La Petite Gazette du 7 janvier 2015
POUR TRAVERSER L’OURTHE SOUS LE REGIME HOLLANDAIS : LES GUÉS
Monsieur René Gabriel, de Roanne-Coo, est, vous le savez, un infatigable chercheur. Il aime à étudier les archives et à en extraire tout ce qui permet de mieux comprendre notre passé régional. Des archives des Ponts et Chaussées, il a extrait cet intéressant document faisant l’inventaire des gués sur l’Ourthe de Barvaux à Angleur. Il se demande cependant ce qui motiva la rédaction de ce document faisant manifestement réponse à une étude relative à un autre projet (Vous remarquerez que cet employé, au vu de la façon qu’il les écrit, ne connaissait sans doute pas très bien les lieux dont il parlait). Pourrez-vous éclairer M. Gabriel à propos de ce document ? En outre, ces anciens gués évoquent-ils pour vous des souvenirs particuliers ? Possédez-vous des informations les concernant ? Il serait vraiment intéressant de pouvoir se pencher sur les moyens de communication de jadis dans nos contrées…
« Renseignements demandés sur la position et l’importance des gués se trouvant dans les 2, 3 et 4 e lots.
1-. Gué du Grand Barvaux. Laisse la maison de M. Colin à droite, traverse la queue de l’île, forme une ligne oblique au courant de l’Ourthe, traverse le courant du moulin en aval, sert à la communication des Ardennes avec le Condroz passant par les villages de Tohogne et Wéris. Communication qu’on propose de conserver au moyen de pont fixe sur les ouvrages nr 30. Ce serait sur l’écluse et le barrage nr 30 qu’on proposerait un pont pour voiture destiné à conserver cette communication importante.
2-. Gué 700 a (aune : ancienne mesure de longueur représentant autrefois 1 m20, supprimée en 1840.) aval du précédent contre une batte appartenant à M. Colin au lieu-dit Habinet, forme une ligne brisée et oblique au courant. Communication à l’usage des habitants de Barvaux pour l’exploitation des prairies et de la culture.
3-. Gué 400 aunes en aval barrage nr 29, forme une ligne oblique au courant. Communication de Barvaux à Bomal. Le chemin se trouvera coupé par la dérivation de l’écluse nr 29. Cette communication étant indispensable surtout pour l’entrée dans Barvaux des produits de la culture situés sur la rive droite de l’Ourthe entre Bomal et l’écluse nr 29. On propose la maintenir au moyen d’un pont sur les ouvrages nr 29.
4-. Gué situé à Bomal 100 aunes en aval du barrage nr 28. Oblique au courant, sert de communication du Condroz avec Spa et Malmedy par Tohogne et Wéris, les chemins y arrivent presque en ligne directe. Communication à conserver aussi au moyen des ponts sur les ouvrages nr 28.
5-. Gué en dessous de la ferme de Petite Bomal, amont de l’écluse nr 27 servant à l’exploitation des terrains de cette ferme qui se trouvent sur la rive gauche. Ce gué est sur une ligne oblique au courant.
6-. Gué en dessous du ruisseau de Logne, 500 aunes amont de l’écluse nr 25, est oblique au courant, le chemin pour y arriver venant de Verlenne (sic) fait beaucoup de détours. Ce qui sert de communication de ce dernier endroit avec Vieux Ville.
7-. Gué 400 aunes aval de Sy et 400 aunes en amont du barrage nr 24, forme une ligne brisée au courant. Communication de Verlenne à Filot. Ce chemin est vicinal et forme des détours pour arriver au gué.
8-. Gué en amont et près l’écluse nr 23, il est d’équerre au courant. Ce chemin servant de communication de Hamoir Lassue avec Verlenne, Durbuy, Tohogne et le Condroz fait plusieurs détours à cause des montagnes. Un pont pour voitures sur les ouvrages nr 24 serait peut-être suffisant pour remplacer le gué et les précédents.
9-. Gué à Hamoir Lassue en face du château de M. Doneat servant à l’exploitation de la ferme de ce château, le gué est oblique au courant.
10-. Gué à Hamoir en aval du pont et 1200 aunes aval de l’écluse nr 22 est oblique à la rivière. Le chemin passant par ce gué sert de communication des Ardennes avec le Condroz passant par les communes de Filot et Ouffet. L’ancien pont indique suffisamment l’importance de cette communication qu’on pourrait rétablir commodément sur les ouvrages nr 22 ou mieux nr 21. Les ponts nouveaux , serviraient aussi, malgré l’allongement du chemin, à l’exploitation des fermes de Tabreux et de Renne.
