La Petite Gazette du 24 janvier 2001
QUI SERA EN MESURE DE NOUS DIRE DE QUOI IL S’AGIT ?
Anne, de Comblain-au-Pont, a trouvé cette pièce quand elle était petite et, depuis, elle se pose des questions, quasiment sans réponse, à son sujet. Voici ce qu’il est
Ma correspondante nous apporte quelques précisions au sujet de sa découverte :
Elle serait en cuivre rouge (sans absolue certitude) et pèse 38 grammes.
Le côté face représente un saint tenant d’une main une croix et de l’autre un livre. A sa gauche, une colombe ; à sa droite, une coupe et un serpent.
Voici la transcription des inscriptions qu’il est possible d’y lire côté face :
SENTIA MVNIAMVR
EIVS IN OBITV NRO PRAE
CRUX S. PATRIS
BENEDICTI
- EX. S.M. CASINO
MDCCCLXXX
Et sur le côté pile :
PAX
V..R..S..N..S..M..V
S..M..Q..L..I..V..B
Sur la croix :
C S S M L
N D S M D
Aux côtés de la croix :
C S B P
Et ma correspondante d’en appeler à vous pour connaître l’histoire de cette pièce (N.D.L.R. Il me semble qu’il conviendrait, plutôt, de la désigner sous le nom de médaille). Tout ce que vous pourrez nous apprendre à ce sujet sera, bien sûr et comme d’habitude, le bienvenu !
La Petite Gazette du 14 février 2001
QUI IDENTIFIERA CETTE MEDAILLE ?
Telle était la question que, à l’initiative d’Anne, de Comblain, je vous posais il y a trois semaines déjà. Les réponses ont été extraordinairement nombreuses et admirablement documentées ; pour éviter les redites, je vais tenter de faire la synthèse de tous ces courriers reçus.
Toutes les lectrices et tous les lecteurs qui se sont manifestés sont d’accord sur l’identification de cette médaille et sur la signification des lettres initiales que l’on trouve à son revers. Il s’agit d’une médaille de saint Benoit, reproduisant le saint portant la règle des moines.
C.S.P.B. Crux Sancti Patris Benedicti (Croix du Saint Père Benoît)
C.S.S.M.L. Crux Sacra Sit Mihi Lux (Que la Croix sainte soit ma lumière)
N.D.S.M.S. Non Dacro Sit Mihi Dux (Que le démon ne soit pas mon chef)
V.R.S. Vade retro satana (arrière Satan)
N.S.M.V. Non Suada Mihi Vana (Ne me persuade pas de choses mauvaises)
M.Q.L. Sunt Mala Quae Libas (Ce que tu représentes est mauvais)
V.B. Ipse venera Bibas (Bois toi-même tes poisons) Vos différents courriers apportent bien entendu des renseignements complémentaires les distinguant les uns des autres ; c’est là bien sûr que réside l’intérêt de les comparer.
Monsieur l’Abbé J.-M. Bienvenu, de St-Séverin, nous signale que : « cette médaille est une médaille de la bonne mort. Saint Benoît est connu dans les dévotions populaires comme « patron de la bonne mort » parce que, ayant prié avec elle peu avant la mort de sa sœur Scholastique, il aurait vu monter au ciel l’âme de celle-ci. »
Monsieur le Baron Thierry de Villenfagne de Sorinnes m’a transmis une très intéressante documentation dans laquelle je lis notamment que « Parmi les nombreux moyens que l’Eglise emploie pour venir en aide aux moribonds, il y a le Crucifix de la Bonne Mort et la Médaille de Saint Benoît. Les Souverains Pontifes ont attaché à ces deux objets une indulgence plénière à l’article de la mort . (…) La Médaille de Saint Benoît est très ancienne. Sa popularité date surtout du XIe siècle à la suite de la guérison miraculeuse d’un jeune homme, nommé Bruno, qui se fit moine bénédictin et devint plus tard la saint pape Léon IX. »
