La Petite Gazette du 17 janvier 2001
LES TRAMWAYS VICINAUX EN OURTHE-AMBLEVE
Prochainement, du 15 avril au 21 août 2001, le Musée communal Ourthe-Amblève, de Comblain-au-Pont, consacrera une exposition sur ce thème. Y sera retracée l’histoire des lignes vicinales Clavier-Comblain-au-Pont, Manhay-Comblain-la-Tour et Trooz-Poulseur. Le Musée lance un appel à tous ceux qui pourraient aider, grâce à leurs documents (archives, photographies, journaux…) ou leurs souvenirs et anecdotes, à la réalisation de cette exposition. Les personnes qui voudraient répondre à cet appel sont invitées à se manifester au Musée afin d’envisager les modalités de la collaboration possible. J’ose espérer que le Musée réservera quelques-uns des clichés reçus et quelques anecdotes enregistrées pour les lecteurs de La Petite Gazette afin d’en faire profiter le public le plus large possible.
A propos de la ligne Trooz-Poulseur, Monsieur A. Forthomme, de Nonceveux, m’a transmis cette intéressante reproduction d’une ancienne carte postale montrant l’arrêt du vicinal à Louveigné. Il souhaite obtenir des informations sur cette ligne, j’imagine dès lors qu’il visitera attentivement l’exposition du Musée de Comblain-au-Pont, mais, en attendant, il pourra consulter avec intérêt le merveilleux ouvrage « Tramways au Pays de Liège » édité par le G.T.F ou compter sur la collaboration des lecteurs de La Petite Gazette.
Madame Ninie Dehossay, de Comblain-au-Pont, me parle, elle, de la ligne Comblain-au-Pont-Clavier :
« Notre tram, moderne à l’époque, fit son premier trajet Comblain-au-Pont-Clavier après la construction du pont en 1896. Il fut longtemps le centre d’attraction de notre village même si, à deux reprises, il allait semer la panique, suivant les cas parmi le personnel roulant ou la population.
Mon père, Jean Dehossay, fut « machiniste » dès la mise en fonction de la ligne. En 1898, il épousa ma mère et vint s’installer définitivement à Comblain. En 1911, un accident, que je vais vous détailler, aurait pu lui être fatal. Dans une carrière d’Anthisnes, il était occupé à accrocher au convoi des wagons de pierres pour les acheminer vers la gare de Comblain. Le maître de carrière vint le prier de bien vouloir ajouter deux wagons supplémentaires. Connaissant les limites de résistance de « sa mécanique », mon père lui opposa un non catégorique. C’était sans compter sur l’intervention du chef de train qui accéda au désir du maître carrier. En nette surcharge, le convoi ne put maîtriser sa vitesse malgré le sablage qui s’écoulait sur les rails, pour affermir l’adhérence en évitant, théoriquement, le patinage. Rien n’y fit ! En désespoir de cause, mon père cria au chauffeur : « Saute et descends le talus pour aller actionner l’aiguillage qui nous mènera sur la voie de détresse ! » Le chauffeur arriva à temps mais le convoi n’en pulvérisa pas moins les butoirs de secours pour venir percuter le mur à l’entrée du village. Le premier wagon s’encastra dans la locomotive jusqu’à la chaudière. Resté à son poste, le chauffeur n’aurait pu échapper à la mort. En lui intimant l’ordre de sauter pour aller actionner l’excentrique, papa lui sauva involontairement la vie. Mon père, le miraculé, en fut quitte pour la peur.