11-. Gué vis à vis de la ferme de Tabreux, 800 aunes en aval de l’écluse nr 21, est oblique à la rivière, sert à l’exploitation des prairies de la ferme de Tabreux, se dirige vers Ouffet dont on amène les produits sur la rive gauche.
12-. Gué à 300 aunes en aval de l’écluse nr 20, 10 aunes en amont de l’île près Fairon, est oblique au courant, sert de communication de Fairon à Hamoir et Xinies (sic). Serait remplacé part les ponts à établir sur les ouvrages nr 21.
13-. Gué à Comblain la Tour près du passage d’eau, est oblique à la rivière. Le passage est facile en été, sert de communication vicinale de Ouffet à Xhoris.
14-. Gué à Comblain au Pont. Communication d’Antine (sic) à Oneux et Beaufays. Ce gué est oblique à la rivière. Sur les ouvrages nr 17 pourrait être rétablie l’ancienne communication du Condroz avec Spa et par conséquent celle de Comblain avec Oneux et villages voisins, réclamé par les habitants des deux rives.
15-. Gué de Douflamme passant sur les deux îles de l’embouchure de l’Aiwaille (sic) (l’Amblève) et de là va traverser l’Ourthe en amont du pont. Sert de communication de Beaufays avec le Condroz par Comblain au Pont.
16-. Gué à la Gombe, 900 aunes en aval de l’écluse nr 13, il est oblique à la rivière. Communication de Beaufays avec le Condroz passant par le village du Sart. Il est avantageusement remplacé par les ponts à exécuter sur l’écluse nr 13 qui servira de communication d’Esneux avec Poulseur et le Condroz.
17-. Gué à Esneux en face du village en amont de l’île, forme une ligne oblique à la rivière. Chemin de Beaufays avec le Condroz, est peu commode et ne sert que pour les riverains.
18-. Gué, 1200 aunes en aval de l’écluse nr 10 à côté de la maison de M. Damery. Ce gué est fort difficile et forme une ligne brisée. Communication de Hon (?) à Plainevaux. C’est par les ouvrages nr 11 et préférablement par les ouvrages nr 10 qu’on croit qu’il conviendrait d’établir les communications réclamées par les habitants d’Esneux et villages voisins.
19-. Gué en amont de Fechereux, 200 aunes en amont du nr 9, forme une ligne brisée et est très difficile. Communication d’Esneux à Fechereux, impossible actuellement.
20-. Gué à 100 aunes du nr 8, est oblique à la rivière et difficile, sert à la communication de Hony à Esneux.
21-. Gué à 500 aunes du nr 6, forme une oblique. Communication vicinale et Tilff à Angleur, ce gué est peu pratiqué.
Près de la borne (68) Les ponts qu’on devrait proposer sur l’écluse et les barrages nr 6 à Tilff font l’objet d’une proposition spéciale conformément à la lettre de l’administration du 15 août 1829 pour assurer les communications par voiture depuis Barvaux jusqu’à Tilff. On propose la construction de grands ponts, compris celui sur les ouvrages nr 136 à Poulseur. Ces ponts pourraient changer de numéro selon les arrangements que voudraient ou pourraient prendre les communes les plus intéressées et les plus riches. Ces arrangements pourraient consister en un péage qu’elle percevraient à leur profit. Lorsqu’elles auraient fait le tout ou au moins grande partie de la dépense de construction première ou d’une rétribution à consentir par elles sur chaque passant. Lorsque l’administration aurait supporté les frais d’établissement il serait prudent de stipuler aussi dans les deux cas à laquelle des deux parties resterait l’entretien des communications.
Je crois que plusieurs communes convenablement avisées entreraient facilement en négociation pour l’exécution d’ouvrages qui leur procureraient tant d’avantages pour l’avenir.
Comblain au Pont le 27 août 1829. »
La Petite Gazette du 21 janvier 2015
LES GUÉS SUR L’OURTHE
Le document présenté par Monsieur René Gabriel vous a fait réagir… C’est tant mieux et j’espère que vous n’en resterez pas là…
Monsieur Robert Gillon, de Tilff, a lu attentivement ce document et nous fait part de ses remarques :
« A propos des passages à gué, je crois reconnaitre le village de Hon que vous indiquez d’un point d’interrogation. Il s’agit probablement de Ham, village classé du site de la boucle de l’Ourthe, entre Esneux et Hony. La rivière décrit un oméga à cet endroit, sur la rive droite. En face, c’est la Roche aux Faucons, alors commune de Plainevaux. Je ne vois pas de gué à cet endroit… »
Monsieur Jean-Francois Gerardy, d’Houffalize, s’est également penché sur la question et rappelle :
« A la fin de l’époque hollandaise, Guillaume d’Orange avait pour objectif de développer notre Ardenne qui était la région la plus pauvre de son royaume. Pour ce faire, un projet d’envergure était envisagé : relier La Meuse et la Moselle. Ce nouveau cours d’eau navigable devait développer l’économie dans notre verte province.