Monsieur Dewez, d’Esneux, m’a également envoyé une intéresse documentation à ce sujet. « La Croix de saint benoît , depuis fort longtemps, est imprimée sur une médaille. Sa forme est presque celle de la Croix de l’Ordre sacré de Jérusalem ; en effet, les quatre bandes qui la composent sont terminées par une ligne courbe, qui va les élargissant jusqu’à l’extrémité. Elle est renfermée dans une ellipse, et laisse dans ses quatre espaces vides quatre triangles sphériques, dont deux côtés sont formés par deus lignes courbes de la croix, sur la bande de l’ellipse qui enferme le tout, sont gravées quelques lettres, mais les lettres mystérieuses (celles qui ont une vertu particulière contre le démon) se trouve seulement sur la Croix et sur l’ellipse). Ces dernières forment quelques oraisons jaculatoires, toute de religion et d’amour de Dieu, qui indiquent clairement que cette croix sert à chasser les tentations ou les maléfices du démon. »
Madame Renée Gilson, de Lierneux, nous dit que « cette médaille est efficace contre le mauvais esprit, qu’on peut la porter sur soi ou la placer au-dessus des portes pour être protégé du diable et de ses maléfices. Ses médailles sont vendues à St-Antoine (Harre – Manhay) où on peut les faire bénir sur demande. »
Madame Marie-Thérèse Voets, de Nadrin, rappelle que saint benoît est invoqué par les personnes qui rencontrent malchance sur malchance et qui croient que Satan ou d’autres personnes leur veulent du mal. »
La semaine prochaine, nous parcourons les autres courriers reçus et nous nous attacherons surtout à l’origine de cette médaille, l’abbaye de Mont Cassin en Italie.
La Petite Gazette du 21 février 2001
AU SUJET DE LA MEDAILLE DE SAINT-BENOIT
Je vous le disais la semaine passée, vous avez été très nombreux à vous manifester suite à la parution des dessins représentant l’avers et le revers de cette médaille ; je vais donc poursuivre la publication de la synthèse de toutes les indications que vous m’avez fait parvenir.
Madame Thirifays, d’Ochain qui me dit posséder une quarante de médailles identiques mais de facture plus récente rappelle en quelques mots qui était saint Benoît : «Il est né en Nurcie en 480 et il est le fondateur de l’ordre des bénédictins. Il se retira à Subiaco et fonda le monastère du Mont Cassin qui deviendra le berceau de tous les bénédictins. »
Madame Theate, de My, apporte également des précisions à ce sujet : « Saint benoît est né à Norcia (Ombrie) vers 480 et est mort au Mont Cassin le 21 mars 547. On le fête le 11 juillet. Paul VI l’a proclamé officiellement « patron de l’Europe » en 1964. La médaille, poursuit mon estimée correspondante, ne remonte pas jusqu’à lui. La première mention historique nous en est faite au XIe siècle seulement, à propos de la guérison miraculeuse de saint Brunon, plus tard moine et pape ; quant à première description précise, elle date de 1647 où une affaire de sorcellerie se heurta vivement à cette médaille. »
Monsieur Nicolas Meessen, d’Esneux, s’est penché sur l’histoire de cette médaille : « elle a été créée pour le Jubilé de saint Benoît en MDCCCLXXX (1880), 1400e anniversaire de la naissance, vers 480, de saint Benoît. La plus ancienne forme de cette médaille était ovale et un peu différente de celle qui nous a été présentée. Celle-ci vient du Mont Cassin, abbaye bénédictine. Mon correspondant précise en outre que c’est grâce à un manuscrit de 1415 découvert au couvent de Metten, en Bavière, qui a permis de comprendre la signification des lettres présentes sur cette médaille. » Pour illustrer son propos, M. Meessen vous propose de découvrir les clichés suivants :
« La première est assez simple et ne porte sur la face que l’inscription S. BENEDICTI et, au revers, ITALY et, en dessous, SMQLIVB. La deuxième ne porte pas l’inscription circulaire sur la face ni sur le verso ou du moins, on n’en voit que les extrémités, une lettre et demie à chaque quart. Au revers, on peut lire JHS au sommet, déformation courante de IHS et PAX au pied de la croix, ce qui montre bien que l’origine grecque des deux monogrammes de Jésus et Christ n’est plus respectée. Remarquez l’inversion colombe et coupe de poison brisée. La troisième ressemble davantage à celle d’Anne, de Comblain-au-Pont, mais avec le monogramme IHS au sommet de la croix. »
