquoi, je pense que l’enclumeau dont nous parlons est de fabrication allemande. Pour l’avoir manipulé, je puis affirmer qu’il s’agissait d’un outil de très bonne facture, de type industrielle. »

Merci à vous toutes et à vous tous qui essayez de rassembler un maximum d’informations sur tous les sujets que nous abordons dans cette chronique.

La Petite Gazette du 29 mars 2000

LE BATTAGE DE LA FAUX

Presque toujours, et c’est très bien ainsi, la publication d’un témoignage ou d’un avis sur l’un des sujets évoqués est génératrice de nouveaux courriers. Suite aux explications de Mme Dessart-Demonceau au sujet de la fenaison au pays de Herve, Monsieur Lucien Bourgraff, de Gouvy, m’adresse les précisions suivantes :

« Au pays de Herve, le temps de la fenaison était en avance de plus ou moins 3 semaines sur notre région, ce qui permettait à de petits fermiers de  chez nous, bons faucheurs à la faux, d’aller gagner un peu de cet argent dont ils avaient tant besoin. Un cousin de mon père, Nicolas Lentz, et l’un de ses voisins, René Kayls, allaient ainsi, chaque année, faucher à Soiron, chez un fermier dont j’ai oublié le nom. Je ne me souviens plus s’ils emportaient enclumes et faux ou si, sur place, ces outils étaient fournis par l’employeur.

Il y avait des enclumes à tête carrée et plate. Nos faucheurs en possédaient qui n’avaient que la largeur de la batée de la faux. Le marteau utilisé devait rester bien plat et, pour cette raison, ne servait à aucun autre usage. »

Comme s’il avait voulu illustrer les propos de M. Bourgraff, Monsieur Gaston Hankard, de Aye, m’a fait parvenir une photographie de la panoplie du faucheur.

Faux 4

Cette photo nous montre, de gauche à droite, l’enclumeau (supportant un coin de hêtre destiné à recaler la faux si nécessaire), la clé de faux, la pierre à aiguiser, le coffin et le marteau à manche court. (N.D.L.R. Cette photo a été publiée dans La Petite Gazette, durant l’été 1995.)

Un grand merci à mes correspondants pour leur contribution à la sauvegarde de tous ces souvenirs.

QUAND ON TUAIT LE COCHON

La Petite Gazette du 25 mars 2009

UN GESTE TRADITIONNEL, L’ABATTAGE DU COCHON

C’était l’usage dans bien des familles de nos villages, on élevait deux cochons, parfois plus, chaque année et, le jour de la mise à mort de l’animal était l’objet de rituels particuliers.

Monsieur Maurice Kelner, de Marche-en-Famenne, raconte.

« Le porc dont les photos illustrent l’abattage avait été élevé dans la famille d’Olivier Houba et était, ce jour-là, tué en fraude derrière la maison, durant la guerre. Le risque d’avoir des ennuis était assez minime car les Allemands se montraient fort rarement dans le village. La bête est égorgée par Léopold Kelner, mon papa, qui incite son cocker de chasse à la curée…

Abattage du cochon

Vous remarquerez sur ce cliché que le sacrificateur porte un chapeau improvisé, il a simplement noué les coins de son mouchoir.

Abattage du cochon 2

Sur cette photo, une autre étape incontournable de l’abattage, on brûle les soies avec des torchettes de paille. On distingue nettement l’outil de l’assistant du sacrificateur : la brosse et on devine le brosseur en attente alors que toute la famille assiste, curieuse, au sacrifice. »

N.D.L.R. J’espère de tout cœur que ces documents vous conduiront à me raconter vos souvenirs de ces journées particulières durant lesquelles on tuait le cochon. C’est en effet un sujet que j’aime bien car, moi aussi, j’ai  entendu de nombreux récits du genre pour la simple raison que, durant la guerre et encore un peu après, mon papa était tueur de cochon. J’ai d’ailleurs consacré un chapitre à ce sujet dans mon tome 1 de Hier en Ourthe-Amblève, Réalités et Mystères, toujours disponible (Vous pouvez le commander en versant  12€, frais de port compris, au compte BE29 0682 0895 1464 de P.A.C. Aywaille à 4920 Aywaille).

