La Petite Gazette du 16 novembre 2011
QUAND LE TRAM DEVAIT PASSER A SOMME-LEUZE
Monsieur Jean-Luc Fourneau, d’Ohey, rappelle un projet d’établissement de ligne vicinale puis fait appel à vous, à votre connaissance de la région, pour recenser les vestiges de cette entreprise avortée.
« Il y a 100 ans maintenant, il a existé un projet qui prenait forme et qui visait à l’installation d’une ligne de tram passant à Somme-Leuze. Le projet a été abandonné à cause de la Première Guerre Mondiale. Cependant, il en reste des vestiges mais il faut connaitre la région pour les localiser et les découvrir. Serait-il possible de rassembler, grâce à La Petite Gazette, les localisations de ces vestiges et toutes les informations disponibles sur ce projet ?
Un grand merci à tout qui pourra contribuer à l’inventaire des renseignements et traces de ce projet. »
La Petite Gazette du 14 décembre 2011
LE TRAM DEVAIT PASSER A SOMME-LEUZE…
Monsieur Michel Prégaldien, de Beaufays, pour répondre à M. Jean-Luc Fourneau, d’Ohey, m’a fait parvenir une passionnante étude sur ce projet de ligne vicinale qui devait passer par Somme-Leuze.
« Il faut d’abord rappeler brièvement que dans cette région, aux confins des provinces de Liège, de Namur et du Luxembourg, la première ligne créée par la S.N.C.V. reliait Melreux à La Roche et que le tronçon entre la gare de Melreux et Hotton fut ouvert au trafic dès le 9 octobre 1886.
Le 20 janvier 1890, c’est une ligne de 25,3 Km entre le Val Saint-Lambert et Clavier qui est mise en service, suivie, le 1er octobre 1894 par la section Clavier – Ouffet et d’une relation qui aboutira à Comblain-au-Pont deux ans plus tard.
Autorail du service voyageur manoeuvrant en gare de Clavier qui aurait pu devenir un nœud vicinal important…
Un échange de courrier, daté de septembre 1902, entre la S.N.C.V. et le Gouverneur de la Province de Liège, évoque l’utilité d’établir une jonction entre ces différentes lignes grâce à une liaison Clavier – Melreux, passant par Somme-Leuze.
Le 15 mars 1903, c’est la section Marloie-Marche, d’une ligne en provenance de Bastogne, qui est livrée à l’exploitation. Dès lors, le projet qui nous intéresse est complété par l’adjonction d’un embranchement vers Marche.
Afin de mieux comprendre la situation, voici ci-dessous, une carte de la région où figurent : en trait plein, les lignes vicinales à écartement métrique effectivement construites ;en trait interrompu, les lignes en projet dont question dans mon intervention.
Le 22 juin de la même année, le Gouvernement accorde la prise en considération provisoire du projet de la ligne Clavier – Melreux avec embranchement vers Marche.
Le capital nécessaire à la construction, répertorié sous le numéro 192, s’élève à un montant de 2.800.000 francs, pour une longueur de ligne de 46,5 Km. Initialement, l’embranchement vers Marche devait se détacher de la ligne principale à Noiseux, mais les communes intéressées préconisèrent plutôt une jonction située à Somme-Leuze. C’est donc ce dernier tracé, plus long de 2 kilomètres, qui est adopté pour un capital évalué à 3.056.000 francs. » A suivre…
La Petite Gazette du 21 décembre 2011
LE TRAM DEVAIT PASSER A SOMME-LEUZE…
Monsieur Michel Prégaldien, de Beaufays, pour répondre à M. Jean-Luc Fourneau, d’Ohey, m’a fait parvenir une passionnante étude sur ce projet de ligne vicinale qui devait passer par Somme-Leuze, je vous propose d’en découvrir la suite :
« En 1907, la S.N.C.V. rédige un mémoire descriptif dont je vous livre un extrait décrivant le parcours suivi :
« La ligne, projetée à l’écartement de 1m. entre rails, prendra son origine à la station de Clavier, empruntera la voie de la ligne de Clavier à Comblain-au-Pont jusqu’à proximité de la station de Petit-Brin et se dirigera ensuite vers Bois-Borsu en empruntant d’abord un accotement de la route de Liège à Marche, puis en s’établissant sur le siège spécial pour passer au nord de Borsu ; elle suivra en élargissement la route de Bois à Borsu, desservira l’agglomération de Borsu et d’Odet et se développera sur siège spécial pour passer entre les villages de Maffe et de Méan et atteindra la route de Havelange au Gros-Chêne, vers la 28e borne kilométrique. Après avoir traversé cette route, la ligne se dirigera (toujours en partie indépendante) vers Somme-Leuze où elle traversera la route de Liège à Marche ; elle atteindra la route de Barvaux près du moulin de Petite-Somme, et la longera ou l’empruntera jusqu’à proximité de Petit-Han ; elle longera cette agglomération sur siège spécial et reprendra ensuite la route de Barvaux près de la bifurcation de cette route avec celle de Laroche ; elle la suivra jusque Montenville où elle s’en détachera pour franchir la vallée, puis l’Ourthe sur un pont à construire en amont de Deulin ; elle passera à Fronville et Monville (tantôt en empruntant la route de Melreux, tantôt sur siège spécial) et atteindra la station vicinale de Melreux de la ligne Melreux à Laroche.