Monsieur Maurice Fanon, de Bomal, a lui aussi fait une recherche très minutieuse et très complète dont j’extrais ce qui est relatif à l’abbaye de Montécassino. « C’est et ce fut un conservatoire de piété, m’écrit-il, mais aussi d’art et de culture, un haut lieu mondial de civilisation. Aux XIe et XIIe siècles, l’abbayes fut un des plus brillants foyers spirituels de l’occident, un musée inégalé de l’art du moyen âge, mais il connut d’innombrables vicissitudes (destructions, reconstructions…) L’abbaye paya un tribut énorme en fin de guerre avec son anéantissement total. En quelques mots, Maurice Fanon nous raconte ce qui s’y est passé : La guerre n’en finit plus, l’affaire commence… le mont est un verrou sur la route de Rome, pression des alliés et « neutralité » du couvent – trésors universels à épargner, évacuation partielle, système allemand de défense. Le 15 février 1944 (il y a tout juste 65 ans), 142 forteresses volantes apparaissent provoquant les ruines. Le 17 mai, c’est le retrait allemand ; le 18, le drapeau polonais est hissé sur les décombres et, le lendemain, une messe est dite dans les ruines ! Le général Clark déclarera à ce propos : «Je dis que le bombardement de l’abbaye fut une faute… non seulement une faute dans le domaine de la propagande, mais aussi une erreur tactique qui retarda la victoire et augmenta nos pertes. » En 1960, le Mont Cassin était reconstruit et reprenait son œuvre civilisatrice. La paix se rétablissait et ces lieux virent le rassemblement des anciens combattants des 16 nations, des deux camps, qui furent mêlées à la bataille. Montécassino devenait synonyme de réconciliation. Ainsi, notre époque tendait la main par-dessus les haines et les siècles à celle où saint Benoît fonda la célèbre abbaye. »
Madame Maria Hertaux, de Marcouray, précise que cette « médaille clouée derrière la porte d’entrée préserve de tous les dangers. Saint benoît est également vénéré dans l’abbaye de Maredsous. »
Monsieur Georges Riollay, de Neupré, a consulté un ouvrage de spécialiste dû à la plume de Roger de Lafforest dont je retiens les éléments suivants : « De toutes les médailles connues, la plus puissante est celle de Saint-Benoît (…) Pour être active, cette médaille doit être bénite par un bénédiction ou un prêtre ayant reçu délégation et pouvoir d’un père abbé de l’ordre de Saint-Benoît. Les initiés prétendent que plus elle est grande plus elle est efficace. A mon avis, son diamètre n’a pas tellement d’importance, car j’ai constaté, dans des dizaines de cas, qu’elle avait été capable sous son plus petit format de remplir son rôle de protecteur. Evidemment l’idéal est de choisir le métal de la médaille en tenant compte des analogies astrologiques : le solarien devra préférer l’or, le lunarien l’argent, le vénusien le cuivre, le martien le fer, le saturnien le plomb, etc… mais ce n’est qu’un raffinement. »
L’abondance des courriers reçus à ce propos me conduira à revenir, la semaine prochaine encore, sur ce passionnant sujet au sein duquel se mêlent intimement histoire, sacré et folklore.
La Petite gazette du 28 février 2001
AU SUJET DE LA MEDAILLE DE SAINT BENOIT
Même si je suis habitué à recevoir de nombreux courriers chaque semaine, il n’est pas habituel d’en recevoir autant sur le même sujet. Loin d’être un reproche, c’est un bien agréable constat que je fais car vos envois contenaient de formidables documents et de précieux renseignements au sujet de cette médaille.
Monsieur Fernand Hotia, de Tinlot, m’a adressé le dessin qu’il fait de cette pièce découverte par son fils, Philippe, dans un bois. Cette pièce est bien conservée, elle est faite dans un alliage de bronze et de cuivre ; elle présente de nombreuses similitudes, notamment dans les inscriptions qu’elle porte, avec celle présentée par Anne, de Comblain.