J’attends vos souvenirs avec beaucoup d’intérêt et d’impatience.

La Petite Gazette du 6 mai 2009

L’ABATTAGE DU COCHON

Cette semaine, ce sont les souvenirs de M. Henri Preudhomme, de Neupré, que nous évoquerons. Cette fois encore, ils nous conduisent durant la période de guerre :

« A cette époque, j’habitais Les Trixhes, à Flémalle-Haute, et, en 1940, j’avais 5 ans. Mon père était boucher-charcutier de métier, comme son père et son frère, mais il travaillait alors aux Tubes de la Meuse.

Quand j’avais 6 ans, j’ai accompagné mon père ; nous partions à vélo, moi sur le cadre, c’était plus facile pour transporter les outils d’abattage et pour passer les contrôles allemands. Nous avions besoin de trois ou quatre jours pour faire les allers-retours entre notre maison et les endroits d’abattage. La première chose que mon père vérifiait était de voir si le cochon était méchant et s’il mordait. Mon père n’aimait pas que l’on tienne le cochon par les pattes arrières, sinon le cochon hurlait, sentait la mort et attirait l’attention autour de l’endroit où nous étions. Mon père entrait dans l’étable, sa « makète » tenue à une main, appuyée sur son épaule, calmait le cochon pendant deux ou trois minutes. Quand le cochon était rassuré, il l’abattait d’un coup de makète et récupérait le sang pour faire le boudin noir.

La paille était préparée dans la cour, par le propriétaire, on y plaçait le cochon, on le recouvrait de paille, puis on y mettait le feu. Pendant qu’il brûlait, mon père préparait de l’eau chaude, son couteau pour le raser et sa brosse dure. Après ce nettoyage, il vidait le cochon : les boyaux séparés pour le boudin, la vessie récupérée pour faire des blagues à tabac. Le lendemain, il découpait le cochon suivant la demande, salait le tout, terminait par les boudins et la tête pressée.

Il tuait aussi les moutons, les chèvres, les lapins… Dans cette période difficile, mon père a eu beaucoup de chance de ne pas être dénoncé. Je possède toujours un hachoir de cette époque, outil qu’il fabriquait lui-même à l’usine. » Un immense merci pour ce témoignage très précis.

La Petite Gazette du 13 mai 2009

L’ABATTAGE DU COCHON

Madame Viviane Bultot nous confie, à son tour, ses souvenirs de l’abattage du cochon :

« Je me souviens très bien avoir assisté à plusieurs reprises à l’abattage du ou des cochons. Enfant, ces journées particulières m’ont assez marquée.

Chaque année, à la même époque (mars –avril), un cochon était tué, il avait été désigné dès le début de l’hiver et soigneusement engraissé, avec toutes les bonnes choses de la ferme et surtout la superbe (cabolêye).  C’était mon grand oncle Alphonse qui était recruté dans tout le village pour cet événement. Je le vois encore, comme si c’était hier, arriver tôt le matin en bleu de travail, la casquette sur le côté, son doux sourire aux lèvres. Il portait au dos un sac en cuir dans lequel étaient disposés couteaux, scies et l’aiguiseur qu’il utilisait à tout moment. Son arrivée était toujours très attendue car comme il passait de maison en maison il savait toutes les nouvelles qu’il racontait en ajoutant sa petite note humoristique. Son grand bonheur était de faire «chachler» rire les gens. La première épreuve était d’amener la bête au bon endroit. S’il se trouvait à l’étable, il fallait le tirer  par les oreilles, un autre lui tordait la queue (pauvre bête !) un troisième le poussait dehors. S’il était dans la prairie, il fallait l’encercler, le  lier par une patte et l’amener au bon endroit. Visiblement intrigué, il comprenait rapidement qu’on ne lui voulait pas que du bien, il hurlait à pleins poumons. On pouvait l’entendre dans tout le village, on savait chez qui on tuait. Il se débattait et fonçait parfois comme un véritable bulldozer. L’ennui était que s’il courait trop la viande était échauffée et devenait vite moins bonne à la conservation et à consommation.