Pour ce faire, il comptait se servir du bassin de L’Ourthe. Pour arriver à rendre l’Ourthe navigable, il était nécessaire de modifier fortement la géométrie du cours d’eau naturel. Un nombre conséquent d’écluses étaient prévues. Cela allait modifier les traversées du cours d’eau, donc les gués. Des ponts allaient devoir être construits, il était donc nécessaire de les définir et le premier travail était de quantifier l’importance de chaque gué de l’Ourthe et sa transformation future, si nécessaire, en pont.
La difficulté technique de ce projet consistait à relier les deux bassins hydrographiques, celui de La Meuse et celui de La Moselle. La ligne de séparation de ces bassins se situe à proximité du village de Buret dans la commune d’Houffalize, à proximité de la frontière du Grand-Duché de Luxembourg. A cet endroit, des vestiges de cet ouvrage d’art subsistent : le début d’un tracé d’un canal, le canal de Buret à Bernistap. Il s’agit d’un canal d’une longueur d’environ 1 km en pleine campagne. A une extrémité de ce canal, on peut encore apercevoir la voute d’un tunnel qui devait permettre aux bateaux de passer sous la ligne de séparation des bassins hydrographiques. Dans le village de Buret, les ouvriers étaient logés au lieu dit – Les baraquements – tandis que les ingénieurs séjournaient à quelques kilomètres de là, au château de Tavigny.
La révolution belge a éclaté et le projet fut arrêté. Après la révolution, l’essor du chemin de fer sonna le glas de ce projet qui fut abandonné. »
La Petite Gazette du 28 janvier 2015
ENCORE LES GUÉS SUR L’OURTHE
Monsieur René Gabriel, de Roanne, qui m’avait donné l’occasion de vous présenter cet étonnant recensement des gués sur l’Ourthe en 1829, nous apporte une précision :
« Je retrouve d’autres notes: Ponts et Chaussées farde 4450. Réclamation de la commune de Comblain-au-Pont.
Liège le 4 août 1865. Comblain au Pont réclame suite à la suppression de trois gués par suite du canal de l’Ourthe et du chemin de fer en voie d’exécution dans cette vallée.
Le premier en aval du passage d’eau de Liotte sur l’Emblève, les 2 et 3 situés sur l’Ourthe respectivement en amont du pont de Scay (aval de Comblain au pont) et à Lawé en dessus de ce village. Le gué de Liotte a été supprimé en 1859 par la construction du barrage de Douxflamme qui a surélevé le niveau de l’Amblève de 0,80 m en ce point.
Il serait préférable d’adjoindre au passage d’eau de Douxflamme un bac pour voitures. La fourniture de ce bac incombe à la Compagnie du Luxembourg chargée de pourvoir au rétablissement des communications supprimées par ses travaux.
Le gué au pont de Scay devient inutile suite à la construction prochaine de la route d’Aywaille à Douxflamme.
Pour le gué de Lawé la Compagnie du Luxembourg est tenue à l’entretenir suite aux termes du cahier des charges relatif à la concession du chemin de fer. »
La Petite Gazette du 4 février 2015
LES GUÉS DE HAM ENTRE HONY ET ESNEUX
C’est un réel plaisir pour moi de constater comme vous suivez attentivement les sujets traités dans cette page et comment vous manifestez votre intérêt au travers de vos communications.
Ainsi, Madame Nicole Dodeur complète les informations publiées jusqu’à ce jour à propos de l’existence ancienne de ces gués sur l’Ourthe :
« Il y avait deux gués menant à Ham dans la boucle de l’Ourthe. On ne les distingue plus maintenant. Ils sont en pointillés sur la carte faite lors du recensement des chemins pour la confection du livret « Grand Site de la Boucle de l’Ourthe » (2011 ?)
1) gué d’amont situé + ou – 1 km après la Roche aux faucons. Dans le prolongement, plus en amont le long du chemin de halage, il y avait le chemin du gué d’amont CV51 arrivant au bout du village de Ham.
Celui-ci se prolongeait sur la rive gauche par le chemin menant à Avister : actuellement rue du gué d’amont puis chéra de Fêchereux très encaissé.
2) gué d’aval situé en face du hameau de Fêchereux. Dans le prolongement, en aval, il y avait le chemin de halage puis le chemin du gué d’aval CV51 commençant à Lhonneux et arrivant aussi au bout du village de Ham. »
Merci pour ces précisions qui permettent de bien visualiser les lieux.