Madame Theate, de My, apporte des informations intéressantes sur les symboles présents sur la médaille que nous étudions avec soin : « Aux côtés de saint Benoît, on peut voir un corbeau (et non pas une colombe comme on pourrait le supposer) et une coupe et un serpent. Ces deux représentations accompagnent généralement l’effigie de saint Benoît car elles illustrent deux passages connus de sa vie. Saint Benoît vécut trois ans, en ermite, dans une grotte près de Subiaco (Latium), mais un corbeau venait chaque jour le déranger en faisant un tel bruit qu’il était devenu impossible au saint de prier. La coupe illustre un autre épisode de la vie du saint ; celui-ci quitta sa grotte pendant un court intermède afin de diriger le monastère de Vicovro, dont les moines l’avaient supplié d’être leur abbé. Ils le trouvèrent bientôt trop sévère et versèrent du poison (probablement du venin de serpent) dans son vin. Avant de boire, saint Benoît fit le signe de croix au dessus du verre qui se brisa aussitôt et le saint fondateur put ainsi regagner sa retraite en bonne santé. »
Mme Joris, de Samrée, signale que « saint Benoît est invoqué contre les maléfices du démon, contre les incendies et pour que les voleurs soient écartés. » Elle explique ensuite les symboles présents sur cette médaille : « Saint Benoît instruit ses disciples, tenant un livre dans sa main. L’oiseau répond au nom de merula (merle), oiseau de Satan. Ainsi saint Benoît fit le signe de croix, car il était possédé du démon. La coupe : son gouverneur était très austère et pour se débarrasser du maître, ils empoisonnèrent son vin. Avant de le boire saint benoît bénit la coupe qui se brisa. Le serpent : saint benoît se roula sur un buisson hérissé d’épines ; le buisson se changea en rosier et les roses portent des petits serpents comme des gouttes de sang. Tout ceci se rapporte au maléfice du démon.
Monsieur le Rd Huart, de Govet signale que cette médaille était, autrefois, un signe distinctif donné aux oblats et religieux.
Un correspondant anonyme précise qu’il existe dans le Limbourg, à Herstappe, un pèlerinage organisé annuellement en l’honneur de saint Benoît, que l’on invoque pour guérir du zona.
Monsieur Jules Trussart, de Champion, a, lui aussi ouvert sa documentation pour compléter notre information au sujet de cette médaille. Il a extrait cette prière d’un ouvrage de l’abbé Julio, Prières merveilleuses pour la guérison de toutes les maladies physiques et morales, (reproduction de l’édition de 1896) La diffusion scientifique, Paris, s.d.
« O Croix du saint Père Benoît, O Croix sainte, sois ma lumière, Que le dragon ne soit mon chef : Retire-toi bien loin, Satan ! Jamais ne me conseille aucune vanité : le breuvage que tu nous verses, c’est le Mal ; Bois toi-même tous tes poisons. Vive jésus ! » Mon correspondant a joint à son envoi ce petit document attestant de l’inscription, en 1943, d’une demoiselle en qualité de membre de l’Association Saint-Benoît, de l’Abbaye de la Cambre à bruxelles.
Monsieur Georges Japsenne, de Chênée, nous apporte également des informations originales sur cette médaille : « Cette médaille n’est pas un talisman ou un grigri tout comme la médaille miraculeuse proposée par la très Sainte vierge Marie, en 1830, à la rue du bac à Paris, à Catherine Labouré. Ces médailles doivent être bénites par un prêtre et portée avec foi ou mises dans la maison pour la protéger. C’est courant de la porter au cou avec une petite chaîne. Il y a encore plusieurs abbayes bénédictines en Belgique : Maredsous et, plus près de chez nous, entre Stavelot et Malmédy, à Wavreumont. Signalons également Clervaux, au Grand Duché de Luxembourg. »
Monsieur Clément Seffer, de Waimes, apporte quelques précisions quant à l’origine de cette médaille : « L’origine de cette médaille est assez mystérieuse : on a découvert un manuscrit du XIVe siècle orné d’une gravure montrant une femme qui représente la figure du monde pécheur, elle offre à un moine une coupe empoisonnée, celui-ci symbolise la religion, il brandit une croix pour se défendre contre la tentation, et, en guise d’explication, nous retrouvons les textes repris sur la médaille. La première médaille telle que représentée aurait été frappée en 1647. »
Je tiens également à remercier toutes celles et tous ceux qui ont répondu à l’appel lancé par Anne, de Comblain, et notamment M. Léon Thomas, de Bouillon, M. Gilles Van Den Branden, de Xhignesse, M. Franz G. Carlier, d’Andoumont, M. ou Mme N. Dupont, de Sprimont .