Enfin la pauvre bête, malgré tous ses efforts, était amenée près de son bourreau qui lui administrait un grand coup de mahotte ou du dos de la cognée au milieu du front pour l’assommer. Profitant de son étourdissement, mon grand oncle le stitchait, il lui enfonçait  son grand couteau effilé dans la gorge et lui sectionnait ainsi la carotide. Il ne fallait pas rater son coup ! Le sang coulait abondement, il était directement récolté dans un seau et mélangé à du gros sel pour empêcher la coagulation. Je revois ma grand-mère Florentine puis maman, leurs  mains toute rouges, mélangeant ce sang tout chaud .C’était une curiosité à l’époque d’assister à pareil événement. Ensuite on passait au feu pour brûler les poils comme nous l’a raconté  Monsieur Kelner, la bête était alors toute noire. Puis on la lavait en frottant avec une brosse dure et on la grattait avec un couteau. Le cochon était ensuite  vidé de ses tripes, cœur, poumons etc… puis coupé en deux.  Il était ensuite déposé dans un endroit frais sur de la paille fraîche en attendant la découpe du lendemain. Chez un de nos voisins, il était suspendu dans le  fenil.

A l’époque, l’abattage du cochon se faisait tout simplement. Que dirait mon grand-oncle s’il revenait en voyant tout le « tra-la-la » qui entoure cet évènement  à l’heure actuelle (autorisation, vétérinaire, abattoir etc.?) »

Un grand merci, la semaine prochaine ma correspondante vous entretiendra de la découpe du cochon.

La Petite Gazette du 20 mai 2009

LA DECOUPE DU COCHON

Madame Viviane Bultot nous explique ce qui se passait une fois le cochon abattu :

« Dans le cochon tout est bon » c’est bien vrai. Le porc était découpé en morceaux, lard et viande sauf les jambons qu’on laissait entier. Tout était récupéré, les tripes étaient soigneusement chavées (raclées) à l’aide du dos du petit pêleu (couteau) sur une planche en prenant toutes les précautions pour ne pas les trouer.  Elles étaient lavées plusieurs fois à l’eau salée. Le plus terrible était de les souffler à la bouche pour être vérifiées. Une personne était à un bout et tordait la pointe, pendant que l’autre soufflait. On avait ainsi un regard correct sur l’état de la tripe, qui parfois nécessitait encore un dernier petit grattage .Tous les abats : cœur, poumons, foie… étaient cuits à l’eau salée puis moulus pour entrer dans la confection des succulentes charcuterie. Boudin, saucisse, pâté, tête pressée.  En écrivant tout ceci, je ressens encore toutes ces odeurs, cette saveur jamais égalée en boucherie. Toutes ces bonnes recettes étaient transmises de mère en fille, certaines courageuses en réalisent  encore  je pense à l’occasion d’une fête de famille. La viande, le lard et les jambons étaient enduits de gros sel et placés dans le saloir (endroit prévu souvent dans les caves des fermes). Les jambons étaient placés dans le fond puis la viande et enfin le lard.

Une semaine plus tard on enlevait le lard et, 15 jours, après suivait  la viande. Je pense que les jambons restaient minimum 6 semaines. Le tout était suspendu dans un endroit sec et chauffé pour y sécher (souvent la cuisine, seule pièce de la maison chauffée à cette époque). Après quelques semaines les jambons passaient au fumoir. Ils étaient pendus dans la cheminée au grenier pour une durée de 15 jours à 3 semaines. Il fallait prendre  toutes les précautions, les bois brûlés étaient triés, il ne fallait ni sapin ni hêtre. Ah ! les bonnes odeurs, les belles couleurs ! Dès leur sortie, ils étaient placés dans de jolis  tissus à carreaux multicolores et, à nouveau, suspendus dans une pièce sèche et bien aérée.