Dix ans plus tard, le même accident se produisit mais je ne puis préciser s’il s’agissait encore d’une surcharge ou d’une défaillance mécanique. Victor Paulus, qui lui aussi venait du Condroz, était machiniste (ou conducteur). Secoué par la course folle du convoi en perdition, il se fit éjecter de la locomotive. L’excentrique n’avait pu être actionné ; le chauffeur, qui lui aussi avait dévalé le talus, étant arrivé trop tard pour manœuvrer l’aiguillage de secours. Dépourvu de ses deux assistants, la locomotive, accélérée par le poids du convoi, traversa comme une balle la grand-place, le pont et alla emboutir des wagons en stationnement, tous freins serrés, deux cents mètres plus loin que le dépôt. Tout finit par une immobilisation complète des percutants et des percutés ! Victor Paulus fut grièvement blessé. Alphonse Dalem, le boulanger, le conduisit, avec sa charrette et son cheval, à l’hôpital d’Esneux. Détail navrant, Victor fut congédié sans la moindre solde pour avoir abandonné le convoi. Qu’en pouvait-il, le pauvre, éjecté contre sa propre volonté ? Il est vrai, qu’à l’époque, les syndicats étaient inexistants ! Heureusement la course folle du convoi ne fit aucune victime parmi la population, bien que ce mastodonte de fer et de pierres traversa le village à une vitesse infernale. »
La Petite Gazette du 24 janvier 2001
EN MARGE DE L’HISTOIRE DU VICINAL DANS NOS REGIONS
Monsieur Pierre Paulis, de Ferrières, est un passionné chercheur taquiné même par la découverte du plus petit détail lui permettant de mieux connaître l’histoire des lieux où il vit. Lui aussi fait appel à vous, voici l’objet de sa demande :
REPRODUCTION DE LA PUBLICITE DE L’HOTEL DE LA STATION
« Le tortillard reliant, à partir de 1912, Comblain-la-Tour à Manhay-Melreux a vu, le long de son parcours, s’ouvrir des restaurants, des cafés, des hôtels. Parmi ceux-ci, cet « Hôtel de la Station » à Ferrières. Il était, croit mon correspondant, l’arrêt de Lognoûle. Qui pourrait dire où s’élevait cet établissement. S’il fut construit pour profiter du passage du tram ou si c’était une maison transformée à cet effet ? Qui en étaient les tenanciers ? Où se trouvait le téléphone public ? Quand l’hôtel a-t-il fermé ses portes ? Assez tôt, semble-t-il, puisqu’il semble n’avoir laissé aucune trace dans la mémoire des Ferrusiens ! »
La Petite Gazette du 6 juin 2001
LES CHEMINS DE FER VICINAUX DE NOS REGIONS
En marge de la très intéressante exposition consacrée aux lignes vicinales de nos régions et visible au Musée communal de Comblain-au-pont, j’ai le plaisir de vous donner copie d’un lecteur passionné par le sujet. Je sais qu’il n’est pas le seul et que, parmi vous, certains possèdent d’extraordinaires collections de documents divers sur ces lignes vicinales de chez nous. Monsieur G. Dulion, d’Erezée, fait partie de ceux-là et il vous propose cette magnifique photographie de cette étonnante machine.
« Il s’agit d’une locomotive articulée, système Beyer – Garatt, qui, en fait, se compose de deux locomotives, tête-bêche, réunies par la chaudière qui, supportée par des pivots, alimente en vapeur les deux groupes moteurs. Le plan suivant permet de comprendre le principe de cet engin, très puissant, qui malgré sa longueur peut s’inscrire dans des courbes de très petit rayon. »
PLAN DE LA LOCOMOTIVE
« Je sais, poursuit M. Dulion, que seuls deux exemplaires de cette machines ont été construits, mais là se militent mes connaissances au sujet de cette étonnante machine. Un lecteur pourra-t-il m’apprendre d’autres choses ? Quand et où cette locomotive a-t-elle circulé ? Peut-on identifier le lieu où cette photographie a été prise ? Un grand merci à tous. »
La Petite Gazette du 27 juin 2001
LES CHEMINS DE FER VICINAUX DE NOS REGIONS
Monsieur Dulion, d’Erezée, vous lançait il y a quelques semaines un appel relatif à cette étonnante machine dont il nous présentait et la photo et le plan.
Monsieur Yves Albrek, dit Ducet, mais également MM. Michel Alexandre, de Ohey, Louis Mossay, de Neuville-en-Condroz, et Didier Libion, d’Andenne n’ont pas été longs à réagir et, très gentiment apportent de nombreux renseignements que j’ai rassemblés ci-dessous.