L’embranchement se détachera de la ligne principale à Somme-Leuze, se développera sur siège spécial en passant à proximité de Moressée et Heure où il empruntera la route de Feschaux à Barvaux jusqu’à proximité de Baillonville.
Il se dirigera ensuite vers Rabosée puis rejoindra la route de Marche à Liège, non loin de la 14e borne kilométrique. Il s’établira ensuite sur cette route jusqu’à Marche et aboutira à la station vicinale (ligne de Marche – Bastogne – Martelange). »
L’autorail-tracteur (ART. 155) destiné à la remarque des convois de marchandises. (En arrière-plan, vestiges du pignon du dépôt vicinal de Clavier, ravagé par un incendie en 1952)
Par l’arrêté royal du 4 novembre 1913, les vicinaux reçoivent la concession de la ligne et les travaux sont entamés entre 1916 et 1917. Les terrassements et les maçonneries des ouvrages d’art sont exécutés sur les sections Petit-Brin à Maffe, Somme-Leuze à Baillonville et Petit-Han à Deulin.
La construction est ensuite interrompue et, après la guerre, la S.N.C.V. ayant pour mission prioritaire de restaurer ses installations et ses voies démontées par l’occupant, ne pourra plus se préoccuper d’établir de nouvelles lignes.
En 1932, le projet est relancé mais, à cause du renchérissement des coûts liés à la construction, la S.N.C.V. propose de se limiter, en premier lieu, à l’achèvement des travaux entamés sur les sections Clavier – Maffe et Baillonville – Marche. Le capital complémentaire à ces réalisations se monte alors à 6.758.000 francs. L’Etat et la commune de Bois-Borsu refusant la souscription de leur quote-part à l’augmentation de capital, les vicinaux abandonnent leur projet.
Comme les lignes du Condroz étaient isolées du reste du réseau vicinal,le transfert de matériel se faisait par la route. Un autorail est ici chargé sur une remorque routière appartenant à la S.N.C.V.
En août 1941, Monsieur Renard, Bourgmestre de Lavacherie, appuyé par la Conférence des Bourgmestre du Grand Liège, entreprend des démarches en vue de la reprise du projet dans le but d’assurer, en ces temps de guerre, le ravitaillement de l’agglomération liégeoise en pommes de terre en provenance du Luxembourg. Cette intervention restera, elle aussi, infructueuse.
Après la Seconde Guerre Mondiale, le service des Ponts et Chaussées avait aménagé une zone portuaire entre le Val Saint-Lambert et Ivoz.
En 1952, afin de rentabiliser au mieux ces équipements, le port Autonome de Liège projette de construire une voie de raccordement entre ce port et la ligne vicinale aboutissant au Val Saint-Lambert. Il préconise également l’achèvement de la jonction Clavier-Marche afin de pouvoir acheminer les marchandises depuis le Luxembourg et les transférer à la voie d’eau à Ivoz. Malheureusement, cette initiative est trop tardive. Le transport routier est en pleine expansion alors que les lignes vicinales sont en déclin et sont fermées les unes après les autres. Le trafic sur les lignes Val Saint-Lambert – Clavier et Marche – Bastogne cessera définitivement avant la fin des années cinquante. »
Un tout grand merci pour cette passionnante et si précise enquête.