La Petite Gazette du 18 février 2015
TOUJOURS A PROPOS DES GUÉS SUR L’OURTHE
C’est au tour de Monsieur Jean Ninane, d’Esneux, de partager ses connaissances sur ce sujet qui, manifestement, vous passionne :
« Oui, il y eut des gués, très anciens, à proximité de Ham.
Autrefois, Il n’y avait aucun pont, ni à Esneux, ni à Hony, ni à Méry. Aucune canalisation de l’Ourthe n’existait. Aucune route n’unissait Esneux à Liège par la vallée. Seules les betchètes
permettaient un voyage direct.
Les charrettes et autres véhicules attelés devaient gagner les hauteurs pour rejoindre
un accès à Liège. C’est ainsi que ces attelages se rendaient à Ham (rive droite de l’Ourthe) pour rejoindre par des chemins encore plus ou moins accessibles le hameau de Féchereux situé sur la rive gauche.
On devrait plutôt parler des gués de Féchereux. Là nous avions un double gué. Un chemin menait de Ham au gué d’Amont et un autre au gué d’Aval. De Féchereux deux chemins encore accessibles menaient à Nomont, Famelette… C’est attesté car, à Féchereux, existe encore la « rue Gué d’Amont ».
Ces gués sont-ils encore utilisables, décelables ? On a construit en aval pour favoriser l’accès au canal de l’Ourthe, un barrage imposant à Lhonneux. La hauteur d’eau a augmenté au-dessus des gués. M. André Nelissen(+) (déjà cité dans la découverte des tombes de Crèvecoeur) a publié un article « les gués de Fechereux » dans le bulletin du Vieux Liège n° 144 (T IV) de janvier mars 1964. »
Le sujet intéresse également Madame Céline Bayer, d’Esneux :
Il y avait également un gué à Hony, il se trouvait un peu plus bas que le pont, à la hauteur du « Chemin des Cloutiers » et de l’autre côté « du Trou Lina« . Ces deux chemins existent toujours.
D’ailleurs, au début du siècle dernier, le pont était là, mais le fermier qui avait son champ le long de l’eau passait par le gué quand l’eau était basse, et jusqu’au dragage de l’Ourthe il y a une 50 d’année on pouvait encore y passer
Voici ce que les anciens m’ont raconté et que j’ai connu pour le passage à pied quand l’été était très sec. »
La Petite Gazette du 4 mars 2015
TOUJOURS CES GUÉS SUR L’OURTHE
Monsieur Maurice Demoulin s’est lui aussi investi dans cette recherche et il a patiemment étudié la magnifique carte des Pays-Bas Autrichiens établie par le comte de Ferraris entre 1770 à 1778.
« Si nous parlions encore un peu des gués sur l’Ourthe.
Sur une carte de 1777, j’ai retrouvé des informations qui concernent ces passages d’eau de l’Ourthe (Ourt) sur la carte.
On peut y voir un gué entre Esneux et Amostrenne, vers le château d’Esneux (différent du château du Rond Chêne).
La carte ne représente pas de gué du côté de Ham (Han sur la carte), mais un chemin aboutit sur la berge de l’Ourthe face à Beauregard (ferme de Lonneux)
Sur la rive droite de l’Ourthe, dans la boucle, plusieurs chemins mènent à Ham : comme Monsieur Ninane le précise dans l’article paru dans La Petite Gazette du 20 février, il doit y avoir eu un ou des gués en cet endroit pour passer sur la rive gauche en direction de Plainevaux.
Un chemin venant de Hayen, Hotgné (Hoteigné sur la carte) et le château d’Avionpuits arrive au village de Méry, rive droite, face au château de Monceau. Il serait surprenant qu’un passage n’ait pas existé à cet endroit, surtout que l’île (un peu en amont du pont actuel) devait faciliter la traversée. N’oublions pas, non plus, que les armées de la toute jeune République française ont traversé l’Ourthe à cet endroit lors de la bataille de Hamay.
A Hony, rive gauche, deux chemins arrivent sur la berge sans autre issue : peut être aussi un passage à cet endroit.
La carte représente également des gués du côté de Poulseur et Comblain.
Je suis persuadé qu’il existait un gué à Chanxhe à l’endroit de la «maison du passeur » où j’ai habité début de la guerre 40/45. Ce passage correspond à un chemin reliant Chanxhe à Mont–Comblain et que j’ai souvent emprunté. Ajoutons que le canal de l’Ourthe avait prévu une jonction vers cet endroit et que la SNCB y avait aménagé un passage à niveau, d’où…
C’est aussi à cet endroit que l’armée allemande avait construit un pont après que l’ancien a sauté.
Pour les amateurs, la carte ancienne de la Belgique se trouve sur le site « http://www.ngi.be/ferraris KBR/index».