« Les locomotives du type 23, communément appelées « Garratt » furent construites en deux seuls exemplaires, dans les Ateliers Saint-Léonard, à Liège, en 1928 et 1929. Ce furent les deux dernières locomotives à vapeur commandées par la SNCV, elles portaient les numéros 850 et 851. La première fut présentée à l’Exposition Universelle de Liège en 1930. L’une fut affectée au dépôt d’Oreye et l’autre à Lanaken, elles circulaient sur les lignes Ans – St-Trond et Tongres – Maeseyck. Elles servirent également au trafic marchandise : dans le Limbourg, pour la pierre à chaux ; en Hesbaye liégeoise, pour les betteraves ; dans la vallée du Geer, pour la carrière de Boirs. Ces machines avaient un poids à vide de 49,7 tonnes et de 60 tonnes avec leur chargement d’eau et de charbon. Elles pouvaient remorquer des trains de 350 tonnes sur des rampes de 2% à 20Km/h
J’ai trouvé pratiquement le même cliché, précise M. Dulion, dans « Les Tramways au Pays de Liège », composé du même train et des mêmes personnages, mais pris d’un angle différent. C’était à Bassenge, sur la ligne Glons – Kanne – Maastricht. Par contre, le bâtiment en arrière-plan laisse supposer qu’il s’agit du dépôt de Lanaeken. En supposant que ces deux photos ont été prises le même jour, dont une à Bassenge, on peut en déduire qu’elles datent d’avant 1940. Les Garratt n’ont plus circulé à Bassenge après la seconde Guerre Mondiale et l’on constate que les phares ne sont pas munis du dispositif d’occultation de rigueur durant le conflit. Ces photos ont donc été prises entre 1930 et 1940. Les Garratt furent détruites en 1954. »
Monsieur Mossay ajoute que « Le prof. L. Wiener, spécialiste incontesté de la locomotive articulée, en donne quelques caractéristiques techniques à la page 627 de son ouvrage « Articulated Locomotives », Kalmbach Publ. Co (USA) 1930/1970. »
Monsieur Didier Libion a, lui aussi, mené des investigations jusque dans son grenier ! Il y a découvert la même photo, reproduite dans la revue d’entreprise de la SNCV, n°117, juillet-août 1965., avec les informations suivantes :
« (…) la photo ci-contre montre la Garratt au lieu-dit Lanaken Tourne-bride. Devant la machine, coiffé d’un chapeau de paille, le chef de service M. Masset. Assis sur le tender, à l’avant, M. Dreesen, devenu contrôleur il y a de nombreuses années et toujours en service. Sur la machine, le poing sur la hanche, le machiniste Vincke (N.D.L.R. le propriétaire de la photo originale) ; à droite, son chauffeur, M. Rummens ; il est probable que le chef de train était M. Stouten.
- Vincke nous a déclaré que, pendant la guerre 1940 – 45, il a fait de nombreux services de nuit entre Vroenhoven et St-Trond avec des chargements de betteraves, de craie ou de charbon. (…)
Le châssis supportant la chaudière de ces locomotives repose, par l’intermédiaire d’appuis articulés, sur deux trucks constitués chacun d’un ensemble moteur à deux cylindres entraînant trois essieux couplés. (…) La surface de la grille était de 2,07 m2. La surface de chauffe totale de la chaudière, qui est timbrée à 14 kg/cm2, atteint 103,62 m2. Dans cette dernière était comprise une surface de surchauffe de20,22 m2. La surchauffe se justifiait pleinement sur ces machines spécialisées pour la traction des trains lourds avec longs parcours. L’écartement des groupes d’essieux de chaque truck était de 2 mètres et l’écartement des essieux extrêmes de 10,560 mètres. La longueur totale de la machine était de 14,984 mètres. »
Un immense merci pour tous ces renseignements.