Pas de congélateur à cette époque, je revois encore ma grand-mère Florentine cuire les côtelettes par 3  ou 4 et les stériliser dans des grands bocaux, les remiser dans la cave sur une grande étagère.

Les bons pâtés étaient réalisés et cuits au four, recouverts d’une jolie voilette (membrane qui se trouve autour de l’appareil digestif du porc), elle  leur donnait cet aspect si croustillant bien doré, un ravissement pour les yeux, une odeur incomparable et une saveur inimaginable à l’heure actuelle. Petite fille je voyais dans le dessin formé une véritable carte de géographie. Maman utilisait un vieux fer à tricoter pour vérifier la cuisson qui se faisait à température élevée. « Il fallait faire un bon feu !».J’ai tourné à la main plus d’une fois la machine à moudre la viande, je joins sa photographie.

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A- t-elle un nom particulier ? Connaissez-vous encore toutes ces bonnes recettes ? »

EN MARGE DE L’ABATTAGE DU COCHON

Madame Monique Charlier nous présente sa collection de hache et précise :

« J’ai lu le témoignage de M. Preudhomme concernant l’abattage des cochons. A ce propos, je possède une collection de haches dont deux ont servi à l’abattage.  Elles sont aisément identifiables, ce sont celles qui ont un ergot au dos de l’outil. La plus grande à servi à l’abattage des cochons, quant à la plus petite, ainsi qu’aux autres, me diriez-vous leur usage ? Merci »

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La Petite Gazette 27 mai 2009

« ALLER AUX TRIPES »

Madame Viviane Bultot poursuit l’évocation de ses appétissants souvenirs :

« C’était la coutume, quand on tuait le cochon,  le dimanche suivant, on invitait toute la famille pour un repas de fête. On allait « aux tripes »  comme on disait à l’époque. Tout le monde revêtait «son bel habit du dimanche » et la famille se réunissait pour un repas où on pouvait  déguster toutes les bonnes choses  tirées du cochon. La maîtresse de maison sortait la « bonne vaisselle » et installait une « très belle table »

Les succulentes préparations  étaient servies en abondance. Souvent le repas commençait par un  bon bouillon de poule. Ensuite commençait le défilé de viande : le merveilleux boudin maison, les saucisses, les côtelettes et les délicieuses « plates côtes ». Une telle débauche de calories ferait hurler nos diététiciens (Bonjour le cholestérol !). Le repas se passait dans une chaude ambiance festive. Il y avait toujours un oncle ou une tante  qui mettait l’ambiance  en narrant l’une ou l’autre anecdote  croustillante, et, surtout qui entamait les bonnes vieilles  chansons que tous reprenaient en chœur.

Le repas se terminait  toujours par le délicieux gâteau moka réalisé maison (des couches de petits-beurre et de  crème moka) Les hommes, quant à eux,  terminaient la fête avec la traditionnelle goutte de « péket », pendant que les femmes se retranchaient dans  la cuisine pour laver l’imposante vaisselle. Une fois la fête terminée, chacun s’en retournait en emportant en prime un morceau de cochon.

On peut se demander ce qui restait  du cochon à la famille organisatrice. Pourquoi inviter tant de monde alors que la vie était déjà si dure ? Je pense que c’était là une des rares occasions de se retrouver  et de faire la fête sans compter. C’était un grand bonheur d’ouvrir sa table et de recevoir ses proches. Dès qu’un autre membre de la famille tuait le cochon, il invitait aussi « aux tripes » et la fête recommençait.

Je garde un merveilleux souvenir de ces repas de fête .Les rires, les embrassades, le bonheur d’être tout simplement ensemble. »