La Petite Gazette du 4 juillet 2001
DES LOUPS SUR LE RAIL, HIER…
La Petite Gazette a eu le plaisir de vous présenter, au fil des années, de magnifiques ou d’étonnantes photographies prises sur les lignes de chemin de fer de nos aïeux. Aujourd’hui, grâce à la complicité de Monsieur Edmond Leroy, de Nassogne, c’est d’une péripétie, impossible de nos jours, qu’il sera question. Mon correspondant a, en effet, ouvert sa documentation pour me permettre d’évoquer un extraordinaire fait-divers qui nous conduit en janvier 1867, sur une ligne ardennaise. (Réf. L’Echo du Luxembourg, journal d’Arlon, et « La Ligne du Luxembourg » édité en 1997 par le Club Ferroviaire Froidmont Locomotion de Rixensart.
« Le train n°67 composé de 9 wagons de minerai et de 3 wagons à claire-voie contenait des bœufs et des moutons plus un fourgon était parti à l’heure habituelle (train de nuit).
Déjà dans les environs de Marbehan , il avait éprouvé de grandes difficultés par suite de la neige qui recouvrait les rails.
Entre Libramont et Poix-Saint-Hubert, la neige était tellement forte qu’elle menaçait d’éteindre les feux. On dut s’arrêter et le garde-frein Schnoken fut dépêché vers Poix pour demander du secours. Les hommes du train et le douanier Dube étaient occupés à enlever la neige qui se trouvait sous la locomotive lorsqu’ils entendirent à quelques distances d’eux une sorte de rauquement sourd. Le doute n’était pas possible, c’étaient des loups attirés par l’odeur des moutons. Il y en avait 5 assis en demi-cercle et guettant. La conjecture était critique.
A part les tisonniers, les pelles, les assiégés n’avaient pas d’armes et ne pouvaient attendre du secours avant 3 heures au moins.
Que faire ? Le chauffeur ouvrit les jets de vapeur et le sifflet de la locomotive dans l’espoir d’effrayer les maudites bêtes ; on agite les lanternes dans tous les sens, rien n’y fait.
On décida donc de battre en retraite vers le fourgon. Les quatre hommes se glissaient le long du train suivis des loups.
Arrivés sans encombre au pied du fourgon, les trois premiers entraient dans le fourgon, le dernier était déjà sur le marchepied quand un des fauves s’élance sur lui et lui arrache un pan de sa capote.
C’était le signal de l’assaut
L’attaque est vigoureusement repoussée, un loup atteint à la tête d’un coup de tisonnier dégringole pour ne plus se relever ; la porte du fourgon roule sur ses gonds et les hommes sont à l’abri.
Pendant quelques minutes le silence le plus profond règne dans la campagne ; mais bientôt, il est rompu par les cris d’épouvante des bestiaux affolés par la terreur dans leurs wagons attaqués avec rage.
Cette scène épouvantable dura plus de deux heures et ne prit fin qu’à l’arrivée des 20 ouvriers que ramenait le garde-frein pour débloquer la voie.
Après une heure de travail, le train put reprendre sa marche, emportant le cadavre du carnassier. Ni les bœufs ni les moutons n’ont été atteints mais les claires-voies des wagons témoignent amplement des rudes attaques qu’elles ont eu à subir.
Il ne serait peut-être pas inutile d’armer dorénavant de carabines les hommes des trains de bestiaux qui doivent passer les Ardennes pendant les nuits d’hiver. »
Etonnant n’est-ce pas ? Personnellement, ce qui me rend le plus perplexe à la lecture de cet article de presse de 1867, c’est, tout simplement, son style… Ne dirait-on pas que celui qui rédigea ce compte rendu se trouvait lui-même sur les lieux ? C’est en tout cas la seule explication plausible à son style haché, sans la moindre recherche, à la ponctuation hésitante… c’est cela, il devait être là et la peur le tenaillait encore au moment de sa rédaction.
Quoi qu’il en soit, si la mémoire collective de votre famille a conservé des histoires de loups en nos contrées, c’est avec éminemment de plaisir que je les accueillerais. Merci de penser à les confier à La Petite Gazette.